Lettre à son frère de l'aliéniste Pinel sur l'exécution de Louis XVI
2 participants
LE FORUM DE MARIE-ANTOINETTE :: La famille royale et les contemporains de Marie-Antoinette :: Sa famille française :: Louis XVI
Page 1 sur 1
Lettre à son frère de l'aliéniste Pinel sur l'exécution de Louis XVI
PHILIPPE PINEL, ALIÉNISTE (1745 - 1826) - LETTRE A SON FRÈRE SUR L'EXÉCUTION DE LOUIS XVI
"Je ne doute pas que la mort du roi ne soit racontée diversément suivant l'esprit de parti et qu'on ne défigure ce grand évènement soit dans les journaux, soit dans les bruits publics, de manière à défigurer la vérité : comme je suis ici à la source et qu'éloigné par principe de tout esprit de faction, j'ai trop appris le peu de cas qu'il falloit faire de ce qu'on apele "aura popularis", je vais te rapporter fidèlement ce qui est arrivé. C'est à mon grand regret que j'ai été obligé d'assister à l'exécution en armes avec les autres citoyens de ma section et je t'écris, le coeur pénétré de douleur et dans la stupeur d'une profonde consternation.
Louis qui a paru entièrement résigné à la mort par des principes de religion est sorti de sa prison du Temple vers les 9 heures du matin et il a été conduit au lieu du supplice dans la voiture du maire avec son confesseur et deux gendarmes les portières fermées. Arrivé près de l'échafaut il a regardé avec fermeté ce même échafaut et dans l'instant le bourreau a procédé à la cérémonie d'usage, c'est-à-dire qu'il lui a coupé les cheveux qu'il a mis dans sa poche et aussitôt Louis est monté sur l'échafaut ; le roulement d'un grand nombre de tambours qui se faisoit entendre, et qui sembloient apportés pour empêcher le peuple de demander grâce, a été d'abord interrompu par un geste qu'il a fait lui-même comme voulant parler au peuple assemblé ; mais à un autre signal qu'à donné l'adjudant du Général de la garde nationale les tambours ont repris leur roulement ensorte que la voix de Louis a été étouffée et qu'on n'a pû entendre que quelques mots confus comme : "je pardonne à mes ennemis", etc. Mais en même temps il a fait quelques pas autour de la fatale planche où il a été attaché, comme par un mouvement volontaire ou plutôt par horreur si naturelle à tout homme qui voit approcher sa fin dernière ou bien par l'espoir que le peuple demanderoit sa grâce, car quel est l'homme qui n'espère pas jusqu'aux derniers moments. L'adjudant du Général a donné ordre au bourreau de faire son devoir et dans l'instant Louis a été attaché à la fatale planche de ce qu'on appele la guillotine et la tête lui a été tranchée sans qu'il ait eu presque le temps de souffrir, avantage qu'on doit du moins à cette machine meurtrière qui porte le nom d'un médecin qui l'a inventée. Le bourreau a aussitôt retiré la tête du sac où elle s'engage naturellement et l'a montrée au peuple.
Aussitôt qu'il a été exécuté il s'est fait un changement subit dans un grand nombre de visages, c'est-à-dire d'une sombre consternation on a passé rapidement à des cris de vive la nation, du moins, la cavalerie qui étoit présente à l'exécution et qui a mis ses casques au bout de ses sabres. Quelques citoyens en ont fait de même, mais un grand nombre s'est retiré le coeur navré de douleur en venant répandre des larmes au sein de sa famille. Comme cette exécution ne pouvait se faire sans répandre du sang sur l'échafaut, plusieurs hommes se sont empressés d'y tremper les uns l'extrémité de leur mouchoir, d'autres un morceau de papier ou tout autre chose pour conserver le souvenir de cet évènement mémorable, car il ne faut pas se livrer à des interprétations odieuses. Le corps a été aussitôt transporté dans l'église Sainte-Marguerite, après que des commissaires de la municipalité, du département et du tribunal criminel, ont eu dressé le procès-verbal de l'exécution ...
Il me seroit facile de m'étendre sur le jugement qu'à prononcé l'assemblée nationale et de faire voir jusqu'à quel point la prévention et la haine ont éclaté. Je suis certainement bien loin d'être Royaliste et personne n'a une passion plus sincère que moi pour la prospérité de ma patrie, mais je ne puis me dissimuler que la Convention nationale s'est chargée d'une responsabilité bien redoutable et qu'en outre elle a dépassé ses pouvoirs ... Le Corps législatif avait sans doute le droit de créer un Tribunal ou une Commission pour le jugement du Cy devant Roi prévenu d'avoir favorisé l'entrée des troupes étrangères dans la France, encore ne pouvait-on le juger que d'après les lois de la constitution qui déclare dans deux cas la déchéance du Roi, en supposant qu'on eut nommé une commission extra-ordinaire, c'étoit encore aux Ministres ou Conseil exécutif provisoire de nommer les membres de ce Tribunal ; il auroit fallu établir un jury d'accusation et observer à la rigueur toutes les formalités du code pénal. Alors la Convention nationale eût été à couvert et ne se fût point exposée au repentir trop tardif d'avoir commis la plus grande infraction des loix éternelles de la justice ...
... Si on se livre à des considérations politiques on voit bien d'un autre côté dans quel abîme de maux peut nous plonger un jugement aussi illégal et aussi précipité, tandis qu'il paroit que la majorité de la nation auroit seulement voté pour la réclusion. Si tu connaissais comme moi tous les ressorts perfides que les méchans font mouvoir pour entraîner dans le piège des députés des départemens qui arrivent ici sans expérience, si tu pouvois comme moi te former une idée des astuces perfides, de l'audace impudente et effrénée avec les queles se montre le Crime dans ces temps de révolution et de trouble en vérité tu serois à jamais dégouté de vouloir te meler d'aucune affaire politique. Tu sais que dans les premiers temps de la révolution j'ai eu aussi cette ambition ; mais ma vie ainsi que celle de mes confrères a été tellement en danger lors meme que je ne demandois que la justice et le bien du peuple, j'ai conçu une si profonde horreur pour les clubs et les assemblées populaires que je me suis depuis cette époque éloigné de tous les postes publics qui ne se rapportent point à ma profession de médecin. Quelqu'un m'a dit que tu avois failli être nommé à l'assemblée nationale. Ah que tu dois te féliciter d'être loin de cet effrayant tourbillon qui menace d'engloutir tout ce qui s'y présente ..."
http://shenandoahdavis.canalblog.com/archives/2018/11/08/36841795.html
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55300
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Lettre à son frère de l'aliéniste Pinel sur l'exécution de Louis XVI
Je ne connaissais pas cette lettre à mon avis représentative de la pensée d'une bonne partie du peuple français qui manqua à s'exprimer. Merci.
_________________
« La mode est à la France ce que les mines du Pérou sont à l'Espagne » Colbert.
Marie-Jeanne- Messages : 1497
Date d'inscription : 16/09/2018
Sujets similaires
» Louis-Joseph-Xavier de France (1751-1761), duc de Bourgogne, frère ainé de Louis XVI
» Lettre écrite par PICHON à son frère en apprentissage à PITHIVIERS
» Philippe d'Orléans, frère de Louis XIV de Elisabetta Lurgo
» Lettre de Louis XVI au baron de Breteuil
» Huissier de la Chambre de Louis XVI : François Hüe
» Lettre écrite par PICHON à son frère en apprentissage à PITHIVIERS
» Philippe d'Orléans, frère de Louis XIV de Elisabetta Lurgo
» Lettre de Louis XVI au baron de Breteuil
» Huissier de la Chambre de Louis XVI : François Hüe
LE FORUM DE MARIE-ANTOINETTE :: La famille royale et les contemporains de Marie-Antoinette :: Sa famille française :: Louis XVI
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
|
|