Amédée-François Frézier (1682-1773) ramène sa fraise
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Amédée-François Frézier (1682-1773) ramène sa fraise
Un bienfaiteur de l'humanité , cet Amédée-François Frézier !
Pourquoi, me demanderez-vous
Je blague ! En revanche, ce qui est tout à fait sérieux, c'est que c'est grâce à ce monsieur que nous nous régalons aujourd'hui de fraises chantilly, de glace à la fraise, charlotte aux fraises, tarte aux fraises, Pavlova aux fraises, j'en passe et de meilleures ... mmmmm .....
Bien-sûr, la fraise a toujours existé, cette jolie petite fraise sauvage, fraise des bois, si divinement parfumée et que nos ancêtres chasseurs-cueilleurs cherchaient déjà probablement sous les feuilles. Les romains l'adoraient et lui prêtaient des vertus thérapeutiques. Leurs femmes s’en faisaient des masques de beauté. ( C'est autre chose que le concombre ... )
A la renaissance, la fraise était déjà appréciée à l’époque en accompagnement de crème pour les femmes et de vin pour les hommes.
Eh bien oui, au sens propre, Amédée-François Frézier va nous ramener sa fraise du Chili, car il est un grand voyageur explorateur botaniste comme nous les aimons tant dans notre Forum .
C'est bien simple :Frézier est à la fraise ce que Parmentier est à la pomme de terre .
Ce ne fut qu’en 1714 que sa culture s’organisa dans les jardins et potagers.
Les origines de la fraise que nous connaissons aujourd’hui (Fragaria ananassae) sont issues d’un croisement de fraise sauvage importée d’Amérique (Fragaria virginiana) avec une variété à grands fruits importée du Chili (Fragaris chiloensis) par le capitaine breton Amédée-François Frézier.
Avec un nom pareil, il était prédestiné ...
Coïncidence ? ... non point, j'y reviendrai .
Amédée-François Frézier est né le 4 juillet 1682 à Chambéry, et mort le 14 octobre 1773 à Brest. C'est un ingénieur militaire, un explorateur, un botaniste, navigateur et cartographe français.
Il est d'origine écossaise (un de ses ancêtres était un Frazer d'Édimbourg). Il étudie la théologie, les mathématiques et la botanique. Une mémoire exceptionnelle lui permet d'acquérir une culture étendue. Il collaborera à l'Encyclopédie et aidera l'abbé Prévost à rédiger son grand recueil des Voyages.
A la faveur d'un tour d'Italie, il étudie aussi l'architecture, les beaux-arts.
De retour en France, Frézier le voici lieutenant d'un régiment d'infanterie . En 1706, le jeune Frézier fait paraître son Traité des feux d'artifice.
. Dans le corps du Génie, il est nommé ingénieur ordinaire en 1707, puis ingénieur-architecte à Saint-Malo, il s'adapte plus très bien au milieu maritime : sa relation de voyage, rédigée alors qu'il avait la trentaine, aurait pu être écrite par un vieux capitaine de la marine en bois tant elle fourmille de détails sur les allures, les vents, les manœuvres, l'état du fond, les courants, etc.
Il s'illustre de plus en ayant l'idée de remplacer les baguettes de queue des fusées par un empennage, idée qui trouvera plus tard une application primordiale en aéronautique au XXème siècle.
Lors de la guerre de Succession d'Espagne, alors que la France tremble de voir le prince Eugène marcher sur Paris, le jeune officier Frézier est de ceux qui suggèrent au maréchal de Villars d'attaquer les redoutes qui défendent la route de Denain.
Le 27 juillet 1712, Villars opère une feinte sur Landrecies, puis lance ses troupes sur les fortifications, qui sont enlevées à la baïonnette (bataille de Denain). Eugène perd 8 000 hommes, 60 drapeaux, évacue les Flandres, et la guerre de Succession d'Espagne tourne court.
Frézier explorateur et cartographe
À la suite de la glorieuse « manœuvre de Denain », Frézier, nommé officier du génie au service de Sa Majesté, est choisi par Le Peletier de Souzy, le ministre des Fortifications, pour participer à un voyage d’« exploration » dans les mers du Sud : officiellement, il doit servir de conseiller militaire aux colonies espagnoles (Sa Majesté vient en effet de placer son petit-fils Philippe V sur le trône espagnol), mais en réalité il doit aller reconnaître les ports espagnols et leurs fortifications au Chili et au Pérou, sur la côte occidentale de l’Amérique du Sud. Sous couvert de chercher à conseiller les Espagnols et les aider à se défendre contre les pirates, Frézier va espionner les ports, les relations commerciales, et les ressources minières de ces deux pays.
Frézier cartographe de la « mer du Sud »
Frézier écrit une Relation du voyage de la mer du Sud aux côtes du Pérou et du Chili . Il ouvre un œil de cartographe exceptionnel sur cette partie du monde dangereuse et mal connue, mais primordiale pour les communications et le commerce de l'époque : le détroit de Magellan, le Horn, l'île des États, la Terre de Feu et les Malouines.
En même temps, il fait aussi un travail étonnant de botaniste, de physicien, de minéralogiste (lors de son analyse des mines d'or et d'argent d'Amérique du Sud), et même d'économiste et d'ethnologue. Il dessine fort bien non seulement les cartes et plans, mais aussi les hommes, les végétaux et les animaux dépeints sur les planches qui enrichissent sa "Relation", parue en 1716, traduite en plusieurs langues et rééditée plus tard.
La carte de Frézier et sa "Relation du voyage dans la mer du Sud" figurent encore dans la chambre des cartes de deux grands navigateurs :
- Louis-Antoine de Bougainville y eut recours, pendant son passage de l'Atlantique au Pacifique par le Canal de Magellan. Lui et son second consultent le livre et la carte de Frézier, 55 ans après qu'il les eut conçus. Et il écrit le 20 janvier 1768 qu'« en effet, en relisant le passage de Mr Frézier, et en le combinant avec la carte qu'il donne du détroit, ils purent savoir où ils se trouvaient par rapport au canal Sainte-Barbe, une ramification du canal de Magellan ».
- La Pérouse doubla le Horn d'est en ouest en 1786 (72 ans après Frézier), il écrit dans son Voyage autour du monde : « Nous cherchions avec nos lunettes la ville de Concepcion qui, nous le savions d'après le plan de Frézier, devait être au fond de la baie... »
Il avait déjà auparavant consulté le livre de Frézier, en Atlantique, en touchant l'île de Santa-Catharina, sur la côte brésilienne.« Frezier et Anson y trouvèrent abondamment à se pourvoir de tous leurs besoins ».
En fait, La Pérouse cherche surtout à retrouver à Santa-Catharina l'ambiance bucolique qu'il avait ressentie à la lecture de la relation de Frézier, qui n'est en fait pas si dithyrambique. Mais 73 ans plus tard, Rousseau a imprégné les mentalités.
Frézier aux Antilles
Envoyé en 1719 sur l'Île d'Hispaniola (Haïti) avec le grade d'ingénieur en chef, Frézier dressa une carte de ses rivages accidentés (carte qui resta longtemps la meilleure), dessina les plans de la ville de Saint-Louis et de plusieurs forts, et releva avec précision les fonds du débouquement de Krooked, passage maritime emprunté par les navires partant de Léogane ou du Petit Goave vers la France. Il resta huit ans sur l'île, qui était alors un des plus riches territoires du domaine colonial français, et contribua à en établir les défenses.
Frézier observateur scientifique
Frézier multiplia les observations intéressantes dans de nombreux domaines scientifiques. Ainsi, en contemplant les icebergs du pont du Saint-Joseph, il pensa, par analogie avec les icebergs détachés des glaciers de l’Arctique, qu’il devait exister plus au Sud un « continent Antarctique », alors que pourtant de nombreux navires avaient sillonné la zone située entre 63° de latitude Sud et 55 à 80° de longitude Ouest sans rencontrer de terre.
« S’il est vrai, ajoute-t-il, que, comme certains le prétendent, les glaces ne se forment en mer que de l’eau douce qui coule des terres, il faut conclure qu’il y en a [des terres] vers le pôle austral… »
Frézier observateur militaire, ethnologue et moraliste
Lors des escales, Frézier s’attache tout d’abord à reconnaître systématiquement (et discrètement, en se gardant bien de faire état de sa qualité d’ingénieur militaire) les fortifications défendant le port, il examine aussi les troupes.
Ce n’est qu’après son enquête militaire, et l’étude des ressources et du commerce locaux, qu'il laisse errer un œil ironique et inquisiteur sur les habitants, note la sclérose, l'hypocrisie et la brutalité de leur culture, évalue in petto les possibilités pour les Français de les supplanter.
Ainsi, à São Salvador da Bahia, il note que les Portugais sont si paresseux qu’ils se font transporter partout dans des litières portées par des esclaves noirs, au lieu de se servir des jambes que Dieu leur a données.
Comme nous sortons notre appareil photos, lui sort son calepin et dessine sur le vif.
Dans la rue, au milieu d’une multitude d’esclaves noirs à demi-nus, on voit peu de blancs, et ce sont tous des hommes, car les Portugais sont si jaloux qu’ils séquestrent leurs femmes et les empêchent de sortir, si ce n'est le dimanche pour aller à la messe. Et ils sont jaloux à raison, car « les femmes sont toutes libertines, et trouvent le moyen de tromper la vigilance des pères et des maris ». Et ceci bien que, chaque année, une trentaine de femmes infidèles soient égorgées par leurs maris. Cependant, cela ne décourage pas ces femmes, et avec elles « il ne faut pas de grands efforts pour en venir aux dernières familiarités : les mères aidant à leur filles à se dérober aux yeux de leur père… ».
Les hommes de Bahia sont tout aussi bien épinglés par Frézier : ils sortent avec en permanence « un rosaire à la main, et un St-Antoine sur l’estomac ou pendu au cou […] les hanches chargées d’une longue épée à l’espagnole sur la gauche, et d’un poignard presque aussi grand que nos petites épées à la française sur la droite, afin que dans l’occasion il ne leur reste pas de bras inutile pour égorger leurs ennemis ».
C'est une manie !
Frézier flétrit la paresse et l'incurie des colons, qui se reposent de tous soins sur leurs esclaves.
Montesquieu lut et annota la relation de voyage de Frézier
En Amérique latine, Frézier note la quantité de couvents, églises, et autres établissements des différents ordres religieux, tant masculins que féminins, et leur puissance économique . Il ajoute, acerbe, que les jésuites se taillent une très belle part de ce domaine séculier.
Frézier place en appendice à sa "Relation du voyage de la mer du Sud aux côtes du Chili et du Pérou" un petit mémoire contre la Compagnie de Jésus.
En dédiant son ouvrage au Régent, il prend ouvertement et précocement parti dans la querelle qui aboutira à la victoire des Philosophes et à la défaite des jésuites, qui seront expulsés du Portugal en 1759, et de France en 1764.
Frézier et les fraisiers
Frézier découvre à Concepción (entre Valdivia et Santiago du Chili) une nouvelle espèce de fraisier . Il prélève pour les ramener en France cinq plants de cette Blanche du Chili (la Fragaria chiloensis), à gros fruits blancs différents des fraises des bois alors connues en Europe. Il faut les arroser tous les jours, alors que l’eau douce est une denrée précieuse.
Il débarque le 17 août 1714 à Marseille . Pour les remercier de la ration d'eau supplémentaire qui lui avait été accordée quotidiennement, Frézier offre deux plants de fraisier chilien aux frères Bruny, les armateurs , puis un autre à Lepelletier de Souzy, ainsi qu'à Antoine de Jussieu, au Jardin Royal à Paris, et garde le dernier pied pour lui . Il le plante dans le jardin à Plougastel et le voit se multiplier par croisement spontané.
Le croisement de Fragaria chiloensis avec Fragaria virginiana (de l'est de l'Amérique du Nord) par le botaniste Antoine Nicolas Duchesne est à l'origine de Fragaria ×ananassa, le fraisier cultivé.
Nous y voilà !
M. Frézier premier cultivateur des fraises en France, cela ne s'invente pas !
Le nom de Frézier est par une coïncidence extraordinaire une déformation du mot « fraise » : Julius de Berry, un de ses ancêtres, avait servi un plat de fraises des bois au roi Charles III le Simple à la fin d'un banquet à Anvers en 916 ; le roi le remercia en l'anoblissant et lui donnant le nom de Fraise, qui se déforma en Frazer après émigration de la famille en Angleterre, puis en Frézier, après son retour en Savoie pour faire souche.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Am%C3%A9d%C3%A9e_Fran%C3%A7ois_Fr%C3%A9zier#/media/File:Amedee_frezier.jpg
... à suivre, si vous le voulez bien .
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... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55279
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Amédée-François Frézier (1682-1773) ramène sa fraise
Ah oui, c'est formidable !
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« La mode est à la France ce que les mines du Pérou sont à l'Espagne » Colbert.
Marie-Jeanne- Messages : 1496
Date d'inscription : 16/09/2018
Re: Amédée-François Frézier (1682-1773) ramène sa fraise
Mme de Sabran a écrit:
Le nom de Frézier est par une coïncidence extraordinaire une déformation du mot « fraise » : Julius de Berry, un de ses ancêtres, avait servi un plat de fraises des bois au roi Charles III le Simple à la fin d'un banquet à Anvers en 916 ; le roi le remercia en l'anoblissant et lui donnant le nom de Fraise, qui se déforma en Frazer après émigration de la famille en Angleterre, puis en Frézier, après son retour en Savoie pour faire souche.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Am%C3%A9d%C3%A9e_Fran%C3%A7ois_Fr%C3%A9zier#/media/File:Amedee_frezier.jpg
... à suivre, si vous le voulez bien .
Pas si extraordinaire que ça étant donné que ce genre d'histoire sont typique de la production historiographique des familles du XVIIe et XVIIIe siècle.
Frezier n'a bien sûr pas de rapport avec le fruit, il fait parti de ces innombrables noms de famille dérivant de prénoms oubliés, doublé ici de la francisation d'un nom britannique.
Lucius- Messages : 11656
Date d'inscription : 21/12/2013
Age : 32
Re: Amédée-François Frézier (1682-1773) ramène sa fraise
Merci pour ce portrait détaillé.
J'avais entendu parler de cette aventure lors de l'écoute d'une émission de radio consacrée à l'histoire des plantes voyageuses.
On s'alarme aujourd'hui des méfaits des espèces invasives (dont les végétaux) sur un environnement qui leur est étranger, ainsi que de leur tripatouillage formant des espèces hybrides ; mais ce phénomène est loin d'être nouveau. Il est presque aussi vieux que l'histoire de l'humanité...
Et pour ce qui concerne donc les fraises, je ne le regrette pas !
J'avais entendu parler de cette aventure lors de l'écoute d'une émission de radio consacrée à l'histoire des plantes voyageuses.
On s'alarme aujourd'hui des méfaits des espèces invasives (dont les végétaux) sur un environnement qui leur est étranger, ainsi que de leur tripatouillage formant des espèces hybrides ; mais ce phénomène est loin d'être nouveau. Il est presque aussi vieux que l'histoire de l'humanité...
Et pour ce qui concerne donc les fraises, je ne le regrette pas !
La nuit, la neige- Messages : 18054
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Amédée-François Frézier (1682-1773) ramène sa fraise
La nuit, la neige a écrit:
On s'alarme aujourd'hui des méfaits des espèces invasives (dont les végétaux) sur un environnement qui leur est étranger, ainsi que de leur tripatouillage formant des espèces hybrides
Oui, en Australie, c'est presque une obsession !
La nuit, la neige a écrit:
Et pour ce qui concerne donc les fraises, je ne le regrette pas !
Ah, tais-toi ! Bénissons Amédée-François jusqu'à la 13ème génération !
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... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55279
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Amédée-François Frézier (1682-1773) ramène sa fraise
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Mme de Sabran- Messages : 55279
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Amédée-François Frézier (1682-1773) ramène sa fraise
Recouvrons notre sérieux ...
car ce n'est pas tout, Frézier est vraiment un type épatant !
Il a encore beaucoup de cordes a son arc :
Frézier ingénieur militaire
Frézier est nommé directeur des fortifications de Bretagne en 1739 avec poste à Brest, où, sous sa direction, furent exécutés d'importants travaux, de même qu'à Saint-Domingue (actuellement en Haïti), Nantes, Port-Louis, Concarneau, Morlaix, Saint-Malo, Brest et même jusqu'à Landau et Philippsbourg.
On lui doit en particulier l'achèvement du château du Taureau, dans la baie de Morlaix (1741–1745).
Frézier architecte civil, architecte religieux et polémiste
À Landau, ville du Palatinat rhénan qui appartint à la France de 1680 à 181515, où il séjourna de 1728 à 1739, Frézier dressa les plans de l'Hôpital militaire en construction, ajouta vingt-six fortins aux ouvrages de Vauban et rédigea son monumental traité en trois volumes sur La Théorie et la pratique de la coupe des pierres et des bois pour la construction des voûtes et autres parties des bâtiments civils et militaires…, qu'il simplifia et condensa ultérieurement, en 1760, en un Éléments de stéréotomie à l'usage de l'architecture.
L'ouvrage, extrêmement complexe et spécialisé, souffrit de nombreuses erreurs et coquilles, que Frézier n'eut pas le temps de corriger avant l'impression. Il dut rédiger un chapitre d'errata, et recommanda à ceux qui critiquaient son œuvre de commencer par lire d'abord ce chapitre, et « de ne pas faire l'erreur de l'homme qui s'attacherait plus à examiner le vase qu'à goûter la liqueur qu'il contient. »
Durant son séjour à Landau, Frézier fit également paraître, en 1738, une Dissertation sur les ordres d'architecture.
À Brest, où il vécut après sa nomination, à près de 60 ans, au poste de directeur des Fortifications de Bretagne, poste qu'il occupa pendant 24 ans, Frézier dessina des projets d'aménagement urbain (voirie, fontaines, places, rues), et surtout travailla au remaniement de l'église Saint-Louis.
Garangeau en avait dessiné les plans en 1688, mais les travaux furent bloqués par une procédure des jésuites qui se considéraient propriétaires de l'église. Quand les travaux purent reprendre, en 1742, les plans de Garangeau furent appliqués, mais Frézier put réaliser le baldaquin du maître-autel selon ses propres goûts. Il le plaça, selon son désir, au milieu du chœur, et utilisa pour le supporter quatre superbes colonnes monolithes de marbre cipolin à veines concentriques, dessinant comme un oignon tranché, qui provenaient des ruines de Leptis Magna. Louis XIV en avait reçu un lot de Libye en 1689, au temps de sa splendeur, mais quatre d'entre elles furent « oubliées », ne furent pas utilisées à Versailles, et Frézier les obtint. Terminé en 1758, le baldaquin de l'église Saint-Louis, œuvre d'architecture religieuse de la maturité de Frézier — il avait 76 ans en 1758 — fut fort loué par les contemporains à la fois pour son appareil et pour son esthétique.
Les bombardements de la dernière guerre le détruisirent, comme l'église Saint-Louis.
A Brest Frézier est aussi l'auteur des plans de l'église Saint-Sauveur, église de style jésuite construite dans le quartier de Recouvrance.
À Santiago du Chili, une grande plaque de bronze scellée dans le sol devant l'hôtel de ville, de quatre mètres de côté, atteste et remercie Amedeo Frezier d'avoir dressé en 1712 le plan de la capitale, qu'elle reproduit en bas-relief. Le plan est strictement géométrique : un échiquier délimité par l'entrecroisement de quinze rues en largeur et de dix rues en hauteur, avec la Plaza de Armas (la Grand'Place) légèrement décalée par rapport au centre. Le coin inférieur est traversé par le Rio Mapocho, sur lequel Frézier n'a d'ailleurs prévu aucun pont.
Frézier polémiste
C'est à propos d'architecture que Frézier démontra le plus souvent ses talents de polémiste. Jeune officier, avant son départ pour l'Amérique latine en 1712, il s'opposa avec un humour mordant au chanoine de Cordemoy qui avait osé disserter de la conception architecturale de Saint-Pierre de Rome. Il attaqua ensuite, dans le Mercure de juillet 1743, un M. Le Blanc, qui avait lui aussi mentionné Saint-Pierre de Rome. Et sa victime suivante fut un R.P. Laugier, jésuite, qui tenait pour le style néo-classique et soutenait Cordemoy dans son Essai sur l'architecture.
Frézier ne se privait pas de combattre ses adversaires sur leur propre terrain : ses études de théologie le lui permettaient. De plus il maniait habilement la dérision, et finalement pulvérisait ses adversaires par un argument décisif : eux ne sont que des théoriciens, des architectes en chambre, alors que lui a effectivement manié les matériaux, lui a vraiment construit…
Frézier était-il anticlérical ? Il se trouve simplement que ses adversaires sont des clercs (mais à l'époque les hommes instruits étaient le plus souvent des religieux), qui osent parler d'architecture. Mais Frézier ne supporte manifestement pas que des « moines » (qui ont sans doute embrassé les ordres par opportunisme et sont intellectuellement plus attirés par des disciplines séculières que par la religion) viennent empiéter sur son domaine, et en n'ayant de plus que des connaissances théoriques sur le sujet.
Autre avantage de Frézier sur ses adversaires sédentaires : lui avait vu à Cuzco et à Lima à quels excès peut aboutir l'art religieux, et pour lui « tout y est si confus, chargé et si mauvais qu'on ne peut s'empêcher de regretter les sommes immenses qu'ils [les architectes espagnols] dépensent dans ces galimatias dorés. »
Frézier milita pour la simplicité en architecture, et défendit de plus la beauté et la solidité du style gothique, qui, pour ses contemporains, datait des âges barbares : on doit, dit-il, convenir que le gothique a « de la hardiesse, de belles proportions, de la délicatesse et une exécution admirable… Quant à la solidité, elle est bien prouvée par le grand nombre de monuments qui nous en restent depuis plusieurs siècles… »
... à suivre !
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Mme de Sabran- Messages : 55279
Date d'inscription : 21/12/2013
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