Georges-François Mareschal, marquis de Bièvre et roi du calembour
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Re: Georges-François Mareschal, marquis de Bièvre et roi du calembour
Suite de la plaidoirie pour les facéties de M. de Bièvre .
Non seulement le calembour ne date pas d'hier, mais encore ...
Ce ne sont point les mots de notre langue qui ont servi à ses premières jongleries. Ouvrez le divin Homère, vous y trouverez des calembours ; ouvrez Aristophane, les calembours rongent ses œuvres. Plaute, ce père spirituel de Molière, en est rempli. Cicéron en saupoudrait ses merveilleux discours.
Nous avons parlé du calembour chez les anciens; qu'il nous soit permis de suivre sa marche et ses progrès chez les modernes. Ce ne fut d'ailleurs qu'à l'époque de la Renaissance qu'il commença véritablement à prendre ses lettres patentes. Dante en Italie, Shakespeare en Angleterre, Rabelais en France, en firent une grande consommation. Illustré par leurs plumes brillantes, ce canard, devançant certain aigle, vola de clocher en clocher, ne dédaignant pas de s'arrêter parfois sur les écriteaux des plus humbles boutiques. Ce fut alors qu'on vit apparaître des enseignes telles que celles-ci :
Ce fut alors que des maîtres de poste firent inscrire sur les murailles de leurs écuries cette légende chevaleresque :
Mille et un calembours
https://excerpts.numilog.com/books/9782307513940.pdf
Non seulement le calembour ne date pas d'hier, mais encore ...
Ce ne sont point les mots de notre langue qui ont servi à ses premières jongleries. Ouvrez le divin Homère, vous y trouverez des calembours ; ouvrez Aristophane, les calembours rongent ses œuvres. Plaute, ce père spirituel de Molière, en est rempli. Cicéron en saupoudrait ses merveilleux discours.
Nous avons parlé du calembour chez les anciens; qu'il nous soit permis de suivre sa marche et ses progrès chez les modernes. Ce ne fut d'ailleurs qu'à l'époque de la Renaissance qu'il commença véritablement à prendre ses lettres patentes. Dante en Italie, Shakespeare en Angleterre, Rabelais en France, en firent une grande consommation. Illustré par leurs plumes brillantes, ce canard, devançant certain aigle, vola de clocher en clocher, ne dédaignant pas de s'arrêter parfois sur les écriteaux des plus humbles boutiques. Ce fut alors qu'on vit apparaître des enseignes telles que celles-ci :
" A l'épiscié "
Ce fut alors que des maîtres de poste firent inscrire sur les murailles de leurs écuries cette légende chevaleresque :
" Honni soit qui mal y panse ! "
Mille et un calembours
https://excerpts.numilog.com/books/9782307513940.pdf
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Mme de Sabran- Messages : 55497
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Re: Georges-François Mareschal, marquis de Bièvre et roi du calembour
L'abbé reconduisait à son monastère la supérieure d'un couvent; devant la grand'porte, leur véhicule fut accroché par un conducteur novice : « Monsieur, lui cria l'abbé, qui que vous soyez, sachez que madame est supérieure de ce couvent; vous la prenez apparemment pour une sœur qu'on verse. »
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Mme de Sabran- Messages : 55497
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Re: Georges-François Mareschal, marquis de Bièvre et roi du calembour
Les anges ont-ils un sexe ?
A cette question lancinante qui nous taraude tous, le marquis de Bièvre met un terme définitif par une démonstration magistrale ... quoique marquée au coin de la grivoiserie .
Voici donc,
LES AMOURS DE L'ANGE LURE
« Honni soit qui mal y pense ».
« Honni soit qui mal y pense ».
La fée Lure, sans pouvoir être comptée parmi les fées Nomènes, tenait cependant un rang considérable dans l'empire de l 'amour. Les femmes même n'en étaient point jalouses, et lui rendaient si généralement justice, qu'elles trouvaient tout simple que leurs amants fussent sans cesse occupés du soin de rencontrer la fée Lure. Loin de contrarier en cela leurs désirs, elles s'y prêtaient journellement avec la plus grande douceur. Il n'est donc pas surprenant que cette aimable fée ait fini par mettre tous les anges au nombre de ses soupirants.
L'ange Lure fut celui qui se déclara le premier, et les autres s'engagèrent à le servir dans ses amours. Le rapport de nom lui servit d'abord de prétexte pour s'introduire : il se dit soupirant, et la fée Lure le crut. Il lui parut tout simple de recevoir son cousin, de le voir tous les jours et de se montrer sans cesse en public avec lui. Malheureusement, ayant cru devoir pour la décence mener avec elle une fée de ses amies, elle fit choix de la fée Néantise. L'ange Lure de son côté mit l'ange Oleur de la partie, et ce fut là ce qui perdit la fée Lure. Il est peu de femmes qui puissent conserver leurs principes en pareille compagnie : si elles résistent aux séductions de l'ange Oleur, elles succombent aux conseils de la fée Néantise; aussi l'ange Lure ne tarda pas à profiter de ses avantages. Il vit que l'heure de la fée était venue, mais, ne se sentant pas assez fort par lui-même, il chargea l'ange Oleur d'engager la fée Lure à recevoir l'ange In, le plus dangereux de tous et le plus insinuant.
L'ange Oleur s'approcha de l'oreille de la fée, et, lui faisant tout bas sa proposition, il ajouta : « Vous serez charmée de le recevoir, c'est le père de la fée Licité que vous aimez, et pour qui vous avez beaucoup de considération. » La fée Lure consulta la fée Néantise, qui lui dit : « Que risquez-vous? Laissez-le entrer, et la fée Lure répéta : « Qu'il entre! » A ce mot, l'ange In, qui jusque-là s'était tenu caché, se montra tout à coup, et, par le moyen de l'ange Ambée, il se trouva dans l'instant à portée de la fée Lure, qui l'accueillit avec tout plein de grâces.
La fée Lure s'aperçut bientôt que la fée Condité pourrait la trahir, et que cette fée, négligée trop souvent, avait voulu, contre l'usage ordinaire, jouer son rôle dans l'intrigue que l'ange Oleur et la fée Néantise avaient si bien conduite. Elle voulut quelque temps douter de son malheur; mais voyant que la fée Condité s'obstinait à faire connaître dans le monde ce qui s'était passé, et qu'elle finirait par la déchirer impitoyablement, elle crut devoir engager l'ange Lure à l'épouser, pour couvrir ses torts.
Celui-ci, malgré les conseils de la fée Lonie qui voulait l'éloigner de ce mariage, y consentit enfin à la satisfaction des anges et des fées, qui se réunirent pour les mettre en ménage, et pour célébrer leur union.
Les noces se firent rue de la fée Ronerie dans une maison que l'ange Oliveur avait fraîchement décorée: la fée Raille en avait elle-même posé les sonnettes, les tringles, etc. La fée Sandrie apporta son plat au festin, et l'ange Vin se chargea d'abreuver les convives: l'ange Ouement soutint lui seul la conversation, et ne voulut plus quitter les nouveaux mariés.
Après le souper, il y eut une bouillotte dont l'ange Eu fit tous les frais; ensuite un bal magnifique où tous les convives développèrent à l'envi leurs grâces et leur légèreté; jusqu'à la fée Roce, qui voulut aussi danser sa contredanse ; mais comme à chaque saut elle était essoufflée, la fée Rule était souvent obligée de lui donner sur les doigts pour la faire aller; malgré cela, on lui sut toujours bon gré de sa bonne volonté.
Par cet heureux hymen l'aimable fée répara, du moins aux yeux du public, le tort que la fée Condité lui avait fait; elle ne fut plus contrainte de cacher sa grossesse, et quelques mois après elle accoucha d'un fils qui fut appelé tout d'une voix l'ange André. Les couches pénibles de la fée Lure, loin de diminuer ses charmes, ne firent que les accroître davantage, et cette circonstance lui inspira des projets d'ambition qui lui réussirent; dès lors sa maison fut ouverte aux plus grands seigneurs. La fée Lure devint de jour en jour plus considérable, et parvint enfin au point de grandeur où nous la voyons aujourd'hui.
Comme les premières, cette plaisanterie du marquis de Bièvre eut un succès incroyable; en quelques jours, plusieurs éditions in-8 et in-32 furent épuisées. Mais aucun périodique n'en rendit compte : la lutte s'aigrissait entre le calembouriste et les * folliculaires ».
L'ange Lure fut celui qui se déclara le premier, et les autres s'engagèrent à le servir dans ses amours. Le rapport de nom lui servit d'abord de prétexte pour s'introduire : il se dit soupirant, et la fée Lure le crut. Il lui parut tout simple de recevoir son cousin, de le voir tous les jours et de se montrer sans cesse en public avec lui. Malheureusement, ayant cru devoir pour la décence mener avec elle une fée de ses amies, elle fit choix de la fée Néantise. L'ange Lure de son côté mit l'ange Oleur de la partie, et ce fut là ce qui perdit la fée Lure. Il est peu de femmes qui puissent conserver leurs principes en pareille compagnie : si elles résistent aux séductions de l'ange Oleur, elles succombent aux conseils de la fée Néantise; aussi l'ange Lure ne tarda pas à profiter de ses avantages. Il vit que l'heure de la fée était venue, mais, ne se sentant pas assez fort par lui-même, il chargea l'ange Oleur d'engager la fée Lure à recevoir l'ange In, le plus dangereux de tous et le plus insinuant.
L'ange Oleur s'approcha de l'oreille de la fée, et, lui faisant tout bas sa proposition, il ajouta : « Vous serez charmée de le recevoir, c'est le père de la fée Licité que vous aimez, et pour qui vous avez beaucoup de considération. » La fée Lure consulta la fée Néantise, qui lui dit : « Que risquez-vous? Laissez-le entrer, et la fée Lure répéta : « Qu'il entre! » A ce mot, l'ange In, qui jusque-là s'était tenu caché, se montra tout à coup, et, par le moyen de l'ange Ambée, il se trouva dans l'instant à portée de la fée Lure, qui l'accueillit avec tout plein de grâces.
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La fée Lure s'aperçut bientôt que la fée Condité pourrait la trahir, et que cette fée, négligée trop souvent, avait voulu, contre l'usage ordinaire, jouer son rôle dans l'intrigue que l'ange Oleur et la fée Néantise avaient si bien conduite. Elle voulut quelque temps douter de son malheur; mais voyant que la fée Condité s'obstinait à faire connaître dans le monde ce qui s'était passé, et qu'elle finirait par la déchirer impitoyablement, elle crut devoir engager l'ange Lure à l'épouser, pour couvrir ses torts.
Celui-ci, malgré les conseils de la fée Lonie qui voulait l'éloigner de ce mariage, y consentit enfin à la satisfaction des anges et des fées, qui se réunirent pour les mettre en ménage, et pour célébrer leur union.
Les noces se firent rue de la fée Ronerie dans une maison que l'ange Oliveur avait fraîchement décorée: la fée Raille en avait elle-même posé les sonnettes, les tringles, etc. La fée Sandrie apporta son plat au festin, et l'ange Vin se chargea d'abreuver les convives: l'ange Ouement soutint lui seul la conversation, et ne voulut plus quitter les nouveaux mariés.
Après le souper, il y eut une bouillotte dont l'ange Eu fit tous les frais; ensuite un bal magnifique où tous les convives développèrent à l'envi leurs grâces et leur légèreté; jusqu'à la fée Roce, qui voulut aussi danser sa contredanse ; mais comme à chaque saut elle était essoufflée, la fée Rule était souvent obligée de lui donner sur les doigts pour la faire aller; malgré cela, on lui sut toujours bon gré de sa bonne volonté.
Par cet heureux hymen l'aimable fée répara, du moins aux yeux du public, le tort que la fée Condité lui avait fait; elle ne fut plus contrainte de cacher sa grossesse, et quelques mois après elle accoucha d'un fils qui fut appelé tout d'une voix l'ange André. Les couches pénibles de la fée Lure, loin de diminuer ses charmes, ne firent que les accroître davantage, et cette circonstance lui inspira des projets d'ambition qui lui réussirent; dès lors sa maison fut ouverte aux plus grands seigneurs. La fée Lure devint de jour en jour plus considérable, et parvint enfin au point de grandeur où nous la voyons aujourd'hui.
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Comme les premières, cette plaisanterie du marquis de Bièvre eut un succès incroyable; en quelques jours, plusieurs éditions in-8 et in-32 furent épuisées. Mais aucun périodique n'en rendit compte : la lutte s'aigrissait entre le calembouriste et les * folliculaires ».
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Georges-François Mareschal, marquis de Bièvre et roi du calembour
Roooh ... alors là, franchement, shame on you, Marquis !
Le traité de Paris couronna glorieusement la lutte contre l'Angleterre. On attribuait cette heureuse issue aux victoires du bailli de Suffren, et, en 1784, le voyage de l'illustre marin à Paris fut un triomphe.
Un soir où la reine Marie-Antoinette se rendait à l'Opéra, Suffren y vint aussi : il fit un tabac, tandis que la reine se voyait plus froidement accueillie.
Bièvre émit sur ces deux entrées le jeu de mots que voici :
Le traité de Paris couronna glorieusement la lutte contre l'Angleterre. On attribuait cette heureuse issue aux victoires du bailli de Suffren, et, en 1784, le voyage de l'illustre marin à Paris fut un triomphe.
Un soir où la reine Marie-Antoinette se rendait à l'Opéra, Suffren y vint aussi : il fit un tabac, tandis que la reine se voyait plus froidement accueillie.
Bièvre émit sur ces deux entrées le jeu de mots que voici :
Je l'avais bien prévu :
La plus aimable des princesses,
Bien que reine, n'a que deux fesses,
Au lieu que Suffren a vaincu .
La plus aimable des princesses,
Bien que reine, n'a que deux fesses,
Au lieu que Suffren a vaincu .
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Georges-François Mareschal, marquis de Bièvre et roi du calembour
Délicieusement irrévérencieux.
Monsieur de la Pérouse- Messages : 504
Date d'inscription : 31/01/2019
Localisation : Enfin à bon port !
Re: Georges-François Mareschal, marquis de Bièvre et roi du calembour
Assemblée des Notables :
Cent quarante-six notables furent choisis pour leur naissance ou leurs fonctions. Comme ils allaient se réunir et que l'on mettait leur intelligence en doute, et apprenant que le premier échevin de la ville de Paris, M. Gobelet, prendrait part aux séances :
« Quoi ! s'écria le marquis de Bièvre, il n'y aura qu'un gobelet pour tant de cruches ! . »
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Georges-François Mareschal, marquis de Bièvre et roi du calembour
Mme de Sabran a écrit:
« Quoi ! s'écria le marquis de Bièvre, il n'y aura qu'un gobelet pour tant de cruches ! . »
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« elle dominait de la tête toutes les dames de sa cour, comme un grand chêne, dans une forêt, s'élève au-dessus des arbres qui l'environnent. »
Comte d'Hézècques- Messages : 4390
Date d'inscription : 21/12/2013
Age : 44
Localisation : Pays-Bas autrichiens
Re: Georges-François Mareschal, marquis de Bièvre et roi du calembour
Mme de Sabran a écrit:Roooh ... alors là, franchement, shame on you, Marquis !
Le traité de Paris couronna glorieusement la lutte contre l'Angleterre. On attribuait cette heureuse issue aux victoires du bailli de Suffren, et, en 1784, le voyage de l'illustre marin à Paris fut un triomphe.
Un soir où la reine Marie-Antoinette se rendait à l'Opéra, Suffren y vint aussi : il fit un tabac, tandis que la reine se voyait plus froidement accueillie.
Bièvre émit sur ces deux entrées le jeu de mots que voici :Je l'avais bien prévu :
La plus aimable des princesses,
Bien que reine, n'a que deux fesses,
Au lieu que Suffren a vaincu .
Ces vers font allusion à l'homosexualité du bailli de Suffren. Ce personnage truculent et tonitruant ne faisait pas dans la discrétion, et se souciait comme d'une guigne du qu'en dira-t-on. Le bailli de Suffren "montagne de chair de 150 kilos, si puante que certains officiers délicats étaient incommodés à son approche" car M. le bailli ne se lavait jamais, était toujours accompagné de "deux ou trois valets de chambres-matelots, si jeunes, si beaux, les "mignons de Suffren" dont il s'entourait "par prédilection". Suffren ne se contentait pas d'afficher ses amours masculines "sans se soucier des commentaires", il encourageait ses marins à suivre son exemple : "il favorisait systématiquement les mariages de traversée ou de campagne, facilités par le fait que les hommes n'ont qu'un grabat pour deux. Leur capitaine aime les apparier suivant les différences d'âge, un vétéran avec un novice, comme faisaient les généraux grecs. " (Didier Godard, "L'amour philosophique, l'homosexualité masculine au siècle des Lumières").
Duc d'Ostrogothie- Messages : 3227
Date d'inscription : 04/11/2017
Re: Georges-François Mareschal, marquis de Bièvre et roi du calembour
... et moi, dans ma candeur, je n'avais compris que le premier degré de son calembour ...
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Georges-François Mareschal, marquis de Bièvre et roi du calembour
Tu es pure et innocente.
Duc d'Ostrogothie- Messages : 3227
Date d'inscription : 04/11/2017
Re: Georges-François Mareschal, marquis de Bièvre et roi du calembour
...euh ! plus tout à fait depuis longtemps...
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Georges-François Mareschal, marquis de Bièvre et roi du calembour
« La conclusion, dit notre charmant marquis de Bièvre, est que le goût des calembours n'est point une maladie chez moi, mais une ressource innocente pour repousser l'ennui ou pour rappeler la gaieté. »
Est-il chou ! Il nous emmène chez lui ...
Le domaine constitué de 1712 à 1725 par Georges Mareschal, seigneur de Bièvre, se trouvait tout entier, grâce à deux « substitutions », entre les mains de son arrière-petit-fils. Dès que le jeune homme eut la jouissance de sa fortune, il se prit d affection pour le château et le parc de Bièvre, dont la proximité de Versailles et de Paris augmentait à ses yeux l'agrément. D'ailleurs son tout nouveau marquisat, embrassant plusieurs fermes et 800 hectares de terres et bois, lui procurait ses principaux revenus et nécessitait une active surveillance.
Le « manoir », de proportions moyennes mais harmonieuses, se composait « d'un grand corps de logis, d'un bâtiment en aile, de deux tours, l'une ronde, l'autre carrée, d'une chapelle et d autres édifices appliqués à salles, offices et cuisines ». Tout autour couraient des fossés d'eau vive, franchis en avant et en arrière du château par deux ponts-levis. Le parc, clos de murs, renfermait environ quarante-six hectares de « pâtures, bassins d'eau jaillissante, allées, bois de haute futaie, taillis, aulnaies, saussaies, prés, vignes et vergers ». Il était traversé par la Sigrye, petit affluent de la Bièvre, qui, serpentant sous les arbres et formant un étang, coulait ensuite dans les douves de la demeure seigneuriale.
La campagne environnante offrait « un horizon fait à souhait pour le plaisir des yeux ». Victor Hugo se rendait souvent à Bièvre, où son ami Bertin aîné, fondateur du Journal des Débats, possédait le castel des Roches acheté aux descendants de la famille de Bièvre, et, en 1831, la beauté du site lui inspirait ces strophes :
Oui, c'est bien le vallon! le vallon calme et sombre!
Ici, l'été plus frais s'épanouit à l'ombre,
Ici durent longtemps les fleurs qui durent peu,
Ici l'âme contemple, écoute, adore, aspire,
Et prend pitié du monde, étroit et fol empire,
Où l'homme tous les jours fait moins de place à Dieu.
Et l'on ne songe plus, tant notre âme, saisie,
Se perd dans la nature et dans la poésie,
Que tout près, par les bois et les ravins caché,
Derrière le ruban de ces collines bleues,
A quatre de ces pas que nous nommons des lieues,
Le géant Paris est couché !
Ici, l'été plus frais s'épanouit à l'ombre,
Ici durent longtemps les fleurs qui durent peu,
Ici l'âme contemple, écoute, adore, aspire,
Et prend pitié du monde, étroit et fol empire,
Où l'homme tous les jours fait moins de place à Dieu.
Et l'on ne songe plus, tant notre âme, saisie,
Se perd dans la nature et dans la poésie,
Que tout près, par les bois et les ravins caché,
Derrière le ruban de ces collines bleues,
A quatre de ces pas que nous nommons des lieues,
Le géant Paris est couché !
Les Feuilles d'automne, pièce 34.
A Mlle Louise Bertin : Bièvre.
Victor Hugo composa cette poésie aux Roches, dans un pavillon séparé qui prend vue sur la vallée de la Bièvre; en tête, il mit comme épigraphe :
« Un horizon fait à souhait pour le plaisir des yeux . »
(Fénelon)
Poursuivant sa lutte « contre l'ennui », le marquis de Bièvre voulut égayer le charme un peu mélancolique d'un tel paysage... et parsema de calembours sa demeure et ses jardins. Sur la porte de ses écuries, par exemple, on voyait les armes d'Angleterre, avec la devise : Honni soit qui mal y panse ( un classique du calembour, repris par Louis XV lui-même pour asticoter le duc de Lauraguais ) , et dans le parc, vaste et ombreux, la spirituelle imagination du marquis se donnait libre cours. Sous le Directoire, la marquise de Montesson, qui fut l'épouse du père de Philippe-Égalité, louait le château de Bièvre, vendu en 1790 par les héritiers du calembouriste, et elle y conviait ses amis.
La future duchesse d'Abrantès vint un jour lui rendre visite, et l'on fit une promenade à travers le parc : « Tout y était d 'un vert frais qu'on ne voyait que dans cette vallée enchanteresse, écrit l'auteur des Salons de Paris, les lilas et leurs grappes pourprées, les ébéniers aux rameaux d'or, les boules de neige, les rosiers, les épines roses et blanches, une foule d'arbres et d'arbustes odoriférants rendaient cette retraite un lieu de délices... Nous parcourûmes ainsi, sous des voûtes de fleurs et de feuillages, respirant un air embaumé, tout le parc de Bièvre, trouvant à chaque pas de nouveaux calembours . »
Le marquis se plaisait à promener ses futures conquêtes dans les mystérieux labyrinthes des bosquets; une allée de lilas, propice aux brûlants aveux, les conduisait d'abord au petit lac , et, sur plusieurs bateaux formant flottille avec vaisseau amiral, elles découvraient de tendres devinettes. Plus loin, Bièvre utilisait un des jeux de mots prêtés naguère à l'abbé Quille : « Nous entrâmes, poursuit la duchesse d'Abrantès, dans une forêt de sapins dont l'ombre mystérieuse avait engagé M. de Bièvre à en faire un lieu propre à tout ce que pouvait permettre une retraite aussi solitaire, et, dans un rond assez bien entouré de talus recouverts de gazon, dans lequel on avait semé une quantité de violettes et de pensées sauvages, on voyait six ifs plantés symétriquement. »
C'est là que le châtelain amenait ses jolies invitées, après maint assaut livré à leur vertu. « Madame, s'écriait-il, voici l'endroit décisif (des six ifs) ! » Si la belle s'irritait d'une pareille mise en demeure : « Qu'avez-vous donc compris? »
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Le château des Roches était donc au XIXe siècle la propriété de Bertin l'aîné, directeur du Journal des Débats. Il y animait un salon littéraire où se côtoyaient Chateaubriand, Ingres, Girodet, Berlioz Liszt, Victor Hugo invité privilégié séjourna également pour des vacances en famille.
Portrait de Louis-Francois Bertin, directeur du Journal des débats
Jean-Auguste-Dominique Ingres —
image WIKI
Aujourd'hui baptisé Maison Littéraire de Victor Hugo le château abrite une collection prestigieuse de manuscrits, éditions originales rares, épreuves corrigées, lettres autographes signées, gravures et photographies d'époque. En mai 2000 5 documents ont été classés au titre des Monuments historiques : les épreuves corrigées des Contemplations, de la Légende des Siècles et des Misérables, le manuscrit du projet de décret d'amnistie général des Communards et enfin les derniers mots écrits par le grand écrivain trois jours avant sa mort "Aimer c'est agir".
L'aménagement du jardin et du parc a restitué un paysage qui est toujours présent dans les vers du poète.
Ecrivant des bords du Rhin à ses amis, Victor Hugo affirme : "Tous les sapins de la Forêt Noire ne valent pas l'acacia qui est dans la cour des Roches". Constitué de nombreuses essences d'arbres, certaines plantées par M. Bertin, il permet aux visiteurs de flâner le long des allées aménagées jusqu'au lac où Hugo aimait se promener. Le visiteur retrouvera les vignes grimpantes, les châtaigniers, les saules au bord de la rivière et les prairies régulièrement fauchées dont parle le poète.
https://www.guide-tourisme-france.com/VISITER/maison-litteraire-victor-hugo--chateau-roches--bievres-17707.htm
Tout petit coup d'oeil à l'intérieur !
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Re: Georges-François Mareschal, marquis de Bièvre et roi du calembour
Parmi les soupirants qui assiégeaient chaque soir au théâtre la loge de Mlle Raucourt, on remarquait cet ancien Mousquetaire dont les bons mots couraient Paris, le marquis de Bièvre. Mais là où Beaujon et le duc de Bourbon avaient échoué, pouvait-il réussir ! Au faste du financier, au prestige du prince du sang, il opposait deux qualités bien minces : la jeunesse et l'esprit. Depuis l'année précédente, Bièvre n'habitait plus l'hôtel de la rue du Bac; il était maintenant officier d'état-major, avec rang de capitaine de cavalerie, et jouissait de toute sa liberté. Françoise Raucourt, qui excellait dans les réparties spirituelles et la conversation aimable, le distingua bientôt.
Fort amoureux d'elle, le marquis lui faisait une cour discrète; c'est pour elle sans doute qu'il écrivit :
Fort amoureux d'elle, le marquis lui faisait une cour discrète; c'est pour elle sans doute qu'il écrivit :
Chloé me craint, je la crains davantage,
Comment donc faire? elle est belle, elle est sage :
Sans tout cela, je ne la craindrais pas.
Je suis discret, je l'aime, je soupire,
Et n'ai parlé que par mon embarras :
Chloé m'entend; ses yeux semblent me dire :
Sans tout cela, je ne vous craindrais pas.
0 ma Chloé ! finissons ce martyre,
Et, sans risquer des efforts superflus,
Laisse à l'Amour le soin de nous instruire
Du seul moyen de ne nous craindre plus !
Comment donc faire? elle est belle, elle est sage :
Sans tout cela, je ne la craindrais pas.
Je suis discret, je l'aime, je soupire,
Et n'ai parlé que par mon embarras :
Chloé m'entend; ses yeux semblent me dire :
Sans tout cela, je ne vous craindrais pas.
0 ma Chloé ! finissons ce martyre,
Et, sans risquer des efforts superflus,
Laisse à l'Amour le soin de nous instruire
Du seul moyen de ne nous craindre plus !
Portait de Mademoiselle Raucourt
par Augustin, Jean-Baptiste-Jacques Augustin (1790),
Musée Cognacq-Jay
Enfin, dans les premiers jours de l'année 1774, Mlle Raucourt éprouva un sentiment inconnu : de cette idylle, on voudrait pouvoir dire que Françoise se donna au marquis de Bièvre, mais elle se vendit ! A dix-sept ans, cette actrice, si « décente », si « austère », montra l'expérience d'un homme de loi, et, derrière elle, le comédien Raucourt avait lâché ses pistolets de père noble. Voyant Bièvre prêt à toutes les folies, l'actrice appela son notaire, Me Le Pot d'Auteuil, et rédigea les clauses d'un acte obligeant le calembouriste à lui verser une rente viagère de six mille livres. En échange de sa signature, elle lui consentait le sacrifice de sa vertu et lui jurait une éternelle fidélité...
« Fut présent, disait le projet de contrat , fut présent Georges-François Mareschal, marquis de Bièvre, maréchal-général-des-logis de l'armée, demeurant à Paris rue du Sentier, paroisse Saint-Eustache, lequel a, par ces présentes, créé et constitué, assis et assigné à demoiselle Marie-Joseph-Françoise-Antoine Sausserotte de Raucourt, fille mineure, pensionnaire du roi, demeurant à Paris rue du Dauphin, paroisse Saint-Roch, à ce présente et acceptante, pour elle sa vie durant, six mille livres de rente viagère que ledit seigneur marquis de Bièvre promet de s'obliger à payer à ladite demoiselle Sausserotte de Raucourt pendant sa vie pour chaque année, de
quartier en quartier, en espèces sonnantes d'or et d'argent, et non en aucuns billets, papiers ni effets royaux, quelque cours qu'ils puissent avoir dans le commerce... »
L'aventure de Law était encore présente aux mémoires et la belle prenait ses précautions; pour plus de sûreté, elle contraignait ensuite le soupirant à répondre du paiement de la rente par une hypothèque générale sur ses biens. Enfin, une dernière phrase supprimait à l'avance toute discussion sur la moralité de l'engagement : « Cette constitution est faite moyennant la somme de soixante mille livres, que le seigneur marquis de Bièvre reconnaît et confesse avoir reçu de demoiselle Sausserotte de Raucourt, en espèces sonnantes et monnaie ayant cours, dont il est content. »
Dont il est content ! Le 21 janvier 1774, une vision rapide de l'avenir traversa la tête de l'amoureux, mais Françoise lui tendit la plume, et il signa l'acte en regardant la jolie fille, tandis que Me Le Pot d'Auteuil guidait sa main. Puis, l'actrice écrivit en grosses lettres
un nom ainsi ortographié : M. J. F. A. Sauserotte de Raucour.
Le lendemain, le contrat parut beaucoup moins avantageux au marquis de Bièvre. La belle Françoise avait tenu son premier engagement, et certes il en gardait un souvenir bien doux, mais respecterait-elle sa promesse de n'appartenir qu'à lui seul ? En garantie d'un tel serment, il ne possédait rien... La sottise était faite et le marquis ne songea plus qu'à son bonheur présent.
_______________
Pour leurs contemporains, le marquis de Bièvre obtint les prémices de Mlle Raucourt : « L'heureux mortel qui triompha de tant de vertu fut le marquis de Bièvre », écrit Mme Vigée-Lebrun. Mais, en réalité, le calembouriste succédait peut-être à Louis XV et à ses pourvoyeurs. Les Mémoires de Fleury rapportent une conversation que le comédien aurait entendue chez Lekain en avril 1774; outre son camarade, le célèbre acteur réunissait à sa table le marquis de Villette, le critique La Harpe et l'auteur-acteur Boutet de Monvel. On vint à parler de la belle Raucourt : « Avant de se donner au marquis de Bièvre, assura Lekain, elle a débuté par une représentation au bénéfice de Louis XV ; quelle femme résiste à son roi? Puis, dans sa position, elle a une excuse, messieurs les gentilshommes de la Chambre ne sont-ils pas les chefs du Théâtre-Français? Le roi n'est-il pas le chef de messieurs les gentilshommes? »
— « Et puis, fit remarquer Monvel, comment résister à Mme du Barry? Elle-même a arrangé l'affaire. »
Le marquis de Villette termina la question en disant :
— « Cette aventure royale n'a pas eu de suite, et le marquis de Bièvre règne seul et despotiquement en vertu de son amour et
de sa rente viagère. »
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Re: Georges-François Mareschal, marquis de Bièvre et roi du calembour
La maladie du calembour était invétérée chez le pauvre marquis.
Sa santé s'étant altérée, il alla prendre les eaux de Spa ... Il mourut, comme il avait vécu, en calembourdant. Au moment suprême, ceux qui l'entouraient l'entendirent en effet murmurer ces mots :
« Mes amis, je m'en vais de ce pas (de Spa). »
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Re: Georges-François Mareschal, marquis de Bièvre et roi du calembour
Mon grand-père craignait pour moi les séductions de M. Molé qui avait une grande réputation de roué, comme cela se disait alors. Aussi, lorsqu'il lui arriva de retarder la première représentation du Séducteur, de M. de Bièvre, par le motif qu'un rhume l'empêchait de parler, " Eh bien lui dit l'auteur (fameux par ses calembourgs), vous jouerez le Séducteur enroué. "
Mais, le jour de la représentation, Molé se trouvant tout-à-fait hors d'état de paraître le soir, son médecin lui ordonna de garder le lit. Lorsque M. de Bièvre apprit ce nouveau contre-temps, il s'écria : " Quelle fatalité ! "
( Louise Fusil, Souvenirs d'une actrice )
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