L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle
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Teresa-Cabarrus
Mme de Sabran
La nuit, la neige
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L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle
Mme de Sabran a écrit:La nuit, la neige a écrit:
Je suis très surpris de lire que Georgine envisageait d’allaiter son enfant...
C’est singulier pour l’époque et pour une femme de sa condition, non ?
Au XVIIIe siècle, le docteur Desessartz encourage les femmes des milieux aisés à allaiter
Il est l'auteur d'un Traité sur l'éducation corporelle des enfants en bas âge, 1760, qui servit à Jean-Jacques Rousseau dans la composition de son Emile .
Desessartz a écrit une Anthologie sur l'allaitement maternel .
Il y rapporte une conversation avec une jeune mère qui nourrit son enfant :
Il m'est difficile, dit-elle, de rendre ce qui s'est passé en moi, j'ai senti une commotion que je ne peux comparer qu'à celle que produit l'étincelle électrique ; aussi vive qu'elle, elle m'a soulevée, m'a entraînée vers mon enfant, elle s'est bientôt épanouie dans tout mon corps en y répandant une chaleur délicieuse, à laquelle a succédé le calme d'une volupté inexprimable, lorsque mon enfant a saisi le mamelon et a fait couler la liqueur que la nature et ma tendresse lui destinaient.
Je rebondis ici sur cette discussion que nous avions eue dans un autre sujet.
Je n’achète jamais, ou très rarement, des livres anciens ; mais c’est à peine le livre ouvert, et en le feuilletant, que j’ai découvert ce passage qui nous intéressait.
Alors...à 2 euros le livre, je l’ai donc finalement acheté. boudoi32
La vie quotidienne sous Louis XVI
De Charles Kunsler
J’ai la flemme de les recopier, alors voici les pages scannées du chapitre consacré à l’allaitement des enfants et aux nourrices à la fin du XVIIIème siècle.
C’est assez intéressant...
Dernière édition par La nuit, la neige le Ven 04 Juin 2021, 08:32, édité 5 fois
La nuit, la neige- Messages : 18132
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle
L'allaitement fut un moment merveilleux pour moi. Que je regrette déjà !
Invité- Invité
Re: L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle
La nuit, la neige a écrit:Mme de Sabran a écrit:
Il m'est difficile, dit-elle, de rendre ce qui s'est passé en moi, j'ai senti une commotion que je ne peux comparer qu'à celle que produit l'étincelle électrique ; aussi vive qu'elle, elle m'a soulevée, m'a entraînée vers mon enfant, elle s'est bientôt épanouie dans tout mon corps en y répandant une chaleur délicieuse, à laquelle a succédé le calme d'une volupté inexprimable, lorsque mon enfant a saisi le mamelon et a fait couler la liqueur que la nature et ma tendresse lui destinaient.
Je rebondis ici sur cette discussion que nous avions eue dans un autre sujet.
Je n’achète jamais, ou très rarement, des livres anciens ; mais c’est à peine le livre ouvert, et en le feuilletant, que j’ai découvert ce passage qui nous intéressait.
J'adore ce témoignage que j'avais cité ... C'est tellement ça !
Merci, cher ami, pour la création de ce sujet si poétique !
La nuit, la neige a écrit:
Alors...à 2 euros le livre, je l’ai donc finalement acheté. boudoi32
On peut dire que tu ne te refuses rien, dis donc !!!
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle
Reinette a écrit:L'allaitement fut un moment merveilleux pour moi. Que je regrette déjà !
Ah, que je te comprends....cela fait si longtemps pour moi, et je n'ai jamais oublié.....
Teresa-Cabarrus- Messages : 364
Date d'inscription : 18/02/2014
Re: L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle
C'est fou ce que ces bureaux de placement des nourrices et leur surveillance sanitaire étaient rigoureusement organisés !
J'aime bien aussi le médecin qui goûte le lait pour en apprécier la qualité. Petit coquin, va ! : C'est sûr que cétait plus agréable que de goûter l'urine des diabétiques pour en mesurer la teneur en sucre ...
Dans les recommandations de Rousseau à la maman allaitante, on reconnaît tous les bons principes que Mme de Polignac dispense à Georgine et à Mme de Châlons, le repos, le sommeil, une vie calme absolument .
Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle
Parmi les nourrices les plus démunies, il faut citer les "filles mères" sans appui, dont le nombre augmente à la fin du 18e siècle. Le plus souvent elles étaient réduites à faire leurs couches dans un hôpital, comble de misère. On leur proposait presque toujours de rester dans l'établissement pour nourrir les enfants abandonnés. Celles qui acceptaient se voyaient imposer une vie monacale et une discipline de fer. On leur mettait au sein non pas leur propre petit, mais deux ou trois autres, qu'on renouvelait plusieurs fois, jusqu'à tarissement du lait. Le procédé avait l'inconvénient de favoriser la transmission des maladies contagieuses, notamment la syphilis.
On comprend qu'à l'âge des Lumières les médecins et autres philosophes aient réagi contre de tels usages. Leurs propos manifestent les progrès d'une nouvelle culture de l'allaitement : ils prêchent de plus en plus sévèrement en faveur de l'allaitement maternel. En effet ils ont appris, grâce aux économistes que la richesse des nations réside avant tout dans le nombre et la qualité de leurs habitants. Or des ouvrages bien argumentés attirent l'attention sur les dégâts causés par la mortalité infantile, dont jusque là personne ne s'était beaucoup inquiété. Cette hécatombe de nourrissons est imputée surtout à l'industrie nourricière.Le discours philosophique se livre à un dénigrement systématique des nourrices mercenaires, accusées d'être ignorantes, routinières, sales, et surtout indifférentes aux cris et aux souffrances du bébé. Tout le mépris des classes moyennes pour les humbles éclate dans ces propos. En même temps, le modèle aristocratique est dénoncé avec autant de hargne : la grande dame qui refuse son lait à son enfant "trahit la nature", et surtout elle fait preuve d'une odieuse dureté de coeur. Ainsi la bourgeoisie prend-elle ses distances pour affirmer ses propres valeurs.
La société, disent les philosophes, est en pleine décadence, tant morale que physique. Sa régénération passe par l'éducation d'enfants sains et heureux, car les enfants sont l'espoir et l'avenir du monde. Or la santé des enfants dépend d'abord de leur mère. Le corps de la femme est la matrice du corps social : il faut l'adapter parfaitement à la fonction reproductrice. Divers traités répandent alors l'idée que la femme, vouée par "nature" à la maternité, doit s'y consacrer exclusivement. Puberté, mariage, grossesse, accouchement, allaitement : autant d'étapes à préparer, non seulement du point de vue de l'hygiène, mais aussi du point de vue moral. La grossesse et plus encore l'allaitement constituent des moments privilégiés de moralisation. Toute mère doit nourrir son enfant : si elle a eu la force de le mettre au monde, elle aura aussi la force de le nourrir. Au besoin elle devra fuir l'agitation, les tentations du monde et se retirer à la campagne. "Une vie molle et sédentaire", prescrit Rousseau.
ALLAITEMENT ET SOCIETE
( Yvonne Knibielher )
C'est en effet Rousseau, enfant sans mère, père abandonneur, qui s'est fait le chantre le plus éloquent de l'allaitement maternel. Cette fonction n'est plus seulement un plaisir comme au temps d'Ambroise Paré (cité plus haut), c'est le signe d'une sollicitude que rien ne peut remplacer. "Celle qui nourrit l'enfant d'une autre au lieu du sien est une mauvaise mère ; comment sera-t-elle une bonne nourrice ?". Une femme sensible peut-elle faire nourrir son enfant par une autre ? Peut-elle partager le droit d'être mère, ou plutôt l'aliéner, voir son enfant aimer une autre femme ? "Où j'ai trouvé les soins d'une mère ne dois-je pas l'attachement d'un fils ? Voulez-vous rendre chacun à ses premiers devoirs, commencez par les mères". Le contact intime entre mère et nourrisson tisse des liens affectifs qui transfigurent toutes les relations familiales et peuvent même régénérer l'Etat. Les douces vertus d'une mère vouée à ses petits imposeront un nouveau modèle de famille et de civilisation.
Cette leçon fut-elle entendue ? Nul n'ignore l'immense succès de l'Emile. Bien des femmes y ont sans doute trouvé, avec émotion, une reconnaissance de leur rôle propre, une réhabilitation de leur différence. La "mode de la mamelle", comme dit madame de Genlis, s'est répandue jusqu'à la cour où de nobles dames se faisaient apporter leur bébé pour l'allaiter ostensiblement. Mais cette conversion n'a pas duré. L'allaitement maternel ne pouvait pas triompher dans les milieux aisés tant que persistait l'interdit des relations sexuelles : les maris n'étaient pas tous disposés à céder la place aux nourrissons. Quand Eve accouche "Adam s'en va du paradis" écrit Michelet dans L'Amour. En 1879 encore, le docteur Garnier, auteur d'un livre à succès sur le mariage, écrit en substance qu'un mari amoureux met son enfant en nourrice. Pourtant au cours du 19e siècle de plus en plus nombreux sont les maris, notamment ceux des classes moyennes, qui pratiquent le coït interrompu (en France du moins). Mais d'une part cette méthode contraceptive n'était pas sûre ; d'autre part les mentalités progressaient moins vite que les pratiques.
Le principal résultat de l'offensive philosophique fut de modifier les rapports de classe. Les grandes dames éclairées ont eu à coeur de favoriser l'allaitement maternel. parmi les femmes du peuple. Elles ont fondé des associations féminines à la fin du 18e siècle dans les grandes villes : par exemple la Société de charité maternelle à Paris, la Junta de Damas à Madrid. Leur objectif était de secourir les mères les plus pauvres, sous diverses conditions dont celle de donner le sein. Ces sociétés se sont multipliées au 19e siècle.
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Mme de Sabran- Messages : 55497
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Localisation : l'Ouest sauvage
Re: L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle
Je trouve intéressant de placer ici que, dès 1765, lady Spencer, mère de la duchesse Georgiana de Devonshire, prend elle-même l'initiative d'allaiter son quatrième enfant, plutôt que de la confier à une nourrice et persévère dans cette décision, bien que cela la fasse souffrir et qu'elle soit " épuisée " .
( Amanda Foreman )
Malheureusement la petite Charlotte dépassera à peine un an ...
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle
Georgiana, suivant le bon exemple de lady Spencer et les conseils avisés de Mme de Polignac, décide d'allaiter elle-même sa fille,
la Petite G.
Le Morning Post l'applaudit et déclare trouver très regrettable que les femmes de la haute société ignorent ainsi leurs devoirs de mère, au point que cela rende exceptionnel le comportement inverse .
Georgiana écrit à lady Foster :
La Petite G. est très admirée . Son berceau, ses robes, ses couffins, etc, tout est, je dois l'avouer, d'une magnificence exagérée ...
La reine de France lui a fait envoyer un présent, mais j'ignore encore ce que c'est .
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Mme de Sabran- Messages : 55497
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Mme de Sabran- Messages : 55497
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Re: L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle
Oui très beau ! Sait-on qui est cette dame ?
Invité- Invité
Mme de Sabran- Messages : 55497
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Re: L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle
Reinette a écrit:Oui très beau ! Sait-on qui est cette dame ?
Oui, c'est madame Mitoire nourrissant son enfant par A. Labille -Guiard (salon de 1783)
Re: L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle
CLIOXVIII a écrit:Reinette a écrit:Oui très beau ! Sait-on qui est cette dame ?
Oui, c'est madame Mitoire nourrissant son enfant par A. Labille -Guiard (salon de 1783)
Merci !
Je ne m'attendais pas à une madame Mitoire compte tenu du décor magnifique.
J'ai donc tapé madame Mitoire, pensant peut-être trouvé une femme de fermier général ou quelque chose de ce genre, or je suis tombée sur cette notice du Louvre :
http://www.louvre.fr/mediaimages/adelaide-labille-guiard-madame-mitoire-et-ses-enfants-musee-du-louvre-departement-des--0
Invité- Invité
Re: L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle
Bravo et merci, Clio !
Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle
Département des Arts graphiques : une mine et un lieu de découverte en toute tranquillité ; il faut simplement demander un rendez-vous.
Aucun bravo, chère Eléonore , je travaillais sur ce portrait avec mes élèves.
Aucun bravo, chère Eléonore , je travaillais sur ce portrait avec mes élèves.
Re: L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle
Reinette a écrit:CLIOXVIII a écrit:Reinette a écrit:Oui très beau ! Sait-on qui est cette dame ?
Oui, c'est madame Mitoire nourrissant son enfant par A. Labille -Guiard (salon de 1783)
Merci !
Je ne m'attendais pas à une madame Mitoire compte tenu du décor magnifique.
J'ai donc tapé madame Mitoire, pensant peut-être trouvé une femme de fermier général ou quelque chose de ce genre, or je suis tombée sur cette notice du Louvre :
http://www.louvre.fr/mediaimages/adelaide-labille-guiard-madame-mitoire-et-ses-enfants-musee-du-louvre-departement-des--0
Tout faux, la Clio ! C'est bien une toile de Mosnier "Jeune mère " qui serait à Macon . Fait une demande de renseignements.
Re: L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle
CLIOXVIII a écrit:
Tout faux, la Clio !
Hue la hue, la carotte ! :n,,;::::!!!:
:
Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle
CLIOXVIII a écrit:Pour me faire pardonner...
CLIOXVIII a écrit: grand format de la véritable madame Mitoire :
Quel merveilleux tableau !
Ce thème m'enchante .............. boudoi30
A l'expression de son visage, nous sentons fondre la maman .
Merci, ma chère Clio !
.
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle
CLIOXVIII a écrit: l'obligation faite à une maman de couvrir sein et bébé d'une serviette
Quelle sottise !!! boudoi29 boudoi29 boudoi29 Je n'ai jamais fait ça, et j'ai donné le sein en tous lieux .
Voilà bien la plus cool des manifs : il n'est pas né le C.R.S. qui matraquerait un bébé au sein ! :
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle
Pas de tea time très fréquents au Savoy mais certaine que je n'y remettrai plus jamais les pieds
Re: L’allaitement, et les bureaux de placement des nourrices, au XVIIIe siècle
Mais, le Savoy n'y est pour rien ...
Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
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