Les Femmes au XVIIIe siècle et pendant la Révolution française

Avant la Révolution, les militaires s'occupaient d'administration, les magistrats abandonnaient les procès et rêvaient politique, les abbés parlaient finances et les femmes de tout .  Ce qu'il y avait de plus fâcheux, c'est qu'elles décidaient en dernier ressort des mérites des hommes, non pas seulement, comme autrefois, pour leur accorder la pâlme des grâces et de la politesse, mais pour les élever au gouvernement de l'Etat .

( duc de Lévis )

Talleyrand qui s'y connaissait n'est pas moins net : sans Egérie, ou plutôt sans le plus grand nombre possible d'Egéries, les candidats au pouvoir n'avaient aucune chance .

Tous avaient à leur disposition quelques maisons principales dont ils faisaient les opinions et le langage. La maison de Mme de Montesson appartenait à M. l'Archevêque de Toulouse, qui partageait avec M. Necker celle de Mme de Beauvau. C'était chez Mme de Polignac et à l'hôtel de Luynes que M. de Calonne trouvait ses appuis . L'évêque d'Arras ( Mgr de Conzié ) venait après M. Necker chez Mme de Blot et chez Mme de Castries. M. de Fleury était porté par Mme de Brionne. Le baron de Breteuil était le deuxième dans toutes les maisons, le premier nulle part. Mme de Soubise protégeait M. Foulon. L'hôtel du Châtelet avait son ambition personnelle et rêvait de M. le duc de Choiseul. Mme de la Reynière était à peu près à tout le monde, excepté M. Necker. Les Noailles disaient du bien de M. de Meilhan, mais le classaient d'une manière secondaire .

Les femmes, aurait observé Mme Necker dans une heure d'esprit assez étrangère à son personnage, remplissent les intervalles de la conversation et de la vie comme ces duvets qu'on introduit dans les caisses de porcelaine; on les compte pour rien et tout se briserait sans elles .

Calonne, lui, les comptait pour beaucoup et n'avait nulle envie de se laisser briser .

( Robert Lacour-Gayet :  Calonne, financier réformateur contre-révolutionnaire  1734 - 1802 )

Xé

Et pourtant, le poids des préjugés au XVIIIème siècle est énorme !  

Avant tout, il est essentiel de rappeler que la société occidentale du XVIIIème siècle est chrétienne. Les mentalités sont forgées de croyances anciennes, sur les femmes notamment.
Au XVIIIème siècle, même si la société chrétienne européenne a quelque peu évolué depuis le Moyen-Age, il est des mythes qui perdurent. Ainsi en est-il du mythe de la femme créée non en même temps que l'homme, mais à partir de l'homme... Sur ce mythe repose l'essentiel du comportement des hommes à l'égard des femmes : la femme doit tout à l'homme, elle lui est soumise...  
Sans oublier que la femme est le symbole du malheur du genre humain : en effet, n'est-ce pas, Eve qui, dans la mythologie judéo-chrétienne, incita Adam à manger le fruit interdit ?
 Eh oui !  comme pour les Grecs Pandore est la femme par l'inconséquence de laquelle toutes les catastrophes s'abattront sur les hommes, et comme la malheureuse Marie-Antoinette allias " Madame Déficit " sera désignée comme responsable de tous les maux et la bête à abattre ...

Femme faible de par sa constitution, femme tentatrice, femme fatale, les femmes, depuis des temps très anciens, sont cause de nombreux malheurs. A la veille de la Révolution française, les mentalités n'ont pas beaucoup changé...
En 1789, lors des débats sur les conditions de formation des assemblées primaires, la question du droit de vote des femmes ne fut même pas soulevée à l'Assemblée Constituante. Elles étaient naturellement évincées des droits civiques, sous le poids des préjugés sur la nature des femmes et de la perception de la frontière entre espace privé et public, l'ordre des rapports naturels et sociaux.

http://www.thucydide.com/realisations/comprendre/femmes/femmes1.htm[/i]

En complément, je signale que nous avions abordé ces sujets à l'occasion de nos discussions sur "les femmes de la Révolution" (qui toutes étaient aussi des femmes du XVIIIè donc), à partir d'une série d'articles proposés par Michel Onfray, dans le magazine Le Point.

C'était ici : https://marie-antoinette.forumactif.org/t2004p15-les-femmes-de-la-revolution-francaise-par-michel-onfray-le-point-serie-de-l-ete#57707

Oui, je me souviens comme je courais après ces numéros du Point, cet été ! :

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Le comte :

(Aux femmes )  Voyons maintenant si vous avez retenu mes leçons…. Quelles sont les vertus essentielles de la femme ?

Première jeune-fille.

La patience et l’obéissance.

Le comte.

Quel est leur emblème ?

Deuxième jeune-fille.

La lune.

Le comte, à la Marquise.

Pourquoi ?

La marquise.

Parce qu’elle leur rappelle qu’elles n’ont aucune lumière propre, et qu’elles empruntent tout leur éclat de l’homme.


( Goethe, le Grand Cophte )

J'aime beaucoup l'illustration... :

La nuit, la neige a écrit:J'aime beaucoup l'illustration... :

Hum, hum ! Moi aussi j'aime beaucoup. Bonne trouvaille, chère Éléonore.
Une chose est sûre, (et nous en avions déjà discuté en effet), la gent masculine, que ce soit dans les temps anciens ou aujourd'hui, a toujours eu besoin de sa moitié de côte ( : ) ou plus certainement de sa digne "égalité" féminine.
Je dirai, chère Éléonore : Quel dommage que La Palatine ne faisait pas partie de cette petite conversation. :;;::,:!!!ùùù:
Mais, sérieusement (quand même), c'est du n'importe quoi. Heureusement, c'était au XVIIIème siècle. Enfin....., je le dis vite.

La nuit, la neige a écrit:J'aime beaucoup l'illustration... :

Nous sommes si merveilleusement complémentaires !   :

Vois plutôt :

J'adore  ... mais je ne crierais sûrement pas du côté frigorifié, moi : 


Bien à vous.

Un sujet passionant et une émission très intéressante avec de bonnes références bibliographiques:
A écouter pour les fans comme moi de la Fabrique de l'Histoire, je me doutais bien qu'ils inviteraient Clyde Plumauzille qui travaille sur la question depuis sa Maîtrise :

https://www.franceculture.fr/emissions/la-fabrique-de-lhistoire/les-femmes-pendant-la-revolution

Merci beaucoup, Emilie, je vais regarder la bibliographie, oui !!

Merci Emilie ! Je vais écouter l'émission de ce pas... :\\\\\\\\:

Pour rappel, nous avions présenté l'essai de Clyde Plumauzille ici :
https://marie-antoinette.forumactif.org/t3033-prostitution-et-revolution-de-clyde-plumauzille

Quant à l'exposition de référence à laquelle cette émission fait écho, nous la présentons dans ce sujet-ci : https://marie-antoinette.forumactif.org/t2971-exposition-amazones-de-la-revolution-musee-lambinet-versailles?highlight=femmes+revolution

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Je viens d'écouter cette émission .  Merci, chère Emilie .      

En somme, il y eut de petites avancées grâce à la Révolution comme par exemple sur l'héritage, le divorce ...  puis régression avec le Code Civil ,  maintien forcé de la femme dans la sphère domestique ( ou la prostitution )  et  suffrage  " universel "  , en 1848,  où seuls les hommes en âge de voter peuvent s’exprimer dans les urnes.  
Comment un suffrage peut-il être universel s'il n'est que masculin ???  boudoi16    Il faudra que l'on m'explique.   boudoi32

Cette émission fait écho aux marches des femmes anti-Trump à travers le monde aujourd'hui :


Des marches anti-Trump sont organisées, ce samedi dans plusieurs du monde, dont Paris. Objectif: protester de façon pacifique contre les propos misogynes et racistes tenus par le nouveau président des Etats-Unis lors de sa campagne électorale.
En France, le rassemblement parisien partira à 14 heures du Trocadéro pour rejoindre le mur pour la Paix devant l’Ecole Militaire. D'autres rassemblements sont organisés à Bordeaux, Marseille, Montpellier ou encore Strasbourg.

637 rassemblements dans le monde

Émission passionnante !!

L'émission est davantage consacrée au livre de Clyde Plumauzille, et à son sujet "Prostitution et Révolution", que des femmes pendant la Révolution : thème rapidement abordé en fin d'émission, avec notamment l'évocation de l'exposition du Musée Lambinet.

Interventions très intéressantes, qui expliquent tout simplement ce qui est, très essentiellement, à la base de l'exclusion des femmes du champ politique et social (avant, pendant, et encore bien après la Révolution) : c'est à dire les schémas conjugalistes et familialistes, fussent-ils religieux ou prétendument civils et laïques, qui font qu'une femme seule, n'existe pas, et ne peut exister.
Elle est fille d'un homme, ou épouse d'un homme.
A peine les hommes de la révolution consacreront-ils un peu d'attention (et d'aide) à la veuve ou la mère, mais une femme seule, c'est à dire célibataire, est un "accident" qui, de fait, l'exclut de tous les champs et schémas sociaux.
Ce qui les a contraint, pour beaucoup, à la prostitution, ne pouvant subvenir seules à leurs besoins (à l'exception de cas rarissimes de riches héritières qui auraient eu le culot monstre et la chance de pouvoir repousser des demandes en mariage).

C'est un schéma séculaire qui n'a eu de cesse de perdurer, tout au long du XIXe siècle bien sûr, mais il y a peu de temps encore : le seul moyen d'obtenir une égalité de droits, étant de réclamer l'accessibilité au sacro-saint et immuable modèle conjugal.
Ce que je trouve tout à fait hallucinant !!  boudoi29  Je ferme la parenthèse de ce hors-sujet... :

J'ai d'ailleurs été très surpris d'apprendre que l'âge moyen du mariage, dans ce Paris du XVIIIe siècle, était de 28/29 ans.
Je pensais vraiment que la tranche d'âge était alors beaucoup plus précoce !

Oui ... surtout quand on pense à la femme de trente ans de Balzac !
Ce que j'ai retenu, octroyée par la Révolution, c'est la liberté de se marier sans le consentement des parents, liberté que Napoléon rayera d'un coup de plume rageuse .

La nuit, la neige a écrit: J'ai d'ailleurs été très surpris d'apprendre que l'âge moyen du mariage, dans ce Paris du XVIIIe siècle, était de 28/29 ans.
Je pensais vraiment que la tranche d'âge était alors beaucoup plus précoce !

Moi aussi cela m'a surpris alors que je l'avais déjà lu...
C'est d'autant plus vicieux de reprocher à Marie-Antoinette d'être devenue mère à 23 ans... quand cela était encore bien plus rapide que dans la moyenne du temps.... quoiqu'a posteriori on ait pu croire ....


Bien à vous.

La nuit, la neige a écrit:

L'émission est davantage consacrée au livre de Clyde Plumauzille, et à son sujet "Prostitution et Révolution", que des femmes pendant la Révolution : thème rapidement abordé en fin d'émission, avec notamment l'évocation de l'exposition du Musée Lambinet.

 

Clyde Plumauzille nous emmène au Palais Royal, lieu de perdition notoire :   la prostitution pendant la Révolution .

 

Merci ! J'écouterai cette émission avec intérêt...

Pour rappel, nous présentons le livre de  Clyde Plumauzille ici :
https://marie-antoinette.forumactif.org/t3033-prostitution-et-revolution-de-clyde-plumauzille

La nuit, la neige a écrit:Merci ! J'écouterai cette émission avec intérêt...

Nous y croisons d'anciennes connaissances comme Jean-Sébastien Mercier ou Rétif de la Bretonne, l'un et l'autre observateurs attentifs qui prennent pour nous le pouls du Paris de cette époque-là .

« Paris est la capitale de la France, le Palais-Royal est la capitale de Paris. »
(Lamothe-Langon, La Province à Paris, 1825)

Vraiment,  très intéressant .  :n,,;::::!!!:

La condition féminine dans les campagnes arriérées est dramatique.
Voici le témoignage poignant d'Arthur Young:

12 juillet 1789 –

Montant à pied une longue côte, pour reposer ma jument, je fus rejoint par une pauvre femme, qui se plaignait du temps et du triste pays comme je lui en demandais les raisons, elle dit que son mari n'avait qu'un morceau de terre, une vache et un pauvre petit cheval, et que cependant ils avaient à payer à un seigneur une rente d'un franchar ( 42 livres ) de blé et trois poulets, et à un autre, quatre franchars d'avoine, un poulet et un sou, sans compter de lourdes tailles et d'autres impôts. Elle avait sept enfants et le lait de sa vache servait à faire la soupe. Mais pourquoi, au lieu d'un cheval, n'avez-vous pas une autre vache ? Oh, son mari ne pourrait transporter les produits de son champ aussi bien, s'il n'avait pas de cheval, et l'on ne se sert guère d'ânes dans le pays. On dit qu'a présent quelque chose va être fait par de grands personnages pour nous, pauvres gens, mais elle ne savait pas qui ni comment; mais que Dieu nous envoie quelque chose de meilleur, car les tailles et les droits nous écrasent .
( mots en italiques, en français dans le texte )

Cette femme, vue de près, on lui aurait donné soixante ou soixante-dix ans, tant sa taille était courbée et son visage ridé et durci par le travail mais elle me dit qu'elle n'en avait que vingt-huit. Un Anglais qui n'a pas voyagé ne peut imaginer l'aspect de la plupart des paysannes en France cela révèle, à première vue, qu'elles travaillent beaucoup plus durement que les hommes; ce travail, joint avec celui plus misérable encore de mettre au monde une nouvelle race d'esclaves, détruit absolument toute symétrie de la personne et toute apparence féminine à quoi faut-il attribuer cette différence de mœurs des basses classes entre les deux royaumes ? AU GOUVERNEMENT .

( Arthur Young, Voyages en France )

Woua c'est glaçant mme Sabran..je vais faire lire votre post à ma douce ...lol Cela va remettre des choses en place lol .Non mais des fois....

Me revoici, les amis, avec mes petits extraits de la Chronique de la Révolution !  

Fi donc ! Otez ces ribaudes de ma vue ...


Dans la nuit du 4 août, abolition des privilèges !  




Paris le 13 août.

Une femme, Louise de Kéralio  
notre sujet :
https://marie-antoinette.forumactif.org/t4854-premiere-femme-fondatrice-et-redactrice-en-chef-d-un-journal-louise-de-keralio-robert?highlight=keralio


Le mois suivant ...  enthousiasme sonnant et trébuchant  




( Chronique de la Révolution, Larousse )
...    à suivre !

Je brûle les étapes et  nous voici en octobre, 89 toujours ...  


La Chronique de la Révolution est tout à fait partiale ( on s'en doutait ) :  dans la scène du balcon, il n'est pas fait mention du courage de Marie-Antoinette et de sa profonde révérence  qui impressionne la horde hurlante venue pour lui arracher les boyaux, non plus que du  vibrant " Vive la reine ! "  qui gonfle alors toutes les poitrines.


( Chronique de la Révolution, Larousse )