Les merveilles de Fabergé

Les fêtes approchent, il est vrai.
Merci cher Gouverneur !

En Russie, le cygne est le symbole du mariage et d'une union heureuse.
En 1906, Nicolas II commande pour Pâques un œuf destiné à sa mère, l'impératrice Maria Feodorovna, qui aurait fêté cette année-là ses 40 de mariage avec son époux, le défunt Alexandre III.



L'œuf, haut de 10 cm, est en or, recouvert d'un émail mauve, orné de rubans en brillants et diamants. Un diamant couronne le sommet avec la date 1906 et (disparu aujourd'hui), un dernier ornait le bas, sans doute accompagné du monogramme de l'impératrice douairière.
La surprise est ici un "cygne mécanique sur un lac bleu-vert". Le lac en question est en fait un panier en aigue-marine, soutenu par une anse de fleurs et décoré de nénuphars en or blanc, jaune et rose. Le cygne est en or gris, ses yeux et son bec en émail. Il est pourvu d'un mécanisme qui, une fois activé, le fait avancer en battant des ailes, bougeant ses pattes et sa queue et lui faisant relever son cou et sa tête. Fabergé se serait inspiré de James Cox, le créateur de la célèbre horloge du paon d'or pour ce cygne évalué aujourd'hui à 100 000 dollars à lui seul.
L'œuf au cygne appartient aujourd'hui à une collection privée en Suisse.

Calonne a écrit: "cygne mécanique sur un lac bleu-vert". Le lac en question est en fait un panier en aigue-marine, soutenu par une anse de fleurs et décoré de nénuphars en or blanc, jaune et rose.

L'effet du lac bleu et vert n'est qu'absolument divin ...

Nicolas II l'offre à sa femme en 1908.
Il est en néphrite de Sibérie, diamants, or et rubis. Son pourtour est orné de cinq aquarelles sur ivoire représentant les cinq enfants du couple impérial. Au-dessus de chaque portrait se trouve l'initiale monogrammée en diamants du prénom de chaque enfant. Au dos de chaque portrait, visible uniquement à l'intérieur de l'œuf, figure la date de naissance de chacun d'eux. On trouve également sur l'œuf les initiales de la Tzarine.

La surprise ?
Une miniature en or du palais Alexandre. Les fenêtres sont en cristal de roche, les toits en émail vert :




Le palais Alexandre avait été offert par Catherine II à son petits-fils chéri, Alexandre Ier (celui qui affronta Napoléon) pour son mariage. Nicolas II et la Tzarine détestaient Saint-Pétersbourg. Ils s'installèrent donc dans ce palais néo-classique en-dehors de la ville pour y mener une vie tranquille avec leurs enfants, dans des appartements meublés simplement, suscitant le mépris de la cour qui les accusait de ne pas tenir leur rang et de vivre en reclus et comme de simples bourgeois. Le Tzar et la Tzarine vivaient ici en famille avec leurs enfants, en toute simplicité. Le Tzar avait l'habitude de s'installer sur le balcon pour fumer ou lire son courrier et les journaux le matin tandis que ses filles se promenaient ou jouaient dans le vaste parc avec leur précepteur. Cela permettait aussi de dissimuler plus facilement l'hémophilie du petit Tzarévitch qui fût longtemps un véritable secret d'état... La famille vécût au palais Alexandre quasiment tout au long du règne.
La miniature du palais est fixée sur une petite table en or qui peut s'enlever de l'œuf et être posée :






Un œuf "impérial" qui symbolise aussi l'aveuglement et l'illusion du Tzar face à la montée des périls...

1913. La Russie fête avec faste le tricentenaire de la dynastie Romanov. Le couple impérial est pourtant impopulaire, mal-aimé, surtout la Tzarine. Le Dimanche Sanglant de 1905 et la désastreuse guerre contre le Japon sont passés par là. C'est alors que le couple impérial entame un pèlerinage à travers le pays, sur les traces du fondateur de la dynastie, Michel Romanov, monté sur le trône en 1613. A la surprise générale, le couple est bien accueilli par les populations, chaleureusement même. Voilà qui réchauffe le cœur des souverains. Rentrés au palais, ces derniers sont persuadés que décidément, le peuple les aime toujours et que ceux qui crient au danger ne sont que des oiseaux de mauvais augure... Ce pèlerinage va conforter le couple dans son aveuglement et son isolement face à la menace qui gronde.

En attendant, il reste à Fabergé à parachever l'évènement. C'est donc fait en 1913 avec cet œuf fastueux, destiné à la Tzarine.
Or, argent, diamants (plus de 1100 au total), turquoise, cristal de roche, émail vitrifié... Rien ne manque. 18 portraits, ceux des 18 souverains de la dynastie, empereurs et impératrices, peints à l'aquarelle sur ivoire, alternent sur les faces de l'oeuf. De Michel à Nicolas II, ils sont tous là, séparés par l'aigle à deux têtes en or et les couronnes de chacun d'entre eux. Les portraits, peints par Vassily Zuiev, sont bordés de diamants. L'intérieur de l'œuf est en émail blanc opalescent. L'œuf repose sur un piédestal qui représente l'aigle impérial en or, avec trois serres tenant le sceptre impérial, l'orbe et l'épée des Romanov. Le piédestal est soutenu par une base qui représente le bouclier impérial russe.
Un diamant couronne le haut de l'œuf entre les deux dates en or, 1613 et 1913.

La surprise ?
L'œuf s'ouvre sur un globe terrestre en émail bleu et or de différentes couleurs, globe qui tourne pour montrer ses deux hémisphères : sur le premier est représenté en or l'empire russe sous Michel, le fondateur de la dynastie, sur le second est représenté en or l'empire russe sous Nicolas II. L'oeuf symbolise donc la continuité de la dynastie, entre passé et présent, à travers les souverains qui se sont succédés.






Offert par Nicolas II à sa femme en 1901.

Un treillis d'argent endiamanté soutient un œuf en émail servant de panier pour un ensemble de fleurs sauvages en émaux : marguerites, pensées, lys calla (originaires d'Afrique du Sud), fleurs d'oranger, bleuets, épis d'avoine et volubilis. L'anse du panier est en or rehaussé de diamants. La date 1901 est en diamants au flanc de l'œuf.
La surprise reste inconnue et on pense qu'il n'y en avait pas. En tous cas, les spécialistes de la maison Fabergé n'en ont trouvé aucune trace.
Ce n'est pas que je le trouve si moche que ça mais pour moi, là, on n'est plus dans un œuf de Fabergé mais dans un simple bibelot nid à poussière, à mettre sur un guéridon...




Offert par Nicolas II à sa femme en 1899

Il s'agit en fait d'une horloge.
Le piédestal est en or et onyx ouvragé et soutient un oeuf divisé en douze sections par des raies transversales ornées de diamants. Un bandeau d'émail opalescent porte les heures, en chiffres romains et en diamants. L'aiguille est la flèche d'un arc endiamanté. L'oeuf est couronné d'un bouquet de lys en or aux pétales en émaux et aux pistils de diamants roses. Les lys sont symboles de pureté. Une petite clef en or permettait de remonter la pendule. La date 1899 est portée en diamants sur le piédestal.
J'aime pas : trop lourd, trop clinquant, trop voyant.




Offert par Alexandre III à sa femme (c'est le dernier qu'il lui offrira) en 1894.

En onyx blanc orné de motifs émaillés et de cabochons en diamants et rubis. Deux têtes de lions en or forment les poignées. Il renfermait comme surprise l’œuf de la Résurrection (voir photo ci-dessous) retrouvé par ailleurs ou, selon une autre hypothèse, une petite statue du Christ ressuscité enrichie de pierreries.



Trop kitch, trop coloré et décoré, il me fait penser à une baignoire, une soupière ou une banale boîte à bijoux. Pour l'impératrice, il devait avoir une valeur particulière puisque ce fût le dernier qu'elle reçût de son mari, avec une "surprise" consacrée à la résurrection alors que le Tzar était déjà malade.





Offert par Nicolas II à sa femme en 1904.

Si l'œuf en lui-même est très simple, il s'ouvre sur une surprise richement ouvragée et atrocement kitch... L'Amour couronnant le petit monument est à l'effigie du petit prince qui venait de naître, les statuettes en or de chérubins à sa base représentent ses quatre sœurs. Les deux colombes au centre du monument représentent l'amour unissant le Tzar et son épouse.
Je le trouve kitch à mort (rien que son nom déjà)... Et vraiment moche. J'aime pas du tout.




Le tout dernier, inachevé, d'un style étonnamment "moderne" par rapport aux précédents. Il devait être présenté à l'impératrice pour Pâques 1917 mais la Révolution russe en décida autrement...

L'œuf était dédié au Tzarévitch.



En verre de cobalt bleu, il reposait sur un nuage en cristal de roche opaque. L'œuf était gravé des astres de la constellation du Lion, signe astrologique du jeune prince et piqueté de diamants représentant les étoiles. Des angelots en or ou en argent devaient orner le socle et la surprise était que l'œuf servait en fait d'horloge : comme on le voit sur l'esquisse préparatoire de Fabergé, un cadran marqué des heures devait faire le tour de l'œuf.
C'est en 2001 qu'on retrouva, presque par hasard, dans une réserve d'un musée moscovite "le nuage de cristal de roche et les deux moitiés d'un œuf en verre bleu gravées de constellations".

Merci, mon cher Calonne.
Tu as raison, certains oeufs sont too much.

Calonne a écrit:

L'œuf au trophée de l'Amour

(image : plkdenoetique.com)

Offert par Nicolas II à sa femme en 1904.

Si l'œuf en lui-même est très simple, il s'ouvre sur une surprise richement ouvragée et atrocement kitch... L'Amour couronnant le petit monument est à l'effigie du petit prince qui venait de naître, les statuettes en or de chérubins à sa base représentent ses quatre sœurs. Les deux colombes au centre du monument représentent l'amour unissant le Tzar et son épouse.
Je le trouve kitch à mort (rien que son nom déjà)... Et vraiment moche. J'aime pas du tout.

Merci Calonne

J'ai pu voir celui-ci à la Queen's Gallery en 2019, à l'occasion de l'expo Russia, Royalty & the Romanovs. Il était exposé aux côtés d'autres merveilles de Fabergé appartenant également aux collections royales anglaises :





Clichés personnels, by courtesy of HM Elisabeth II ( )

Du coup, en allant sur le site du RCT :







Description

Imperial Easter Egg with rotary clock, pink guilloché enamel circle dial with rose diamond numerals, surmounted by silver-gilt cupid, six bowenite columns encircle a pair of platinum doves, the stepped circlular base with four silver-gilt seated female cherubs joined by swags; four bun feet.

This Imperial Easter Egg – which incorporates a rotary clock in its design, the movement supplied to Fabergé by Henry Moser & Cie – is in the form of a classical temple. The colonnade of pale green bowenite columns supports the pink guilloché enamelled egg, surmounted by a cupid. Below a pair of platinum doves sits on a truncated column and around the base four female silver-gilt cherubs hold garlands of roses in red, white, green and yellow gold.

This Easter egg is an allegory of the imperial family in 1910. The enduring love between the Tsar and Tsarina is represented by the pair of doves; their four daughters, Olga (b. 1895), Tatiana (b. 1897), Maria (b. 1899) and Anastasia (b. 1901) – collectively known by their parents as OTMA – are represented by the four cherubs; and the Tsarevich Alexis (b. 1904) is represented by the cupid. Early photographs of the egg and a description of it in a Fabergé album of the Imperial Easter Eggs presented to Tsarina Alexandra Feodorovna between 1907 and 1916 show that the cupid originally held an arrow in his hand to point to the hour.

The egg was the Tsar’s gift to Tsarina Alexandra for Easter 1910 and cost 11,600 roubles. In 1917 it was confiscated from the Anichkov Palace, and in 1922 it was transferred to the Sovnarkom. The dealer Emanuel Snowman brought it to London and, according to a manuscript annotation by Queen Mary in her copy of Bainbridge’s autobiography, Twice Seven, it was acquired by her in 1931 and given to King George V.

Mark of Henrik Wigström; gold mark of 56 zolotniks (1908-17); Fabergé in Cyrillic characters

Catalogue entry from Royal Treasures, A Golden Jubilee Celebration, London 2002

Provenance

Commissioned by Tsar Nicholas II for Tsarina Alexandra Feodorovna, Easter 1910; confiscated by the provisional government, 1917; transferred to the Sovnarkom by 1922; ?Emmanuel Snowman; acquired by Queen Mary and given to King George V, 1931.

Source : The Royal Collection Trust