Michel de Cubières et Fanny de Beauharnais
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Michel de Cubières et Fanny de Beauharnais
Barbier Michel Cubières de Palmeseaux, né à Roquemaure dans le Gard le 27 septembre 1752 et mort à Paris le 23 août 1820, est un homme de lettres, poète et auteur dramatique français. Se faisant appeler tour à tour le chevalier de Cubières, Dorat-Cubières, Citoyen Cubières, Michel de Cubières-Palmézeaux, entre la fin de l'Ancien Régime et la Restauration, il est resté dans l'histoire littéraire comme un emblème de la girouette politique et du poète frivole.
Frère cadet de Louis Pierre, page de Louis XV et écuyer de Louis XVI, Michel de Cubières, que l'on destine à l'état ecclésiastique, est envoyé au séminaire à Orange, à Nîmes et à Paris. Exclu de Saint-Sulpice pour mauvaise conduite, il sollicite le patronage du poète-mousquetaire Claude Joseph Dorat, qui lui conseille de troquer son habit noir contre un autre de taffetas à lames roses, de rechercher les faveurs des femmes de condition, et surtout de relire Les Tourtourelles de Zulims, dont l'auteur n'est autre que lui-même.
Dorat :
Michel de Cubières suit ses conseils à la lettre. Devenu écuyer de la comtesse d'Artois, il ne tarde pas à faire de la protectrice et amante de Dorat, Fanny de Beauharnais, sa maîtresse attitrée.
Il inonde le public de petits vers galants, douceureux et fadement spirituels à la gloire des Iris et des Chloé qui peuplent les pages de l’Almanach des Muses. À la mort de Dorat, en 1780, il prend en son hommage le nom de Dorat-Cubières.
Quand vient la Révolution, il chante la prise de la Bastille et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; devenu secrétaire de la Commune de Paris, il met en vers le calendrier républicain et pleure la mort de Marat et de Lepeletier.
Lors du coup d'État du 18 brumaire, il célèbre cet événement dans son poème Trasybule et entonne les louanges du vainqueur de Marengo. Enfin, à la Restauration, il remercie Barruel-Beauvert, à qui il avait sauvé la vie sous la Terreur, de lui avoir fait accorder la décoration du Lys, « ce signe révéré de tout le genre humain ».
Sans conviction en politique comme en littérature, doué d'une grande facilité mais prolifique à l'excès, Michel de Cubières s'essaya dans tous les genres, sans parvenir à percer dans aucun. Il collabora au Mercure de France, au Journal encyclopédique et à la Décade philosophique.
Il fit paraître, entre 1776 et 1806, une vingtaine de pièces de théâtre : comédies, opéras, tragédies, drames burlesques. Celles qui furent jouées furent sifflées; celles qui ne le furent pas furent réprouvées par la critique. En matière de poésie, le disciple de Dorat fut qualifié par Rivarol de « ciron en délire qui veut imiter la fourmi ». C'était, écrit Alfred Marquiset, un « madrigalier », « ou arbre à madrigaux », qu'il suffisait de « toucher pour faire tomber un distique ou un quatrain ».
Fanny de Beauharnais semble avoir été une figure plus intéressante que son piètre compagnon .
Fanny de Beauharnais (1737–1813)
Marie-Anne-Françoise Mouchard de Chaban, dite Fanny, devenue comtesse de Beauharnais par mariage, est une femme de lettres française de la fin du siècle des Lumières qui a traversé l’époque révolutionnaire. Marraine d’Hortense de Beauharnais, sa petite nièce, elle fut membre de l’Académie de Lyon, de l’Académie de Villefranche, de l’Académie des Arcades, et du Lycée de Toulouse.
Voulue dans la lignée tant de Madame de La Fayette que de Voltaire, son œuvre s’inscrit dans un mouvement littéraire se qualifiant de fugitif. Avec ironie et légèreté, ses vers, épîtres, contes moraux ou féériques, dépeignent les caractères sensibles aussi bien que les ridicules des hommes, sans oublier ceux des femmes.
Salonnière dénigrée comme le prototype du bas-bleu, elle a elle-même incarné les derniers moments de l’esprit et de la conversation, tels qu’ils se pratiquaient au XVIIIème siècle. Parmi quelques autres contemporaines plus célèbres en leur temps qu’aujourd’hui, elle est la femme du monde, qui illustre avec le plus de liberté une forme de féminisme, consacrant son influence à, « durant toute sa vie littéraire, [...] lutter pour défendre le statut des autrices, voire pour obtenir le droit à s’exprimer pour toutes les femmes ».
Louis XV, âgé de vingt sept ans, règne personnellement depuis quatorze ans, quand nait Marie Mouchard de Chaban, huit mois après le mariage de ses parents. Elle a deux ans et trois mois quand meurt sa mère, Anne Louise Lazure, qui était la fille d’un maréchal des logis issu d’une dynastie de courtisans et devenu fourrier d’une compagnie de chevau-légers.
Son père, François Abraham Marie Mouchard de Chaban, un écuyer qui avait acquis la charge de receveur général des finances de Champagne, la place au couvent des Visitandines que Sainte Jeanne de Chantal avait fondé en 1619 à Paris, 17 rue Saint-Antoine.
Elle y reçoit l’éducation réservée aux jeunes filles de l’aristocratie, éducation néanmoins sévère, voire humiliante. À dix ans, elle compose un poème. Les sœurs le lui confisquent et le jettent au feu, comme un traité hérétique voué au bûcher.
Visiblement rétive à la vocation religieuse, Mademoiselle de Chaban est sortie du couvent à l’âge de quinze ans pour être mariée, le 1er mars 1753, à un homme de vingt ans son aîné, le comte de Beauharnais, frère de François de Beauharnais et héros de la Guerre de Sept Ans qui secourut Québec assiégé.
Claude de Beauharnais n’aime vivre que retiré sur ses terres. Sa femme est belle. Elle lui donne trois enfants, dont Claude de Beauharnais junior, futur pair de France. Elle aura aussi des enfants illégitimes, dont une fille qu’elle sera obligée de reconnaître sous le Directoire.
Neuf ans après son mariage, en 1762, la comtesse de Beauharnais obtient un arrêt de séparation à l’amiable, grâce à un régime d’exception tout à fait contraire à la stricte morale catholique.
Elle retourne vivre chez son père, rue Montmartre, et se consacre à la littérature, qu’elle cultive avec passion, composant des vers, activité clandestine de son enfance qui lui autorise désormais une première publication, en 1772. Elle devient, pour une dizaine d’années, un des piliers de l’Almanach des Muses et écrit aussi des contes philosophiques, genre mis à la mode par Voltaire vingt ans plus tôt.
Elle reçoit plusieurs gens de lettres, embryon d’un salon mondain. En 1777, elle rencontre le nouveau directeur du Journal des dames, Claude-Joseph Dorat, qui devient son amant et lui confie une rubrique, qu’elle alimente des Lettres de Stéphanie, feuilleton dont elle tire, en 1778, un roman épistolaire.
Leur liaison, nourrie d’une vision partagée sur la littérature moderne, dure jusqu’à la mort prématurée de celui-ci, en 1780. Elle le remplace alors par le chevalier de Cubières, lequel adopte le nom de Cubières-Dorat bien que celui-là, tout en s’affichant républicain et quelque peu libertin, fût plutôt réactionnaire, attaché au catholicisme et opposé aux Philosophes, quand celui-ci se montrera franchement républicain exagéré.
À la mort de son père, en 1782, elle est confrontée à l’indigence et retourne à son couvent, mais elle continue de recevoir.
Peu après la mort de son mari, en 1784, Louis XVI régnant depuis dix ans, Fanny de Beauharnais, âgée de quarante sept ans, loue, à Paris, un des plus beaux appartements de l’hôtel d’Entragues13, rue de Tournon et y aménage la pièce principale dans les tons bleu et argent pour y faire son salon littéraire. Toutefois, ses vendredis n’auront jamais le prestige des mercredis de sa rivale, Madame Geoffrin, chez laquelle n’hésitent pas à se rendre les chefs d’État en visite.
Outre le chevalier de Cubières, qui partagera sa vie jusqu’à sa mort, sous l’Empire, Fanny de Beauharnais s’entoure du polygraphe Louis-Sébastien Mercier, de Laus de Boissy, d’Olympe de Gouges, et de plusieurs auteurs dramatiques qui ont à se plaindre de la Comédie-Française. Elle se montre en compagnie de l’écrivaine féministe Anne-Marie du Boccage, dramaturge de vingt huit ans son aînée, que Laure Junot dit avoir été une « Amie fort intime » de la salonnière cinquantenaire. Dans son salon, se rencontrent, entre autres, Cazotte, Rabaut, Potocki, Bitaubé, Soulavie, Baculard d’Arnaud, Beffroy de Reigny, Bailly, Dussaulx, Lévesque, Robin, La Salle, Gudin, Cournaud, Brizard, MM. de Sainte-Aldegonde, de Breghini, de Gardanne, de Vigneul, de Rochefort.
Mably la visite régulièrement. Rousseau la revoit avec plaisir. Buffon l’appelle affectueusement « ma chère fille ». Elle a un échange épistolaire avec le roi de Prusse, Frédéric le Grand qui accueillit Voltaire. L’ambassadeur américain Jefferson se rend à chez elle, mais il ne goûte pas l’ambiance du salon.
Le 31 janvier 1797, sa Fausse inconstance est jouée à la Comédie-Française, promesse d’inscrire l’auteur dans le tableau des Lettres. La pièce est interrompue dès la première au troisième acte par une claque. Habituée aux calomnies d’une société misogyne, l’auteur ne se laisse pas déstabilisé par la cabale et y répond en redoublant d’effort mondain et en publiant sa pièce. En juin, on lui présente Rétif de La Bretonne, qu’elle soutiendra face aux infortunes.
En 1788, un an après Goethe mais bien avant les Romantiques, le goût de l’exotisme l’emmène jusqu’à Rome, où elle est reçue à l’Académie d'Arcadie. C’est chez elle qu’en cette même année 1788 Talma donne une lecture privée de la pièce Charles IX de Marie-Joseph Chénier dont la création tumultueuse, l’année suivante, est un événement politique.
Membre de la Société patriotique bretonne,, Fanny de Beauharnais est brièvement arrêtée en novembre 1789 alors que la Constituante vote la nationalisation des biens du clergé. Elle fuit les troubles de la Révolution pour l’Italie jusqu’à ce que le chevalier de Cubières soit rappelé à Paris, en mai 1790. Sur le chemin du retour, le 24 août 1790, elle assiste à une séance de l’Académie de Lyon, dont elle avait été élue membre associée en 1782.
De retour à Paris, elle habite de nouveau rue de Tournon, mais cette fois-ci au no 6, où elle décide de tenir désormais son salon. Elle y reçoit des représentants des trois premières législatures. C’est là qu’en 1790, pour se moquer de l’invité, le chevalier d’Arsennes fait fuir le grincheux August von Kotzebue en lui faisant croire qu’on est jaloux de son œuvre au point de vouloir l’assassiner. Elle-même fréquente le Lycée au Palais-Royal, où est lue en juillet 1792, l’Épitre que Cubières a composé en hommage à Olympe de Gouges.
La ci-devant comtesse de Beauharnais, qui n’émigrera pas mais sait se réfugier dans ses terres poitevines, continue de recevoir quelques amis après la mort de Louis XVI. En 1793, sa fille Marie Françoise, divorcée de son cousin germain François de Beauharnais, est incarcérée quelque temps à Sainte Pélagie. Elle-même est inquiétée après la chute des Hébertistes, dont Michel de Cubières était proche. Durant la Terreur, il avait écrit un poème à la louange de Jean-Paul Marat .
Durant le Directoire, elle habite19 avec sa nièce, Joséphine de Beauharnais, un hôtel particulier, situé 6 rue Chantereine, qui appartient à Louise-Julie Carreau, la femme de Talma.
C'est ici :
https://marie-antoinette.forumactif.org/t3518-paris-rue-de-la-victoire-l-hotel-beauharnais-bonaparte?highlight=BONAPARTE
C’est là que le jeune général sans fortune Bonaparte se lie à la future impératrice, qu’il épouse le 9 mars 1796, et séjourne entre deux campagnes, si bien qu’en 1799 la tante adopte une résidence germanopratine, rue de Sèvres.
En 1800, L’Isle de la Félicité, long poème inspiré d’un personnage tiré d’un conte d’Aulnoy, lui vaut la consécration. Le Lycée de Toulouse, ci-devant Académie des Jeux floraux, l’admet aux rangs de ses membres, comme l’avait été Voltaire. L’année suivante, à l’occasion de sa renaissance sous le nom d’Athénée, l’Académie de Lyon, comme elle n’y siège plus, lui décerne un diplôme d’associée.
Alliée à l’Empereur, par le seul nom de son défunt mari, mère de Claude de Beauharnais, sénateur d’Amiens, grand-mère de la Grande Duchesse de Bade, grand-tante du Vice Roi d’Italie, marraine de la reine de Hollande, Fanny de Beauharnais gaspille son crédit en multipliant les recommandations importunes. Son salon lui-même souffre de l’emphase extravagante du provocateur chevalier de Cubières vieillissant, mais il diffuse la « douceur d’avant la Révolution ».
À soixante dix ans, elle se maquille outrancièrement, fait la coquette à l’abri des lueurs atténuées de son salon nocturne et s’habille comme à vingt, sans cesser pour autant de charmer par son esprit XVIIIème. Elle réunit à sa table des hommes qui avaient imaginé l’avenir, Verninac, Cournand, Vigée, Boufflers, Roquelaure, contant ses souvenirs de la Cour, Mercier, Cailhava, Delisle de Sales, Volmerange, Denina...
Son influence est plus heureuse quand, en 1810, elle fait connaître une autre femme poète, Fortunée Briquet. Elle habite alors rue Saint-Dominique, où elle meurt trois ans plus tard, quelque peu oubliée.
Double merci, WIKI !
Frère cadet de Louis Pierre, page de Louis XV et écuyer de Louis XVI, Michel de Cubières, que l'on destine à l'état ecclésiastique, est envoyé au séminaire à Orange, à Nîmes et à Paris. Exclu de Saint-Sulpice pour mauvaise conduite, il sollicite le patronage du poète-mousquetaire Claude Joseph Dorat, qui lui conseille de troquer son habit noir contre un autre de taffetas à lames roses, de rechercher les faveurs des femmes de condition, et surtout de relire Les Tourtourelles de Zulims, dont l'auteur n'est autre que lui-même.
Dorat :
Michel de Cubières suit ses conseils à la lettre. Devenu écuyer de la comtesse d'Artois, il ne tarde pas à faire de la protectrice et amante de Dorat, Fanny de Beauharnais, sa maîtresse attitrée.
Il inonde le public de petits vers galants, douceureux et fadement spirituels à la gloire des Iris et des Chloé qui peuplent les pages de l’Almanach des Muses. À la mort de Dorat, en 1780, il prend en son hommage le nom de Dorat-Cubières.
Quand vient la Révolution, il chante la prise de la Bastille et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; devenu secrétaire de la Commune de Paris, il met en vers le calendrier républicain et pleure la mort de Marat et de Lepeletier.
Lors du coup d'État du 18 brumaire, il célèbre cet événement dans son poème Trasybule et entonne les louanges du vainqueur de Marengo. Enfin, à la Restauration, il remercie Barruel-Beauvert, à qui il avait sauvé la vie sous la Terreur, de lui avoir fait accorder la décoration du Lys, « ce signe révéré de tout le genre humain ».
Sans conviction en politique comme en littérature, doué d'une grande facilité mais prolifique à l'excès, Michel de Cubières s'essaya dans tous les genres, sans parvenir à percer dans aucun. Il collabora au Mercure de France, au Journal encyclopédique et à la Décade philosophique.
Il fit paraître, entre 1776 et 1806, une vingtaine de pièces de théâtre : comédies, opéras, tragédies, drames burlesques. Celles qui furent jouées furent sifflées; celles qui ne le furent pas furent réprouvées par la critique. En matière de poésie, le disciple de Dorat fut qualifié par Rivarol de « ciron en délire qui veut imiter la fourmi ». C'était, écrit Alfred Marquiset, un « madrigalier », « ou arbre à madrigaux », qu'il suffisait de « toucher pour faire tomber un distique ou un quatrain ».
Fanny de Beauharnais semble avoir été une figure plus intéressante que son piètre compagnon .
Fanny de Beauharnais (1737–1813)
Marie-Anne-Françoise Mouchard de Chaban, dite Fanny, devenue comtesse de Beauharnais par mariage, est une femme de lettres française de la fin du siècle des Lumières qui a traversé l’époque révolutionnaire. Marraine d’Hortense de Beauharnais, sa petite nièce, elle fut membre de l’Académie de Lyon, de l’Académie de Villefranche, de l’Académie des Arcades, et du Lycée de Toulouse.
Voulue dans la lignée tant de Madame de La Fayette que de Voltaire, son œuvre s’inscrit dans un mouvement littéraire se qualifiant de fugitif. Avec ironie et légèreté, ses vers, épîtres, contes moraux ou féériques, dépeignent les caractères sensibles aussi bien que les ridicules des hommes, sans oublier ceux des femmes.
Salonnière dénigrée comme le prototype du bas-bleu, elle a elle-même incarné les derniers moments de l’esprit et de la conversation, tels qu’ils se pratiquaient au XVIIIème siècle. Parmi quelques autres contemporaines plus célèbres en leur temps qu’aujourd’hui, elle est la femme du monde, qui illustre avec le plus de liberté une forme de féminisme, consacrant son influence à, « durant toute sa vie littéraire, [...] lutter pour défendre le statut des autrices, voire pour obtenir le droit à s’exprimer pour toutes les femmes ».
Louis XV, âgé de vingt sept ans, règne personnellement depuis quatorze ans, quand nait Marie Mouchard de Chaban, huit mois après le mariage de ses parents. Elle a deux ans et trois mois quand meurt sa mère, Anne Louise Lazure, qui était la fille d’un maréchal des logis issu d’une dynastie de courtisans et devenu fourrier d’une compagnie de chevau-légers.
Son père, François Abraham Marie Mouchard de Chaban, un écuyer qui avait acquis la charge de receveur général des finances de Champagne, la place au couvent des Visitandines que Sainte Jeanne de Chantal avait fondé en 1619 à Paris, 17 rue Saint-Antoine.
Elle y reçoit l’éducation réservée aux jeunes filles de l’aristocratie, éducation néanmoins sévère, voire humiliante. À dix ans, elle compose un poème. Les sœurs le lui confisquent et le jettent au feu, comme un traité hérétique voué au bûcher.
Visiblement rétive à la vocation religieuse, Mademoiselle de Chaban est sortie du couvent à l’âge de quinze ans pour être mariée, le 1er mars 1753, à un homme de vingt ans son aîné, le comte de Beauharnais, frère de François de Beauharnais et héros de la Guerre de Sept Ans qui secourut Québec assiégé.
Claude de Beauharnais n’aime vivre que retiré sur ses terres. Sa femme est belle. Elle lui donne trois enfants, dont Claude de Beauharnais junior, futur pair de France. Elle aura aussi des enfants illégitimes, dont une fille qu’elle sera obligée de reconnaître sous le Directoire.
Neuf ans après son mariage, en 1762, la comtesse de Beauharnais obtient un arrêt de séparation à l’amiable, grâce à un régime d’exception tout à fait contraire à la stricte morale catholique.
Elle retourne vivre chez son père, rue Montmartre, et se consacre à la littérature, qu’elle cultive avec passion, composant des vers, activité clandestine de son enfance qui lui autorise désormais une première publication, en 1772. Elle devient, pour une dizaine d’années, un des piliers de l’Almanach des Muses et écrit aussi des contes philosophiques, genre mis à la mode par Voltaire vingt ans plus tôt.
Elle reçoit plusieurs gens de lettres, embryon d’un salon mondain. En 1777, elle rencontre le nouveau directeur du Journal des dames, Claude-Joseph Dorat, qui devient son amant et lui confie une rubrique, qu’elle alimente des Lettres de Stéphanie, feuilleton dont elle tire, en 1778, un roman épistolaire.
Leur liaison, nourrie d’une vision partagée sur la littérature moderne, dure jusqu’à la mort prématurée de celui-ci, en 1780. Elle le remplace alors par le chevalier de Cubières, lequel adopte le nom de Cubières-Dorat bien que celui-là, tout en s’affichant républicain et quelque peu libertin, fût plutôt réactionnaire, attaché au catholicisme et opposé aux Philosophes, quand celui-ci se montrera franchement républicain exagéré.
À la mort de son père, en 1782, elle est confrontée à l’indigence et retourne à son couvent, mais elle continue de recevoir.
Peu après la mort de son mari, en 1784, Louis XVI régnant depuis dix ans, Fanny de Beauharnais, âgée de quarante sept ans, loue, à Paris, un des plus beaux appartements de l’hôtel d’Entragues13, rue de Tournon et y aménage la pièce principale dans les tons bleu et argent pour y faire son salon littéraire. Toutefois, ses vendredis n’auront jamais le prestige des mercredis de sa rivale, Madame Geoffrin, chez laquelle n’hésitent pas à se rendre les chefs d’État en visite.
Outre le chevalier de Cubières, qui partagera sa vie jusqu’à sa mort, sous l’Empire, Fanny de Beauharnais s’entoure du polygraphe Louis-Sébastien Mercier, de Laus de Boissy, d’Olympe de Gouges, et de plusieurs auteurs dramatiques qui ont à se plaindre de la Comédie-Française. Elle se montre en compagnie de l’écrivaine féministe Anne-Marie du Boccage, dramaturge de vingt huit ans son aînée, que Laure Junot dit avoir été une « Amie fort intime » de la salonnière cinquantenaire. Dans son salon, se rencontrent, entre autres, Cazotte, Rabaut, Potocki, Bitaubé, Soulavie, Baculard d’Arnaud, Beffroy de Reigny, Bailly, Dussaulx, Lévesque, Robin, La Salle, Gudin, Cournaud, Brizard, MM. de Sainte-Aldegonde, de Breghini, de Gardanne, de Vigneul, de Rochefort.
Mably la visite régulièrement. Rousseau la revoit avec plaisir. Buffon l’appelle affectueusement « ma chère fille ». Elle a un échange épistolaire avec le roi de Prusse, Frédéric le Grand qui accueillit Voltaire. L’ambassadeur américain Jefferson se rend à chez elle, mais il ne goûte pas l’ambiance du salon.
Le 31 janvier 1797, sa Fausse inconstance est jouée à la Comédie-Française, promesse d’inscrire l’auteur dans le tableau des Lettres. La pièce est interrompue dès la première au troisième acte par une claque. Habituée aux calomnies d’une société misogyne, l’auteur ne se laisse pas déstabilisé par la cabale et y répond en redoublant d’effort mondain et en publiant sa pièce. En juin, on lui présente Rétif de La Bretonne, qu’elle soutiendra face aux infortunes.
En 1788, un an après Goethe mais bien avant les Romantiques, le goût de l’exotisme l’emmène jusqu’à Rome, où elle est reçue à l’Académie d'Arcadie. C’est chez elle qu’en cette même année 1788 Talma donne une lecture privée de la pièce Charles IX de Marie-Joseph Chénier dont la création tumultueuse, l’année suivante, est un événement politique.
Membre de la Société patriotique bretonne,, Fanny de Beauharnais est brièvement arrêtée en novembre 1789 alors que la Constituante vote la nationalisation des biens du clergé. Elle fuit les troubles de la Révolution pour l’Italie jusqu’à ce que le chevalier de Cubières soit rappelé à Paris, en mai 1790. Sur le chemin du retour, le 24 août 1790, elle assiste à une séance de l’Académie de Lyon, dont elle avait été élue membre associée en 1782.
De retour à Paris, elle habite de nouveau rue de Tournon, mais cette fois-ci au no 6, où elle décide de tenir désormais son salon. Elle y reçoit des représentants des trois premières législatures. C’est là qu’en 1790, pour se moquer de l’invité, le chevalier d’Arsennes fait fuir le grincheux August von Kotzebue en lui faisant croire qu’on est jaloux de son œuvre au point de vouloir l’assassiner. Elle-même fréquente le Lycée au Palais-Royal, où est lue en juillet 1792, l’Épitre que Cubières a composé en hommage à Olympe de Gouges.
La ci-devant comtesse de Beauharnais, qui n’émigrera pas mais sait se réfugier dans ses terres poitevines, continue de recevoir quelques amis après la mort de Louis XVI. En 1793, sa fille Marie Françoise, divorcée de son cousin germain François de Beauharnais, est incarcérée quelque temps à Sainte Pélagie. Elle-même est inquiétée après la chute des Hébertistes, dont Michel de Cubières était proche. Durant la Terreur, il avait écrit un poème à la louange de Jean-Paul Marat .
Durant le Directoire, elle habite19 avec sa nièce, Joséphine de Beauharnais, un hôtel particulier, situé 6 rue Chantereine, qui appartient à Louise-Julie Carreau, la femme de Talma.
C'est ici :
https://marie-antoinette.forumactif.org/t3518-paris-rue-de-la-victoire-l-hotel-beauharnais-bonaparte?highlight=BONAPARTE
C’est là que le jeune général sans fortune Bonaparte se lie à la future impératrice, qu’il épouse le 9 mars 1796, et séjourne entre deux campagnes, si bien qu’en 1799 la tante adopte une résidence germanopratine, rue de Sèvres.
En 1800, L’Isle de la Félicité, long poème inspiré d’un personnage tiré d’un conte d’Aulnoy, lui vaut la consécration. Le Lycée de Toulouse, ci-devant Académie des Jeux floraux, l’admet aux rangs de ses membres, comme l’avait été Voltaire. L’année suivante, à l’occasion de sa renaissance sous le nom d’Athénée, l’Académie de Lyon, comme elle n’y siège plus, lui décerne un diplôme d’associée.
Alliée à l’Empereur, par le seul nom de son défunt mari, mère de Claude de Beauharnais, sénateur d’Amiens, grand-mère de la Grande Duchesse de Bade, grand-tante du Vice Roi d’Italie, marraine de la reine de Hollande, Fanny de Beauharnais gaspille son crédit en multipliant les recommandations importunes. Son salon lui-même souffre de l’emphase extravagante du provocateur chevalier de Cubières vieillissant, mais il diffuse la « douceur d’avant la Révolution ».
À soixante dix ans, elle se maquille outrancièrement, fait la coquette à l’abri des lueurs atténuées de son salon nocturne et s’habille comme à vingt, sans cesser pour autant de charmer par son esprit XVIIIème. Elle réunit à sa table des hommes qui avaient imaginé l’avenir, Verninac, Cournand, Vigée, Boufflers, Roquelaure, contant ses souvenirs de la Cour, Mercier, Cailhava, Delisle de Sales, Volmerange, Denina...
Son influence est plus heureuse quand, en 1810, elle fait connaître une autre femme poète, Fortunée Briquet. Elle habite alors rue Saint-Dominique, où elle meurt trois ans plus tard, quelque peu oubliée.
Double merci, WIKI !
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55293
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Michel de Cubières et Fanny de Beauharnais
Ah d'accord, la tante de Joséphine .
Décidément tout le monde divorce chez les Beauharnais !
Décidément tout le monde divorce chez les Beauharnais !
_________________
Comtesse Diane- Messages : 7398
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : TOURAINE
Re: Michel de Cubières et Fanny de Beauharnais
N'est-ce pas ! ... une vraie malédiction !
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55293
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Michel de Cubières et Fanny de Beauharnais
Je découvre cette dame pour de bon, bien que la tante de Joséphine est parfois citée dans les biographies de Joséphine.
J'aime beaucoup de prénom Fanny, il me semble tout à fait exceptionnel pour le XVIIIe siècle.
Femme de lettres et hôtesse de salon, elle apparaît avoir gagné chèrement sa liberté de femme et à certains égards elle me semble assez moderne, comme une féministe avant l'heure.
Je serai curieux de connaître ses relations avec Joséphine. Son nom sous le Directoire et l'Empire a dû lui ouvrir bien des portes et des avantages, notamment l'entrée de la Cour des Tuileries. Je découvre aussi qu'elle fut la grand-mère de Stéphanie de Beauharnais, grande-duchesse de Bade. L'impératrice a visiblement favorisé sa parentèle, bien qu'elle même soit née Tasher de la Pagerie.
J'aime beaucoup de prénom Fanny, il me semble tout à fait exceptionnel pour le XVIIIe siècle.
Femme de lettres et hôtesse de salon, elle apparaît avoir gagné chèrement sa liberté de femme et à certains égards elle me semble assez moderne, comme une féministe avant l'heure.
Je serai curieux de connaître ses relations avec Joséphine. Son nom sous le Directoire et l'Empire a dû lui ouvrir bien des portes et des avantages, notamment l'entrée de la Cour des Tuileries. Je découvre aussi qu'elle fut la grand-mère de Stéphanie de Beauharnais, grande-duchesse de Bade. L'impératrice a visiblement favorisé sa parentèle, bien qu'elle même soit née Tasher de la Pagerie.
Dominique Poulin- Messages : 6942
Date d'inscription : 02/01/2014
Re: Michel de Cubières et Fanny de Beauharnais
Je confirme.
Joséphine s'est fait un point d'honneur à favoriser toute sa parentèle, que ce soit de son côté que de celle de son premier mari. Malgré son mariage malheureux, elle n'en a jamais voulu à sa belle-famille qui l'a toujours défendue contre ce fou d'Alexandre. D'ailleurs la sœur de son père a été durant des années la compagne de son beau-père. D'où alliance avec la génération précédente. La tante attendra d'être enfin veuve pour régulariser la situation.
Notons que les Beauharnais auront une attitude devant la gloire de Joséphine et les honneurs extraordinaires reçus nettement plus honorable que celle des Bonaparte...
Joséphine s'est fait un point d'honneur à favoriser toute sa parentèle, que ce soit de son côté que de celle de son premier mari. Malgré son mariage malheureux, elle n'en a jamais voulu à sa belle-famille qui l'a toujours défendue contre ce fou d'Alexandre. D'ailleurs la sœur de son père a été durant des années la compagne de son beau-père. D'où alliance avec la génération précédente. La tante attendra d'être enfin veuve pour régulariser la situation.
Notons que les Beauharnais auront une attitude devant la gloire de Joséphine et les honneurs extraordinaires reçus nettement plus honorable que celle des Bonaparte...
Invité- Invité
Re: Michel de Cubières et Fanny de Beauharnais
Dominique Poulin a écrit:
J'aime beaucoup de prénom Fanny, il me semble tout à fait exceptionnel pour le XVIIIe siècle.
Ce n'était pas le sien, mais son nom de plume .
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55293
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Michel de Cubières et Fanny de Beauharnais
Il demeure très joli cependant.
Dominique Poulin- Messages : 6942
Date d'inscription : 02/01/2014
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LE FORUM DE MARIE-ANTOINETTE :: La famille royale et les contemporains de Marie-Antoinette :: Autres contemporains : les hommes du XVIIIe siècle
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