Causes de la mort des enfants de Marie-Antoinette et Louis XVI

Mon intuition est que les petits dauphins étaient sans doute trop entourés par toute une population (domestiques, courtisans...) chargée de miasmes. La tuberculose était une maladie répandue semble-t-il.

La pauvre Marie-Charlotte, moins considérée, était sans doute moins exposée aux visiteurs, et donc moins exposée aux maladies...

Mais le petit duc de Normandie semblait jouir d'une très robuste santé, avant l'incarcération au Temple .

Son frère lui avait peut-être refilé la tuberculose ? Je crois que c'est une maladie qui met du temps à apparaître, non ?

Le plus petit est mort de privations, mauvais traitements, aucune hygiène ...

Oui certainement, mais également de tuberculose semble-t-il.

Madame Poitrine, la nourrice de l'ainé des garçons aurait été soupçonnée de l'avoir contaminé. Louis Charles a pu contracter la maladie au Temple, le malheur et les mauvais traitements on fini par achever le pauvre enfant.

Marie-Jeanne a écrit:Madame Poitrine, la nourrice de l'ainé des garçons aurait été soupçonnée de l'avoir contaminé.

J'ignorais ce détail ...

Mais, Mme Poitrine était la nourrice de Louis-Charles, pas de Louis-Joseph ...

C'est à vérifier mais je crois bien que Madame Poitrine était bien la nourrice de Louis Joseph. On lui doit la chanson Malborough s'en va t-en guerre reprise et mise à la mode par la reine.

Alors je fais la confusion ?
J'associais le souvenir de Mme Poitrine à Louis-Charles ...

Louis-Joseph !
Angélique de Bombelles confirme :

A Versailles, ce 24 octobre 1781.

La Reine et M. le Dauphin se portent à merveille. Le Roi ira après-demain à Notre-Dame de Paris, avec tous les princes, rendre grâces à Dieu d'un aussi heureux dénouement. Madame s'est conduite à merveille : elle a marqué la plus grande satisfaction ; je crois bien qu'elle ne l'éprouve pas, mais il est fort honnête et fort prudent à elle d'avoir caché son jeu. Quant à madame de Balbi, je la crois folle, car elle ne se gêne nullement; elle a l'air d'avoir une humeur de chien, tout le monde le remarque ; on ne manquera pas de le dire à la Reine. Cela la fera détester plus que jamais, et je ne conçois pas sa mauvaise tête.

La nourrice de l'enfant s'appelle madame Poitrine : elle est bien nommée, car elle en a une énorme et un lait excellent, à ce que disent les médecins. C'est une franche paysanne, femme d'un jardinier de Sceaux; elle a le ton d'un grenadier, jure avec une grande facilité; tout cela n'y fait rien, c'est fort heureux même, parce qu'elle ne s'étonne et ne s'émeut de rien, que par conséquent son lait s'altérera difficilement. Les dentelles, le linge qu'on lui a donnés, ne l'ont pas surprise; elle a trouvé cela tout simple, et a seulement demandé qu'on ne lui fit pas mettre de poudre, parce qu'elle ne s'en étoit jamais servie, et vouloit mettre son bonnet de six cents francs sur ses cheveux comme les autres cornettes. Son ton amuse tout le monde, parce qu'elle dit quelquefois des choses fort plaisantes.

Je t'ai assez parlé du Dauphin de la nation; il faut que je te parle du nôtre.
Je te dirai donc que Bombon a deux dents depuis hier, qui sont venues sans que nous nous en doutions; cela fait six..., etc

Les symptômes de la tuberculose osseuse ont pu être observés et scrupuleusement notés en ce qui concerne Louis-Joseph, mais les causes de la mort de Louis-Charles restent plus obscures .
Qu'en pensez-vous, cher Févicq ?

Je rappelle notre sujet sur le docteur Brunier, médecin des enfants pendant la captivité au Temple et, avant, aux Tuileries, à Versailles .
C'est ici : https://marie-antoinette.forumactif.org/t3186-le-docteur-brunier-medecin-des-enfants-de-france

Pour faire un résumé des causes de la mort de Louis XVII, je me suis référé à deux sources :
-1. Le rapport d’autopsie des Dr. Pelletan et Dumangin (autopsie réalisée le 14 juin 1795, au Temple.)
- 2. L’excellent article de Pierre Léon Thillaud : « Pathographie de Louis XVII au Temple », in : Cahiers de la Rotonde. 1986.
Quand les deux médecins se présentent au Temple, ils trouvent le corps d’un enfant « d’environ dix ans », qu’ils reconnaissent.
Le corps est amaigri, l’abdomen tendu et météorisé. Ils découvrent une tumeur (tumeur = masse) à la face interne du genou droit. Une autre, au niveau du radius gauche, exactement au poignet. L’incision de ces tumeurs met en évidence une matière grise.
L’intestin et l’estomac, de même que le péritoine, sont recouverts de tubercules. De même, au niveau thoracique, la trachée et l’œsophage présentent quelques tubercules. Le cœur est « dans son état naturel »
Les poumons sont normaux, mais la plèvre présente des adhérences.
Le cerveau est normal.
Ils concluent à « un vice scorphuleux » ancien, avec péritonite associée.
Par ailleurs, Marie Thérèse évoque, dans son journal, la maladie de son frère, survenue pendant leur captivité au Temple : Louis Charles aurait présenté un point de côté avec dyspnée et fièvre, ayant nécessité des consultations de son médecin. Après traitement, il aurait été mieux, mais aurait continué à maigrir.
Comment interpréter tous ces signes ?
On peut faire l’hypothèse que le prince a présenté, au cours de son incarcération, une pleurésie, peut-être tuberculeuse, ce qu’induit l’autopsie. Que, dans les suites, il développe une tuberculose abdominale, qui finira par l’emporter dans un tableau de péritonite infectieuse aiguë. Il n’a donc pas présenté de tuberculose pulmonaire.
Le terme de tuberculose n’existait pas à l’époque, mais on avait observé ces tumeurs remplies de matière caséeuse, et surtout ces tubercules pouvant envahir tous les organes (et qui donneront plus tard leur nom à la maladie). On désignait alors cela par le terme de « maladie scorfuleuse », et on en connaissait la nature contagieuse, sans en connaître bien sûr l’agent.
Louis Charles a donc déclaré une tuberculose au Temple, ce qui ne veut pas dire qu’il n’avait pas été contaminé avant. Son frère est aussi mort d’une tuberculose, elle de nature osseuse (mal de Pott). Louis Charles commençait à présenter le même mal (2 tumeurs osseuses constatées), mais c’est la localisation abdominale qui l’a emporté.
Il est certain que les mauvais traitements et les traumatismes ont été pour quelque chose dans le déclenchement et l’évolution de sa maladie. La dimension psychosomatique des tuberculoses sévères est bien connue aujourd’hui, même s’il s’agit d’une maladie infectieuse: on peut avoir contracté dans sa vie le bacille de Koch, sans jamais déclarer de tuberculose. On peut, en revanche, en déclencher une, suite à une baisse immunitaire liée par exemple à un deuil, une perte affective, etc. (cf.dans la littérature, la Dame aux Camélias).
Enfin, on a pu dire que Louis XVI lui-même aurait contracté la tuberculose (il lui arrivait de cracher du sang), la maladie étant fort répandue à l’époque, mais que sa forte constitution lui avait permis de guérir...

Merci, cher Févicq, pour ce tableau très complet des misères du petit Louis-Charles ...

Merci beaucoup pour ces réponses très complètes!

Le rapport publié à l’époque, de l’autopsie :

Voici une lettre manuscrite de Gomin, un des derniers gardes du petit. Elle faisait partie du fonds Beauchesne.
Il revient sur le décès de Louis Charles, et, à la fin, cite le Dr. Dussault, mort quelque temps avant l’enfant, et qui aurait affirmé devant Gomin que les deux frères avaient souffert de la même maladie :





« Mr. Dussault nous a dit que la maladie de l’enfant était la même dont était mort son frère aîné. »

Si j'ai bien compris le petit garçon aurait pu être porteur du bacille de Koch mais sa bonne santé naturelle ne pouvait le protéger des malheurs qui se sont abattus sur lui ce qui causa le déclenchement de la maladie.
On peut donc penser que le sort de sa famille et les mauvais traitements ont à terme, si ce n'est causé, précipité sa mort.

Oui, j’en suis persuadé...

Je reviens pour ma part sur les causes probables du décès de la petite Madame Sophie, l'enfant qui ne sera finalement pas représentée sur ce célèbre tableau peint Mme Vigée Le Brun.



Accroché dans le Salon de Mars en 1787, ce triste portrait familial que Marie-Antoinette ordonnera finalement de remiser peu après la mort de son fils...
Trop, c'est trop !

Je cite quelques extraits du livre de Philippe Delorme "Les princes du malheur", qui évoque le décès de cet enfant :

Les contemporains comme les mémorialistes restent muets sur les circonstances particulières de sa brève existence.
(...)
Le 1er août 1787, Marie-Antoinette écrit à la princesse de Hesse :

"J'ai été bien sensible de la part que vous avez prise à la perte que j'ai faite de ma fille cadette. J'en ai été très affligée.
Malheureusement, presque depuis sa naissance, je m'y attendais, cette enfant n'ayant jamais profité ni avancé pour son âgé".

Et au sujet de l'autopsie du corps, je cite encore :

Le corps de Madame Sophie est porté de Versailles au Grand Trianon, où Lassone et neuf de ses confrères se réunissent, en présence de la baronne de Mackau, pour "procéder à (son) ouverture vingt-quatre heures après sa mort, (...) aujourd'hui vint du présent mois (de juin 1787), à quatre heures et demi du soir."

Le procès verbal indique que "le cerveau dans sa substance avait une consistance plus molle dépendante sans doute d'une grande quantité de sérosité dont elle paraissait pénétrée.
Il y avait un épanchement assez considérable d'eau dans les ventricules. Le cervelet (était) dans l'état naturel".

En outre "le poumon droit était adhérant à la plèvre dans une portion assez étendue ; et dans l'endroit de cette adhérence la portion du poumon qui y était profondément remplie de tubercules voisins de la suppuration ; d'autres portions du poumon étaient fort gorgées de sang.
En général, tout l'organe pulmonaire nous a paru dans un très mauvais état".
(...)
"la portion supérieure du sternum du côté droit était plus élevée sensiblement, ce qui aurait pu déterminer dans la suite une conformation irrégulière".
(...)

Le docteur Philippe Charlier, médecin légiste et l'un des pionniers français de la pathographie, conclut de cette autopsie que "la description du cerveau est conforme à celle d'un enfant de moins d'un an, et n'est donc pas forcément pathologique".
Quant à la cause du décès, elle serait due à une "pleuropneumonie droite, infection bactérienne pas forcément d'origine tuberculeuse, les tubercules voisins de de la suppuration pouvant être des ganglions gorgés de pus".

Si l'on retient néanmoins l'hypothèse fort plausible d'une phtisie, l'enfant a pu être contaminée de multiples façons, par simple contact ou encore via le lait de sa nourrice, Claire Arnaud, "épouse du sieur Jean-Louis Garnier", qui recevra une pension de retraite de deux mille quatre cent livres en récompense de ses services.
(...)

Le jour même, Marie-Sophie-Hélène-Béatrix de France est transférée à la nécropole royale de Saint-Denis.
Son cercueil y est déposé "sans aucun cérémonial, conformément aux ordres du roi", dans la crypte des Bourbons.


Et Philippe Delorme de poursuivre :

Louis XVI ne paraît guère touché par cette disparition précoce.
Dans son Journal, où il dévoile si peu de son âme (c'est bien le moins que l'on puisse dire... ), le roi résume le drame en trois phrases lapidaires :

"Vendredi 15 juin - La maladie de ma fille cadette m'empêche de chasser. (...)  
Mardi 19 juin - Mort de ma fille cadette à trois heures. Promenade à pied à Saint-Cyr".

Sans commentaire !  

La nuit, la neige a écrit:

Le jour même, Marie-Sophie-Hélène-Béatrix de France est transférée à la nécropole royale de Saint-Denis.
Son cercueil y est déposé "sans aucun cérémonial, conformément aux ordres du roi", dans la crypte des Bourbons.[/i]

conformément aux ordres du roi

...  

Les explications du rapport d'autopsie de Louis XVII montrent clairement que le dauphin avait déjà contracté ce qu'on appelle aujourd'hui une primo-infection tuberculeuse, selon toute probabilité au contact de son frère aîné à Versailles.

Cette primo-infection peut 1° évoluer vers une tuberculose active, surtout chez les enfants de moins de 5 ans  2° persister sous la forme d'une infection latente asymptomatique avec une réponse immunitaire spécifique  3° l'infection tuberculeuse latente peut être réactivée et évoluer vers une tuberculose active.  

A cause de la dégradation des conditions de vie du jeune dauphin et des chocs émotionnels éprouvés (l'exécution de son père, puis sa détention effroyable au Temple), c'est le troisième cas de figure qui fournit une explication plausible. Une tuberculose miliaire (càd disséminée dans l'organisme) aura eu raison de sa santé. Cette forme de tuberculose non pulmonaire, particulièrement sévère, existe encore aujourd'hui chez les jeunes enfants, les personnes âgées et chez les personnes immunodéprimées, surtout dans les régions du monde les plus défavorisées.

Rappelons qu'une personne touchée par une infection tuberculeuse latente ne présente aucun symptôme et n'est pas contagieuse. Cet état latent peut se prolonger pendant des années, voire même plusieurs décennies. Autrement dit, le dauphin aurait très bien pu atteindre l'âge adulte, en dépit de l'absence de traitement visant à empêcher que la maladie ne se déclare, si la famille royale avait pu fuir à temps la tornade révolutionnaire....

Vaucher de Conzié a écrit:
Autrement dit, le dauphin aurait très bien pu atteindre l'âge adulte, en dépit de l'absence de traitement visant à empêcher que la maladie ne se déclare, si la famille royale avait pu fuir à temps la tornade révolutionnaire....

Les conditions terribles de sa détention auront donc bien précipité la mort de l'enfant .  C'était fatal.

Bonsoir Madame, soyez la bienvenue dans le Forum de Marie-Antoinette .  
 Je vous remercie pour ce premier si intéressant message