Loches, Cité Royale

Dominique Poulin a écrit:En effet, les dames de la haute aristocratie se rasaient ou s'epilaient le haut du front au XVe siècle. C'était un must pour avoir un front immense et cette pratique était complémentaire aux coiffes compliquées de l'époque.

C'est ça !  
Ce devait pourtant être laid, non ?!  
Les goûts et les couleurs, voilà bien quelque chose d'inexplicable .

Bref ...  
Anne de Bretagne  
deux fois reine de France puisqu'elle a épousé successivement Charles XVIII et Louis XII, obligation signée dans le contrat du mariage précédent.  
Cela ne s'était jamais vu et ne se verra plus par la suite .



Elle habita le logis royal de Loches, encouragea les arts, les lettres et tint une Cour raffinée .
 Cette grande tapisserie en atteste .  


La construction d’une extension du logis royal est lancée sous le règne de Charles VIII.  
Vers 1500, Anne fait modifier les plans initiaux en y ajoutant un splendide oratoire gothique flamboyant.  

Avant la visite  du donjon prison royale, arrêt obligatoire à  la collégiale Saint-Ours qui renferme le très beau gisant d'Agnès Sorel.



Conformément au testament d'Agnès, qui léguait une grande partie de ses biens aux moines de la collégiale Saint-Ours,  ceux-ci reçurent son corps embaumé, admirablement coiffé, et vêtu avec simplicité et sans bijou.  Son coeur était conservé à l'abbaye de Jumièges où elle était morte.
Charles XVII lui fit ériger un somptueux tombeau orné d'un gisant d'albâtre, le tout sous un dais gothique flamboyant au beau milieu du choeur de Saint-Ours.




Les chanoines ingrats ne tardèrent pas à trouver Agnès encombrante, et même gênante pour la célébration du culte.  Ils demandèrent à Louis XI de faire déplacer le tombeau et essuyèrent un refus .  Pendant quelques siècles les chanoines firent contre mauvaise fortune bon coeur, puis ils adressèrent la même requête à Louis XV.   Refus sans appel de la part du Bien-Aimé ...  
Mais en 1777, Louis XVI  déclara allez zou ! on déplace Agnès.

Avec la permission de l'archevêque de Tours, on descelle le monument, qui donne sur un caveau contenant le triple cercueil   ( triple ?    ). Les restes non décomposés, une denture en parfait état et des cheveux blond cendré, coiffés en tresse dans le dos et crêpés sur le dessus, en sont ôtés et transférés dans une urne de grès. Le tout est remis solennellement dans le tombeau que l'on a réédifié à droite du chœur.

La belle endormie semble ne s'apercevoir de rien .  



Mais en 1793, le tombeau est profané. L’urne est jetée dans le cimetière proche puis récupérée par le conventionnel Pocholle, tandis que le monument, démonté,  est entreposé en lieu sûr.
Les tribulations post-mortem d'Agnès ne s'arrêtent pas là :
- en 1970, le tombeau est transféré dans le logis royal du château de Loches.
- enfin en 2005, retour pour Agnès dans sa collégiale Saint-Ours.

Les rois de France aussi reposaient parfois dans un triple (ou double) cercueil : 2 de plomb dans un de chêne , un peu à la manière de Toutankhamon

Oui bien sûr, cher Hastur, vous avez raison !


Notre dernière visite est pour ce donjon de Loches    dont la massive silhouette écrase tout le reste, et où nous attend le fantôme de Ludovic le More ...
















...   à l'intérieur :




Nous découvrons un exemplaire de ces fameuses cages-prison de Louis XI .




Remarquez le pot de chambre pour se soulager sans sortir de la cage.








Dans ces cages de fer, raconte-t-on, Louis XI venait observer ses victimes, dont le fameux cardinal de la Balue .  




Notre guide nous a dit que, pour fêter la Fédération de juillet 1790, les deux cages de fer de Loches ( dites de Louis XI )  avaient été brûlées et le fer fondu au profit des veuves et orphelins de la Révolution .
C'était le geste très symbolique de destruction de l'arbitraire royal.  

Mais en 1795, une cage de fer fut reconstruite tout à fait à l'identique  ( fer et bois ) pour bien rappeler au contraire à la nation l'arbitraire royal !
Cette autre est dans l'embrasure de la fenêtre :



De là nous fûmes dans le cachot de Ludovic Sforza ( dit le More ).
Petite piqûre de rappel .
Ludovic était un très illustre, richissime et puissant duc de Milan, mécène et homme de guerre  .  https://fr.wikipedia.org/wiki/Ludovic_Sforza


Pendant les Guerres d'Italie,  le 10 avril 1500, trahi par des mercenaires suisses lors du siège français de la ville de Novare, il tombe entre les mains de l'armée française et est livré au général français La Trémoille.  Notre roi Louis XII le jette en prison .  

Avant de passer les pieds outre en 1508, il eut la fantaisie de décorer les parois de son cachot !  



Comme dans toutes les prisons de France et de Navarre, les prisonniers ne se sont pas fait faute d'exhaler leur douleur en graffitis poignants ...
Ici, cette inscription en latin : Tolère et supporte !
Là, sur le mur de droite, au bout d'un souterrain : Ces murs étouffent les sanglots et éteignent l'agonie .
Et puis, prophétique : Sous peu nous détruirons ces hautes murailles, briserons ces cloîtres et ferons disparaître ces tortures inventées par les rois, trop faibles pour arrêter un peuple qui veut la liberté. 1785.

Imposant donjon de Loches qui me fait penser à celui très bien conservé de Niort .

Ces cages à prisonniers très étroites furent encore utilisées jusqu'à la fin du XIXe s. puisqu'on en découvre (tout en fer et appelées "cages à poules") lors de la visite de l'abbaye de Fontevraut , gardées en témoignage de la prison.

Il y avait également de ces prison-cages au Mont Saint-Michel .
Est-ce que l'on ne les appelait pas " fillettes du Roy " ?

Hugo les décrit ainsi :
« Il y avait aux parois deux ou trois petites fenêtres, si drument trillissées d’épais barreaux de fer qu’on n’en voyait pas la vitre. La porte était une grande dalle de pierre plate, comme aux tombeaux. De ces portes qui ne servent jamais que pour entrer. Seulement ici, le mort était un vivant. »

( Victor Hugo Notre Dame de Paris )