Louise d'Esparbès de Lussan, comtesse de Polastron

Dominique Poulin a écrit:

... je relate un extrait du livre de Éric Le Nabour, le dernier roi, éditions JC Lattes, pages 167-168 :

" Depuis la fin de l'année 1803, la santé de Louise de Polastron semblait décliner. On fit venir le chirurgien personnel de Louis XVIII, le père Élysée, mais celui ci ne s'étant pas assez prononcé précisément, on eut recours à un célèbre médecin londonien, sir Henry Halford. Le comte d'Artois qui se trouvait présent lors de la consultation, eut un bref entretien avec lui. Halford se montra sans espoir.
- La malade que je viens de voir dît-il est du dernier degré de la consomption, et je crains qu'il ne soit trop tard pour l'arrêter.
Artois parut frémir.
Quelques jours plus tard, on transporta Louise de Polastron à la campagne à Brampton Grave. L'aumônier du comte d'Artois, l'abbé Latil, à son service depuis Holyrood, passa quelques temps à celui de Mme de Polastron.
Monsieur devint lugubre. Comme il craignait que sa maîtresse ne fut emportée par la maladie, il hésitait à quitter Londres. Latil le sermonna :
- Je supplie Monseigneur d'aller à la campagne ; il reverra encore la pauvre pénitente, elle le désire elle même, ayant un seul mot à lui dire, une grâce à lui demander, mais ce ne sera qu'à l'article de la mort. Ne serait-ce pas une honte d'avoir moins de courage qu'une faible femme ?
La maladie de Mme de Polastron devint le sujet de conversation familier de l'émigration londonienne.

Le 26 mars 1804 , Louise de Polastron était à la dernière extrémité. Le lendemain, sur les conseils de l'abbé Latil, elle fit amende honorable et déclara publiquement qu'elle se répentait d'avoir cause un si grand scandale par sa liaison intime avec le comte d'Artois.
Lorsqu'elle fut à l'agonie, Latil fit ouvrir les portes du salon qui donnaient sur la chambre. Le futur Charles X s'élanca.
- N'approchez pas ! cria Latil
Et il le repoussa vigoureusement. Alors, du salon il vit Louise de Polastron se dresser dans un dernier effort, les mains decharnees, levées vers le ciel :
- Une grace, murmura t-elle, une grâce ! Soyez à Dieu, tout à Dieu !
Le comte d'Artois jura, puis tomba, à genoux. Lorsque Louise mourut quelques instants plus tard, il jeta un cri horrible et s'effondra en larmes.

L'abbé Latil, raconte un émigré, ne perdit pas un instant : il entraîna M. Le comte d'Artois a l'église de King Street, l'y retint plusieurs heures, le fit confesser et le lendemain, lui donna l'absolution. Depuis ce moment, il le domina au point qu'en le regardant seulement, il le faisait changer de conversation. De très libre qu'il avait été, il devint d'un rigorisme extrême. "

Avec la Restauration, d'abbé et d'aumonier du comte d'Artois, il devint évêque de Chartres, duc et pair de France, archevêque de Reims, il sacra Charles X le 29 mai 1825 et devint cardinal en 1826.
Nous pouvons donc, sans contestation aucune, déclarer que Latil devint l'eminence d'un prince libertin reconverti à la plus parfaite dévotion, et que les honneurs ne lui firent en conséquence pas défaut !