La politesse et les bonnes manières en société ...
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Comte d'Hézècques
Mme de Sabran
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La politesse et les bonnes manières en société ...
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Tout fout le camp, ma pauvre dame ! boudoi29 ... :
C'était donc le plus naturel et le plus simple qui était devenu le plus à la mode. On voyait des femmes et des maris qui s'embrassaient ; on entendait des frères et des sœurs qui se tutoyaient : les dames ne se reconduisaient plus entre elles et ne se levaient plus pour se saluer. On disait des femmes au lieu des dames, et les hommes de la cour au lieu des seigneurs. On y invitait à souper en pêle-mêle avec les plus grandes dames, des femmes de finance, et par exemple une petite Mme de Favantine, qui se précipitait dans les salles à manger, en rudoyant et coudoyant la baronne de Montmorency et la princesse de Léon, la comtesse de la Châtre et la duchesse d'Agenois, lesquelles ne s'aimaient guère et se donnaient toujours le bras, parce que de l'union vient la force, apparemment ?
On se plaçait à table comme on l'entendait ; chacun tranchait à sa guise et mangeait à son gré de ce qu'il avait devant soi ; enfin, toute chose était devenue d'une simplicité si naturelle, que la princesse Victor de Broglie s'était brûlée cruellement, et qu'elle avait failli s'estropier, en voulant détacher avec ses ongles une aile de perdrix qui se trouva trop chaud.
Votre tante de Clermont-Tonnerre ne manquait jamais de retourner la salade avec ses doigts, et quand elle allait donner, après souper, de petits soufflets à son Stanislas (les prénoms ont toujours été beaucoup plus simples que les titres !) on entendait le mari qui lui disait amoureusement et délicieusement :
— O l'appétissante amie de mon cœur ! quelle odeur de bon poivre, de fines herbes et d'excellent vinaigre à l'estragon ! les jolies petites mains sont à croquer !
Le temps des singularités grandioses et des originalités piquantes était passé. La bizarrerie qui se montrait sous toutes les formes était sans esprit, sans élévation, sans bonne foi, l'on pourrait dire, et par conséquent sans grâce naturelle et sans agrément. Comme la bizarrerie était devenue presque générale, elle était dépourvue d'intérêt et de curiosité pour les autres.
Personne ne ressemblait à rien ; mais on se montrait dégingandé, dépenaillé, risiblement égoïste, etc., sans paraître original, et si l'on voyait pointer quelque ridicule hors de niveau, qui se détachait sur cet horizon de massaderie terne et mesquine, c'était à grand'peine.
( Souvenirs de la marquise de Créquy )
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Tout fout le camp, ma pauvre dame ! boudoi29 ... :
C'était donc le plus naturel et le plus simple qui était devenu le plus à la mode. On voyait des femmes et des maris qui s'embrassaient ; on entendait des frères et des sœurs qui se tutoyaient : les dames ne se reconduisaient plus entre elles et ne se levaient plus pour se saluer. On disait des femmes au lieu des dames, et les hommes de la cour au lieu des seigneurs. On y invitait à souper en pêle-mêle avec les plus grandes dames, des femmes de finance, et par exemple une petite Mme de Favantine, qui se précipitait dans les salles à manger, en rudoyant et coudoyant la baronne de Montmorency et la princesse de Léon, la comtesse de la Châtre et la duchesse d'Agenois, lesquelles ne s'aimaient guère et se donnaient toujours le bras, parce que de l'union vient la force, apparemment ?
On se plaçait à table comme on l'entendait ; chacun tranchait à sa guise et mangeait à son gré de ce qu'il avait devant soi ; enfin, toute chose était devenue d'une simplicité si naturelle, que la princesse Victor de Broglie s'était brûlée cruellement, et qu'elle avait failli s'estropier, en voulant détacher avec ses ongles une aile de perdrix qui se trouva trop chaud.
Votre tante de Clermont-Tonnerre ne manquait jamais de retourner la salade avec ses doigts, et quand elle allait donner, après souper, de petits soufflets à son Stanislas (les prénoms ont toujours été beaucoup plus simples que les titres !) on entendait le mari qui lui disait amoureusement et délicieusement :
— O l'appétissante amie de mon cœur ! quelle odeur de bon poivre, de fines herbes et d'excellent vinaigre à l'estragon ! les jolies petites mains sont à croquer !
Le temps des singularités grandioses et des originalités piquantes était passé. La bizarrerie qui se montrait sous toutes les formes était sans esprit, sans élévation, sans bonne foi, l'on pourrait dire, et par conséquent sans grâce naturelle et sans agrément. Comme la bizarrerie était devenue presque générale, elle était dépourvue d'intérêt et de curiosité pour les autres.
Personne ne ressemblait à rien ; mais on se montrait dégingandé, dépenaillé, risiblement égoïste, etc., sans paraître original, et si l'on voyait pointer quelque ridicule hors de niveau, qui se détachait sur cet horizon de massaderie terne et mesquine, c'était à grand'peine.
( Souvenirs de la marquise de Créquy )
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Mme de Sabran- Messages : 55516
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: La politesse et les bonnes manières en société ...
La marquise de Créquy a écrit:
Votre tante de Clermont-Tonnerre ne manquait jamais de retourner la salade avec ses doigts, et quand elle allait donner, après souper, de petits soufflets à son Stanislas (les prénoms ont toujours été beaucoup plus simples que les titres !) on entendait le mari qui lui disait amoureusement et délicieusement :
— O l'appétissante amie de mon cœur ! quelle odeur de bon poivre, de fines herbes et d'excellent vinaigre à l'estragon ! les jolies petites mains sont à croquer !
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« elle dominait de la tête toutes les dames de sa cour, comme un grand chêne, dans une forêt, s'élève au-dessus des arbres qui l'environnent. »
Comte d'Hézècques- Messages : 4390
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Localisation : Pays-Bas autrichiens
Re: La politesse et les bonnes manières en société ...
Le titre du présent sujet me fait d'ailleurs penser au joli petit livre édité dans l'esprit XVIIIème sur les bonnes manières au XVIIIème siècle :
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« elle dominait de la tête toutes les dames de sa cour, comme un grand chêne, dans une forêt, s'élève au-dessus des arbres qui l'environnent. »
Comte d'Hézècques- Messages : 4390
Date d'inscription : 21/12/2013
Age : 44
Localisation : Pays-Bas autrichiens
Re: La politesse et les bonnes manières en société ...
Comte d'Hézècques a écrit:La marquise de Créquy a écrit:
Votre tante de Clermont-Tonnerre ne manquait jamais de retourner la salade avec ses doigts, et quand elle allait donner, après souper, de petits soufflets à son Stanislas (les prénoms ont toujours été beaucoup plus simples que les titres !) on entendait le mari qui lui disait amoureusement et délicieusement :
— O l'appétissante amie de mon cœur ! quelle odeur de bon poivre, de fines herbes et d'excellent vinaigre à l'estragon ! les jolies petites mains sont à croquer !
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Oui, n'est-ce pas !
Je me suis tâtée : j'ai hésité à placer cela dans l'art de la table ...
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Mme de Sabran- Messages : 55516
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Localisation : l'Ouest sauvage
Re: La politesse et les bonnes manières en société ...
Comte d'Hézècques a écrit:Le titre du présent sujet me fait d'ailleurs penser au joli petit livre édité dans l'esprit XVIIIème sur les bonnes manières au XVIIIème siècle :
... tout à fait indispensable !
Mme de Sabran- Messages : 55516
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Localisation : l'Ouest sauvage
Re: La politesse et les bonnes manières en société ...
C'est génial !!!
Quant à ce petit guide de bonnes manières, c'est un livre que je n'oublierai jamais tant j'ai ri au dernier chapitre.
Quant à ce petit guide de bonnes manières, c'est un livre que je n'oublierai jamais tant j'ai ri au dernier chapitre.
Invité- Invité
Re: La politesse et les bonnes manières en société ...
C'est un sujet pour mon petit Lulu, notre Monsieur l'Etiquette ! :
Mme de Sabran- Messages : 55516
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Localisation : l'Ouest sauvage
Lucius- Messages : 11656
Date d'inscription : 21/12/2013
Age : 33
Re: La politesse et les bonnes manières en société ...
Oh la la, loin de moi l'idée ...
Mme de Sabran- Messages : 55516
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Localisation : l'Ouest sauvage
Re: La politesse et les bonnes manières en société ...
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« elle dominait de la tête toutes les dames de sa cour, comme un grand chêne, dans une forêt, s'élève au-dessus des arbres qui l'environnent. »
Comte d'Hézècques- Messages : 4390
Date d'inscription : 21/12/2013
Age : 44
Localisation : Pays-Bas autrichiens
Re: La politesse et les bonnes manières en société ...
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Je vais tâcher de retenir tout ça et, à l'avenir, ne plus laper ma pitance comme une bête ! C'est promis .
: : :
Je vais tâcher de retenir tout ça et, à l'avenir, ne plus laper ma pitance comme une bête ! C'est promis .
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Mme de Sabran- Messages : 55516
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: La politesse et les bonnes manières en société ...
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Comtesse Diane- Messages : 7397
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : TOURAINE
Re: La politesse et les bonnes manières en société ...
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Même si la société n'a plus rien à voir aujourd'hui, cela reste toujours si vrai ...
La science du monde repose avant tout sur le sentiment de la nuance, sentiment très subtil, presque indéfinissable, fruit de la nature autant que de l’éducation, qui manquera toujours à certaines personnes, eussent-elles l’avantage de vivre dans la société la plus policée. Un tact consommé, fait de dons spontanés que perfectionne l’expérience, l’art de rendre à chacun, aux supérieurs, aux égaux, aux femmes, les égards qui leur sont dus, une conversation proportionnée au caractère, à l’esprit de ceux qu’on a devant soi, des silences variés qui, non moins que la parole, blâment ou admirent, nient ou acquiescent, ne sont-ce pas les bases fondamentales de cette science de la nuance qui, elle aussi, a sa tactique, sa stratégie, ses inspirations divines, apaise les amours-propres blessés, allume, entretient le feu céleste de l’amitié, gagne des batailles morales ; science trop dédaignée aujourd’hui, très respectée, très répandue jadis. Un seul mot, une action indifférente, suffisent à dénoncer son absence ; un sourire, un geste, révèlent l’adepte à l’initié. On peut avoir de l’esprit, du talent, du génie même, et ne rien comprendre aux nuances ; elles sont les filles du goût, les compagnes de l’élégance, les consolatrices des délicats. Muses fidèles de la civilisation, gardiennes des rites sociaux, elles enseignent une sorte de langue sacrée, interdite aux profanes, au bétail philistin, doublent la puissance de séduction, parent de leurs suaves reflets tous les sentiments et l’amour lui-même, comme dans certaines journées d’automne le soleil couchant enrichit de beautés nouvelles les forêts et la mer, la plaine et la montagne.
Victor Du Bled
Un Client de l’Ancien Régime
Revue des Deux Mondes, 3e période, tome 101, 1890 (pp. 351-386)
Même si la société n'a plus rien à voir aujourd'hui, cela reste toujours si vrai ...
La science du monde repose avant tout sur le sentiment de la nuance, sentiment très subtil, presque indéfinissable, fruit de la nature autant que de l’éducation, qui manquera toujours à certaines personnes, eussent-elles l’avantage de vivre dans la société la plus policée. Un tact consommé, fait de dons spontanés que perfectionne l’expérience, l’art de rendre à chacun, aux supérieurs, aux égaux, aux femmes, les égards qui leur sont dus, une conversation proportionnée au caractère, à l’esprit de ceux qu’on a devant soi, des silences variés qui, non moins que la parole, blâment ou admirent, nient ou acquiescent, ne sont-ce pas les bases fondamentales de cette science de la nuance qui, elle aussi, a sa tactique, sa stratégie, ses inspirations divines, apaise les amours-propres blessés, allume, entretient le feu céleste de l’amitié, gagne des batailles morales ; science trop dédaignée aujourd’hui, très respectée, très répandue jadis. Un seul mot, une action indifférente, suffisent à dénoncer son absence ; un sourire, un geste, révèlent l’adepte à l’initié. On peut avoir de l’esprit, du talent, du génie même, et ne rien comprendre aux nuances ; elles sont les filles du goût, les compagnes de l’élégance, les consolatrices des délicats. Muses fidèles de la civilisation, gardiennes des rites sociaux, elles enseignent une sorte de langue sacrée, interdite aux profanes, au bétail philistin, doublent la puissance de séduction, parent de leurs suaves reflets tous les sentiments et l’amour lui-même, comme dans certaines journées d’automne le soleil couchant enrichit de beautés nouvelles les forêts et la mer, la plaine et la montagne.
Victor Du Bled
Un Client de l’Ancien Régime
Revue des Deux Mondes, 3e période, tome 101, 1890 (pp. 351-386)
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... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55516
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: La politesse et les bonnes manières en société ...
Mme de Sabran a écrit:
Même si la société n'a plus rien à voir aujourd'hui, cela reste toujours si vrai ...
Oui, tu as raison de souligner que la société n'a plus rien à voir ! A l'époque où une opinion s'exprime avec un message radical, limité à quelques lettres seulement, pondu sur Twiter. boudoi29
Mais cela me fait aussi penser à une phrase de Mme du Deffand que tu évoques aujourd'hui, et qui soulignait : plus on se tait, plus on réfléchit. :
En somme, c'est ce que les parents (ancienne époque ?) conseillaient à leurs enfants : Il faut tourner ta langue 7 fois dans ta bouche avant de parler.
La nuit, la neige- Messages : 18138
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: La politesse et les bonnes manières en société ...
La nuit, la neige a écrit:
En somme, c'est ce que les parents (ancienne époque ?) conseillaient à leurs enfants : Il faut tourner ta langue 7 fois dans ta bouche avant de parler.
C'est Salomon, selon l'Ancien testament, qui donne le premier ce sage conseil .
Le nombre 7 est souvent associé au texte biblique rapportant le commandement de Jésus au sujet du pardon (« on ne doit pas pardonner 7 fois, mais 77 fois 7 fois »).
Et puis, nous avons 7 jours dans une semaine, 7 planètes traditionnelles en astrologie, 7 couleurs à l’arc-en-ciel, 7 notes dans la gamme, 7 péchés capitaux, 7 sacrements, 7 centres subtils au yoga, etc.
Autant de bonnes raisons de tourner sa langue sept fois dans sa bouche ! :
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... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55516
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Comtesse Diane- Messages : 7397
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : TOURAINE
Re: La politesse et les bonnes manières en société ...
Joli pied de nez... mais utopique ... :\\\\\\\\: :\\\\\\\\: :\\\\\\\\:
Bien à vous.
Bien à vous.
Invité- Invité
Re: La politesse et les bonnes manières en société ...
Comte d'Hézècques a écrit: (...) la France ; pays par excellence de l'éloquence, de la politesse, de l'esprit de repartie dans la finesse et le respect. Heureusement que je n'ai pas de télé et que je n'ai rien vu de cette débâcle ahurissante.
Je profite de l'intervention de Hez', au sujet de la consternante indignité du récent "débat" télévisuel supposé éclairer le choix des électeurs pour le second tour de l'élection présidentielle, pour vous proposer la lecture de ce récent article, publié dans le journal La Croix.
Il était un temps où les "élites", au sens large du terme (politiques, sociales, culturelles etc.), donnaient le ton et faisaient référence... boudoi29
Benedetta Craveri est interviewée par Emmanuelle Lucas :
Politesse : au XVIIIe siècle, la bienséance forme un écran contre la brutalité
Dans deux ouvrages qui font référence (1), Benedetta Craveri, professeure de littérature française à l’université de Naples et membre de l’Accademia dei Lincei, équivalent italien de l’Institut, raconte comment la noblesse a érigé la politesse en idéal de vie jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.
La Croix : Vous estimez qu’il existe une tradition française de la politesse. Pourquoi ?
Benedetta Craveri : Dans les premières décennies du XVIIe siècle, la politesse a été élaborée comme un code. Celui-ci avait deux fonctions bien particulières : pacifier une noblesse guerrière qui venait de s’entre-tuer pendant les guerres de religion et, en même temps, aider ces aristocrates à faire front commun contre le renforcement de la monarchie absolue en se dotant d’un espace indépendant où poursuivre librement leur mode d’existence.
La haute noblesse parisienne prend alors l’habitude de se retrouver dans des salons, loin de la cour, afin de discuter de littérature, des arts, de la science, de la morale, de la religion, et au XVIIIe siècle, également de la politique.
Ses membres inventent un code complexe et tout en nuances qui permet à ces hommes et ces femmes du « monde », comme on appelle ces cercles, de ne plus se distinguer par l’épée mais par la maîtrise de la parole. Le premier dictionnaire de l’Académie française définit ainsi la politesse comme une « certaine manière de vivre, agir, parler, civile, honnête et polie acquise par l’usage du monde ».
Cet art de vivre tient de l’utopie. Il poursuit un idéal où la politesse règle les rapports humains et arbitre les élégances de l’esprit. L’art de bien parler, les bienséances forment un écran contre la brutalité de l’époque.
La Croix : Est-ce ce que l’on appelle la politesse du cœur ?
B. C. : Cet idéal de politesse répond, à l’origine, à une volonté de distinction sociale aux sens propre et figuré, mais va également être pris en compte dans les prédications chrétiennes de l’époque.
En 1609, saint François de Sales écrit une Introduction à la vie dévote pour les femmes de la noblesse.
L’ouvrage va connaître un succès retentissant. Là où, jusqu’alors, les moralistes et hommes d’Église étaient très opposés au « monde », perçu comme un lieu de perdition, saint François de Sales considère, à l’inverse, qu’il s’impose aux femmes et qu’il faut aider celles-ci à concilier le monde avec leur foi religieuse. Il écrit que les manifestations de la politesse, « la face et les paroles ornées de joie, gaieté et civilité », pouvaient être une expression de l’âme et un témoignage éloquent de la présence de Dieu.
De là, tout au long des XVIIe et XVIIIe siècles, plusieurs conceptions de la politesse cohabitent : elle est au cœur de la morale de l’honnêteté mais, à commencer par Molière dans Le Misanthrope et Jean-Jacques Rousseau, nombreux sont ceux qui dénoncent le divorce entre l’être et le paraître, et réduisent les bienséances à un simple jeu de masques.
Dans Les Liaisons dangereuses, par exemple, les libertins pervers de Laclos font montre de la plus exquise politesse pour masquer leurs entreprises.
Mais sincère ou hypocrite, la politesse est la condition sine qua non de cet art de plaire qui constitue le premier enjeu de la vie de société sous l’Ancien Régime.
Comment la politesse a-t-elle perduré alors que ce monde disparaît avec la Révolution ?
B. C. : Cet art de vivre aristocratique sous le signe de la politesse et de l’esprit a profondément marqué la civilisation française. Après que toutes les élites d’Europe au XVIIIe siècle sont venues apprendre les « grâces » à Paris, même la Terreur n’a pas réussi à interdire le vouvoiement durant très longtemps.
Certes, à partir du XIXe siècle, le monopole de la culture et de la circulation des idées n’est plus le monopole de la société mondaine : le Parlement devient le lieu où s’expriment les débats publics et les journaux atteignent désormais un large public.
Néanmoins, il est resté quelque part inscrit dans l’imaginaire collectif ce que Rica, l’un des Persans de Montesquieu, exprimait déjà : « Si l’homme est un animal social, les Français sont plus hommes que les autres. »
(1) Benedetta Craveri
L'âge de la conversation, Gallimard
Les Derniers Libertins, Flammarion.
* Source : http://www.la-croix.com/France/Politesse-XVIIIe-siecle-bienseance-forme-ecran-contre-brutalite-2017-04-29-1200843392
La nuit, la neige- Messages : 18138
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: La politesse et les bonnes manières en société ...
Merci pour cet article très intéressant.
Quand tu parles de la récente indignité du débat d'hier, je présume que tu ne parles que de la poissonnière blonde... parce qu'en face, j'ai trouvé le jeune banquier très zen et plein de correction par rapport à ce que son adversaire aurait mérité !
Bien à vous.
Quand tu parles de la récente indignité du débat d'hier, je présume que tu ne parles que de la poissonnière blonde... parce qu'en face, j'ai trouvé le jeune banquier très zen et plein de correction par rapport à ce que son adversaire aurait mérité !
Bien à vous.
Invité- Invité
Re: La politesse et les bonnes manières en société ...
Oui, la bienséance fout le camp, peut-être parce que la société a trop de liberté ? Non ? Vraiment je ne sais pas, peut-être la logique des choses. Car, entre l'époque de Louis XIV et celle de Louis XVI, il y avait déjà une petite félure quant à l'étiquette que la Reine et quelques contemporains ne supportaient plus.
Aujourd'hui, et surtout depuis la fin des années 60, c'est à celui qui sera le plus "vulgaire", mais parfois, sans que l'on s'y attende, hop un homme, une femme, ou un enfant nous fait plaisir par sa politesse, sa bienséance. Mais oui, il y en a. Alors,que faut-il ? Un peu d'efforts venant de tout un chacun. D'ailleurs quand on est poli (donc gentil), on se sent tellement mieux intérieurement, et c'est tellement plus facile. Alors, faisons l'effort, inculquons-le à nos enfants en priorité, n'ayons pas peur de revenir en arrière et régénérons la société.
Aujourd'hui, et surtout depuis la fin des années 60, c'est à celui qui sera le plus "vulgaire", mais parfois, sans que l'on s'y attende, hop un homme, une femme, ou un enfant nous fait plaisir par sa politesse, sa bienséance. Mais oui, il y en a. Alors,que faut-il ? Un peu d'efforts venant de tout un chacun. D'ailleurs quand on est poli (donc gentil), on se sent tellement mieux intérieurement, et c'est tellement plus facile. Alors, faisons l'effort, inculquons-le à nos enfants en priorité, n'ayons pas peur de revenir en arrière et régénérons la société.
Trianon- Messages : 3305
Date d'inscription : 22/12/2013
Re: La politesse et les bonnes manières en société ...
Pensez-vous que l'on puisse confondre politesse et gentillesse, ma chère Trianon?
Lors du débat entre François Mitterrand et Jacques Chirac, en 1988, c'est en toute courtoisie que le président sortant s'est amusé sournoisement à appeler son adversaire Monsieur le Premier Ministre pour marquer l'accent sur leur position à chacun.
Bien à vous.
Lors du débat entre François Mitterrand et Jacques Chirac, en 1988, c'est en toute courtoisie que le président sortant s'est amusé sournoisement à appeler son adversaire Monsieur le Premier Ministre pour marquer l'accent sur leur position à chacun.
Bien à vous.
Invité- Invité
Re: La politesse et les bonnes manières en société ...
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Comtesse Diane- Messages : 7397
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : TOURAINE
Re: La politesse et les bonnes manières en société ...
Je pense aussi que l'empathie et la gentillesse sont une forme de civilité intelligente, chère comtesse.
Un grand pas est déjà fait vers le respect de l'autre.
Les règles ou l'ancienne étiquette sont autre chose encore...
Je passe ma réponse quant au rapport avec l'actualité politique du moment qui est un autre sujet (c'est de ma faute, mais c'était juste pour introduire mon message boudoi32 )
Au sujet de cette histoire de la politesse dite à la française, je vous propose aussi l'écoute de cette émission de radio, La marche de l'Histoire.
La politesse aux XVIIIe et XIXe siècles
Présentation :
La France se targue d'être la fille aînée de la civilité. Au motif que sa Cour aurait inventé les belles manières : la noblesse, censurant ses emportements, y donna en tout cas l'exemple de nouveaux comportements.
Mais Rousseau vint qui démonta les ressorts de la comédie et prôna plus de franchise et d'authenticité.
La Révolution, ensuite, rêva d'une parfaite équivalence entre les citoyens, qui aurait aboli la distance.
En vain.
Et aujourd'hui, alors que les classes supérieures anciennes sont toujours le modèle en la matière, qu'en est-il ?
A l'origine historique de la politesse en France, il y aura toujours l'aristocratie mais, en son fondement philosophique, la République a-t-elle pu installer l'amour de l'égalité ?
En écoute libre (une petite demi-heure), ici : https://www.franceinter.fr/emissions/la-marche-de-l-histoire/la-marche-de-l-histoire-02-mai-2012
Un grand pas est déjà fait vers le respect de l'autre.
Les règles ou l'ancienne étiquette sont autre chose encore...
Je passe ma réponse quant au rapport avec l'actualité politique du moment qui est un autre sujet (c'est de ma faute, mais c'était juste pour introduire mon message boudoi32 )
Au sujet de cette histoire de la politesse dite à la française, je vous propose aussi l'écoute de cette émission de radio, La marche de l'Histoire.
La politesse aux XVIIIe et XIXe siècles
Présentation :
La France se targue d'être la fille aînée de la civilité. Au motif que sa Cour aurait inventé les belles manières : la noblesse, censurant ses emportements, y donna en tout cas l'exemple de nouveaux comportements.
Mais Rousseau vint qui démonta les ressorts de la comédie et prôna plus de franchise et d'authenticité.
La Révolution, ensuite, rêva d'une parfaite équivalence entre les citoyens, qui aurait aboli la distance.
En vain.
Et aujourd'hui, alors que les classes supérieures anciennes sont toujours le modèle en la matière, qu'en est-il ?
A l'origine historique de la politesse en France, il y aura toujours l'aristocratie mais, en son fondement philosophique, la République a-t-elle pu installer l'amour de l'égalité ?
En écoute libre (une petite demi-heure), ici : https://www.franceinter.fr/emissions/la-marche-de-l-histoire/la-marche-de-l-histoire-02-mai-2012
La nuit, la neige- Messages : 18138
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: La politesse et les bonnes manières en société ...
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Comtesse Diane- Messages : 7397
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : TOURAINE
Re: La politesse et les bonnes manières en société ...
Majesté a écrit:Pensez-vous que l'on puisse confondre politesse et gentillesse, ma chère Trianon?
Lors du débat entre François Mitterrand et Jacques Chirac, en 1988, c'est en toute courtoisie que le président sortant s'est amusé sournoisement à appeler son adversaire Monsieur le Premier Ministre pour marquer l'accent sur leur position à chacun.
Bien à vous.
En générale, lorsqu'on est poli, on a envie d'être gentil. Maintenant, certains ajoutent à cela l'hypocrisie et l'arrogance..... camouflées. Alors, tout est faussé. Je ne dis pas que la politesse amène chaque fois la gentillesse. Mais, faites l'essai, cher Majesté pendant quelques temps. Soyez aimable, soyez bienséant et vous verrez comment vous vous sentez, oui, Comtesse et LNLN c'est avoir un peu d'empathie aussi. Un besoin d'être agréable et de faire plaisir.
C'est vrai l'étiquette comme elle existait dans les siècles passés est un peu autre chose (en plus elle ne s'adressait que chez les aristocrates, d'ailleurs c'était un exemple pour ceux qui faisaient partie du Tiers Etat, les belles manières et si suivait la politesse, liée à l'empathie, alors la gentillesse suivait tout naturellement et les rapports étaient plus respectueux). C'est une forme de respect des autres mais de soi-même aussi.
En fait tout cela n'est possible qu'avec une grande sincérité.
Trianon- Messages : 3305
Date d'inscription : 22/12/2013
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