Alimentation, gastronomie, arts de la table au XVIIIe siècle
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Re: Alimentation, gastronomie, arts de la table au XVIIIe siècle
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On est généralement persuadé que tous les ragoûts fins sont d'invention nouvelle, et rien n'est moins vrai pourtant. On voit dans les dispensaires du XVIe siècle qu'on servait à la table de François Ier des cervelles de faisan, des langues de carpe et des foies de lotte étuvés au vin d'Espagne. Notre excellent potage à la Reine (à la purée de blanc de poularde et d'avelines) était la soupe de tous les jeudis à la cour des Valois, et son nom lui vient de la prédilection de la reine Marguerite. Je n'ai jamais repoussé les innovations heureuses ; mais, à l'exception des bisques à la purée de petits crabes, des timbales aux œufs de caille, et des glaces au pain bis, tranchées de glace au beurre frais, je vous puis assurer qu'on n'a rien inventé qui fût satisfaisant ni distingué, depuis soixante et quinze ans que je mange et que je fais manger les autres. C'est principalement à dater de la mort de Louis XV que le véritable savoir gastronomique, et par conséquent la science du cuisinier, s'en sont allés dégringolant.
( Marquise de Créquy )
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On est généralement persuadé que tous les ragoûts fins sont d'invention nouvelle, et rien n'est moins vrai pourtant. On voit dans les dispensaires du XVIe siècle qu'on servait à la table de François Ier des cervelles de faisan, des langues de carpe et des foies de lotte étuvés au vin d'Espagne. Notre excellent potage à la Reine (à la purée de blanc de poularde et d'avelines) était la soupe de tous les jeudis à la cour des Valois, et son nom lui vient de la prédilection de la reine Marguerite. Je n'ai jamais repoussé les innovations heureuses ; mais, à l'exception des bisques à la purée de petits crabes, des timbales aux œufs de caille, et des glaces au pain bis, tranchées de glace au beurre frais, je vous puis assurer qu'on n'a rien inventé qui fût satisfaisant ni distingué, depuis soixante et quinze ans que je mange et que je fais manger les autres. C'est principalement à dater de la mort de Louis XV que le véritable savoir gastronomique, et par conséquent la science du cuisinier, s'en sont allés dégringolant.
( Marquise de Créquy )
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Mme de Sabran- Messages : 54694
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Alimentation, gastronomie, arts de la table au XVIIIe siècle
Gouté en Angleterre de la glace au pain
Re: Alimentation, gastronomie, arts de la table au XVIIIe siècle
... glace au pain ?!!
Mme de Sabran- Messages : 54694
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Alimentation, gastronomie, arts de la table au XVIIIe siècle
Mme de Sabran a écrit:;
et des glaces au pain bis, tranchées de glace au beurre frais, je vous puis assurer qu'on n'a rien inventé qui fût satisfaisant ni distingué, depuis soixante et quinze ans que je mange et que je fais manger les autres. C'est principalement à dater de la mort de Louis XV que le véritable savoir gastronomique, et par conséquent la science du cuisinier, s'en sont allés dégringolant.[/i]
( Marquise de Créquy )
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Re: Alimentation, gastronomie, arts de la table au XVIIIe siècle
Je voyais la glace étalée sur une belle tranche brioche .
Mme de Sabran- Messages : 54694
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Alimentation, gastronomie, arts de la table au XVIIIe siècle
CLIOXVIII a écrit:Gouté en Angleterre de la glace au pain
àè-è\':
C'est vraiment anglais ! :
Invité- Invité
Re: Alimentation, gastronomie, arts de la table au XVIIIe siècle
Mme de Sabran a écrit:Je voyais la glace étalée sur une belle tranche brioche .
Que non ! C'est horrrrriblement mauvais ....
Re: Alimentation, gastronomie, arts de la table au XVIIIe siècle
C'est vrai que, comme ça sans connaître, j'ai comme un a priori défavorable ...
Mme de Sabran- Messages : 54694
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Alimentation, gastronomie, arts de la table au XVIIIe siècle
Malgré ma gourmandise... je n'ai eu aucune envie de goûter à cette recette
Alors ton opinion gustative, Clio, ne m'étonne aucunement :
Bien à vous.
Alors ton opinion gustative, Clio, ne m'étonne aucunement :
Bien à vous.
Invité- Invité
Re: Alimentation, gastronomie, arts de la table au XVIIIe siècle
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Pour Clio et François !
" Quand le duc de Nivernais était obligé de changer ses chefs de cuisine, ou lorsqu'on avait appris quelque nouveauté qui nous paraissait admissible, nous dit la marquise de Créquy , il avait la patience et la conscience de s'en faire servir et d'en goûter huit jours de suite, afin de conduire et faire aboutir la chose au point de sa perfection. Il avait le palais tellement bien exercé qu'il pouvait distinguer si le blanc d'une aile de volaille était provenu du côté droit (c'est-à-dire du côté du fiel), et j'en ai vu l'expérience ; il se moquait de votre grand-père qui ne s'entendait à rien de ce qui se laisse manger, et qui lui disait à souper chez nous, en lui proposant de l'esturgeon : — Voulez-vous de cet émincé de veau ? il est bon, mais il a comme un goût de poisson, je vous en préviens. Le Richelieu se prit à me dire : — Que je serais honteux et malheureux si j'étais la femme d'un homme comme ça ! ( : )
Le président Hénault rapportait sur M. de Richelieu une historiette qui lui semblait fort intéressante, et qui vous prouvera du moins quelle était son aptitude et son expérience culinaire, comme disait le président. C'était à la guerre d'Hanovre, où le pays se trouvait dévasté tout autour de l'armée française à plus de vingt lieues à la ronde. On avait fait prisonniers tous les princes et toutes les princesses d'Ostfrise au nombre de vingt-cinq personnes auxquelles il est bon d'ajouter encore une certaine quantité de filles d'honneur et de chambellans. Le maréchal de Richelieu avait résolu de leur donner la clé des champs, mais avant de lâcher prise il imagina de leur donner à souper, ce qui mit ses officiers de bouche au désespoir.
— Qu'est-ce que vous avez à la cantine ?
— Monseigneur, il n'y a rien, il n'y a rien du tout, si ce n'est un bœuf avec des conserves et des fruits secs, et quelques légumes.
— Eh bien ! c'est plus qu'il n'en faut pour donner le plus joli souper du monde !
— Mais, Monseigneur, on ne pourra jamais....
— Allons donc ! vous ne pourriez jamais ?... — Rullières, écrivez le menu que je vais vous dicter pour mâcher la besogne à ces ahuris de Chaillot. Savez-vous comment on écrit le tableau d'un menu, Rullières ?... Allons, donnez-moi votre place et votre plume. Et voilà notre généralissime qui s'assied à la table de son secrétaire, où il improvise au bout de la plume en souper classique, un menu qui fut recueilli dans la collection des la Poupelinière, et voici comment il est inscrit dans les Nouvelle à la main :
Menu d'un excellent souper tout en bœuf.
Dormant.
Le grand plateau de vermeil avec la figure équestre du Roi.
Les statues de Duc Guesclin, de Dunois, de Bayard et de Turenne.
Ma vaisselle de vermeille avec les armes en relief émaillé.
PREMIER SERVICE.
Une ouille à la Garbure gratinée au consommé de bœuf.
Quatre hors-d'œuvre.
Palais de notre bœuf à la Sainte-Menehould.
Les rognons de ce bœuf à l'oignon frit.
Petits pâtés de hachis de filet de bœuf à la ciboulette.
Gras-double à la poulette au jus de limon.
Relevé de potage.
La culotte du bœuf garnie de racines au jus.
(Tournez grotesquement vos racines à cause des Allemands.)
Six entrées.
La queue de bœuf à la purée de marrons.
La noix de notre bœuf braisée au céleri.
Sa langue en civet (à la bourguignone.)
Rissoles de bœuf à la purée de noisettes.
Les paupiettes du bœuf a l'estoufade aux capucines confites.
Croûtes rôties à la moelle de notre bœuf. Le pain de munition vaudra l'autre.
SECOND SERVICE.
L'aloyau rôti (vous l'arroserez de moelle fondue).
Salade de chicorée à la langue de bœuf.
Bœuf à la mode à la gelée blonde mêlée de pistaches.
Gâteau froid de bœuf au sang et au vin de Jurançon. (Ne vous y trompez pas.)
Six entremets.
Navets glacés au suc de bœuf rôti.
Purée de culs d'artichauds au coulis de bœuf
Tourte de moelle de bœuf à la mie de pain et au sucre candi.
Beignets d'amourettes de bœuf marinés au jus de bigarades.
Aspic au jus de bœuf et aux zestes de citron prâlinés.
Gelée de bœuf au vin d'Alicante et aux mirabelles.
Et puis tout ce qui me reste de confitures ou conserves.
Si, par un malheureuse hasard, ce repas n'était pas très bon, je ferais retenir sur les gages de Muret et de Ronquelère une amende de cent pistoles. Allez, et ne doutez plus.
Richelieu "
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Pour Clio et François !
" Quand le duc de Nivernais était obligé de changer ses chefs de cuisine, ou lorsqu'on avait appris quelque nouveauté qui nous paraissait admissible, nous dit la marquise de Créquy , il avait la patience et la conscience de s'en faire servir et d'en goûter huit jours de suite, afin de conduire et faire aboutir la chose au point de sa perfection. Il avait le palais tellement bien exercé qu'il pouvait distinguer si le blanc d'une aile de volaille était provenu du côté droit (c'est-à-dire du côté du fiel), et j'en ai vu l'expérience ; il se moquait de votre grand-père qui ne s'entendait à rien de ce qui se laisse manger, et qui lui disait à souper chez nous, en lui proposant de l'esturgeon : — Voulez-vous de cet émincé de veau ? il est bon, mais il a comme un goût de poisson, je vous en préviens. Le Richelieu se prit à me dire : — Que je serais honteux et malheureux si j'étais la femme d'un homme comme ça ! ( : )
Le président Hénault rapportait sur M. de Richelieu une historiette qui lui semblait fort intéressante, et qui vous prouvera du moins quelle était son aptitude et son expérience culinaire, comme disait le président. C'était à la guerre d'Hanovre, où le pays se trouvait dévasté tout autour de l'armée française à plus de vingt lieues à la ronde. On avait fait prisonniers tous les princes et toutes les princesses d'Ostfrise au nombre de vingt-cinq personnes auxquelles il est bon d'ajouter encore une certaine quantité de filles d'honneur et de chambellans. Le maréchal de Richelieu avait résolu de leur donner la clé des champs, mais avant de lâcher prise il imagina de leur donner à souper, ce qui mit ses officiers de bouche au désespoir.
— Qu'est-ce que vous avez à la cantine ?
— Monseigneur, il n'y a rien, il n'y a rien du tout, si ce n'est un bœuf avec des conserves et des fruits secs, et quelques légumes.
— Eh bien ! c'est plus qu'il n'en faut pour donner le plus joli souper du monde !
— Mais, Monseigneur, on ne pourra jamais....
— Allons donc ! vous ne pourriez jamais ?... — Rullières, écrivez le menu que je vais vous dicter pour mâcher la besogne à ces ahuris de Chaillot. Savez-vous comment on écrit le tableau d'un menu, Rullières ?... Allons, donnez-moi votre place et votre plume. Et voilà notre généralissime qui s'assied à la table de son secrétaire, où il improvise au bout de la plume en souper classique, un menu qui fut recueilli dans la collection des la Poupelinière, et voici comment il est inscrit dans les Nouvelle à la main :
Menu d'un excellent souper tout en bœuf.
Dormant.
Le grand plateau de vermeil avec la figure équestre du Roi.
Les statues de Duc Guesclin, de Dunois, de Bayard et de Turenne.
Ma vaisselle de vermeille avec les armes en relief émaillé.
PREMIER SERVICE.
Une ouille à la Garbure gratinée au consommé de bœuf.
Quatre hors-d'œuvre.
Palais de notre bœuf à la Sainte-Menehould.
Les rognons de ce bœuf à l'oignon frit.
Petits pâtés de hachis de filet de bœuf à la ciboulette.
Gras-double à la poulette au jus de limon.
Relevé de potage.
La culotte du bœuf garnie de racines au jus.
(Tournez grotesquement vos racines à cause des Allemands.)
Six entrées.
La queue de bœuf à la purée de marrons.
La noix de notre bœuf braisée au céleri.
Sa langue en civet (à la bourguignone.)
Rissoles de bœuf à la purée de noisettes.
Les paupiettes du bœuf a l'estoufade aux capucines confites.
Croûtes rôties à la moelle de notre bœuf. Le pain de munition vaudra l'autre.
SECOND SERVICE.
L'aloyau rôti (vous l'arroserez de moelle fondue).
Salade de chicorée à la langue de bœuf.
Bœuf à la mode à la gelée blonde mêlée de pistaches.
Gâteau froid de bœuf au sang et au vin de Jurançon. (Ne vous y trompez pas.)
Six entremets.
Navets glacés au suc de bœuf rôti.
Purée de culs d'artichauds au coulis de bœuf
Tourte de moelle de bœuf à la mie de pain et au sucre candi.
Beignets d'amourettes de bœuf marinés au jus de bigarades.
Aspic au jus de bœuf et aux zestes de citron prâlinés.
Gelée de bœuf au vin d'Alicante et aux mirabelles.
Et puis tout ce qui me reste de confitures ou conserves.
Si, par un malheureuse hasard, ce repas n'était pas très bon, je ferais retenir sur les gages de Muret et de Ronquelère une amende de cent pistoles. Allez, et ne doutez plus.
Richelieu "
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Mme de Sabran- Messages : 54694
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Alimentation, gastronomie, arts de la table au XVIIIe siècle
Merci, Eléonore .
Conférence cet après midi sur la table au XVIII à Cognacq Jay.
Conférence cet après midi sur la table au XVIII à Cognacq Jay.
Re: Alimentation, gastronomie, arts de la table au XVIIIe siècle
Que du beau et du bon en perspective pour toi, ma chère Clio
Tout compte-rendu sera le bienvenu :n,,;::::!!!:
Bien à vous.
Tout compte-rendu sera le bienvenu :n,,;::::!!!:
Bien à vous.
Invité- Invité
Re: Alimentation, gastronomie, arts de la table au XVIIIe siècle
Vu la petite exposition sur le thé, le café et le chocolat à Cognacq Jay. Pas grandes "nouveautés" .Aucune chocolatière présentée ....Pour vous, ce cabaret où on reconnait des familiers du forum....
La conférencière avait souvent recours à ses notes. Elle a insisté sur le fait qu'à la seconde partie du XVIII, on ne met plus d'épices dans le chocolat chaud .
Une jolie bourgeoise qui fait ses comptes de retour du marché , porcelaine de Meissen d'après un tableau disparu de Boucher ; on y voit bien un pain de sucre
Beaucoup de tasses de cabaret ressemblent à des tasses de dinette .
La conférencière avait souvent recours à ses notes. Elle a insisté sur le fait qu'à la seconde partie du XVIII, on ne met plus d'épices dans le chocolat chaud .
Une jolie bourgeoise qui fait ses comptes de retour du marché , porcelaine de Meissen d'après un tableau disparu de Boucher ; on y voit bien un pain de sucre
Beaucoup de tasses de cabaret ressemblent à des tasses de dinette .
Re: Alimentation, gastronomie, arts de la table au XVIIIe siècle
CLIOXVIII a écrit:
La conférencière avait souvent recours à ses notes. Elle a insisté sur le fait qu'à la seconde partie du XVIII, on ne met plus d'épices dans le chocolat chaud .
Quelles épices utilisait-on, quand on en parfumait le chocolat chaud ? ... vanille, cannelle, gingembre, girofle peut-être ... ???
Mme de Sabran- Messages : 54694
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Alimentation, gastronomie, arts de la table au XVIIIe siècle
poivre aussi ....
Lucius- Messages : 11658
Date d'inscription : 21/12/2013
Age : 32
Re: Alimentation, gastronomie, arts de la table au XVIIIe siècle
Je pencherais pour le délicieux poivre de Sichuan . :n,,;::::!!!:
Mme de Sabran- Messages : 54694
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Alimentation, gastronomie, arts de la table au XVIIIe siècle
De l'ambre, de l'os de seiche pouah!!!!
J'y mets de l'eau de fleur d'oranger (quand j'en ai : ) , pas mauvais .
J'y mets de l'eau de fleur d'oranger (quand j'en ai : ) , pas mauvais .
Re: Alimentation, gastronomie, arts de la table au XVIIIe siècle
J'aimerais bien goûter un chocolat épicé comme à l'époque. Mais sans seiche, par pitié !
Invité- Invité
Re: Alimentation, gastronomie, arts de la table au XVIIIe siècle
Je me passerai bien de la seiche aussi ! :
Mme de Sabran- Messages : 54694
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Alimentation, gastronomie, arts de la table au XVIIIe siècle
.
Le père la Reynière, qui revenait d'une inspection financière, entre dans une auberge de village et s'en va bien vite à la cuisine afin d'y faire quelque bonne remarque et pour y procéder à l'organisation de son souper. Il y voit devant le feu sept dindes à la même broche, et pourtant l'aubergiste n'avait à lui donner, disait-il, que des fèves au lard. — Mais toutes ces dindes ? — Elles sont retenus par un monsieur de Paris. — Un monsieur tout seul ? — Il est tout seul comme l'as de pique. — Mais c'est un Gargantua comme on n'en vit jamais ! enseignez-moi donc sa chambre....
Il y trouva son fils qui s'en allait en Suisse. — Comment donc ! c'est vous qui faites embrocher sept dindes pour votre souper !
— Monsieur, lui répond son aimable enfant, je comprends que vous soyez péniblement affecté de me voir manifester des goûts si vulgaires et si peu conformes à la distinction de ma naissance, mais je n'avais pas le choix des alimens : il n'y avait que cela dans la maison.
— Parbleu ! je ne vous reproche pas de mander de la dinde à défaut de poularde ; en voyage on est bien obligé de manger ce qu'on trouve ; c'est une épreuve à supporter et je viens d'en avoir de rudes ! mais la chose qui m'étonne est ce nombre de sept, et pourquoi donc faire ?
— Monsieur, je vous avais ouï dire assez souvent qu'il n'y a presque rien de bon dans une grosse dinde, et je n'en voulais manger que les sot-l'y-laisse.
— Ceci, répliqua son père, est un peu dispendieux (pour un jeune homme), mais ça n'est pas déraisonnable, et j'aime à vous voir profiter des observations que je fais.
( Marquise de Créquy : Souvenirs )
Et pendant ce temps-là, le peuple crie famine !!!
Je n'avais jamais rencontré, écrite, l'expression sot-l'y-laisse !
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Le père la Reynière, qui revenait d'une inspection financière, entre dans une auberge de village et s'en va bien vite à la cuisine afin d'y faire quelque bonne remarque et pour y procéder à l'organisation de son souper. Il y voit devant le feu sept dindes à la même broche, et pourtant l'aubergiste n'avait à lui donner, disait-il, que des fèves au lard. — Mais toutes ces dindes ? — Elles sont retenus par un monsieur de Paris. — Un monsieur tout seul ? — Il est tout seul comme l'as de pique. — Mais c'est un Gargantua comme on n'en vit jamais ! enseignez-moi donc sa chambre....
Il y trouva son fils qui s'en allait en Suisse. — Comment donc ! c'est vous qui faites embrocher sept dindes pour votre souper !
— Monsieur, lui répond son aimable enfant, je comprends que vous soyez péniblement affecté de me voir manifester des goûts si vulgaires et si peu conformes à la distinction de ma naissance, mais je n'avais pas le choix des alimens : il n'y avait que cela dans la maison.
— Parbleu ! je ne vous reproche pas de mander de la dinde à défaut de poularde ; en voyage on est bien obligé de manger ce qu'on trouve ; c'est une épreuve à supporter et je viens d'en avoir de rudes ! mais la chose qui m'étonne est ce nombre de sept, et pourquoi donc faire ?
— Monsieur, je vous avais ouï dire assez souvent qu'il n'y a presque rien de bon dans une grosse dinde, et je n'en voulais manger que les sot-l'y-laisse.
— Ceci, répliqua son père, est un peu dispendieux (pour un jeune homme), mais ça n'est pas déraisonnable, et j'aime à vous voir profiter des observations que je fais.
( Marquise de Créquy : Souvenirs )
Et pendant ce temps-là, le peuple crie famine !!!
Je n'avais jamais rencontré, écrite, l'expression sot-l'y-laisse !
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Mme de Sabran- Messages : 54694
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Alimentation, gastronomie, arts de la table au XVIIIe siècle
Tu ne savais pas que cela s'écrivait ainsi ?
Invité- Invité
Re: Alimentation, gastronomie, arts de la table au XVIIIe siècle
Si, ma grand-mère me l'avait expliqué ( autour d'un plat de poulet rôti, comme par hasard ) mais je ne l'avais jamais rencontré écrit .
Mme de Sabran- Messages : 54694
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Alimentation, gastronomie, arts de la table au XVIIIe siècle
Moi c'est mon père. Qui brûle désormais de l'expliquer à ses petites-filles quand elles seront en âge. boudoi30
Invité- Invité
Re: Alimentation, gastronomie, arts de la table au XVIIIe siècle
A propos de la sauce béchamel :
En rétrogradant d'un tiers de siècle, je vous dirai que le commandeur ou bailly de Froulay, mon oncle, avait eu jadis un cuisinier très distingué, lequel était devenu fort à son aise, attendu qu'il était voleur. Ce n'est pas ceci qui lui avait mérité beaucoup de distinction, mais c'est qu'il avait inventé des gourmandises admirables, et notamment les pattes d'oie bottées, à l'intendante, (sautées à la graisse de cailles, et bien frites après avoir été panées). Mon oncle conseillait toujours d'y faire ajouter le jus d'une orange amère ; mais son chef de cuisine s'en indignait et s'en désespérait, parce qu'il en résulte, disait-il, un inconvénient inévitable, en ce que le contact d'un acide a pour effet naturel d'amollir ces sortes de préparations gastronomiques, et parce que l'apparence de la friture en souffre toujours. Vous pourrez choisir entre la prescription du commandeur et la proscription du cuisinier.
C'est à celui-ci qu'on doit rapporter l'invention des saumons à la Régence et des brochets à la Chambord, et si l'on garnit encore aujourd'hui les timbales de Béatilles avec des frangines ( ) et des crépinettes de moelle épinière, et si l'on appelle amourette la moelle épinière des veaux et des agneaux, c'est encore à lui qu'on doit attribuer la délicatesse de cette recherche et celle de son expression physiologique. A qui l'aurait voulu laisser dire, il aurait osé soutenir la prétention d'avoir inventé les potages à la jambe de bois (« décharnez proprement et piquez votre os à moelle au milieu de vos croûtons gratinés ») ; mais il en était rudement démenti par le Premier Maître de l'hôtel de M. le Régent, M. le Vicomte de Béchameil de Nointel, qui réclamait la priorité de la découverte, et qui a eu l'honneur de donner son nom à la sauce blanche que vous savez.
— Est-il heureux, ce petit Béchameil, disait toujours le vieux d'Escars ; j'avais fait servir des émincés de blanc de volaille à la crème cuite plus de vingt ans avant qu'il ne fût au monde, et voyez pourtant que je n'ai jamais eu le bonheur de pouvoir donner mon nom à la plus petite sauce ! :
( Marquise de Créquy : Souvenirs )
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Mme de Sabran- Messages : 54694
Date d'inscription : 21/12/2013
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