Pierre-François Drais, orfèvre-bijoutier du roi

Une tabatière sera prochainement présentée en ventes aux enchères, le 4 mai prochain, par la maison de vente Sotheby's Londres.

L'occasion de présenter le travail de l'orfèvre Pierre-François Drais, "bijoutier du roi", qui a notamment réalisé quelques pièces pour Marie-Antoinette.


A jewelled two-colour gold and enamel portrait snuff box
Pierre-François Drais, Paris, 1777
circular, the lid set with a portrait miniature of a lady in a purple dress with plumes in her powdered hair, framed by rose-cut diamonds, the sides and base enamelled in translucent blue  over a concentric reeded engine-turned ground, the borders chased in two-colour with acanthus, oves and laurel garlands, maker's mark, Paris date letter, charge and discharge of J.B. Fouache, with gold shagreen case.
5.1cm., 2in diameter



PROVENANCE
The interior with early 20th century card painted with a flower and inscribed : 'This Box with a portrait of Marie Antoinette was presented by Her to her friend'

* Source : http://www.sothebys.com/en/auctions/ecatalogue/2017/from-earth-to-fire-l17301/lot.40.html


L'auteur du portrait n'est pas signalé. Il n'est pas d'une grande finesse, mais je pencherai bien volontiers, en effet, pour un portrait de la jeune Marie-Antoinette...



Mais passons...

Qui était Pierre-François Drais ?

L'auteur de ce blog, Bijoux et pierres précieuses, consacré à l'histoire de la joaillerie, nous en dit un peu plus.
Je cite quelques extraits :

Sous les règnes de Louis XV et Louis XVI, les orfèvres parisiens Ducrollay, Drais et Ouizille étaient spécialisés dans la fabrication de bijoux en or, de précieuses boîtes en or et d’objets d’art exceptionnels.
En France, la tabatière destinée à contenir le tabac à priser connut un véritable succès à la fin du règne de Louis XIV, elle était devenue un accessoire indispensable dans la représentation sociale des hommes et des femmes du siècle des Lumières et sa diffusion se propagea dans toute l’Europe.


Gold box set with panels of Japanese lacquer,
Signed 'Drais A Paris', Paris marks for 1762-68 and 1767-68
Photo : V&A Museum


Drais, Pierre-François, born 1726 - died 1788 (maker)
Chased, engraved and enamelled gold, glass
Photo : V&A Museum

Pierre-François Drais fut l'élève et cousin du célèbre orfèvre Jean Ducrollay. En 1786, il s 'est associé avec Charles Ouizille.
Un album de dessins de l'atelier de Ducrollay, y compris les dessins utilisés par Drais et Ouizille sont maintenant dans la collection du Victoria et Albert Muséum.



This is an album of 42 leaves containing 356 drawings and prints of goldsmiths' work and jewellery, 3 trade cards and 2 loose manuscript sheets, associated with the Paris workshops of Jean Ducrollay (1710-1787), Piere-François Drais (1726-1788), and Charles Ouizille (1744-1830).

The designs in the album date from about 1735-1820 and includes those for snuffboxes, scent holders, watches and watch cases, spoons, fans and fan mounts, small swords, and chatelaines (ornamental chains, pins, or clasps usually worn at a woman's waist, to which trinkets, keys, purses, or other articles are attached).
The album is bound in red morocco and the boards are stamped in gilt with the arms, now partly erased, of a member of the Bourbon family, probably Louis-Henri, Prince of Condé (1692-1740).

Ducrollay, Drais and Ouizille formed a series of connected partnerships.
Jean Ducrollay became a master in 1734 and is believed to have retired in 1761.
He was succeeeded by Pierre-François Drais, his cousin and one of his chefs d'atelier.
Drais became a master in 1763, jeweller to the King in 1770, and worked until his death in 1788.

In 1786 Drais became associated with Charles Ouizille. Ouizille, who had become master in 1771, became one of the King's jewellers in 1784.
In 1816 he formed a partnership with Adrien-Jean-Maximilien Vachette (also a royal jeweller) and in 1820 with Petitjean. Ouizille died in 1830.

The close relationship between the contents of the album and known work by the three goldsmiths establishes that the material emanates from their workshops, as is suggested by the first page.
Most of the material dates from the period 1755-90.

* Source texte http://collections.vam.ac.uk/item/O124610/design-ducrollay-jean/


Jean Ducrollay (1710-1787), Pierre-François Drais (active 1761-1788), Charles Ouizille (1744-1830)
Photo : V&A Museum

Jean Ducrollay (1710-1787), Pierre-François Drais (active 1761-1788), and Charles Ouizille (1744-1830)
Photo : V&A Museum

Jean Ducrollay (1710-1787), Pierre-François Drais (active 1761-1788), and Charles Ouizille (1744-1830)
Photo : V&A Museum

Jean Ducrollay (1710-1787), Pierre-François Drais (active 1761-1788), and Charles Ouizille (1744-1830)
Photo : V&A Museum

Jean Ducrollay (1710-1787), Pierre-François Drais (active 1761-1788), and Charles Ouizille (1744-1830)
Photo : V&A Museum

Jean Ducrollay (1710-1787), Pierre-François Drais (active 1761-1788), and Charles Ouizille (1744-1830)
Photo : V&A Museum

En 1770, Drais fournit 4800 livres de cadeaux qui seront distribués lors du mariage du futur Louis XVI avec Marie-Antoinette.

Drais ne fit pas que des petites pièces, par exemple pour la collection de pierres dures de Marie Antoinette, Drais et Ouizille vont fabriquer un socle pour une coupe en jaspe.
La coupe en jaspe a malheureusement disparu.


Paris, vers 1785. Charles Ouizille et P.-F. Drais, orfèvres.
Jaspe, or.

Ainsi que ce coffret :



Coffret monté sur huit protomés de lions. Paris, 1786-1787.
Charles Ouizille et P.-F. Drais, orfèvres.
Agate herborisée, jaspe sanguin, vernis imitant l'aventurine, or.

Voir notre sujet : La collection de gemmes de Marie-Antoinette

* Source texte : https://richardjeanjacques.blogspot.fr/2014/11/quelques-noms-de-bijoutiers-joailliers_16.html

L'auteur du blog poursuit :


En 1930, le Musée du Louvre publie un texte intéressant:


Le mot bijou, à l'époque, signifie toute espèce d'objets de parure et de curiosité, pour les personnes et les cabinets.
Les merciers-bijoutiers, comme Lazare Duvaux ou comme Gersaint, représentent exactement ce que nous appelons aujourd'hui les marchands de curiosités.
La joaillerie-bijouterie se partage entre les joailliers et les orfèvres, suivant les cas et les époques.


Tabatière
Drais Pierre-François
Van Loo Louis Michel (1707-1771) (d'après)
Photo (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Daniel Arnaudet

La fabrication des bijoux d'or et d'argent est exclusivement réservée aux orfèvres ; et jusqu'en 1776 ils ont seuls le droit de vendre les objets français ; les merciers ne peuvent vendre, sous certaines conditions, que les orfèvreries importées.


France, Paris; lid, mark of Pierre-François Drais, 1764-5; body, mark of Adrien-Jean-Maximilien Vachette, 1786-7
Gold, mounted with miniature paintings on vellum by Van Blarenberghe, signed and dated 1764, illustrating Aesop's fable of the Man and the Ass
Photo : V&A Museum

Tous les maîtres orfèvres de Paris n'usent pas du droit de fabriquer et de vendre des tabatières.
Quelques-uns de ceux qui se spécialisent dans la lourde argenterie de table ou dans les couverts ont pu, à l'occasion, exécuter des tabatières d'argent, mais en principe, le nombre de ceux qui travaillent en gros bijoux d'or demeure assez limité, il ne doit pas dépasser la centaine pour tout le XVIIIe siècle, et on en sait quelques-uns qui furent célèbres en leur temps mais dont aucune œuvre n'est retrouvée jusqu'à ce jour.
Par exemple nous n'avons jamais rencontré d'ouvrage de Montarsy et nous n'avons vu qu'une seule fois le poinçon de François Marteau, dans une boîte d'une beauté exceptionnelle d'ailleurs, en or ciselé sur pièce, avec ornements de rubis.




Tabatière
Drais Pierre-François
Photo (C) Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Martine Beck-Coppola

Les tabatières qu'on admire le plus souvent dans les collections, ce qui indique en somme qu'elles ont été fabriquées en plus grand nombre, sont celles des Drais, des Ducrolay, de Jean George, de P.-F. Mathis de Beaulieu, des Sageret, de Noël Hardivilliers, de Jean Moynat, de Charles Le Bastier, de J.-F. Tiron et de A.-M. Vachette.

Il faut remarquer que les Drais et les Ducrolay sont cousins ; Beaulieu, élève et successeur de George ; Tiron, associé et successeur de Ducrolay ; Vachette, successeur de Tiron et qu'il s'établit ainsi des liens assez étroits entre les principaux artistes de la tabatière pendant un siècle.
Ces hommes-là font figure de grands bourgeois, payent des impôts élevés, notamment la taxe sur le chiffre d'affaires qu'on appelait alors l'impôt du vingtième et qui nous révèle leurs bénéfices commerciaux, les plus importants de toute la Communauté, sauf ceux de deux de leurs collègues adonnés au commerce des diamants.


Tabatière, 1763-1764.
Drais Pierre-François
Commandée par Mme du Barry
Inscription : Madame du Bary au bien aimé (probabalement Henry, lord Seymour)
Photo (C) RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Daniel Arnaudet

Ils ont des ateliers organisés et cependant font exécuter par des façonniers des travaux de finition que les règlements de l'orfèvrerie tolèrent être faits hors de la boutique du maître, tels que la ciselure et les peintures sur émail.
Quelques noms d'artistes émailleurs ou ciseleurs seront sauvés de l'oubli ; le plus connu des ciseleurs, Gérard Debesche, a signé des décors de boîtes où il a prodigué une habileté inégalable et même un réel talent de statuaire.

En 1776, un certain nombre d'innovations se produisent. C'est l'époque du fameux lit de justice pour la suppression des jurandes et la désorganisation des métiers.
Le malheureux Louis XVI encourage les réformes qui conduiront son royaume et lui-même où l'on sait.
En orfèvrerie c'est le début de la fabrication mécanique et, avouons-le, de la camelote. Les orfèvres en or luttent de leur mieux, ils produisent encore des boîtes délicieuses.
Mais les merciers ont obtenu le droit de vendre tout ce qu'ils veulent et tout ce qu'ils vendent n'est pas également recommandable. Et la réclame, que jusque-là les autorités avaient eu la sagesse de réfréner, a désormais licence d'abuser le public.



Snuff box, tabatière
by Pierre-François Drais (fl. 1763-1788), indistinctly marked Paris, 1780/1781, with the first charge and discharge marks of Henry Clavel 1780-1782, with the second discharge mark of Henry Clavel 1782-1789, with the counter-mark of Jean-François Kalendrin 1789-1792, with the restricted warranty mark and 'récense' mark for gold, Paris 1798-1809, the 'petite récense' mark for gold, Paris 1809-1819, later struck with two Parisian post-1838 restricted warranty marks for gold
Photo : Christie's


C'est l'époque du Petit Dunkerque, où triomphe le mercier Grancher. Il y aurait une enquête amusante à publier sur cet homme, sur son commerce et l'influence qu'il a peut-être exercée. C'est le type le plus accompli du petit provincial qui s'élance à la conquête de Paris, intrigue, joue des coudes et s'installe sous l'œil amusé des autochtones.

Vever  signale : Une carte-adresse du temps de Louis XVI, délicieusement gravée par Choffard, mentionne : « Drais, élève de Ducrollay, bijoutier du Roy, à l'entrée de la place Dauphine, à gauche, près le Pont-Neuf ».
On peut aussi signaler l orthographe de l époque
"Pierre-François Drais, joyalier du Roy, quai des Orphèvres."

* Source texte : https://richardjeanjacques.blogspot.fr/2014/11/quelques-noms-de-bijoutiers-joailliers_16.html

Que c'est magnifique ! Je raffole de ces objets en pierres dures !!! :n,,;::::!!!:
Merci, merci, cher la nuit, la neige .....

Une tabatière, réalisée par Drais, est récemment passée en vente aux enchères, chez Christie's, nous donne l'occasion d'évoquer quelques informations complémentaires et intéressantes...
Je cite :

An important Louis XV enamelled gold and hardstone snuff-box
By Pierre-François Drais (FL. 1763-1788), marked, Paris, 1775/76, with the charge and decharge marks of Jean-Baptiste Fouache 1775-1780, the gold relief panels attributed to Gérard Debèche Fils



Note de l'expert (extraits) :

Pierre-François Drais (1726-1788) was sponsored as master by Jean Frémin.
Drais struck his mark in 1763 whilst living with Jean Ducrollay and Louis Roucell in the place Dauphine in Paris, and was soon employed by the service of the Menus Plaisirs du Roi.

Thus he was commissioned for the famous gold box made for the marriage of the Comte d'Artois to Princess Marie-Thérèse of Savoy.

As a result, Drais became bijoutier du Roi and had among his many clients Madame du Barry and, later, King Louis XVI of France.



Gérard Debèche fils would appear to be the Parisian chaser, or ciseleur, mentioned in the Almanach Dauphin in 1769 and 1777, who executed the chased panels on a box by Drais, dated 1772/1773 and now in the Rosaline and Arthur Gilbert Collection at the Victoria and Albert Museum.

Debèche was also responsible for the panels on a box supplied by Drais for the corbeille de marriage of Marie-Antoinette in 1770.
(...)

* Source : http://www.christies.com/LotFinder/lot_details.aspx?intObjectID=5899141

Attention !  

Entendons-nous bien sur la définition de la "corbeille de mariage" pour la dauphine de France !
Nous ne sommes pas là dans le petit panier en osier, agrémenté de quelques babioles, hum...:

La corbeille de mariage de Marie-Antoinette ressemblait à ceci :


François-Joseph Bélanger, Corbeille de mariage de Marie-Antoinette, vers 1770
Gravure dans François-Joseph Belanger, Recueil : architecture.
Paris, Bibliothèque nationale de France, Ha58, fo 32.
Photo : Bibliothèque nationale de France

Parmi tous les artisans sollicités par les Menus- Plaisirs pour réaliser pour réaliser ce présent que Louis XV destiné à la jeune Marie-Antoinette, nous retrouvons donc Pierre-François Drais, en charge donc des "Bijoux"  : tabatières et autres boîtes décoratives, boutons, bouchons de bouteille, montres, articles de toilette et matériel d’écriture, tous commandés comme cadeaux de mariage pour la corbeille. Quelques inscriptions indiquent le nom du destinataire.

Le coût de ces objets, réalisés avec grand art par les bijoutiers, les orfèvres et les horlogers les plus éminents de la cour, affiche un total de 162 576 livres, l’équivalent aujourd’hui d’environ 8 millions d’euros.


Inventaire de la corbeille de mariage de Marie-Antoinette.
Paris, Archives nationales, 01 3028, dossier B, fo 24.
Photo : Archives nationales / Rebecca Tilles


Page extraite des archives des Menus Plaisirs intitulée « Bijoux ». Indication du nom des artisans et des paiements relatifs à la réalisation de la corbeille de Marie-Antoinette.
Paris, Archives nationales, 01 3028, dossier B, fo 48.
Photo : Archives nationales / Rebecca Tilles



Histoire de ce meuble :

En 1769, Louis XV commande une corbeille de mariage pour l’archiduchesse Marie-Antoinette, à l’occasion du mariage royal de son petit-fils, le dauphin Louis-Auguste, futur Louis XVI, prévu le 16 mai 1770.
Cet important cabinet commémoratif, conçu par l’architecte François-Joseph Bélanger, contient les cadeaux de mariage destinés à être distribués par les époux aux membres de la cour, de même que la collection personnelle de bijoux de Marie-Antoinette, après son mariage.
Cette corbeille porte un message politique très symbolique et sa conception est très innovante, emblématique du néoclassicisme précoce.
Ce cabinet a été vendu le 30 septembre 1793 lors des ventes révolutionnaires sous le no 23531, et c’est ainsi qu’on en a perdu la trace.
(...)

La suite est à lire dans cet intéressant article de Rebecca Tills : La corbeille de mariage de la dauphine en 1770 : le premier serre-bijoux de Marie-Antoinette


Près de vingt ans plus tard, commandera à Jean-Ferdinand Schwerdfeger un autre serre-bijou plus au goût du jour.
Et celui-ci, nous le connaissons bien...



Jean-Ferdinand Schwerdfeger, Serre-bijoux de la reine Marie-Antoinette, 1787, acajou, bronze, dorure, nacre et porcelaine.
Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, OA 5515.
Photo : Château de Versailles, Dist. RMN-Grand Palais / Christophe Fouin

Voir notre (tout petit) sujet, ici : https://marie-antoinette.forumactif.org/t1297-le-serre-bijoux-de-la-chambre-de-la-reine

... et cet autre :   https://marie-antoinette.forumactif.org/t2881-la-corbeille-de-mariage-de-la-dauphine-en-1770?highlight=corbeille

Ah ! Je me disais bien aussi... àè-è\':
Merci.

Mais j'ai plutôt cherché ce sujet dans cette rubrique, de la section LE PATRIMOINE DE MARIE-ANTOINETTE : https://marie-antoinette.forumactif.org/f26-le-mobilier-et-les-arts-decoratifs