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La Révolution et la première agence de renseignement : le " Salon français "

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La Révolution et la première agence de renseignement : le " Salon français " Empty La Révolution et la première agence de renseignement : le " Salon français "

Message par Mme de Sabran Dim 10 Sep - 15:16

D'esprémesnil fut de ceux qui créèrent la première « agence de renseignements » à destination de l’émigration qui grossissait de jour en jour, et qu’on nomma les « Salons français » puisque ses réunions semblent s’être déroulées dans ce lieu déjà connu, situé au no 50 des Arcades du Palais-Royal et qui était utilisé, depuis 1785, comme un lieu de rassemblement des artistes, mécènes et amateurs d’art graphique.
Le Rouennais Lemaître était l’un des membres de cette société artistique, et c’est lui qui, en relation avec d’Eprémesnil, Cazalès et d’autres gravitant dans les mêmes cercles, créa cette cellule de renseignements à l’usage des émigrés.
Elle commença à fonctionner au début de l’été 1791 sous la direction de Lemaître et d’un ancien secrétaire de Cazalès, le chevalier Sandrier des Pommelles. Parti en émigration fin 1790, le comte d’Antraigues fut le premier bénéficiaire de cette agence de renseignements à laquelle collaborèrent diverses personnes dont des journalistes du journal les Actes des Apôtres et plusieurs des habitués du salon de Mme d’Eprémesnil.
À ce moment, M. et Mme d’Eprémesnil recevaient beaucoup dans leur hôtel de la rue Bertin-Poirée, et tant les mémorialistes que les dénonciateurs donnent une idée des personnes qui fréquentaient ce salon qui fut probablement, par son influence politique dans les milieux aristocratiques, le premier salon contre-révolutionnaire. Malouet et Montlosier ont décrit, dans leurs mémoires, les soirées musicales et politiques données par le couple d’Eprémesnil et leurs enfants


https://marie-antoinette.forumactif.org/t3432-jean-jacques-duval-despremesnil#104797


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Un autre témoin  ( de la Révolution ) aussi véridique peut être consulté avec intérêt ; nous voulons parler du comte de Montlosier, membre du côté droit, royaliste ardent, amené un jour par la raison à s’associer aux pensées et aux espérances de Malouet et de Mallet Du Pan. Devenu pair de France, Montlosier publia en 1832 deux volumes de ses Mémoires ; mais il a laissé prêts à être publiés deux autres volumes inédits, dans lesquels, grâce à l’obligeante communication de son petit-fils, nous avons pu abondamment puiser.   (  ...  )
Montlosier se mêla activement aux travaux législatifs. Les relations qu’il contracta d’abord furent loin de le rendre favorable aux monarchiens. Il vivait familièrement avec le vicomte de Mirabeau, le baron de Menou et Cazalès, et il nous a fait connaître ces trois, personnages par des côtés nouveaux. Le vicomte de Mirabeau, Mirabeau-Tonneau, comme on l’appelait, avait de l’esprit, du courage, mais aucune instruction et encore moins de bon sens. Dans les premiers temps de leur amitié, il emmenait fréquemment Montlosier dîner avec lui au Palais-Royal. Ce fut bientôt un prétexte à attroupemens autour du restaurant ; il fallut en changer. Quelques amis s’étant joints à eux, ils avaient fondé des dîners réguliers sous le titre de Salon français ; le lieu de réunion était dans le voisinage d’un marché. Un jour tout le marché se met en rumeur et vient assaillir la maison ; le vicomte de Mirabeau était au comble de la joie, il faisait déjà des préparatifs d’attaque et de défense, il avait mis ses amis en rang, et on lui obéissait machinalement. « La même chose nous était arrivée, ajoute Montlosier, à une précédente assemblée que nous avions eue aux Capucins. Comme il était question des intérêts du clergé, nous avions principalement de vieux abbés et de vieux évêques. Le peuple étant entré dans le jardin et nous ayant lancé des pierres à travers les vitres, nous nous levâmes de surprise. Le vicomte de Mirabeau aussitôt de suivre la ligne en criant : Alignement, alignement, messieurs ! Voilà le cardinal de La Rochefoucauld et les autres évêques de s’aligner en effet. Je me retenais, mais je ne pouvais m’empêcher d’éclater de rire. Notre lapidation aux Capucins eut peu de suite ; celle qui nous menaçait près du marché pouvait en avoir davantage. Tandis que le vicomte de Mirabeau faisait ses dispositions tacticiennes, je trouvais plus sûr d’envoyer chercher- M. Bailly ; notre retraite me paraissait difficile. M. Bailly vint aussitôt ; il nous conseilla par prudence d’abandonner nos réunions. »

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M. de Vaudreuil au comte d'Artois
Venise, 10 juillet 1790 -

Donnez, je vous prie, quelque marque de confiance à Bombelles ; il vous est très-dévoué et craint que vous n'ayez pas assez de confiance en lui, quoique je l'assure du contraire ; mais il s'aperçoit que je ne lui dis pas tout.
Je compte beaucoup sur le zèle du Salon français et je ne doute pas qu'il entreprenne quelque chose de grand et ne fournisse de l'argent, en outre. Mais prenez bien garde à la sûreté des correspondances. M. Tissard est parti ! Je voudrais bien le savoir revenu, et je crains bien qu'on ne l'arrête. Il est parti du 27, avec Mme de C... Il est aussi sûr, mais moins prudent que celui qui m'a apporté votre paquet. Il se fera tuer plutôt que de lâcher ce que vous lui avez confié ; mais il ne serait ni aussi fort ni aussi leste que l'autre pour se défendre ou se sauver.



Note :
Montlosier ( Mémoires,  tome II page 309 ) rapporte que la réunion monarchique appelée le Salon français dut son origine aux dîners qui avaient lieu au Palais Royal, chez le restaurateur Masse, et auxquels assistaient assidûment le vicomte de Mirabeau et plusieurs membres du côté droit de l'Assemblée Nationale.  Le nombre des convives permanents ayant augmenté, on songea à donner à ces réunions une consistance plus régulière et on loua chez ce même Masse, au Palais Royal, une partie de son appartement.  Ensuite le Salon français se transporta aux Capucins et de là dans le voisinage d'un marché ( ? ).

D'autre part, l'avocat Lavaux, auteur d'une brochure anonyme intitulée  " Les campagnes d'un avocat, ou Anecdotes pour servir à l'histoire de la Révolution " ( Paris Panckouke )  s'attribue, ce qui n'est guère vraisemblable, la fondation du Salon français . Il dit que les rassemblements spontanés de royalistes qui se formaient chez Gatey, libraire au Palais Royal, lui en fournirent le fonds; que le Salon français s'établit d'abord dans un vaste appartement au second étage et qu'il ne s'est dissous que par l'émigration d'environ 600 sociétaires qui le composaient.

Quoi qu'il en soit, en 1790, le Salon français était constitué régulièrement, selon toutes les formes du temps.   Sa principale préoccupation, à ce moment, était de sauver la famille royale . L'abbé Guyon écrit à ce sujet :
"Une société de zélés royalistes du haut rang, formée à Paris, sous le titre de Salon français, possédait trois hommes capables de concevoir un bon projet pour remplir les intentions du roi.   Ces hommes étaient M. le chevalier des Pommelles, M. de Jarjayes et M. le marquis de Chaponnay, de l'une des plus anciennes et remarquables familles du Lyonnais.   Le premier d'entre eux rédigea le plan, après l'avoir concerté avec les deux autres, et ce plan fut porté vers la fin de 1790 par M. le marquis de Laqueille et M. de Sabran, évêque de Laon, à Mme Elisabeth qui le goûta fort et le remit au roi.  "

Il faut conclure de ce récit, ainsi que de cette lettre de M. de Vaudreuil , que les membres du Salon français continuaient à se réunir, malgré la dissolution officielle de leur association au mois de mai 1790.


( Léonce Pingaud, Correspondance des comtes d'Artois et de Vaudreuil )

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Jacques_Duval_d%27Epr%C3%A9mesnil
https://fr.wikisource.org/wiki/Le_Comte_de_Montlosier_et_les_Th%C3%A9ories_constitutionnelles_%C3%A0_la_constituante

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Message par Mme de Sabran Dim 10 Sep - 16:44

Evidemment, il ne faut pas confondre ce Salon français, bien concret, avec le très fumeux Comité autrichien qui n'a jamais existé que dans l'imagination enfiévrée de quelques ennemis de Marie-Antoinette .

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Message par Mme de Sabran Dim 10 Sep - 17:05

Vaudreuil , deux jours plus tard :

M. de Vaudreuil au comte d'Artois
Venise, 12 juillet 1790

Cette lettre sera de vieille date, quand vous la recevrez. Elle vous sera remise par Victor, coureur du comte Jules, qui va à Turin conduire un des gens de la maison, qui est attaqué de la poitrine et qui a voulu revoir ses parents en Savoie. Elle est écrite depuis le départ du courrier du 10, et c'est du moins causer un moment en liberté avec vous.
Puis j'ai réfléchi à l'ensemble de tout ce que vous me mandez, et moins je désespère d'un retour à l'ordre plus prochain que vous ne le croyez. Je suis fort loin de désapprouver, comme vous le faites, le refus que le côté droit a fait de recevoir parmi eux les enragés qui voulaient s'y placer lors de la motion contre la noblesse. Ce refus prouve d'abord une énergie que je suis enchanté de voir revenir, et, de plus, cela m'annonce que les gens bien pensants ne se croient pas dépourvus de tous moyens.
Je ne peux me refuser à penser que le Salon français médite quelque chose en faveur de la liberté du Roi, d'où s'en suivrait le rétablissement de la monarchie. Ils sont assez nombreux, assez puissants, et assez fournis d'argent pour pouvoir opérer utilement, s'ils ont une bonne direction et de l'ensemble.

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Message par Mme de Sabran Lun 11 Sep - 11:57

.

Vaudreuil commence à se méfier du Salon français.    La Révolution et la première agence de renseignement : le " Salon français " 1123740815
Il met en garde le comte d'Artois :


M. de Vaudreuil au comte d'Artois
Venise, 7 août 1790 -

Je suis très frappé, Monseigneur, d'une chose qui paraît vous faire une légère impression et ne pas vous inspirer confiance ; c'est de cette lettre du Salon français et de l'assurance positive qui vous y est donnée du prochain départ du Roi. C'est beaucoup qu'on y pense, et je vous avoue que je commence à ne plus voir si noir. Une circonstance extraordinaire qui se combine avec cette lettre du Salon français, c'est que nous n'avons pas eu par le courrier aucune lettre de France, et nous apprenons qu'à Lausanne la poste de France a manqué par cet ordinaire. Je suis convaincu que vous nous enverrez incessamment un courrier pour nous apprendre de grands événements, et, pour peu que le Roi sache s'aider et profiter des bonnes dispositions que lui ont montrées les fédérés des provinces, les perturbateurs du repos public seront bientôt à leur place, et l'autorité légitime sera rétablie.
Gardez-vous plus que jamais d'avoir une marche contraire à celle du Roi et de la Reine, car vous gâteriez tout au moment où tout s'apprête pour le retour à l'ordre.
Je ne crois pas du tout à la confiance réelle du Roi et de la Reine pour La Fayette. Je la crois feinte et pour cette raison très sage. Croyez que jamais ils ne pardonneront à ce monstre la journée des 5 et 6 octobre ; mais ils dissimulent et ne peuvent pas faire autrement.
Oui, Monseigneur, j'approuve l'arrivée de Calonne, mais aux conditions que je vous ai détaillées dans ma dernière lettre, qui sont que vous le verrez ouvertement et non en secret, et que vous instruirez votre frère et votre soeur des motifs qui vous y ont déterminé. Mais il ne faut pas risquer de les instruire par une lettre, qui pourrait être interceptée ; il faut que vous donniez vos instructions verbales à Puységur, dont l'intelligence et la fidélité vous sont connues, et qui, par plusieurs raisons, sera moins suspect qu'un autre. Voilà mon avis, et je le crois sage sous tous les rapports.
Vos préventions et vos colères contre Florida-Blanca et l'Espagne me paraissent toujours les mêmes, et je persiste à les croire injustes, puisque la lenteur de Florida-Blanca ne tient sûrement qu'à ses embarras personnels, dont il ne pouvait vous instruire, et aux embarras politiques d'une guerre vraisemblable avec l'Angleterre. Si ces causes cessent, vous le trouverez aussi actif que vous l'avez trouvé temporisateur, et souvenez-vous toujours que, sans ses moyens, vous ne pouvez pas grand'chose. Je persiste toujours à penser qu'il y a une correspondance établie de l'Espagne et Florida-Blanca avec le Roi et qu'il en éclora quelque chose d'important.
Vous vous plaignez aussi du bonhomme  ( Bernis ), et cela n'est pas juste. Il est resté dans les bornes de son devoir, et il ne pouvait faire autrement, puisque vous n'avez pas voulu ou pu obtenir l'autorisation qu'il désirait et sans laquelle lui, ministre, ne pouvait agir. Je sais qu'on vous l'a dépeint comme un homme usé et affaibli par l'âge, et en cela on vous a cruellement trompé. Moi, je vous réponds sur mon honneur qu'il a toutes les facultés de son esprit comme à quarante ans, et que sa longue expérience, jointe à ses talents naturels, en font un homme précieux et complet. Ajoutez à cela qu'il a pour lui l'opinion et la confiance de plusieurs cabinets de l'Europe. Le poids de cet homme et sa réputation, réunis à l'activité et au génie de Calonne, vous offriraient de bien grandes ressources, et voilà à quoi il faut que vous soyez autorisé. Si on vous refuse ajourd'hui, redemandez demain, et toujours, jusqu'à ce que vous ayez obtenu cette autorisation. Alors votre marche sera légitime et sûre ; sans cela, tous vos pas serpnt incertains, et vous serez croisé, point soutenu dans tous vos projets.
Les observations de Steiger m'ont paru très-sages et m'inspirent quelque confiance aux assurances de Pitt, qui jusqu'à présent ne m'avaient pas séduit ; mais en même temps je vois avec peine que vous ne pouvez pas beaucoup compter sur les secours des Suisses.
Je pense plus que jamais que le seul plan sage de contre-révolution doit consister à faire demander au Roi par les provinces que Sa Majesté tienne l'engagement qu'elle a pris d'aller les visiter. Il faut employer tout votre art à déterminer les provinces d'y forcer le Roi. Si Paris s'y oppose, je le répète, cette ville coupable est perdue. Si Paris est forcé d'y consentir, le Roi restera dans la province qui lui sera le plus fidèle, et de là il dictera ses lois, protestera contre tout ce que son esclavage l'a forcé de sanctionner, et vous ferez le reste. Si ce que vous mande le Salon français a lieu, tout est dit ; mais voilà où il en faut absolument venir. La Normandie me paraît ce qu'il y a de mieux, si on peut y compter, à cause du voisinage, et parce que Rouen est maîtresse de la Seine. L'Alsace est encore bien importante à cause de ses places et des moyens qui peuvent être fournis par l'Empereur. Steiger a bien raison de vous rassurer contre les craintes que vous pouvez avoir de l'Empereur. Des partages ne sont pas aisés à faire, quand on a des embarras chez soi, et lorsque les autres puissances ne manqueraient pas de s'y opposer.
Au reste, vous allez avoir près de vous un homme de génie, qui est bien dévoué à la bonne cause en dépit de toutes les horreurs qu'il a éprouvées. Il ne faut pas calmer son ardeur, parce que son courage est aussi grand que ses talents.
( ... )
Je vois avec une grande peine qu'on veur vous donner de la défiance contre le Roi et la Reine, et qu'on travaille de même à leur en donner contre vous. C'est, de tous les moyens que l'enfer peut inventer, le plus nuisible à vos communs intérêts ; et il est de votre sagesse, de votre devoir, de votre loyauté de ne pas donner dans de pareils pièges et de vous expliquer franchement avec eux, en y envoyant Puységur ou telle autre personne sûre, intelligente et à portée de pouvoir leur parler.
Vous me paraissez très effrayé de ce que le Salon français vous mande que le Roi et la Reine veulent dans tout ceci vous faire jouer un rôle secondaire. Ah ! Monseigneur, est-ce que l'ambition vous aurait gagné ? Veut-on vous persuader qu'il faut que vous fassiez tout, ou que rien ne se fasse ? Mettez-vous bien en garde contre de pareilles insinuations et tentations. Des ambitieux, qui veulent absolument jouer un rôle, vous échaufferont de cette manière ; mais un ami vrai, comme moi, vous fera apercevoir le danger de ces manoeuvres. Je vous dirai plus, c'est que votre rôle ne peut être vraiment beau qu'étant avoué par votre frère ; que jamais on ne pourra vous ravir la gloire d'avoir été invariable dans vos principes, d'avoir été la sauvegarde de votre famille, et de n'avoir été accessible à aucune idée de fausse gloire et d'ambition personnelle. Voilà la véritable gloire que vous aurez acquise, si vous demeurez ferme dans ces principes. Mais, pour peu que vous vous laissiez entraîner hors de cette route, vous serez bientôt peint à l'Europe et à la France comme un frère et un sujet rebelle, et vous perdrez en un moment le fruit de la conduite la plus pure.
Au fait le Salon français est composé d'une grande quantité de jeunes gens, pleins de zèle et d'honneur, mais ardents, mais sans chefs, sans direction. Sont-ce ces conseils qui doivent diriger votre conduite ? C'est à vous au contraire à les diriger, à les contenir, et je suis loin d'approuver la réponse que vous leur avez faite. Vous leur dites de vous donner de nouveaux renseignements relatifs au Roi et à la Reine. C'est leur dire que vous partagez, que vous approuvez la défiance que le Salon français montre avoir d'eux ; et cela ne me paraît ni décent, ni prudent.
Je ne puis croire absolument que le Roi et la Reine donnent une véritable confiance à La Fayette ; mais ils dissimulent, et ils ont raison. Je le répète encore, la journée des 5 et 6 octobre ne peut être ni oubliée, ni pardonnée par le Roi et surtout par la Reine. Agissez donc d'accord avec ceux-ci ou vous perdrez tout. Il m'est impossible de voir autrement. Et d'ailleurs le Roi est très aimé ; tout ce qui s'est passé en est la preuve certaine ; ainsi tout ce qui viendra de lui annulera toujours ce qui ne viendrait que de vous. Tout autre langage qu'on vous tiendra sera celui de la flatterie, sera dicté par l'ambition, et vous égarera.
Les yeux s'ouvrent ; les provinces veulent une monarchie, maquent leur amour pour le Roi, leur mépris pour M. le duc d'Orléans et pour l'Assemblée. La misère va achever leur conversion. Sachez donc attendre et ne rien précipiter ; sachez profiter de l'amour qu'on montre au Roi, et non pas armer cet amour même contre vous ; entendez-vous avec le Roi, car vous ne pouvez rien sans lui ; préférez un rôle sage et vertueux à un rôle brillant et dangereux non seulement pour vous, mais pour la monarchie et pour la vie de votre famille entière. S'il est vrai que Flachslanden ait été envoyé à l'Empereur, s'il est vrai qu'un confident de la Reine soit chargé de lever des troupes chez cc, voilà cependant des moyens employés. Et d'ailleurs ne consultez, pour être convaincu de leur désir de sortir d'esclavage, que leur intérêt, l'orgueil révolté de la Reine, les horreurs qu'elle a éprouvées et le désir naturel de la plus juste vengeance. De plus, si vous n'avez pas eu des autorisations positives, vous avez eu de leur part des encouragements. Donc ils ne vous trahissent pas ; donc il faut plus que jamais vous montrer à eux à découvert, les convaincre de la pureté de vos intentions et que vous ne faites aucun calcul personnel, que tous vos voeux, toutes vos démarches, tous vos pas tendent à leur seule gloire, à leur seule puissance et au salut de la monarchie. ne leur cachez rien, absolument rien de ce qu'il est important qu'ils sachent, et apprenez-leur surtout l'arrivée de Calonne et vos motifs. Il est sûr qu'ils le sauront ; ainsi il est clair qu'il vaut mieux qu'ils le sachent par vous..
Je n'ai rien à ajouter à toutes ces réflexions qui partent d'un coeur tout dévoué à vous, mais qui n'est susceptible d'aucune ambition et qui pense que la véritable gloire est pour vous plutôt dans un rôle sage, constant, réfléchi, que dans des entreprises brillantes et hasardées.
( ... )
Adieu, Monseigneur ; je peux me tromper dans ma manière de voir, mais certes je vous dis tout ce que l'honneur et mon attachement me dictent pour un prince que j'aime plus que ma vie.
Je remettrai à Bombelles ce que vous m'envoyez pour lui.
Encore un mot. Par votre dernier courrier nous avons vu une lettre de Mme Elisabeth, qui vous mande que la Reine a plus de crédit que jamais sur le Roi. Pourquoi donc, sans nouvelle donnée, croire à présent le contraire ? Prenez garde de vous laisser ballotter par les nouvelles et contre-nouvelles, et, moyennant cela, d'être toujours incertain.
En vendant vos diamants et ceux du prince de Condé, vous aurez, me dites-vous, douze ou treize cent mille francs ! Qu'est-ce que cette somme pour tenter de grandes entreprises ? Ah ! Monseigneur, il ne faut pas voir seulement les commencements d'un projet ; il faut avoir tout ce qui est nécessaire pour le suivre dès qu'on est embarqué et en bien calculer la fin.
( ... )
L'affaire de Lyon peut avoir de grandes suites si on sait en tirer parti.
Pourquoi n'a-t-on pas gardé à vue l'homme suspect qui a été arrêté à Turin ? De grâce, Monseigneur, redoublez de prudence et redoutez les scélérats ; vous êtes nécessaire au salut de la France.

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Message par Mme de Sabran Mar 12 Sep - 11:17

Une semaine plus tard, les préventions de Vaudreuil contre le Salon français redoublent . La Révolution et la première agence de renseignement : le " Salon français " 3177668066


M. de Vaudreuil au comte d'Artois
Venise, 14 août 1790 -

Ah ! Monseigneur, que ces lettres imprudentes du Salon français m'affligent, et que je suis effrayé de voir qu'on veur semer la défiance et la désunion entre le Roi, la Reine et vous, et qu'on n'y réussit que trop ! Songez que c'es le moyen de vous perdre tous ; songez que le Salon français est composé de beaucoup de jeunes gens sans expérience, sans prudence, et que dans le nombre il doit y avoir nécessairement plus d'un faux frère ; que ce n'est pas à lui qu'il appatient de vous diriger, mais que c'est à vous à le conduire, à le contenir. On vous aigrit sans cesse contre la Reine et le Roi, et cependant il est de fait que vous ne pourriez rien sans eux et que, si une fois vous agissez dans un sens contraire à leurs projets, vous vous nuirez réciproquement et que vous augmenterez les maux, vous les rendrez peut-être incurables.
Comment croire que la Reine ait été la cause de la dénonciation du prince de Condé ? Et à quoi a abouti cette plate dénonciation ? L'Assemblée elle-même a trouvé qu'il n'y avait pas à délibérer. Vous croyez trop légèrement aux bruits répandus que la Reine a pris pour conseil Mirabeau. Ces bruits sont vagues, comme tant d'autres ; et, quand ils seraient vrais jusqu'à un certaint point, que vous importe s'il a été nécessaire d'opposer Mirabeau à La Fayette et au duc d'Orléans, qui sont mille fois plus dangereux que lui ? Ne nous avait-on pas mandé de même que le Reine avait toute confiance à La Fayette et ne se conduisait que par ses conseils ? Eh bien, cette nouvelle est à présent détruite par celle qui vous annonce que la Reine est livrée à Mirabeau. Vous paraissez courroucé de ce que le Roi et la Reine ont chargé, à votre insu, les Circello d'une mission importante ? Mais cela vous prouve qu'ils songent aux moyens de se tirer d'affaire.
S'ils ne vous montrent pas assez de confiance (ce qui est assurément très mal fait), vous, de votre côté, ne croyez-vous pas trop légèrement ce qu'on vous dit contre eux ? Ne vous rebutez-vous pas trop vite sur les moyens de leur inspirer confiance et faites-vous tout ce qu'il faut pour cela ?
A votre place, j'enverrais (je vous le répète) un homme sûr, celui que je vous ai déjà indiqué, Puységur ; je le chargerais de leur dire verbalement tout ce que vous avez sur le coeur, que vous êtes instruit de la défiance que l'abbé de Montesquiou a voulu leur inspirer contre vous, que cette défiance est également injuste et dangereuse pour vous tous. Faites-les bien assurer que vous n'avez d'autre ambition que celle de les servir, de rétablir leur puissance, leur gloire, et de dormir ensuite d'un bon somme sur ces précieux lauriers. Ils doivent vous connaître et vous estiment ; ils vous croiront, et vous éoufferez des germes de défiance qui auront sans cela des suites funestes. Mettez vis-à-vis d'eux votre âme loyale tout-à-fait à découvert ; c'est votre devoir, c'est votre intérêt, car vous ne pouvez rien sans eux

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