Légendes, fantômes, et autres histoires étranges du XVIIIe siècle
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Monsieur de Coco
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Re: Légendes, fantômes, et autres histoires étranges du XVIIIe siècle
Trianon a écrit:
et puis il y a les rêves prémonitoires. Comtesse Diane n'en avez-vous jamais eus ? Ce n'est pas bien méchant.
Si, j'en ai eu;plusieurs; inexplicables et avérés dans les faits; inexplicables car il n'y avait aucun "stimuli" effectivement réels qui pouvaient déclencher ces rêves dans le sommeil !
Notre cerveau nous fait des sketchs !
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Comtesse Diane- Messages : 7397
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : TOURAINE
Re: Légendes, fantômes, et autres histoires étranges du XVIIIe siècle
Comtesse Diane a écrit:Trianon a écrit:
et puis il y a les rêves prémonitoires. Comtesse Diane n'en avez-vous jamais eus ? Ce n'est pas bien méchant.
Si, j'en ai eu;plusieurs; inexplicables et avérés dans les faits; inexplicables car il n'y avait aucun "stimuli" effectivement réels qui pouvaient déclencher ces rêves dans le sommeil !
Notre cerveau nous fait des sketchs !
C'est fort possible. Mais, il y a beaucoup de questions sans réponses.
Trianon- Messages : 3305
Date d'inscription : 22/12/2013
Trianon- Messages : 3305
Date d'inscription : 22/12/2013
Re: Légendes, fantômes, et autres histoires étranges du XVIIIe siècle
J'ai ressenti de nombreuses fois des présences dans certains endroits très connus (conciergerie à 23 H 00 seule dans le cachot de la Reine) et dans le Petit théâtre à TRIANON j'ai une photo prise du paradis qui montre un curieux flou sur scène !!!!!!et je suis certaine que depuis 60 années , la Reine est présente en ma demeure et me sert d'Ange Gardien..... je crois à la protection des disparu(e)s.
MARIE ANTOINETTE :
MARIE ANTOINETTE :
MARIE ANTOINETTE- Messages : 3729
Date d'inscription : 22/12/2013
Age : 78
Localisation : P A R I S
Re: Légendes, fantômes, et autres histoires étranges du XVIIIe siècle
Oui, chère Marie-Antoinette;
J'ai évoqué ici ( avec réserve) notre visite au petit hameau début Janvier 1986, et la curieuse sensation que nous avions eue mon mari et moi; au point d'en rester silencieux tout le temps de la visite;
Il est vrai qu'à cette époque, le hameau n'était pas du tout restauré et que le temps sinistre pouvait contribuer fortement à la suggestion;
Mais nous avions eu l'impression nette que "on venait de quitter" cet endroit dans des circonstances tragiques et il régnait un sentiment d'abandon très fort;
J'ai évoqué ici ( avec réserve) notre visite au petit hameau début Janvier 1986, et la curieuse sensation que nous avions eue mon mari et moi; au point d'en rester silencieux tout le temps de la visite;
Il est vrai qu'à cette époque, le hameau n'était pas du tout restauré et que le temps sinistre pouvait contribuer fortement à la suggestion;
Mais nous avions eu l'impression nette que "on venait de quitter" cet endroit dans des circonstances tragiques et il régnait un sentiment d'abandon très fort;
Invité- Invité
Re: Légendes, fantômes, et autres histoires étranges du XVIIIe siècle
MARIE ANTOINETTE a écrit: je crois à la protection des disparu(e)s.
Moi aussi! Absolument ! :;\':;\':; boudoi30
Bien à vous.
Invité- Invité
Re: Légendes, fantômes, et autres histoires étranges du XVIIIe siècle
Oui, moi aussi ! c'est une très belle et douce notion
Invité- Invité
Re: Légendes, fantômes, et autres histoires étranges du XVIIIe siècle
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... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Légendes, fantômes, et autres histoires étranges du XVIIIe siècle
Majesté a écrit:MARIE ANTOINETTE a écrit: je crois à la protection des disparu(e)s.
Moi aussi! Absolument ! :;\':;\':; boudoi30
Bien à vous.
Entièrement d'accord ! boudoi30
Invité- Invité
Re: Légendes, fantômes, et autres histoires étranges du XVIIIe siècle
Pouvez-vous traduire pour moi, nous sommes dimanche et pas bien réveillée.
"Diner de Morts de Cagliostro" ?????? Faites-moi partager pour que de retour en France, j'aille me restaurer dans ce lieu.
Trianon- Messages : 3305
Date d'inscription : 22/12/2013
Re: Légendes, fantômes, et autres histoires étranges du XVIIIe siècle
Trianon a écrit:
"Diner de Morts de Cagliostro" ??????
Eh bien figurez vous, chère Trianon, que Cagliostro organisait des dîners lors desquels des défunts prenaient place à table avec les vivants, lesquels avaient eu soin, quelques jours auparavant, de dire au mage quels chers disparus ils souhaitaient rencontrer ...
Allez savoir sur quelles incantations magiques de Cagliostro les défunts déboulaient complaisamment de l'Au delà !
De quoi ? Vous ne me croyez pas ? Ah ! mais ce sont les contemporains qui le rapportent, pourtant !
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Légendes, fantômes, et autres histoires étranges du XVIIIe siècle
On dit que la demeure de Louveciennes serait hantée par Madame Du Barry et qu'elle se manifesterait sous forme d'entité olfactive. Des parfums se répanderaient subitement.
A demander aux propriétaires de la maison....
A demander aux propriétaires de la maison....
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"Le 7 de septembre, le roi a été heureusement purgé d'humeurs fort âcres, et de beaucoup d'excréments fermentés, en dix selles."
Journal de santé de Louis XIV
Re: Légendes, fantômes, et autres histoires étranges du XVIIIe siècle
Tiens donc ! voilà une manifestation plus originale que celle du classique ectoplasme !
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Légendes, fantômes, et autres histoires étranges du XVIIIe siècle
Dilphidor, rappelez vous Madame de Sabran, n'avait pas raconté des histoires de fantômes à Versailles?
Comme par exemple les traces de pas dans une pièce qui laissait entrer personne?
Comme par exemple les traces de pas dans une pièce qui laissait entrer personne?
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Re: Légendes, fantômes, et autres histoires étranges du XVIIIe siècle
Si fait, cher Monsieur de Coco, cela me rappelle quelque chose ...
A toutes les vieilles pierres sont attachées pareilles légendes à faire dresser les cheveux sur la tête.
Mais qui y croit encore aujourd'hui ?
Le rationalisme l'emporte sur la superstition .
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Légendes, fantômes, et autres histoires étranges du XVIIIe siècle
Oh non je pense que beaucoup de gens y croient.
Regardez le succès des émissions sur le paranormal
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Re: Légendes, fantômes, et autres histoires étranges du XVIIIe siècle
La maison de la reine du hameau est elle toujours hantée????
Dans les années 1960, un peintre y a vu la reine descendre de l'escalier avec...sa tête dans les mains?????
Dans les années 1960, un peintre y a vu la reine descendre de l'escalier avec...sa tête dans les mains?????
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Re: Légendes, fantômes, et autres histoires étranges du XVIIIe siècle
Monsieur de Coco a écrit:On dit que la demeure de Louveciennes serait hantée par Madame Du Barry et qu'elle se manifesterait sous forme d'entité olfactive. Des parfums se répanderaient subitement.
A demander aux propriétaires de la maison....
Bien sûr, le fait que le pavillon de musique ait été habité par le plus grand parfumeur de son temps, Coty, qui y avait aménagé son laboratoire au sous-sol, n'a rien à voir dans cette affaire
Gouverneur Morris- Messages : 11795
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Légendes, fantômes, et autres histoires étranges du XVIIIe siècle
Monsieur de Coco a écrit:La maison de la reine du hameau est elle toujours hantée????
Dans les années 1960, un peintre y a vu la reine descendre de l'escalier avec...sa tête dans les mains?????
Si nous allions gaiement, bras-dessus bras-dessous, vérifier cela vous et moi, après notre pique-nique ?!!
Ne tremblez pas comme ça, je passerai devant !
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Légendes, fantômes, et autres histoires étranges du XVIIIe siècle
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Re: Légendes, fantômes, et autres histoires étranges du XVIIIe siècle
Une nuit de l’année 1695, alors que Louis XIV vient de se coucher, il dort déjà à poings fermés. Il n’y a plus un bruit dans le château. Enroulé dans ses draps de soie, le Roi doit s’imaginer dans les bras de la plus langoureuse de ses maîtresses, quand tout à coup, il est réveillé par une voix venue de nulle part. Et puis selon ses dires, une lueur pâle et froide d’un visage se penche près de lui. Louis reconnaît alors Marie-Angélique de Fontanges, son ancienne maîtresse décédée depuis quatorze ans.
D’une voix maintenant vive et aiguë, l’ancienne favorite reproche au Roi de l’avoir si vite oubliée alors qu’il déclarait qu’elle était la femme qu’il aimait le plus et lui avait promis l’amour éternel. Marie Angélique est déçue d’avoir été mise de côté par la Montespan et la Maintenon.
Enfin, dans une ultime phrase, elle annonce que la Montespan l’a empoisonnée et elle conjure au roi de se débarrasser de la Montespan afin d’alléger sa future peine au purgatoire, où elle l’attend avant de rejoindre à deux le paradis et l’éternité.
Madame de Fontanges
Source: femmesdeversailles.skyrock.com
D’une voix maintenant vive et aiguë, l’ancienne favorite reproche au Roi de l’avoir si vite oubliée alors qu’il déclarait qu’elle était la femme qu’il aimait le plus et lui avait promis l’amour éternel. Marie Angélique est déçue d’avoir été mise de côté par la Montespan et la Maintenon.
Enfin, dans une ultime phrase, elle annonce que la Montespan l’a empoisonnée et elle conjure au roi de se débarrasser de la Montespan afin d’alléger sa future peine au purgatoire, où elle l’attend avant de rejoindre à deux le paradis et l’éternité.
Madame de Fontanges
Source: femmesdeversailles.skyrock.com
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Re: Légendes, fantômes, et autres histoires étranges du XVIIIe siècle
Ah, mauvaise conscience, quand tu nous taraudes
Gouverneur Morris- Messages : 11795
Date d'inscription : 21/12/2013
Comtesse de Ségur - Les Vacances - Histoire de revenants
Ceux qui ont lu les ouvrages de la comtesse de Ségur se rappelleront sans doute de cette anecdote familiale, qu'elle relate dans Les Vacances sans déguiser le nom de la malheureuse victime:
On se groupa autour de M. de Rugès, qui commença ainsi : « Je vous préviens d’abord que c’est une histoire véritable, qui est réellement arrivée au maréchal de Ségur et qui m’a été racontée par son fils. » Le maréchal, à peine remis d’une blessure affreuse reçue à la bataille de Laufeld, où il avait eu le bras emporté par un boulet de canon, quittait encore une fois la France pour retourner en Allemagne reprendre le commandement de sa division.
Il voyageait lentement, comme on voyageait du temps de Louis XV ; les chemins étaient mauvais, on couchait toutes les nuits, et les auberges n’étaient pas belles, grandes et propres comme elles le sont aujourd’hui. Un orage affreux avait trempé hommes et chevaux, quand ils arrivèrent un soir dans un petit village où il n’y avait qu’une seule auberge, de misérable apparence.
» – Avez-vous de quoi nous loger, l’hôtesse, moi, mes gens et mes chevaux ? dit-il en entrant. – Ah ! monsieur, vous tombez mal : l’orage a effrayé les voyageurs ; ma maison est pleine ; toutes mes chambres sont prises. Je ne pourrais loger que vos chevaux et vos gens. Ils coucheront ensemble sur la paille. – Mais je ne puis pourtant pas passer la nuit dehors, ma brave femme ! Voyez donc : il pleut à torrents. Vous trouverez bien un coin à me donner.
» L’hôtesse parut embarrassée, hésita, tourna le coin de son tablier, puis, levant les yeux avec une certaine crainte sur le maréchal, elle lui dit : « Monsieur pourrait bien avoir une bonne chambre et même tout un appartement, mais… – Mais quoi ? reprit le maréchal, donnez-la-moi bien vite, cette chambre, et un bon souper avec. – C’est que…, c’est que…, je ne sais comment dire… – Dites toujours et dépêchez-vous ! – Eh bien ! monsieur, c’est que… cette chambre est dans la tour du vieux château ; elle est hantée ; nous n’osons pas la donner depuis qu’il y est arrivé des malheurs. – Quelle sottise ! Allez-vous me faire accroire qu’il y vient des esprits ?
– Tout juste, monsieur, et je serais bien fâchée qu’il arrivât malheur à un beau cavalier comme vous. – Ah bien ! si ce n’est pas autre chose qui m’empêche d’être logé, donnez-moi cette chambre : je ne crains pas les esprits ; et, quant aux hommes, j’ai mon épée, deux pistolets, et malheur à ceux qui se présenteront chez moi sans en être priés ! – En vérité, monsieur, je n’ose… – Osez donc, parbleu ! puisque je vous le demande. Voyons, en marche et lestement ! » L’hôtesse alluma un bougeoir et le remit au maréchal : « Tenez, monsieur, nous n’en aurons pas trop d’un pour chacun de nous. Si vous voulez suivre le corridor, monsieur, je vous accompagnerai bien jusque-là. – Est-ce au bout du corridor ?
– Oh ! pour ça non, monsieur, grâce à Dieu ! Nous déserterions la maison si les esprits se trouvaient si près de nous ; vous prendrez la porte qui est au bout, vous descendrez quelques marches, vous suivrez le souterrain, vous remonterez quelques marches, vous pousserez une porte, vous remonterez encore, vous irez tout droit, vous redescendrez, vous…
» – Ah çà ! ma bonne femme, interrompit le maréchal en riant, comment voulez-vous que je me souvienne de tout cela ? Marchez en avant pour me montrer le chemin. – Oh ! monsieur, je n’ose. – Eh bien ! à côté de moi, alors. – Oui da ! Et pour revenir toute seule, je n’oserai jamais. – Holà, Pierre, Joseph, venez par ici ! cria le maréchal, venez faire escorte à madame, qui a peur des esprits.
– Faut pas en plaisanter, monsieur, dit très sérieusement l’hôtesse, il arriverait malheur.
» Les domestiques du maréchal étaient accourus à son appel. Suivant ses ordres, ils se mirent à la droite et à la gauche de l’hôtesse, qui, rassurée par l’air intrépide de ses gardes du corps, se décida à passer devant le maréchal. Elle lui fit parcourir une longue suite de corridors, d’escaliers, et l’amena enfin dans une très grande et belle chambre, inhabitée depuis longtemps à en juger par l’odeur de moisi qu’on y sentait. L’hôtesse y entra d’un air craintif, osant à peine regarder autour d’elle ; son bougeoir tremblait dans ses mains. Elle se serait enfuie si elle avait osé parcourir seule le chemin de la tour à l’auberge. Le maréchal éleva son bougeoir, examina la chambre, en fit le tour et parut satisfait de son examen. « Apportez-moi des draps et à souper, dit-il, des bougies pour remplacer celle-ci qui va bientôt s’éteindre ; et aussi mes pistolets, Joseph, et de quoi les recharger. » Les domestiques se retirèrent pour exécuter les ordres de leur maître ; l’hôtesse les accompagna avec empressement, mais elle ne revint pas avec eux quand ils rapportèrent les armes du maréchal et tout ce qu’il avait demandé. « Et notre hôtesse, Joseph ? Elle ne vient donc pas ? J’aurais quelques questions à lui adresser ; cette tapisserie me semble curieuse.
– Elle n’a jamais voulu venir, monsieur le marquis. Elle dit qu’elle a eu trop peur, qu’elle a entendu les esprits chuchoter et siffler à son oreille, dans l’escalier et dans la chambre, et qu’on la tuerait plutôt que de l’y faire rentrer. – Sotte femme ! dit le maréchal en riant. Servez-moi le souper, Joseph ; et vous, Pierre, faites mon lit et allumez les bougies. Ouvrez les fenêtres : ça sent le moisi à suffoquer. » On eut quelque peine à ouvrir les fenêtres, fermées depuis des années : il faisait humide et froid ; la cheminée était pleine de bois ; le maréchal fit allumer un bon feu, mangea avec appétit du petit salé aux choux, une salade au lard fondu, fit fermer ses croisées, examina ses pistolets, renvoya ses gens et donna l’ordre qu’on vînt l’éveiller le lendemain au petit jour, car il avait une longue journée à faire pour gagner une autre étape. Quand il fut seul, il ferma sa porte au verrou et à double tour, et fit la revue de sa chambre pour voir s’il n’y avait pas quelque autre porte masquée dans le mur, ou une trappe, un panneau à ressort, qui pût en s’ouvrant donner passage à quelqu’un : « Il ne faut, se dit-il, négliger aucune précaution ; je ne crains pas les esprits dont cette sotte femme me menace ; mais cette vieille tour, reste d’un vieux château, pourrait bien cacher dans ses souterrains une bande de malfaiteurs, et je ne veux pas me laisser égorger dans mon lit comme un rat dans une souricière. » Après s’être bien assuré par ses yeux et par ses mains qu’il n’y avait à cette chambre d’autre entrée que la porte qu’il venait de verrouiller et qui était assez solide pour soutenir un siège, le maréchal s’assit près du feu dans un bon fauteuil et se mit à lire. Mais il sentit bientôt le sommeil le gagner ; il se déshabilla, se coucha, éteignit ses bougies, et ne tarda pas à s’endormir. Il s’éveilla au premier coup de minuit sonné par l’horloge de la vieille tour ; il compta les coups : « Minuit, dit-il ; j’ai encore quelques heures de repos devant moi. » Il avait à peine achevé ces mots, qu’un bruit étrange lui fit ouvrir les yeux. Il ne put d’abord en reconnaître la cause, puis il distingua parfaitement un son de ferraille et des pas lourds et réguliers. Il se mit sur son séant, saisit ses pistolets, plaça son épée à la portée de sa main et attendit. Le bruit se rapprochait et devenait de plus en plus distinct. Le feu à moitié éteint jetait encore assez de clarté dans la chambre pour qu’il pût voir si quelqu’un y pénétrait ; ses yeux ne quittaient pas la porte ; tout à coup, une vive lumière apparut du côté opposé ; le mur s’entrouvrit, un homme de haute taille, revêtu d’une armure, tenant une lanterne à la main, achevait de monter un escalier tournant taillé dans le mur. Il entra dans la chambre, fixa les yeux sur le maréchal, s’arrêta à trois pas du lit et dit : « Qui es-tu, pour avoir eu le courage de braver ma présence ? – Je suis d’un sang qui ne connaît pas la peur. Si tu es homme, je ne te crains pas, car j’ai mes armes, et mon Dieu qui combattra pour moi. Si tu es un esprit, tu dois savoir qui je suis et que je n’ai eu aucune méchante intention en venant habiter cette chambre. – Ton courage me plaît, maréchal de Ségur ; tes armes ne te serviraient pas contre moi, mais ta foi combat pour toi.
– Mon épée a plus d’une fois été teinte du sang de l’ennemi, et plus d’un a été traversé par mes balles. – Essaye, dit le chevalier : je m’offre à tes coups. Me voici à portée de tes pistolets ; tire, et tu verras. – Je ne tire pas sur un homme seul et désarmé », répondit le maréchal. Pour toute réponse, le chevalier tira un long poignard de son sein et, approchant du maréchal, lui en fit sentir la pointe sur la poitrine. Devant un danger si pressant, le maréchal ne pouvait plus user de générosité ; son pistolet était armé, il tira : la balle traversa le corps du chevalier et alla s’aplatir contre le mur en face. Mais le chevalier ne tombait pas, il continuait son sourire et le maréchal sentait toujours la pointe du poignard appuyée contre sa poitrine. Il n’y avait pas un moment à perdre ; il tira son second pistolet : la balle traversa également la poitrine du chevalier et alla, comme la première, s’aplatir contre le mur en face. Le chevalier ne bougea pas : seulement son sourire se changea en un rire caverneux, et son poignard piqua assez fortement la poitrine du maréchal. Celui-ci saisit son épée et en donna plusieurs coups dans la poitrine, le cœur, la tête du chevalier. L’épée entrait jusqu’à la garde et sans résistance, mais le chevalier ne tombait pas et riait toujours. « Je me rends, dit enfin le maréchal, je te reconnais esprit, pur esprit, contre lequel ma main et mon épée sont également impuissantes. Que veux-tu de moi ? Parle. – Obéiras-tu ? – J’obéirai, si tu ne me demandes rien de contraire à la loi de Dieu. – Oserais-tu me braver en me désobéissant ? Ne craindrais-tu pas ma colère ? – Je ne crains que Dieu, qui est mon maître et le tien. – Je puis te tuer. – Tue-moi ! si Dieu te donne pouvoir sur mon corps, il ne t’en donne pas sur mon âme, que je remets entre ses mains. » Et le maréchal ferma les yeux, fit un signe de croix et baisa l’étoile du Saint-Esprit qu’il portait toujours sur lui en qualité de grand cordon de l’ordre. Ne sentant plus le poignard sur sa poitrine, il ouvrit les yeux et vit avec surprise le chevalier qui, les bras croisés, le regardait avec un sourire bienveillant. « Tu es un vrai brave, lui dit-il, un vrai soldat de Dieu, mon maître et le tien, comme tu as si bien dit tout à l’heure. Je veux récompenser ton courage en te faisant maître d’un trésor qui m’a appartenu et dont personne ne connaît l’existence. Suis-moi. L’oseras-tu ? » Le maréchal ne répondit qu’en sautant à bas de son lit et revêtant ses habits. Le chevalier le regardait faire en souriant. « Prends ton épée, dit-il, cette noble épée teinte du sang des ennemis de la France. Maintenant, suis-moi sans regarder derrière toi, sans répondre aux voix qui te parleront. Si un danger te menace, fais le signe de la croix sans parler. Viens, suis-moi ! » Et le chevalier se dirigea vers le mur entrouvert, descendit un escalier qui tournait, tournait toujours. Le maréchal le suivait pas à pas, sans regarder derrière lui, sans répondre aux paroles qu’il entendait chuchoter à son oreille. « Prends garde, lui disait une voix douce, tu suis le diable ; il te mène en enfer.
– Retourne-toi, lui disait une autre voix, tu verras un abîme derrière toi ; tu ne pourras plus revenir sur tes pas. – N’écoute pas ce séducteur, disait une voix tremblante, il veut acheter ton âme avec le trésor qu’il te promet. » Le maréchal marchait toujours. De temps à autre il voyait, entre lui et le chevalier, la pointe d’un poignard, puis des flammes, puis des griffes prêtes à le déchirer : un signe de croix le débarrassait de ces visions. Le chevalier allait toujours ; depuis une heure il descendait, lorsque enfin ils se trouvèrent dans un vaste caveau entièrement dallé de pierres noires ; chaque pierre avait un anneau ; toutes étaient exactement pareilles. Le chevalier passa sur toutes ces dalles, et s’arrêtant sur l’une d’elles : « Voici la pierre qui recouvre mon trésor, dit-il ; tu y trouveras de l’or de quoi te faire une fortune royale, et des pierres précieuses d’une beauté inconnue au monde civilisé. Je te donne mon trésor, mais tu ne pourras lever la dalle que de minuit à deux heures. Prie pour l’âme de ton aïeul, Louis-François de Ségur. Garde-toi de toucher aux autres dalles, qui recouvrent des trésors appartenant à d’autres familles. À peine soulèverais-tu une de ces pierres, que tu serais saisi et étouffé par l’esprit propriétaire de ce trésor. Pour reconnaître ma dalle et emporter ce qu’elle recouvre, il faut… » Le chevalier ne put achever. L’horloge sonna deux heures : un bruit semblable au tonnerre se fit entendre, les esprits disparurent tous et le chevalier avec eux. Le maréchal resta seul ; la lanterne du chevalier était heureusement restée à terre.
« Comment reconnaîtrai-je ma dalle ? dit le maréchal ; je ne puis l’ouvrir maintenant, puisque deux heures sont sonnées. Si j’avais emporté ma tabatière ou quelque objet pour le poser dessus ! » Pendant qu’il réfléchissait, il ressentit de cruelles douleurs d’entrailles, résultat du saisissement causé par la visite du chevalier. Le maréchal se prit à rire : « C’est mon bon ange, dit-il, qui m’envoie le moyen de déposer un souvenir sur cette dalle précieuse. Quand j’y viendrai demain, je ne pourrai la méconnaître… » Aussitôt dit, aussitôt fait, poursuivit M. de Rugès en riant. Le maréchal ne commença à remonter l’escalier qu’après s’être assuré de retrouver sa pierre entre mille. Il monta, monta longtemps ; enfin il arriva au haut de cet interminable escalier ; à la dernière marche la lanterne échappa de ses mains et roula jusqu’en bas. Le maréchal ne s’amusa pas à courir après. Il rentra dans sa chambre, repoussa soigneusement le mur, non sans avoir bien examiné le ressort et s’être assuré qu’il pouvait facilement l’ouvrir et le fermer. Après s’y être exercé plusieurs fois, et après avoir fait avec son épée une marque pour reconnaître la place, il allait se recoucher, lorsqu’il entendit frapper à la porte. C’était le valet de chambre qui venait l’éveiller. « Je vais ouvrir ! » s’écria-t-il. Sa propre voix l’éveilla. Sa surprise fut grande de se retrouver dans son lit. Il examina ses pistolets : ils étaient chargés et posés près de lui comme lorsqu’il s’était endormi la veille, de même que son épée. Il se sentit mal à l’aise dans son lit : il se leva.
Fantôme, trésor, tout était un rêve, excepté le souvenir qu’il avait cru laisser sur la dalle et que ses draps avaient reçu. N’en pouvant croire le témoignage de ses sens, il examina le mur percé de ses deux balles : point de balles, point de traces ; il chercha la place du passage mystérieux, de la marque faite avec son épée : il ne trouva rien. « J’ai décidément rêvé, dit-il, c’est dommage ! Le trésor aurait bien fait à ma fortune ébréchée par mes campagnes. Et que vais-je faire de mes draps ? dit-il en riant. Je mourrais de honte devant cette hôtesse… Ah ! une idée ! un bon feu fera justice de tout. Je dirai à l’hôtesse que les esprits ont emporté ses draps, et je lui en payerai dix pour la faire taire. »
» Le maréchal ranima son feu qui brûlait encore, y jeta les draps, et n’ouvrit sa porte que lorsqu’ils furent entièrement consumés.
» – L’honneur est sauf, dit le maréchal ; en avant les revenants ! »
» – Comment monsieur le marquis a-t-il dormi ? demanda l’hôtesse, qui accompagnait les domestiques du maréchal.
» – Pas mal, pas mal, ma bonne femme ; j’ai seulement été ennuyé par les esprits, qui m’ont tiraillé, turlupiné, jusqu’à ce qu’ils se soient emparés de mes draps. Voyez, ils les ont emportés ; ils n’en ont point laissé seulement un morceau. – C’est, ma foi, vrai ! s’écria la maîtresse désolée. J’avais bien dit qu’il arriverait malheur. Mes pauvres draps ! Mes plus fins, mes plus neufs encore !
» – Eh bien ! ma bonne femme, reprit le maréchal en riant, vous pourrez toujours dire avec vérité que vous m’avez mis dans de beaux draps et pour vous faire dire plus vrai encore, au lieu de deux, je vous en rendrai dix, puisque c’est grâce à mon obstination que vous les avez perdus. Combien valaient vos draps ?
» – Quatre écus1, monsieur le marquis, aussi vrai qu’il y a des esprits dans cette tour de malheur.
» – Eh bien ! en voici vingt : cela vous fait vos cinq paires ou vos dix draps. Et maintenant à déjeuner, et bonsoir !
» L’hôtesse fit révérence sur révérence, et courut chercher le déjeuner du maréchal. La voyant revenir toute seule : « Vous n’avez donc plus peur des esprits, lui dit-il, que vous allez et venez ainsi sans escorte ? – Oh ! monsieur, tant qu’il fait jour, il n’y a pas de danger ; ce n’est qu’aux approches de minuit. »
» Le maréchal paya généreusement sa dépense et celle de ses gens, et laissa l’hôtesse plus persuadée que jamais de la présence des esprits dans la tour du vieux château. Depuis ce jour, elle invoquait toujours le nom du maréchal de Ségur pour convaincre les incrédules du danger d’habiter la tour ; et voilà comme se font toutes les histoires de revenants ! »
On se groupa autour de M. de Rugès, qui commença ainsi : « Je vous préviens d’abord que c’est une histoire véritable, qui est réellement arrivée au maréchal de Ségur et qui m’a été racontée par son fils. » Le maréchal, à peine remis d’une blessure affreuse reçue à la bataille de Laufeld, où il avait eu le bras emporté par un boulet de canon, quittait encore une fois la France pour retourner en Allemagne reprendre le commandement de sa division.
Il voyageait lentement, comme on voyageait du temps de Louis XV ; les chemins étaient mauvais, on couchait toutes les nuits, et les auberges n’étaient pas belles, grandes et propres comme elles le sont aujourd’hui. Un orage affreux avait trempé hommes et chevaux, quand ils arrivèrent un soir dans un petit village où il n’y avait qu’une seule auberge, de misérable apparence.
» – Avez-vous de quoi nous loger, l’hôtesse, moi, mes gens et mes chevaux ? dit-il en entrant. – Ah ! monsieur, vous tombez mal : l’orage a effrayé les voyageurs ; ma maison est pleine ; toutes mes chambres sont prises. Je ne pourrais loger que vos chevaux et vos gens. Ils coucheront ensemble sur la paille. – Mais je ne puis pourtant pas passer la nuit dehors, ma brave femme ! Voyez donc : il pleut à torrents. Vous trouverez bien un coin à me donner.
» L’hôtesse parut embarrassée, hésita, tourna le coin de son tablier, puis, levant les yeux avec une certaine crainte sur le maréchal, elle lui dit : « Monsieur pourrait bien avoir une bonne chambre et même tout un appartement, mais… – Mais quoi ? reprit le maréchal, donnez-la-moi bien vite, cette chambre, et un bon souper avec. – C’est que…, c’est que…, je ne sais comment dire… – Dites toujours et dépêchez-vous ! – Eh bien ! monsieur, c’est que… cette chambre est dans la tour du vieux château ; elle est hantée ; nous n’osons pas la donner depuis qu’il y est arrivé des malheurs. – Quelle sottise ! Allez-vous me faire accroire qu’il y vient des esprits ?
– Tout juste, monsieur, et je serais bien fâchée qu’il arrivât malheur à un beau cavalier comme vous. – Ah bien ! si ce n’est pas autre chose qui m’empêche d’être logé, donnez-moi cette chambre : je ne crains pas les esprits ; et, quant aux hommes, j’ai mon épée, deux pistolets, et malheur à ceux qui se présenteront chez moi sans en être priés ! – En vérité, monsieur, je n’ose… – Osez donc, parbleu ! puisque je vous le demande. Voyons, en marche et lestement ! » L’hôtesse alluma un bougeoir et le remit au maréchal : « Tenez, monsieur, nous n’en aurons pas trop d’un pour chacun de nous. Si vous voulez suivre le corridor, monsieur, je vous accompagnerai bien jusque-là. – Est-ce au bout du corridor ?
– Oh ! pour ça non, monsieur, grâce à Dieu ! Nous déserterions la maison si les esprits se trouvaient si près de nous ; vous prendrez la porte qui est au bout, vous descendrez quelques marches, vous suivrez le souterrain, vous remonterez quelques marches, vous pousserez une porte, vous remonterez encore, vous irez tout droit, vous redescendrez, vous…
» – Ah çà ! ma bonne femme, interrompit le maréchal en riant, comment voulez-vous que je me souvienne de tout cela ? Marchez en avant pour me montrer le chemin. – Oh ! monsieur, je n’ose. – Eh bien ! à côté de moi, alors. – Oui da ! Et pour revenir toute seule, je n’oserai jamais. – Holà, Pierre, Joseph, venez par ici ! cria le maréchal, venez faire escorte à madame, qui a peur des esprits.
– Faut pas en plaisanter, monsieur, dit très sérieusement l’hôtesse, il arriverait malheur.
» Les domestiques du maréchal étaient accourus à son appel. Suivant ses ordres, ils se mirent à la droite et à la gauche de l’hôtesse, qui, rassurée par l’air intrépide de ses gardes du corps, se décida à passer devant le maréchal. Elle lui fit parcourir une longue suite de corridors, d’escaliers, et l’amena enfin dans une très grande et belle chambre, inhabitée depuis longtemps à en juger par l’odeur de moisi qu’on y sentait. L’hôtesse y entra d’un air craintif, osant à peine regarder autour d’elle ; son bougeoir tremblait dans ses mains. Elle se serait enfuie si elle avait osé parcourir seule le chemin de la tour à l’auberge. Le maréchal éleva son bougeoir, examina la chambre, en fit le tour et parut satisfait de son examen. « Apportez-moi des draps et à souper, dit-il, des bougies pour remplacer celle-ci qui va bientôt s’éteindre ; et aussi mes pistolets, Joseph, et de quoi les recharger. » Les domestiques se retirèrent pour exécuter les ordres de leur maître ; l’hôtesse les accompagna avec empressement, mais elle ne revint pas avec eux quand ils rapportèrent les armes du maréchal et tout ce qu’il avait demandé. « Et notre hôtesse, Joseph ? Elle ne vient donc pas ? J’aurais quelques questions à lui adresser ; cette tapisserie me semble curieuse.
– Elle n’a jamais voulu venir, monsieur le marquis. Elle dit qu’elle a eu trop peur, qu’elle a entendu les esprits chuchoter et siffler à son oreille, dans l’escalier et dans la chambre, et qu’on la tuerait plutôt que de l’y faire rentrer. – Sotte femme ! dit le maréchal en riant. Servez-moi le souper, Joseph ; et vous, Pierre, faites mon lit et allumez les bougies. Ouvrez les fenêtres : ça sent le moisi à suffoquer. » On eut quelque peine à ouvrir les fenêtres, fermées depuis des années : il faisait humide et froid ; la cheminée était pleine de bois ; le maréchal fit allumer un bon feu, mangea avec appétit du petit salé aux choux, une salade au lard fondu, fit fermer ses croisées, examina ses pistolets, renvoya ses gens et donna l’ordre qu’on vînt l’éveiller le lendemain au petit jour, car il avait une longue journée à faire pour gagner une autre étape. Quand il fut seul, il ferma sa porte au verrou et à double tour, et fit la revue de sa chambre pour voir s’il n’y avait pas quelque autre porte masquée dans le mur, ou une trappe, un panneau à ressort, qui pût en s’ouvrant donner passage à quelqu’un : « Il ne faut, se dit-il, négliger aucune précaution ; je ne crains pas les esprits dont cette sotte femme me menace ; mais cette vieille tour, reste d’un vieux château, pourrait bien cacher dans ses souterrains une bande de malfaiteurs, et je ne veux pas me laisser égorger dans mon lit comme un rat dans une souricière. » Après s’être bien assuré par ses yeux et par ses mains qu’il n’y avait à cette chambre d’autre entrée que la porte qu’il venait de verrouiller et qui était assez solide pour soutenir un siège, le maréchal s’assit près du feu dans un bon fauteuil et se mit à lire. Mais il sentit bientôt le sommeil le gagner ; il se déshabilla, se coucha, éteignit ses bougies, et ne tarda pas à s’endormir. Il s’éveilla au premier coup de minuit sonné par l’horloge de la vieille tour ; il compta les coups : « Minuit, dit-il ; j’ai encore quelques heures de repos devant moi. » Il avait à peine achevé ces mots, qu’un bruit étrange lui fit ouvrir les yeux. Il ne put d’abord en reconnaître la cause, puis il distingua parfaitement un son de ferraille et des pas lourds et réguliers. Il se mit sur son séant, saisit ses pistolets, plaça son épée à la portée de sa main et attendit. Le bruit se rapprochait et devenait de plus en plus distinct. Le feu à moitié éteint jetait encore assez de clarté dans la chambre pour qu’il pût voir si quelqu’un y pénétrait ; ses yeux ne quittaient pas la porte ; tout à coup, une vive lumière apparut du côté opposé ; le mur s’entrouvrit, un homme de haute taille, revêtu d’une armure, tenant une lanterne à la main, achevait de monter un escalier tournant taillé dans le mur. Il entra dans la chambre, fixa les yeux sur le maréchal, s’arrêta à trois pas du lit et dit : « Qui es-tu, pour avoir eu le courage de braver ma présence ? – Je suis d’un sang qui ne connaît pas la peur. Si tu es homme, je ne te crains pas, car j’ai mes armes, et mon Dieu qui combattra pour moi. Si tu es un esprit, tu dois savoir qui je suis et que je n’ai eu aucune méchante intention en venant habiter cette chambre. – Ton courage me plaît, maréchal de Ségur ; tes armes ne te serviraient pas contre moi, mais ta foi combat pour toi.
– Mon épée a plus d’une fois été teinte du sang de l’ennemi, et plus d’un a été traversé par mes balles. – Essaye, dit le chevalier : je m’offre à tes coups. Me voici à portée de tes pistolets ; tire, et tu verras. – Je ne tire pas sur un homme seul et désarmé », répondit le maréchal. Pour toute réponse, le chevalier tira un long poignard de son sein et, approchant du maréchal, lui en fit sentir la pointe sur la poitrine. Devant un danger si pressant, le maréchal ne pouvait plus user de générosité ; son pistolet était armé, il tira : la balle traversa le corps du chevalier et alla s’aplatir contre le mur en face. Mais le chevalier ne tombait pas, il continuait son sourire et le maréchal sentait toujours la pointe du poignard appuyée contre sa poitrine. Il n’y avait pas un moment à perdre ; il tira son second pistolet : la balle traversa également la poitrine du chevalier et alla, comme la première, s’aplatir contre le mur en face. Le chevalier ne bougea pas : seulement son sourire se changea en un rire caverneux, et son poignard piqua assez fortement la poitrine du maréchal. Celui-ci saisit son épée et en donna plusieurs coups dans la poitrine, le cœur, la tête du chevalier. L’épée entrait jusqu’à la garde et sans résistance, mais le chevalier ne tombait pas et riait toujours. « Je me rends, dit enfin le maréchal, je te reconnais esprit, pur esprit, contre lequel ma main et mon épée sont également impuissantes. Que veux-tu de moi ? Parle. – Obéiras-tu ? – J’obéirai, si tu ne me demandes rien de contraire à la loi de Dieu. – Oserais-tu me braver en me désobéissant ? Ne craindrais-tu pas ma colère ? – Je ne crains que Dieu, qui est mon maître et le tien. – Je puis te tuer. – Tue-moi ! si Dieu te donne pouvoir sur mon corps, il ne t’en donne pas sur mon âme, que je remets entre ses mains. » Et le maréchal ferma les yeux, fit un signe de croix et baisa l’étoile du Saint-Esprit qu’il portait toujours sur lui en qualité de grand cordon de l’ordre. Ne sentant plus le poignard sur sa poitrine, il ouvrit les yeux et vit avec surprise le chevalier qui, les bras croisés, le regardait avec un sourire bienveillant. « Tu es un vrai brave, lui dit-il, un vrai soldat de Dieu, mon maître et le tien, comme tu as si bien dit tout à l’heure. Je veux récompenser ton courage en te faisant maître d’un trésor qui m’a appartenu et dont personne ne connaît l’existence. Suis-moi. L’oseras-tu ? » Le maréchal ne répondit qu’en sautant à bas de son lit et revêtant ses habits. Le chevalier le regardait faire en souriant. « Prends ton épée, dit-il, cette noble épée teinte du sang des ennemis de la France. Maintenant, suis-moi sans regarder derrière toi, sans répondre aux voix qui te parleront. Si un danger te menace, fais le signe de la croix sans parler. Viens, suis-moi ! » Et le chevalier se dirigea vers le mur entrouvert, descendit un escalier qui tournait, tournait toujours. Le maréchal le suivait pas à pas, sans regarder derrière lui, sans répondre aux paroles qu’il entendait chuchoter à son oreille. « Prends garde, lui disait une voix douce, tu suis le diable ; il te mène en enfer.
– Retourne-toi, lui disait une autre voix, tu verras un abîme derrière toi ; tu ne pourras plus revenir sur tes pas. – N’écoute pas ce séducteur, disait une voix tremblante, il veut acheter ton âme avec le trésor qu’il te promet. » Le maréchal marchait toujours. De temps à autre il voyait, entre lui et le chevalier, la pointe d’un poignard, puis des flammes, puis des griffes prêtes à le déchirer : un signe de croix le débarrassait de ces visions. Le chevalier allait toujours ; depuis une heure il descendait, lorsque enfin ils se trouvèrent dans un vaste caveau entièrement dallé de pierres noires ; chaque pierre avait un anneau ; toutes étaient exactement pareilles. Le chevalier passa sur toutes ces dalles, et s’arrêtant sur l’une d’elles : « Voici la pierre qui recouvre mon trésor, dit-il ; tu y trouveras de l’or de quoi te faire une fortune royale, et des pierres précieuses d’une beauté inconnue au monde civilisé. Je te donne mon trésor, mais tu ne pourras lever la dalle que de minuit à deux heures. Prie pour l’âme de ton aïeul, Louis-François de Ségur. Garde-toi de toucher aux autres dalles, qui recouvrent des trésors appartenant à d’autres familles. À peine soulèverais-tu une de ces pierres, que tu serais saisi et étouffé par l’esprit propriétaire de ce trésor. Pour reconnaître ma dalle et emporter ce qu’elle recouvre, il faut… » Le chevalier ne put achever. L’horloge sonna deux heures : un bruit semblable au tonnerre se fit entendre, les esprits disparurent tous et le chevalier avec eux. Le maréchal resta seul ; la lanterne du chevalier était heureusement restée à terre.
« Comment reconnaîtrai-je ma dalle ? dit le maréchal ; je ne puis l’ouvrir maintenant, puisque deux heures sont sonnées. Si j’avais emporté ma tabatière ou quelque objet pour le poser dessus ! » Pendant qu’il réfléchissait, il ressentit de cruelles douleurs d’entrailles, résultat du saisissement causé par la visite du chevalier. Le maréchal se prit à rire : « C’est mon bon ange, dit-il, qui m’envoie le moyen de déposer un souvenir sur cette dalle précieuse. Quand j’y viendrai demain, je ne pourrai la méconnaître… » Aussitôt dit, aussitôt fait, poursuivit M. de Rugès en riant. Le maréchal ne commença à remonter l’escalier qu’après s’être assuré de retrouver sa pierre entre mille. Il monta, monta longtemps ; enfin il arriva au haut de cet interminable escalier ; à la dernière marche la lanterne échappa de ses mains et roula jusqu’en bas. Le maréchal ne s’amusa pas à courir après. Il rentra dans sa chambre, repoussa soigneusement le mur, non sans avoir bien examiné le ressort et s’être assuré qu’il pouvait facilement l’ouvrir et le fermer. Après s’y être exercé plusieurs fois, et après avoir fait avec son épée une marque pour reconnaître la place, il allait se recoucher, lorsqu’il entendit frapper à la porte. C’était le valet de chambre qui venait l’éveiller. « Je vais ouvrir ! » s’écria-t-il. Sa propre voix l’éveilla. Sa surprise fut grande de se retrouver dans son lit. Il examina ses pistolets : ils étaient chargés et posés près de lui comme lorsqu’il s’était endormi la veille, de même que son épée. Il se sentit mal à l’aise dans son lit : il se leva.
Fantôme, trésor, tout était un rêve, excepté le souvenir qu’il avait cru laisser sur la dalle et que ses draps avaient reçu. N’en pouvant croire le témoignage de ses sens, il examina le mur percé de ses deux balles : point de balles, point de traces ; il chercha la place du passage mystérieux, de la marque faite avec son épée : il ne trouva rien. « J’ai décidément rêvé, dit-il, c’est dommage ! Le trésor aurait bien fait à ma fortune ébréchée par mes campagnes. Et que vais-je faire de mes draps ? dit-il en riant. Je mourrais de honte devant cette hôtesse… Ah ! une idée ! un bon feu fera justice de tout. Je dirai à l’hôtesse que les esprits ont emporté ses draps, et je lui en payerai dix pour la faire taire. »
» Le maréchal ranima son feu qui brûlait encore, y jeta les draps, et n’ouvrit sa porte que lorsqu’ils furent entièrement consumés.
» – L’honneur est sauf, dit le maréchal ; en avant les revenants ! »
» – Comment monsieur le marquis a-t-il dormi ? demanda l’hôtesse, qui accompagnait les domestiques du maréchal.
» – Pas mal, pas mal, ma bonne femme ; j’ai seulement été ennuyé par les esprits, qui m’ont tiraillé, turlupiné, jusqu’à ce qu’ils se soient emparés de mes draps. Voyez, ils les ont emportés ; ils n’en ont point laissé seulement un morceau. – C’est, ma foi, vrai ! s’écria la maîtresse désolée. J’avais bien dit qu’il arriverait malheur. Mes pauvres draps ! Mes plus fins, mes plus neufs encore !
» – Eh bien ! ma bonne femme, reprit le maréchal en riant, vous pourrez toujours dire avec vérité que vous m’avez mis dans de beaux draps et pour vous faire dire plus vrai encore, au lieu de deux, je vous en rendrai dix, puisque c’est grâce à mon obstination que vous les avez perdus. Combien valaient vos draps ?
» – Quatre écus1, monsieur le marquis, aussi vrai qu’il y a des esprits dans cette tour de malheur.
» – Eh bien ! en voici vingt : cela vous fait vos cinq paires ou vos dix draps. Et maintenant à déjeuner, et bonsoir !
» L’hôtesse fit révérence sur révérence, et courut chercher le déjeuner du maréchal. La voyant revenir toute seule : « Vous n’avez donc plus peur des esprits, lui dit-il, que vous allez et venez ainsi sans escorte ? – Oh ! monsieur, tant qu’il fait jour, il n’y a pas de danger ; ce n’est qu’aux approches de minuit. »
» Le maréchal paya généreusement sa dépense et celle de ses gens, et laissa l’hôtesse plus persuadée que jamais de la présence des esprits dans la tour du vieux château. Depuis ce jour, elle invoquait toujours le nom du maréchal de Ségur pour convaincre les incrédules du danger d’habiter la tour ; et voilà comme se font toutes les histoires de revenants ! »
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Re: Légendes, fantômes, et autres histoires étranges du XVIIIe siècle
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