Visite des appartements du roi en 1785

Le 7 juin 1785 Sophie von La Roche se rend de nouveau au château de Versailles, pendant son court séjour versaillais chez ses amis monsieur et madame Pfeffel, cette fois-ci pour admirer les appartements du roi pendant que Louis XVI et la famille royale assistèrent à la messe dans la chapelle royale :



« Ma chère et obligeante madame Pfeffel m’a prêté la robe noire d’une amie, car la cour est aujourd’hui en deuil du noble Léopold de Brunswick et je ne verrais rien si je ne m’y rendais pas vêtue de noir. Ce serait pour moi grand dommage, d’autant plus que pendant la messe je dois visiter l’appartement du roi.
Monsieur Hénin, un ami de monsieur Pfeffel et l’une des personnes les plus appréciées du cabinet du comte de Vergennes, m’y conduisit. Nous entrâmes d’abord dans la bibliothèque qui est vaste et riche, et bien rangée. A côté se trouve une pièce remplie de machines, notamment celles qui servent pour la fonderie des canons et pour la navigation. La plupart des pièces sont lambrissées en blanc, sauf la chambre et l’antichambre où le roi a l’habitude de se tenir. L’une d’elles est verte avec des fleurs dorées, l’autre rouge et or. Il y a dans les trois pièces lambrissées de beaux tableaux peints par les meilleurs maîtres, des portraits de famille et des tableaux en porcelaine de Sèvres. Le bureau du roi et l’armoire dans laquelle il conserve ses papiers sont de merveilleux exemples d’ébénisterie, décorés de bronzes de la même qualité, et il faut admirer les artistes qui savent donner au bois et au métal des formes et des couleurs aussi agréables. Je vis ensuite la grande table de réunion.
(…)
Je ne pus m’attarder nulle part car les pièces ne restaient ouvertes que jusqu’au retour du roi après la messe, autrement j’aurais bien voulu regarder plus à loisir les vases dorés, les chandeliers et les écrins qui sont conservés dans un cabinet du roi. J’aurais alors pu les comparer aux beaux bronzes en me disant que si ce métal dur et cassant peut être ouvragé aussi précieusement, l’or fin, très malléable, peut s’y prêter encore davantage.
Dans chaque pièce, il y avait de grands vases de porcelaine, de magnifiques tasses et des statues. L’une d’elle me parut être l’ultime flatterie que l’artiste ait pu exprimer : un génie devant un globe terrestre y plante partout des fleurs de lys. Je remarquai aussi le portrait de l’actuel empereur de Chine, celui de notre empereur et celui de Marie-Thérèse. (…) Une table ronde exceptionnellement grande, faite d’une section entière de tronc d’acajou, me fit penser à l’arbre magnifique dont elle provenait. On voit le cœur et tous les cernes annuels de ce beau bois. Je vis aussi une pendule dans une pyramide et à côté tout ce qui se rapporte à l’alternance des jours et des saisons.
L’ingéniosité et la qualité de l’exécution en font un objet digne d’être placé dans le cabinet d’un roi ou d’un philosophe. Je fis le tour de cette pièce, observant attentivement et, par curiosité, jetai un coup d’œil sur le titre d’un livre posé près de la fenêtre où le roi a l’habitude de s’asseoir pour lire. C’était l’histoire de l’Allemagne, qu’il apprécie beaucoup et trouve très intéressante. Dans un petit couloir, il y a des cartes que le roi a lui-même dessinées, des régions qu’il aime.
Bientôt nous fûmes à nouveau dans la galerie, aujourd’hui pleine de monde, chacun étant curieux de voir les conseillers et les secrétaires des différents départements qui avaient présenté un cadeau au roi (...) il fallait nous mettre en rang rapidement (…). »

Extrait du Journal d'un voyage à travers la France, 1785, par Sophie von La Roche, traduit par Michel Lung, Thomas Dunskus et Anne Lung-Faivre, d'après l'édition originale (1787), aux Éditions de l'Entre-deux-Mers, 2012.

C'est extraordinaire !!! Un grand merci pour cet extrait !!!:n,,;::::!!!:
On s'y croirait !:;\':;\':;
Cela confirme au centuple les procès-verbaux d'octobre 1789.

Ce qui me surprend surtout, c'est qu'il était admis de visiter les appartements (semi)privés du roi et de la reine durant leurs absences !

Cette fameuse table est-elle encore à Versailles.
Sa dimension me fait penser à celle qu'on a montée dans la bibliothèque du Roi... mais elle ne me semblait pas ronde mais ovale dans mon souvenir ...


Bien à vous.

Le bureau du roi au troisième étage est rectangulaire.
Par contre, la table de la bibliothèque du premier est bien ronde.

Tu as bien mis le doigt sur les deux tables que j'étais en train de confondre ... Merci


Bien à toi

De rien !

Avec les images, c'est encore mieux !

Celle du troisième étage :


Et celle du premier :

Merci ! C'est tout à fait ces tables ! Et leurs emplacements !

Bien à toi

Non, pas pour la rectangulaire. Cela me gène et vais donc en chercher une autre.

Voilà, c'est mieux :

La grande table ronde de la bibliothèque possède son plateau fait d'une seule pièce, on peut imaginer la taille du tronc de l'arbre dont il a été extrait.

MARIE ANTOINETTE

Merci pour les illustrations... vous connaissez mieux le château de Versailles que moi, par conséquent je n'ai pas osé publier les images, par peur de m'emmêler les pinceaux