L'affaire du pamphlet, Beaumarchais et Louis XVI

Bien...reprenons !  

Résumé de l'épisode précédent : :

Beaumarchais a donc traîné depuis quelques temps de nombreuses casseroles à Paris.
Grâce aux hommes "entre deux eaux" qui entourent Louis XV (Sartine et La Borde), il parvient à obtenir une mission qui lui permettrait de bénéficier des faveurs du roi.
Pour cela, il doit empêcher la publication d'un pamphlet dans lequel Mme du Barry est traînée dans la boue, et acheter le silence de son auteur.
A Londres, grâce au comte de Lauraguais et au chevalier d'Eon, il rencontre Thévenau de Morande (l'auteur du pamphlet) et remplit sa mission : les éditions du pamphlet sont détruites (à Londres et à Amsterdam) et le maître-chanteur accepte la somme d'argent versée par Versailles.
Fort de son succès, Beaumarchais retourne en France dans l'attente de sa récompense.
A peine arrivé, il apprend la mort du roi : ses espoirs sont brisés.
Amer, il constate que Thévenau de Morande, le pamphlétaire maître-chanteur, est tout compte-fait sorti grand gagnant de cette affaire, et pas lui.  54385210


Qu'à cela ne tienne ! Notamment soucieux de récupérer l'argent qu'il a investi dans sa précédente mission, il propose ses services au nouveau roi, à qui il écrit, dès le mois de juin 1774, et par l'intermédiaire de Sartine :

Au mois de mars dernier, le feu Roi votre aïeul savait seul où j'étais ; il m'avait honoré d'une commission particulière et très délicate en Angleterre. Quoiqu'il se fût inquiété dix fois de mon retard avant de tomber malade, je n'ai pas pu même avoir la consolation de lui faire savoir que ses ordres secrets avaient eu le entière exécution.
Le compte que je venais de lui rendre n'est dû qu'à Votre Majesté ; il y a même des choses qui ne peuvent être confiées qu'à Elle seule.

Sartine est chargé de savoir ce qu'il veut précisément ?
Et Beaumarchais de répondre, huit jours plus tard :

Tout ce que le roi voudra savoir seul et promptement, tout ce qu'il voudra faire vite et secrètement, me voilà ! J'ai à son service une tête, un coeur, des bras et point de langue.
Avant ceci, je n'avais jamais voulu de patron, celui-là me plaît : il est jeune, il veut le bien, l'Europe l'honore, et les Français l'adorent.

En voilà une belle lettre de motivation... :\\\\\\\\:  :

Est-ce à ce moment là que l'auteur du Mariage forcé, ou l'humiliation de Marie-Antoinette situe la connivence et la complicité de Beaumarchais pour servir les desseins de Louis XVI, commanditaire actif / passif (?) d'une action souterraine menée contre son épouse ?
Présentation du livre ici : https://marie-antoinette.forumactif.org/t1638-le-mariage-force-ou-lhumiliation-de-marie-antoinette-de-jean-pierre-fiquet

Pour ma part, je continue donc ma lecture (et copie) des bouquins cités plus haut   :

La candidature spontanée n'est pas tout ! Car cela tombe bien, Beaumarchais a, lui-même, trouvé une nouvelle mission d'importance !  boudoi32

Il vient d'apprendre que, "le nid à Français" londonien, à peine désorienté par la disparition de Mme du Barry, recycle ses tirs : faute que le roi ait une maîtresse, c'est la jeune reine qui devient la nouvelle cible des pamphlétaires.
Un libelle serait sur le point d'être publié à Londres, son titre en dit long sur son contenu : "Avis important à la branche espagnole sur ses droits à la couronne de France à défaut d'héritiers et qui peut même être très utile à toute la famille de Bourbon, surtout au roi Louis XVI "

Beaumarchais harcèle Sartine : il faut agir, vite !
Il dit avoir repéré le coupable, qu'il peut intervenir, mais qu'il a besoin, pour ce faire, d'un ordre rédigé de la main du roi. Il écrit au ministre :  

" Si l'ouvrage voit le jour, la Reine, outrée avec justice, saura bientôt qu'il aurait pu être supprimé, et que vous et moi, nous nous en sommes mêlés.
Connaissez-vous quelque femme irritée qui pardonne ? Elle ne verra que vous et moi. Elle fera retomber sur nous toute sa colère, dont le moindre effet sera d'insinuer au Roi que vous n'êtes qu'un ministre maladroit."

Sartine parvient à convaincre Louis XVI, qui commence par rembourser les frais engagés par Beaumarchais à l'occasion de sa précédente mission.

Pour ce qui concerne l'ordre écrit, seul existe aujourd'hui, en collection privée, le modèle que Beaumarchais avait lui-même rédigé et transmis à Sartine.
L'original, que Louis XVI aurait recopié mot pour mot, n'a jamais été retrouvé dans les archives (dixit Patrice Boussel dans son Beaumarchais, le parisien universel).

Voici ce fameux ordre de mission que nous évoquions au début de ce sujet :

Le sieur de Beaumarchais, chargé de mes ordres secrets, partira pour sa destination le plus tôt qu'il lui sera possible. La discrétion et la vivacité qu'il mettre dans leur exécution sont la preuve la plus agréable qu'il puisse me donner de son zèle pour mon service.
Louis
Marly, le 10 juillet 1774.

Et voici l'accusé de réception rédigé par Beaumarchais / Ronac.
Peu commun, certainement, dans l'histoire de l'espionnage :  :

"Un amant porte à son col le portrait de sa maîtresse, un avare y attache ses clefs, un dévot son reliquaire ; moi, j'ai fait une boîte d'or ovale, grande et plate, en forme de lentille, dans laquelle j'ai enfermé l'ordre de Votre Majesté, que j'ai suspendue avec une chaînette d'or à mon col, comme la chose la plus nécessaire à mon travail et la plus précieuse pour moi."

Dans la foulée, Beaumarchais, décidément très efficace, expédie à Sartine le texte de la "convention" signée, le 23 juillet 1774, entre lui et le libelliste.
L'auteur du pamphlet (anonyme) serait un juif italien nommé Guillaume Angelluci*, mais connu à Londres sous le nom de William Watkinson.

* Claude Manceron, que je cite ici, dans son Les hommes de la liberté souligne : le prénom de Guillaume, d'origine spécifiquement chrétienne, n'était donné dans aucune communauté israélite.

La convention est donc signée Angelluci / Watkinson. Beaumarchais la signe au nom de Ronac et verse 1400 livres sterling à Angelluci, moyennant son engagement de détruire les exemplaires du pamphlet déjà imprimés moitié à Londres, moitié à Amsterdam.

La convention signée sera saisie sur Beaumarchais lors de son arrestation à Vienne, un mois plus tard...

Eh bien dis donc, merci ! :n,,;::::!!!:
Nous sommes aux aguets !

Bien à vous.

Une chose est sûre à la lecture de ce compte-rendu de l'affaire : Sartine qui était le chef de la police sous Louis XV et qui donc disposait d'un réseau d'espionnage efficace, continue officieusement ce rôle alors qu'il est désormais ministre de la Marine de Louis XVI. Normalement, cette mission aurait dû revenir à Le Noir ou à son supérieur direct, le duc de La Vrillière.

Pour les missions délicates, Louis XVI utilisait les mêmes hommes de son grand-père pour le Secret du Roi. En tout cas, durant l'été 1774. Nous sommes au tout début du règne.

Reinette a écrit:Pour les missions délicates, Louis XVI utilisait les mêmes hommes de son grand-père pour le Secret du Roi. En tout cas, durant l'été 1774. Nous sommes au tout début du règne.

C'est une réaction judicieuse car , en l'occurrence, même nouvellement attachés à de nouveaux porte-feuilles ministériels, ceux-ci restaient plus compétents que leurs successeurs
Et il y avait sans doute des affaires officieuses qui valaient de ne pas être ébruitées plus que de mesure :

Bien à vous.

Oui il est normal à ce moment que Louis XVI s'appuie sur des hommes qui avaient la confiance de son grand-père.
En tout cas pour Sartine. Nous savons que Dauphin, il l'appréciait déjà. Et ce n'est pas pour rien qu'il le choisira pour la Marine.

Reinette a écrit:En tout cas pour Sartine. Nous savons que Dauphin, il l'appréciait déjà. Et ce n'est pas pour rien qu'il le choisira pour la Marine.

En effet, la Marine est une preuve d'estime car c'est un des dadas du jeune Roi !

Bien à vous.

Nous sommes en effet durant la transition entre les deux règnes.

Aussi, plus simplement, Beaumarchais passe par Sartine parce qu'ils se connaissent ; et qu'ils ont notamment "géré" la précédente affaire que Beaumarchais tient à rappeler au nouveau roi.

La nuit, la neige a écrit:
Est-ce à ce moment là que l'auteur du Mariage forcé, ou l'humiliation de Marie-Antoinette situe la connivence et la complicité de Beaumarchais pour servir les desseins de Louis XVI, commanditaire actif / passif (?) d'une action souterraine menée contre son épouse ?

Beaumarchais harcèle Sartine : il faut agir, vite !
Il dit avoir repéré le coupable, qu'il peut intervenir, mais qu'il a besoin, pour ce faire, d'un ordre rédigé de la main du roi. Il écrit au ministre :  

" Si l'ouvrage voit le jour, la Reine, outrée avec justice, saura bientôt qu'il aurait pu être supprimé, et que vous et moi, nous nous en sommes mêlés.
Connaissez-vous quelque femme irritée qui pardonne ? Elle ne verra que vous et moi. Elle fera retomber sur nous toute sa colère, dont le moindre effet sera d'insinuer au Roi que vous n'êtes qu'un ministre maladroit."

Cela ne colle pas du tout avec l'idée d'un Louis XVI qui serait à l'origine de la démarche.
Il faudrait le convaincre d'accepter un projet dont il est l'initiateur ?!

Lucius a écrit:
Cela ne colle pas du tout avec l'idée d'un Louis XVI qui serait à l'origine de la démarche.
Il faudrait le convaincre d'accepter un projet dont il est l'initiateur ?!

Non, en effet.
C'est la raison pour laquelle je demandais à nos amis, qui ont lu le livre de M. Fiquet, de situer chronologiquement la "complicité" de Louis XVI.
Serait-il partie prenante dès l'origine du pamphlet ? On en doute fort ici...
Ou bien reste encore la complicité "passive" : le laissé-faire (tout en faisant croire qu'il empêchait de faire boudoi29 ).

La nuit, la neige a écrit:
Est-ce à ce moment là que l'auteur du Mariage forcé, ou l'humiliation de Marie-Antoinette situe la connivence et la complicité de Beaumarchais pour servir les desseins de Louis XVI, commanditaire actif / passif (?) d'une action souterraine menée contre son épouse ?

L'équipée de Beaumarchais (page 188) intervient en mai 1774.
Cela répond-il à ta question?

Bien à vous.

Non... :
Mais merci quant même.

Je vois bien "l'emploi du temps Beaumarchais" pour ce qui concerne cette nouvelle intrigue : entre la mort de Louis XV et l'offre de service qu'il envoie à Sartine le 10 juin 1774.
Ce que je voulais savoir c'est comment s'articule la "complicité" de Louis XVI en ce laps de temps si court, dès avant l'annonce de publication de ce pamphlet.
C'est bien ce qui est suggéré dans le livre de M. Fiquet ? àè-è\':

Continuons le récit...

Résumé de l'épisode précédent  :

Aux abois après la mort de Louis XV, Beaumarchais a proposé ses services au jeune roi Louis XVI par l'intermédiaire de son ami Sartine.
"Hasard" du calendrier et des événements, un nouveau pamphlet est justement sur le point d'être publié.
Cette fois-ci, c'est Marie-Antoinette qui serait visée, et plus particulièrement au travers de sa (non) vie conjugale.
Il obtient l'accord du roi, et dans un temps record parvient à négocier avec l'auteur présumé du pamphlet, un certain Watkinson-Angelluci, la destruction des exemplaires apparemment déjà imprimés.
Beaumarchais, allias Ronac, et Angelluci ont signé cette "convention" le 23 juillet, moyennant une somme d'argent importante.
Beaumarchais déclare avoir surveillé en personne la destruction des exemplaires à Londres.


Le 26 juillet 1774, Beaumarchais écrit à Sartine qu'il n'a pourtant pas encore utilisé l'ordre de mission signé du roi :

"L'ordre de mon maître est encore vierge, c'est-à-dire qu'il n'a été vu de personne, mais s'il ne m'a pas servi relativement aux autres, il ne m'en a pas moins été d'un merveilleux secours pour moi-même en multipliant mes forces et doublant mon courage."

Beaumarchais embarque pour Calais, puis direction Amsterdam où il est supposé surveiller la destruction des exemplaires du pamphlet imprimés en Hollande. Ce qui semble être fait.
Nous sommes début août.
Rebondissement !  

Beaumarchais écrit soudain à Sartine qu'Angelucci a pris la fuite pour Nuremberg (comment le sait-il ?  boudoi29) avec un dernier exemplaire du pamphlet sous le bras, dans le but d'entreprendre une nouvelle impression de l'ouvrage.
Beaumarchais part à sa poursuite :

"Je suis comme un lion. Je n'ai plus d'argent, mais j'ai des diamants, des bijoux, je vais tout vendre et, la rage dans le cœur, je vais recommencer à postillonner. Malheur à l'abominable homme qui me force à faire trois ou quatre cents lieux de plus, quand je croyais m'aller reposer ! Si je le trouve en chemin, je le dépouille de ses papiers, et je le tue."

Nimègue, Clèves, Düsseldorf, Cologne et Francfort avant d'arriver dans les environs de Nuremberg.

   :


Le 14 août, Beaumarchais, accompagné d'un domestique, est à 10 lieues seulement de Nuremberg.
Et là...nous avons deux versions des événements !

- Celle du postillon qui conduisait sa voiture :

Son client lui a demandé de s'arrêter en chemin, afin qu'il puisse descendre du véhicule dont il s'éloigne en s'enfonçant dans les bois.
Un besoin pressent, pense-t-il ?
Un peu auparavant, il a remarqué que le gentilhomme qu'il conduit avait sorti de ses bagages un rasoir et un miroir.
Une demi-heure se passe, durant laquelle le postillon voit passer sur le chemin trois compagnons charpentiers. Et personne d'autre.
Enfin Beaumarchais revient, la main enveloppée dans un mouchoir blanc, et dit au domestique qui l'accompagne qu'il a vu des brigands mais que rien ne lui manque.
Le postillon pense que son client, qui semble si calme, a pris les charpentiers pour des brigands, et se remet en marche.
Chemin faisant, il remarque toutefois que son passager à une plaie au cou et du sang sur ses vêtements.
Veut-il porter plainte ici même, au bailliage de Neustadt ?
Nullement ! Aurait déclaré Beaumarchais avant de changer de chevaux et de postillon.
Inquiet le postillon tient toutefois à se couvrir, au cas où...en avertissant la police aussitôt.
Il n'a entendu ni cris, ni coups de feu. " Il lui semblait que le voyageur avait dû se faire lui-même ses blessures à l'aide du rasoir qu'il a pris avec lui chemin faisant".
On classe sa déposition.

- La version de Beaumarchais, aux autorités de Nuremberg le lendemain matin, dans ses lettres pour la France, et dans son récit pour l'impératrice, 7 jours plus tard, au château de Schönbrunn.
Elle vaut son pesant d'or... :

Il aperçoit soudain, devant leur chaise de poste "trottinant sur un petit cheval brun, un petit homme coiffé d'une perruque blonde, vous laquelle on devine les boucles frisées d'une chevelure noire".
C'est lui ! L'aiguille qu'il cherche dans une botte de foin : Angelucci !!
L'homme le reconnaît aussi, et s'enfonce aussitôt dans le bois. Beaumarchais descend à sa poursuite, sans rien dire au postillon (en bon agent secret  boudoi32). Il rattrape le faussaire, une bagarre éclate, durant laquelle Beaumarchais parvient à arracher le sac d'Angelucci dans lequel se trouve le dernier exemplaire du pamphlet.
Bon prince, il le laisse partir.
C'est alors que surgissent deux brigands, armés de poignards. Beaumarchais se défend du mieux qu'il peut à coups de pistolet, puis de canne.
Alors qu'il est à terre et que les autres s'apprêtent à le poignarder...miracle !! Le couteau glisse sur le boitier en or qui contient l'ordre de mission de Louis XVI.  
Il n'est blessé qu'au cou.
Il parvient à assommer l'un des brigands, et à mette l'autre en fuite.
Angelucci est déjà loin, mais Beaumarchais est sauf...et il a récupéré le maudit pamphlet.
Ronac....

Connaissant la fibre littéraire de Beaumarchais, on est guère étonné de le voir enjoliver la réalité. Mais rien n'empèche de croire qu'il a bien vu Angellucci. Mais le fait de partir avec un rasoir et un miroir est assez suspect ....

Ah oui ? Tu y crois ? :
Il me semble plutôt que, depuis le début, Beaumarchais se moque de tout le monde.
Mais bon...tout est possible, après tout.

Il est vrai que ça se passe sans anicroche et avec une rapidité étonnante pour ce genre d'affaire, surtout en comparant avec la précédente.
Mais je préfère toujours donner le bénéfice du doute, sauf preuve du contraire.

En tout cas, j'ai toujours lu pour cette histoire qu'Angelucci était en réalité Beaumarchais.
Ce qu'a bien cru, horrifiée, Marie-Thérèse.

;

Merci, cher la nuit, la neige, de mener pour nous une enquête aussi serrée . Tu es un fin limier !  

Beaumarchais à Morande a écrit:

Un autre s'en pendrait, mais comme cette ressource ne me manquera pas, je la garde pour la fin (...) et je m'occupe à voir lequel, du diable ou de moi, mettra le plus d'obstination, lui à me faire choir et moi à me ramasser.

Beaumarchais met la plus vive intelligence au service d'une incommensurable friponnerie !  
Le bougre sait tenir la plume !

la nuit, la neige a écrit:
Est-ce à ce moment là que l'auteur du Mariage forcé, ou l'humiliation de Marie-Antoinette situe la connivence et la complicité de Beaumarchais pour servir les desseins de Louis XVI, commanditaire actif / passif (?) d'une action souterraine menée contre son épouse ?

C'est, d'après Jean-Pierre Fiquet, sitôt Louis XV mort .

la nuit, la neige a écrit:Un libelle serait sur le point d'être publié à Londres, son titre en dit long sur son contenu : "Avis important à la branche espagnole sur ses droits à la couronne de France à défaut d'héritiers et qui peut même être très utile à toute la famille de Bourbon, surtout au roi Louis XVI "

Tu veux dire que ceci est l'intitulé du fameux pamphlet objet de ce sujet ?!!  
Voilà un détail des plus intéressants .

La nuit, la neige a écrit:Sartine parvient à convaincre Louis XVI, qui commence par rembourser les frais engagés par Beaumarchais à l'occasion de sa précédente mission.

Pour ce qui concerne l'ordre écrit, seul existe aujourd'hui, en collection privée, le modèle que Beaumarchais avait lui-même rédigé et transmis à Sartine.
L'original, que Louis XVI aurait recopié mot pour mot, n'a jamais été retrouvé dans les archives (dixit Patrice Boussel dans son Beaumarchais, le parisien universel).

Attends, là je nage un peu ...  Qu'est-ce que Louis XVI aurait recopié mot pour mot ?

Le sieur de Beaumarchais, chargé de mes ordres secrets, partira pour sa destination le plus tôt qu'il lui sera possible. La discrétion et la vivacité qu'il mettre dans leur exécution sont la preuve la plus agréable qu'il puisse me donner de son zèle pour mon service.
Louis
Marly, le 10 juillet 1774.

Beaumarchais aurait lui-même rédigé cet ordre de mission que Louis XVI aurait ensuite recopié ?

Réponse :

"Un amant porte à son col le portrait de sa maîtresse, un avare y attache ses clefs, un dévot son reliquaire ; moi, j'ai fait une boîte d'or ovale, grande et plate, en forme de lentille, dans laquelle j'ai enfermé l'ordre de Votre Majesté, que j'ai suspendue avec une chaînette d'or à mon col, comme la chose la plus nécessaire à mon travail et la plus précieuse pour moi."

...   l'objet qui lui sauvera la vie par la suite, si j'ai bien compris !  ( et ta soeur !  :  )

La nuit, la neige a écrit:Louis XVI.
Serait-il partie prenante dès l'origine du pamphlet ? On en doute fort ici...
Ou bien reste encore la complicité "passive" : le laissé-faire (tout en faisant croire qu'il empêchait de faire boudoi29   ).

Pour l'auteur du Mariage forcé, Louis XVI est mouillé jusqu'au cou.   Ce à quoi j'ai, comme Lulu et toi, beaucoup de peine à croire .
Je le dis tout net : je n'y crois pas .

La nuit, la neige a écrit:
Ce que je voulais savoir c'est comment s'articule la "complicité" de Louis XVI en ce laps de temps si court, dès avant l'annonce de publication de ce pamphlet.
C'est bien ce qui est suggéré dans le livre de M. Fiquet ? àè-è\':

C'est plus que suggéré mais non pas expliqué .  M. F. écrit que Beaumarchais contacte Sartines et lance l'affaire . C'est tout . Les turpitudes de Marie-Antoinette ( notamment avec Vermond ) contenues dans le pamphlet sont rapidement exposées et tiennent ( dixit J. P. Fiquet ) d'une précision... d'horloger .
Et, pour enfoncer le clou :
de certain détail  ( une lettre de Marie-Antoinette à sa mère dans laquelle elle avait exprimé sa joie d'accéder au trône ) dont seul le couple royal avait eu connaissance .  C'est-à-dire que Angelucci n'aurait pu ni inventer, ni deviner, et dont Louis XVI seul avait connaissance.

Explication de toute l'affaire, montée par le roi :

A Versailles, le roi faisait face à une épouse rebelle qui frayait avec ses pires ennemis et donnait une image désastreuse de la monarchie. IL fallait donc ouvrir les yeux de la mère pour qu'elle accepte de remettre sa fille dans le droit chemin .

Beaumarchais a écrit:
"Je suis comme un lion. Je n'ai plus d'argent, mais j'ai des diamants, des bijoux, je vais tout vendre et, la rage dans le cœur, je vais recommencer à postillonner. Malheur à l'abominable homme qui me force à faire trois ou quatre cents lieux de plus, quand je croyais m'aller reposer ! Si je le trouve en chemin, je le dépouille de ses papiers, et je le tue."

...   pfffff !
D'accord avec toi : Beaumarchais est enfoncé par Benny Hill !  

la nuit, la neige a écrit:Inquiet le postillon tient toutefois à se couvrir, au cas où...en avertissant la police aussitôt.
Il n'a entendu ni cris, ni coups de feu. " Il lui semblait que le voyageur avait dû se faire lui-même ses blessures à l'aide du rasoir qu'il a pris avec lui chemin faisant".
On classe sa déposition.

Ce postillon ! De quoi je me mêle ?!!   Quel empêcheur d'intriguer en rond !

la nuit, la neige a écrit:
- La version de Beaumarchais, aux autorités de Nuremberg le lendemain matin, dans ses lettres pour la France, et dans son récit pour l'impératrice, 7 jours plus tard, au château de Schönbrunn.
Elle vaut son pesant d'or... :

Il aperçoit soudain, devant leur chaise de poste "trottinant sur un petit cheval brun, un petit homme coiffé d'une perruque blonde, vous laquelle on devine les boucles frisées d'une chevelure noire".
C'est lui ! L'aiguille qu'il cherche dans une botte de foin : Angelucci !!

Là, je te sens complètement incrédule et même réticent ... : : :  Nous sommes deux !

La nuit, la neige a écrit:
Ronac....

Comme tu dis !!!  

.

Mme de Sabran a écrit:

la nuit, la neige a écrit:Un libelle serait sur le point d'être publié à Londres, son titre en dit long sur son contenu : "Avis important à la branche espagnole sur ses droits à la couronne de France à défaut d'héritiers et qui peut même être très utile à toute la famille de Bourbon, surtout au roi Louis XVI "

Tu veux dire que ceci est l'intitulé du fameux pamphlet objet de ce sujet ?!!  

V'oui m'dame.
Notons que si la jeune reine est attaquée dans ce pamphlet, le roi n'est pas épargné. Il y est question de son "incapacité", bien entendu ; le libelle évoquant notamment son "aiguillette nouée" (sic !).
L'aurait-il aussi...suggéré ?  

Mme de Sabran a écrit:Attends, là je nage un peu ...  Qu'est-ce que Louis XVI aurait recopié mot pour mot ?
Beaumarchais aurait lui-même rédigé cet ordre de mission que Louis XVI aurait ensuite recopié ?

V'oui m'dame.  

Mme de Sabran a écrit:Réponse :

"Un amant porte à son col le portrait de sa maîtresse, un avare y attache ses clefs, un dévot son reliquaire ; moi, j'ai fait une boîte d'or ovale, grande et plate, en forme de lentille, dans laquelle j'ai enfermé l'ordre de Votre Majesté, que j'ai suspendue avec une chaînette d'or à mon col, comme la chose la plus nécessaire à mon travail et la plus précieuse pour moi."

...   l'objet qui lui sauvera la vie par la suite, si j'ai bien compris !  ( et ta soeur ! )

Absolument !
Dingue non ? boudoi29  

Mme de Sabran a écrit:
Pour l'auteur du Mariage forcé, Louis XVI est mouillé jusqu'au cou.   Ce à quoi j'ai, comme Lulu et toi, beaucoup de peine à croire .
Je le dis tout net : je n'y crois pas.

Jusqu'à présent, moi non plus. Cela ne colle notamment pas avec l'enchaînement des évènements, ni avec les courriers échangés avec Sartine.

Mme de Sabran a écrit:C'est plus que suggéré mais non pas expliqué .  M. F. écrit que Beaumarchais contacte Sartines et lance l'affaire . C'est tout . Les turpitudes de Marie-Antoinette ( notamment avec Vermond ) contenues dans le pamphlet sont rapidement exposées et tiennent ( dixit J. P. Fiquet ) d'une précision... d'horloger .
Et, pour enfoncer le clou :
de certain détail  ( une lettre de Marie-Antoinette à sa mère dans laquelle elle avait exprimé sa joie d'accéder au trône ) dont seul le couple royal avait eu connaissance .  C'est-à-dire que Angelucci n'aurait pu ni inventer, ni deviner, et dont Louis XVI seul avait connaissance.

Bon, à mon avis, c'est un peu maigre comme explication.
Angelucci, l'anglo-italo-judeo maître-chanteur, n'existe pas. Claude Manceron, l'un des auteurs que je cite, évoque probablement une complicité avec Théveneau de Morande (qui a l'habitude des pamphlets).
Mais Beaumarchais peut s'en charger seul, il sait écrire, c'est sûr.
Et il connaît suffisamment de colporteurs de ragots bien "informés" : Londres est alors le centre de toutes les jacasseries de cour.
Idem pour la fameuse "convention" signée, supposée clore cette nouvelle affaire par la destruction des différentes éditions du pamphlet : c'est très probablement un faux.  

Mme de Sabran a écrit:Explication de toute l'affaire, montée par le roi :

A Versailles, le roi faisait face à une épouse rebelle qui frayait avec ses pires ennemis et donnait une image désastreuse de la monarchie. IL fallait donc ouvrir les yeux de la mère pour qu'elle accepte de remettre sa fille dans le droit chemin .

Il suffit de reprendre la correspondance échangée entre la mère et la fille, ou celle entre Mercy et sa "sacrée majesté" pour voir que Marie-Thérèse sermonne suffisamment sa fille, et qu'elle n'ignore pas que, sans enfant, Marie-Antoinette est dans une position très difficile. Elle la harcèle suffisamment sur ce point... :roll:
Je ne vois guère l'intérêt de lui coller un pamphlet sous le pif, et par des moyens si détournés...si ce n'est ajouter de la muflerie et de la veulerie à toute cette histoire.

Je rappelle que quelques semaines plus tôt, le 17 mai 1774, Louis XVI écrivait à l'impératrice :

Je suis fort aise de trouver une occasion, ma chère maman, de vous prouver ma tendresse et mon attachement. Je désirerais bien avoir de vos conseils dans ces moments-ci, qui sont si embarrassants. Je serais bien enchanté de pouvoir vous contenter et de vous marquer par là tout mon attachement et la reconnaissance que j'ai que vous avez bien voulu m'accorder votre fille, dont je suis on ne saurait plus content.

Et Marie-Antoinette, dans le même courrier, de reprendre la plume et d'ajouter :

Le roi n'a pas voulu laisser partir ma lettre sans y écrire son petit mot. Je sens bien qu'il n'aurait pas trop fait en écrivant une lettre exprès. Je supplie ma chère maman de l'excuser, vu le grand nombre d'affaires dont il s'occupe beaucoup, et aussi un peu sa timidité et son embarras naturel. (...)

Ainsi donc, parmi le "grande nombre d'affaires dont il s'occupe", celle de faire rédiger par des coquins un pamphlet qu'on ne tardera pas montrer à Vienne ?

Mme de Sabran a écrit:
...   pfffff !
D'accord avec toi : Beaumarchais est enfoncé par Benny Hill !

Oh tu sais, plus le mensonge est gros, plus il passe paraît-il.
Je cite Beaumarchais lui-même, dans son Figaro, quelques années plus tard : ll n’y a pas de conte absurde qu’on ne fasse adopter aux oisifs d’une grande ville.  

Mme de Sabran a écrit:Là, je te sens complètement incrédule et même réticent ...Nous sommes deux !

En effet, je pense plutôt que Beaumarchais, frustré d'avoir manqué sa "récompense" après le succès de sa mission menée pour Louis XV, et se rendant compte de la facilité déconcertante avec laquelle on peut faire chanter la cour, a dans l'idée de faire d'une pierre deux coups : Versailles, puis Vienne. Pourquoi pas ?  
Mais cela peut-être dangereux : il ne faut pas être trop gourmand.



Je continuerai, dès que je le pourrai, la suite de ces aventures...

.

Merci, cher ami, pour tous ces développements auxquels je ne manquerai pas de te répondre demain . Tout de suite, nous sommes devant de petits films muets de Laurel et Hardy . : ( mais toujours un pied dans, et un oeil sur ... notre forum )

la nuit, la neige a écrit:  Un libelle serait sur le point d'être publié à Londres, son titre en dit long sur son contenu : "Avis important à la branche espagnole sur ses droits à la couronne de France à défaut d'héritiers et qui peut même être très utile à toute la famille de Bourbon, surtout au roi Louis XVI "

Même ce titre du pamphlet  ( que l'auteur du Mariage forcé ne nous donne pas ) n'annonce en rien une destination viennoise .
Bravo à toi de nous l'avoir retrouvé !

la nuit, la neige a écrit:
Notons que si la jeune reine est attaquée dans ce pamphlet, le roi n'est pas épargné. Il y est question de son "incapacité", bien entendu ; le libelle évoquant notamment son "aiguillette nouée" (sic !).
L'aurait-il aussi...suggéré ?  

Sûrement pas .   Cela m'étonnerait beaucoup .  C'est, pour les messieurs, un sujet très sensible que celui de leur virilité .
L'"aiguillette nouée"  allie le ridicule au pitoyable .
Jamais Louis XVI ne se serait pareillement exposé à la risée publique  !

La nuit, la neige a écrit:

Mme de Sabran a écrit:Attends, là je nage un peu ...  Qu'est-ce que Louis XVI aurait recopié mot pour mot ?
Beaumarchais aurait lui-même rédigé cet ordre de mission que Louis XVI aurait ensuite recopié ?

V'oui m'dame.  

Hum !  c'est gros !

La nuit, la neige a écrit:
Angelucci, l'anglo-italo-judeo maître-chanteur, n'existe pas. Claude Manceron, l'un des auteurs que je cite, évoque probablement une complicité avec Théveneau de Morande (qui a l'habitude des pamphlets).
Mais Beaumarchais peut s'en charger seul, il sait écrire, c'est sûr.

Ah oui ?    ...   boudoi26

La nuit, la neige a écrit:
Je cite Beaumarchais lui-même, dans son Figaro, quelques années plus tard : ll n’y a pas de conte absurde qu’on ne fasse adopter aux oisifs d’une grande ville.  

L'affaire du Collier en sera l'incroyable démonstration !

La nuit, la neige a écrit:
Je continuerai, dès que je le pourrai, la suite de ces aventures...

Oh oui !    ...    la suite !!! :n,,;::::!!!:
Je suis suspendue à ton clavier !!!

Tu sais quoi ?   Cette problématique du livre du Mariage forcé qui tourne, en somme, autour de la répudiation ni plus ni moins de Marie-Antoinette me donne l'idée d'ouvrir un sujet sur les diverses conspirations autour du couple royal pour fomenter le divorce de Louis XVI et Marie-Antoinette .
Je pense notamment à Blondinet, bien sûr, à Stautre,  Soulavie qui nous conte tout ça par le menu ...    etc ...


.

En effet il me paraît peu probable à moi aussi que Louis XVI écrive une lettre toute respectueuse à sa belle-mère pour ensuite monter une telle histoire sordide dans les jours qui suivent.
Et je ne parle pas des autres éléments soulevés qui mettent bien fortement le doute sur au moins cette partie du livre en question.

La nuit, la neige a écrit:
Je continuerai, dès que je le pourrai, la suite de ces aventures... 

La voici !  

Nous retrouvons Beaumarchais tard dans la nuit à l'hôtel du Coq rouge.  Il n'appelle pas de médecin et ne demande nul secours  ( il est censé être blessé mais bon !  ) . Le lendemain matin il porte plainte contre l'agression de la veille mais sans s'attarder à comparaître officiellement .  Il s'embarque sur le Danube sur un coche d'eau .
Direction Vienne !

Pourquoi Vienne ? Pourquoi ne pas revenir aussitôt en France puisqu'il a récupéré ledit pamphlet : mission accomplie . Eh bien non.  Le voici à Vienne.  Avertit-il l'ambassade de France de son arrivée dans la capitale autrichienne ?   Point du tout .  Il va tout de go mettre le siège au secrétaire particulier de Marie-Thérèse, le comte de Neny et lui demande de transmettre à l'impératrice ce billet alarmant : 

Pour sa Majesté l'Impératrice-Reine exclusivement à toute autre personne, et que Sa Majesté est suppliée de bien vouloir lire seule .
Madame ! Du fond occidental de l'Europe, j'ai couru nuit et jour, pour venir communiquer à Votre Majesté des choses qui intéressent votre bonheur, votre repos, et qui, j'ose le dire, vous touchent jusqu'au fond du coeur .


Marie-Thérèse hésite. 
Beaumarchais passe par la case Seilern.
Il est introduit enfin dans le cabinet de l'impératrice . 




Claude Manceron,  
  Les hommes de la Liberté
Les vingt ans du roi .