Le marquis de Travanet, banquier du Jeu de la Reine
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Le marquis de Travanet, banquier du Jeu de la Reine
Jean Joseph Guy Henri de Bourguet de Travanet
Né en 1746 de l'union de Etienne de Guilhem de Bourguet de Travanet, Seigneur de la Roque-Travanet 1717-1771 et de Louise de Gau de Frégeville, il est d'abord Mousquetaire du Roi sous le commandement du marquis de la Vaupallière puis en 1776 maître de camp de dragons du marquis de Sillery. Il est probable qu'il rencontre sa future femme chez son supérieur, car elle habite précisément le très bel hôtel de la Vaupallière, à Paris, au 85 rue du Faubourg Saint-Honoré .
La future marquise de Travanet n'est autre que Jeanne-Renée de Bombelles, la propre soeur de notre vieil ami Marc de Bombelles, ministre du roi au Portugal, attachée au service de Mme Élisabeth, soeur de Louis XVI, en 1779.
Nous voici en terrain de connaissance . C'est d'ailleurs par l'entremise de sa soeur Jeanne-Renée que Marc de Bombelles avait épousé Mlle de Mackau . Angélique de Bombelles était, de toute éternité, la compagne de jeux et la meilleure amie de Madame Elisabeth . Sa position était donc tout à fait intéressante puisque toute le famille royale lui portait un affectueux intérêt.
Le marquis de Travanet entrevit là le moyen d'acquérir une stature à laquelle il n'aurait jamais pu prétendre par ses seuls mérites .
La dot de Jeanne-Renée n'était pas mirobolante , mais la comtesse Diane de Polignac semble s'être occupée avec zèle de ce mariage et avoir triomphé des hésitations de M. de Travanet en lui faisant promettre de l'avancement par le prince de Montbarrey. M. de Travanet était un homme charmant, maître d'une belle fortune, possesseur d'une terre à Viarmes près de Chantilly, c'était un joueur incorrigible, et nous verrons les grands ennuis qu'il donna à sa femme. Mais ne mettons pas la charrue avant les boeufs, pour l'instant c'est sous un ciel sans nuages que le contrat est signé le 17 novembre, en présence de la famille royale; le mariage a lieu le lendemain, en l'église Saint-Louis.
Une lettre rigolote comme tout , de Madame Élisabeth à Angélique de Bombelles, au sujet de ce mariage:
«Dis à Mme de Travanette que je meure d'envie de la voir. Mande-moi toutes les grimasses qu'a fait ta belle-sœur pendant le mariage et toutes les bêtises, qu'elle aura dit qui certainement t'ont beaucoup ennuyée si tu les a écoutées, et qui m'amuseront beaucoup 147 en les lisant...» Cette lettre badine se termine ainsi:
« Adieu, ma petite sœur Saint-Ange, il me paroit qu'il y a mille ans que je ne t'ai vue, je t'embrasse de tout mon cœur et suis de
Votre Altesse,
«La très humble et très obéissante
servante et sujette,
«Élisabeth de France
dite la Folle.»
Votre Altesse,
«La très humble et très obéissante
servante et sujette,
«Élisabeth de France
dite la Folle.»
Grâce à sa femme, M. de Travanet entre dans le cercle des familiers de la Cour et de tout ce qui compte à Versailles. Dès lors, il jouit d'une faveur incontestable : le 21 novembre, il est fait chevalier de Saint-Louis par la grâce du roi .
Et le voici banquier du Jeu de la Reine ( Je ne retrouve pas notre sujet " le Jeu de la Reine " ) qui est une fureur , fonction très lucrative car tous les grands seigneurs ( et même les plus petits ) jouent très gros .
Le marquis fraye aussi avec le duc d’Orléans. Spéculateur avisé, dans les dix années précédant la Révolution, il accumule une fortune colossale. Il pénètre les milieux influents, en particulier celui de la finance.
Il était aussi administrateur et actionnaire principal de la Compagnie des eaux de Paris, avec les financiers Palteau de Veymerange, le Couteulx de Canteleu. Le marquis de Travanet avait, dit-on, un revenu dépassant les 300 000 livres (source Wiki).
Il mène très grand train entre la seigneurie de Viarmes, château et dépendances, qu'il achète en 1780, et son hôtel parisien, ambassade de Russie jusqu'en 1783 et qu'il acquiert en 1784.
Mme de Travanet est prolixe dans les élans de gratitude vers son frère !
Elle écrit à Bombelles, de Viarmes :
«Tu entends les expressions de ma joie de vous voir heureux. Ah! que j'aime à prononcer ce mot, moi qui aurais désiré que ton premier mouvement le soit. Enfin plus tu as souffert dans ta vie, plus tu sens le prix des jouissances que tu donnes, car c'est toi qui es l'auteur de tout le bien qui t'arrive; au lieu que, moi, c'est à toi que je dois celui que j'éprouve. Je suis bien reconnaissante aussi, et tu peux te dire: ma sœur est bien, bien heureuse. Les petits nuages qui ont noirci, pendant quelque temps, les flambeaux de l'hymen sont entièrement dissipés. Je respire sous un ciel pur et serein. Je mène une vie très agréable. S'il n'y avait pas toujours deux cent lieues à franchir pour arriver jusqu'à toi, elle le serait encore plus. Ma sœur, la comtesse de Matignon et moi nous sommes seules ici, depuis trois semaines, sans nous être ennuyées un moment. La comtesse de Matignon est charmante: au village ses goûts sont aussi simples qu'elle est élégante à la ville. Nous lisons, chantons, travaillons toutes trois; nous allons voir les châteaux voisins à âne, ce qui nous amuse considérablement. Nous avons passé une journée à Chantilly: c'est le plus beau lieu de la nature.»
Quant à son mari, elle en a d'excellentes nouvelles, et il semble, « par le détail qu'il me rend de sa conduite, que le comte de Broglie en fera des éloges mérités. Il passe sa matinée à voir manœuvrer, dîne presque tous les jours au Gouvernement, et, après avoir fait la partie de tric-trac du comte, le soir, il soupe à l'Intendance...»
A Montreuil, Madame Elisabeth mène une vie paisible loin du tumulte de la Cour .
Dès le début de l'année 89, elle insista pour que fût entièrement organisée la vacherie et fit acheter d'excellentes vaches laitières .
Jacques Bosson fut engagé pour s'en occuper, sur la recommandation de Mme de Diesbach . C'est ce Suisse, souffrant du mal du pays et encore plus du mal d'amour, qui inspira à la Travanette ( comme Madame Elisabeth avec son génie des surnoms ( ) appelait la soeur de Bombelles ) sa Complainte du pauvre Jacques .
... dont il existerait une parodie :
Complaintes de Louis XVI
d'un auteur inconnu
Date : 1793
... à suivre : la Révolution !
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Le marquis de Travanet, banquier du Jeu de la Reine
Pardon, je mets un peu la charrue avant les boeufs ...
Avant la Révolution, intervient la séparation entre le marquis de Travanet et sa femme.
Il n'était pas rare à l'époque que les couples battent ainsi de l'aile, mais de là à divorcer il y avait un monde .
Quand, à la fin d'octobre 1786, notre Bombelles partit pour Lisbonne où il venait d'être nommé ministre du roi ( il briguait Constantinople, mais on ne fait pas toujours ce que l'on veut ), il emmenait avec lui sa femme, ses trois enfants âgés de six ans, de trois ans et de dix mois, et sa sœur, Mme de Travanet, qui vivait alors séparée de son mari !
Mme de Travanet avait peut-être le caractère un peu vif, mais monsieur qui était, rappelons-le, banquier du Jeu de la Reine, était lui-même un joueur invétéré. Le mariage ne l'avait pas assagi. Il n'avait pas su renoncer à sa passion des cartes: d'où des brèches considérables faites à sa fortune, le repos du ménage tout à fait compromis, des scènes peut-être et la jeune délaissée obligée de chercher aide et protection auprès de son frère.
Les deux belles-sœurs, nous dit le comte de Fleury, éprouvaient l'une pour l'autre une solide affection—les lettres déjà citées et d'autres, postérieures, le prouvent abondamment,—mais leurs caractères ne battaient pas au même unisson que leurs cœurs: à certaines réticences ou tout bonnement à de franches récriminations on devine aisément que ces deux femmes sensibles et un peu tyranniques dans l'attachement—amoureux ou tendre—dont elles enlaçaient le marquis, étaient jalouses l'une de l'autre. Cette jalousie amène querelles et scènes, on se déteste et on se hait en paroles, qui n'ont rien du classique «tendrement»; mais ce ne sont là que courts orages, le doux et trop aimé Bombelles ramène au plus vite l'arc-en-ciel sur ces jolis fronts courroucés.
Avant la Révolution, intervient la séparation entre le marquis de Travanet et sa femme.
Il n'était pas rare à l'époque que les couples battent ainsi de l'aile, mais de là à divorcer il y avait un monde .
Quand, à la fin d'octobre 1786, notre Bombelles partit pour Lisbonne où il venait d'être nommé ministre du roi ( il briguait Constantinople, mais on ne fait pas toujours ce que l'on veut ), il emmenait avec lui sa femme, ses trois enfants âgés de six ans, de trois ans et de dix mois, et sa sœur, Mme de Travanet, qui vivait alors séparée de son mari !
Mme de Travanet avait peut-être le caractère un peu vif, mais monsieur qui était, rappelons-le, banquier du Jeu de la Reine, était lui-même un joueur invétéré. Le mariage ne l'avait pas assagi. Il n'avait pas su renoncer à sa passion des cartes: d'où des brèches considérables faites à sa fortune, le repos du ménage tout à fait compromis, des scènes peut-être et la jeune délaissée obligée de chercher aide et protection auprès de son frère.
Les deux belles-sœurs, nous dit le comte de Fleury, éprouvaient l'une pour l'autre une solide affection—les lettres déjà citées et d'autres, postérieures, le prouvent abondamment,—mais leurs caractères ne battaient pas au même unisson que leurs cœurs: à certaines réticences ou tout bonnement à de franches récriminations on devine aisément que ces deux femmes sensibles et un peu tyranniques dans l'attachement—amoureux ou tendre—dont elles enlaçaient le marquis, étaient jalouses l'une de l'autre. Cette jalousie amène querelles et scènes, on se déteste et on se hait en paroles, qui n'ont rien du classique «tendrement»; mais ce ne sont là que courts orages, le doux et trop aimé Bombelles ramène au plus vite l'arc-en-ciel sur ces jolis fronts courroucés.
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Le marquis de Travanet, banquier du Jeu de la Reine
J'ai grande hâte de lire la suite de ce feuilleton palpitant. Qu'advint-il de ce marquis banquier ?
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Un verre d'eau pour la Reine.
Mr de Talaru- Messages : 3193
Date d'inscription : 02/01/2014
Age : 65
Localisation : près des Cordeliers...
Re: Le marquis de Travanet, banquier du Jeu de la Reine
Mr de Talaru a écrit:J'ai grande hâte de lire la suite de ce feuilleton palpitant.
Merci, mon cher François !
Et, si, si, les Travanet vont bientôt divorcer, ce qui fera extrêmement mauvais effet dans le monde, et la duchesse de Polignac intercèdera auprès du roi et de la reine pour la Travanette dont la réputation est en jeu .
D'abord, Mme de Polignac accordera au marquis de Bombelles une audience de trois quarts d'heure pour l'entendre lui expliquer les démêlés conjugaux de sa soeur . Elle l'écoute avec patience et compréhension car le divorce est douloureux et notre pauvre Bombelles presque qu'autant éprouvé que sa soeur.
A la Cour, on estime généralement que Mme de Travanet devrait déjà être bien heureuse que son mari lui donnât 15 000 livres, n'ayant pas grand chose à elle en propre . Bien que Marie-Antoinette croie sincèrement que les torts des deux époux sont bien partagés, Bombelles dit à Mme de Polignac tout ce qui doit lui donner une meilleure opinion des malheurs de sa soeur que celle qu'on cherche à en faire prendre à la famille royale .
Enfin berf ! notre marquis est sorti de cet entretien très content de Mme de Polignac qui rectifiera les idées de la reine sur le compte d'une malheureuse femme traitée avec une rigueur aussi inouïe qu'injuste . C'est ainsi qu'il le note dans son Journal .
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Le marquis de Travanet, banquier du Jeu de la Reine
Nous ne savons ni où ni quand ce divorce est prononcé , mais il ne fait pas l'ombre d'un doute puisqu'il est dûment attesté, à la Révolution, par le Comité de Sûreté Générale , ainsi que dans la liquidation de succession du marquis . Il y est bien spécifié que la malheureuse épouse délaissée n'a aucun droit sur l'héritage, suite à leur divorce .
Pendant que Jeanne-Renée suit son frère et sa belle-soeur au Portugal, Travanet vite consolé l'oublie dans les bras d'une certaine Jeanne Charpentier, divorcée elle aussi de Jacques-Charles de Mailly peintre portraitiste de Catherine de Russie .
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Le marquis de Travanet, banquier du Jeu de la Reine
Le divorce n'existant pas avant 1792 en France, il ne peut avoir lieu que postérieurement.
Lucius- Messages : 11656
Date d'inscription : 21/12/2013
Age : 33
Re: Le marquis de Travanet, banquier du Jeu de la Reine
Mme de Sabran a écrit:
fonction très lucrative car tous les grands seigneurs ( et même les plus petits ) jouent très gros ..
Et très risqué aussi. Car joué gros signifie qu'une banqueroute n'est jamais impossible, d'autant que la banque ne peut quitter le jeu. Il faut avoir une considérable trésorerie et du doigté.
Lucius- Messages : 11656
Date d'inscription : 21/12/2013
Age : 33
Re: Le marquis de Travanet, banquier du Jeu de la Reine
Lucius a écrit:Le divorce n'existant pas avant 1792 en France, il ne peut avoir lieu que postérieurement.
C'est très juste !
D'autant que le marquis de Travanet s'engouant pour la Révolution, ce sera une raison majeure de plus pour sa femme, royaliste jusqu'au bout des ongles, de le fuir avec horreur .
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Le marquis de Travanet, banquier du Jeu de la Reine
Quelle histoire rocambolesque.
Le divorce n'a existé qu'à partir de 1792 mais avant cela, il existait d'autres moyens de se délier des liens du mariage : soit en demandant l'annulation du mariage (en cas d'impuissance du mari par exemple - ce fut le cas du marquis de Gesvres homosexuel notoire qui fut attaqué en nullité de son mariage par sa femme) soit en sollicitant la séparation de corps et de biens (en cas d'adultère ou d'inconduite notoire de l'époux par exemple).
La séparation de corps et de biens ne mettait pas juridiquement fin au mariage, mais elle avait pour effet de permettre aux époux de vivre séparé et surtout, elle mettait fin à la solidarité de la femme pour les dettes contractées par son époux ... Sans doute les Travanet ont-ils conclu une transaction par devant notaire pour convenir d'une séparation de corps et de biens ?...
Le divorce n'a existé qu'à partir de 1792 mais avant cela, il existait d'autres moyens de se délier des liens du mariage : soit en demandant l'annulation du mariage (en cas d'impuissance du mari par exemple - ce fut le cas du marquis de Gesvres homosexuel notoire qui fut attaqué en nullité de son mariage par sa femme) soit en sollicitant la séparation de corps et de biens (en cas d'adultère ou d'inconduite notoire de l'époux par exemple).
La séparation de corps et de biens ne mettait pas juridiquement fin au mariage, mais elle avait pour effet de permettre aux époux de vivre séparé et surtout, elle mettait fin à la solidarité de la femme pour les dettes contractées par son époux ... Sans doute les Travanet ont-ils conclu une transaction par devant notaire pour convenir d'une séparation de corps et de biens ?...
Duc d'Ostrogothie- Messages : 3227
Date d'inscription : 04/11/2017
Re: Le marquis de Travanet, banquier du Jeu de la Reine
Tout à fait.
La séparation de corps, en plus de protéger l'épouse des dettes de l'époux, la remettait en possession de sa dot et de la moitié de la communauté, ce qui pouvait être très avantageux pour elle si son contrat de mariage avait été bien négocié.
La séparation de corps, en plus de protéger l'épouse des dettes de l'époux, la remettait en possession de sa dot et de la moitié de la communauté, ce qui pouvait être très avantageux pour elle si son contrat de mariage avait été bien négocié.
Lucius- Messages : 11656
Date d'inscription : 21/12/2013
Age : 33
Re: Le marquis de Travanet, banquier du Jeu de la Reine
En somme, Jeanne-Renée s'en sort financièrement plutôt mal .
Toujours est-il que, la Révolution éclatant, le destin du marquis de Travanet va se confondre avec celui de l'abbaye de Royaumont .
Nous connaissons très bien l'abbé commanditaire de Royaumont ( si si ! vous allez le reconnaître bientôt après la prise de la Bastille ) ) qui se trouve aussi être l'aumônier ordinaire du roi . Il s'agit de Henri-Etienne Le Cornut de la Ballivière . Ce mondain qui aime le faste s'est fait construire un palais épiscopal de style palladien. Il a pour plus proches voisins les châtelains de Viarmes, le marquis et la marquise de Travanet, qu'il convie à ses réceptions.
Toujours à cours d'argent, la Ballivière est contraint de vendre l'hôtel de Royaumont situé au 4 rue du Jour à Paris .
Quand arrive la Révolution, Mme de Travanet a déjà quitté son époux . 14 juillet, prise de la Bastille .
Dans la nuit du 16 au 17, le duc et la duchesse de Polignac fuient Versailles . Avec eux dans la voiture, la comtesse Diane, Guichette et ... l'abbé de Ballivières, eh oui ! cet abbé qui a plusieurs reprises leur sauvera la mise et les suivra partout en exil . Ils sont un peu apparentés d'ailleurs. Par quel bout, au fait, mon petit Lulu ?
C'est une aubaine pour Travanet gagné à la cause révolutionnaire et qui espère, dans la confusion, pouvoir acheter à vil prix l'abbaye de Royaumont. Il a derrière la tête des projets précis sur l'utilisation de ces bâtiments . Dans une France en pleine déchristianisation, l'abbaye n'abrite plus qu'une dizaine de moines dont les chants résonnent à peine dans l'immense église .
Bien informé, Travanet attend son heure ...
Toujours est-il que, la Révolution éclatant, le destin du marquis de Travanet va se confondre avec celui de l'abbaye de Royaumont .
Nous connaissons très bien l'abbé commanditaire de Royaumont ( si si ! vous allez le reconnaître bientôt après la prise de la Bastille ) ) qui se trouve aussi être l'aumônier ordinaire du roi . Il s'agit de Henri-Etienne Le Cornut de la Ballivière . Ce mondain qui aime le faste s'est fait construire un palais épiscopal de style palladien. Il a pour plus proches voisins les châtelains de Viarmes, le marquis et la marquise de Travanet, qu'il convie à ses réceptions.
Toujours à cours d'argent, la Ballivière est contraint de vendre l'hôtel de Royaumont situé au 4 rue du Jour à Paris .
Quand arrive la Révolution, Mme de Travanet a déjà quitté son époux . 14 juillet, prise de la Bastille .
Dans la nuit du 16 au 17, le duc et la duchesse de Polignac fuient Versailles . Avec eux dans la voiture, la comtesse Diane, Guichette et ... l'abbé de Ballivières, eh oui ! cet abbé qui a plusieurs reprises leur sauvera la mise et les suivra partout en exil . Ils sont un peu apparentés d'ailleurs. Par quel bout, au fait, mon petit Lulu ?
C'est une aubaine pour Travanet gagné à la cause révolutionnaire et qui espère, dans la confusion, pouvoir acheter à vil prix l'abbaye de Royaumont. Il a derrière la tête des projets précis sur l'utilisation de ces bâtiments . Dans une France en pleine déchristianisation, l'abbaye n'abrite plus qu'une dizaine de moines dont les chants résonnent à peine dans l'immense église .
Bien informé, Travanet attend son heure ...
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Le marquis de Travanet, banquier du Jeu de la Reine
Tout vient à point pour qui sait attendre, dit le proverbe .
Travanet voit les événements se précipiter et consulte le cahier de doléances du Tiers Etat de sa commune de Viarmes . Il souscrit aux demandes des paysans, salue la prise de la Bastille qui ôte la Ballivière de son chemin, applaudit à l'abolition des privilèges, lui l'ex banquier du Jeu de la reine !
Les bienfaits font souvent des ingrats .
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Le marquis de Travanet, banquier du Jeu de la Reine
Mme de Sabran a écrit:
Les bienfaits font souvent des ingrats .
Ah ça ! Marie-Antoinette en voulait beaucoup à la noblesse française pour son ingratitude. Mme Campan en parle ainsi dans ses mémoires :
La reine ne pardonnait donc pas aux nobles de "s'être jetés dans le parti de la révolution, eux qui obtenaient toutes les faveurs, et souvent au détriment des gens d'un ordre inférieur, parmi lesquels se trouvaient les plus grands talents"....
Duc d'Ostrogothie- Messages : 3227
Date d'inscription : 04/11/2017
Re: Le marquis de Travanet, banquier du Jeu de la Reine
Certes, certes, mais la noblesse en voulait beaucoup aussi à Louis XVI de son inertie .
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Le marquis de Travanet, banquier du Jeu de la Reine
Oui oui mais ça c'est une fois que la Révolution était enclenchée. Car c'est quand même bien la noblesse qui a donné le coup d'envoi de la Révolution : tant la noblesse de robe (les parlementaires) que la noblesse d'épée (duc d'Orléans, Lafayette)...
Duc d'Ostrogothie- Messages : 3227
Date d'inscription : 04/11/2017
Re: Le marquis de Travanet, banquier du Jeu de la Reine
Oui, mais pas pour obtenir une république : pour opérer un changement dynastique propre à une monarchie constitutionnelle, avec pour joker le duc d'Orléans.
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Le marquis de Travanet, banquier du Jeu de la Reine
Comme toujours en France, l'élite jalouse du pouvoir central a scié la branche sur laquelle elle était assise...
Duc d'Ostrogothie- Messages : 3227
Date d'inscription : 04/11/2017
Re: Le marquis de Travanet, banquier du Jeu de la Reine
Qui sème le vent récolte la tempête .
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Le marquis de Travanet, banquier du Jeu de la Reine
La baronne d'Oberkirch disait de la Travanette :
J'ai pour Mme de Travanet la plus vive amitié . C'est une des meilleures, des plus spirituelles et plus charmantes femmes que je connaisse .
... et Madame Elisabeth :
Mme de Trazanet, femme charmante, spirituelle à ravir, intarissable causeuse ayant toujours quelque chose à dire sans jamais être bavarde . ( )
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Le marquis de Travanet, banquier du Jeu de la Reine
Le désormais citoyen Bourguet ( exit le ci-devant marquis de Travanet, par les temps qui courent c'est plus prudent ) emploie pas moins de trois cents ouvriers à la construction de l'usine et de quarante-quatre logements, avec les pierres récupérées de la démolition de l'église . Les machines sont fabriquées dans l'usine de Chaillot des frères Périer, à l'imitation des modèles anglais et Travanet fait venir du Tarn des collaborateurs expérimentés, tel Jean-Raymond Cavailhes à qui est confiée la direction de l'usine .
Dès 1792 , la filature tourne à merveille, profitant de la libre concurrence et de l'interdiction de droit de grève.
Le haut lieu spirituel est devenu un embryon du futur capitalisme .
Cette popularité, sa fortune, sa réussite insolente ne pouvaient qu'attirer à Travanet jalousie et animosité ...
Le 11 septembre 1793, l'ancien banquier du Jeu de la reine est dénoncé par Louis Héron, l'un des plus féroces accusateurs au sein du Comité de Sûreté Nationale, comme " homme suspect, étalant le luxe le plus insolent, possédant au moins 300 000 livres de rentes. Il est, comme ses pareils, ennemi de notre Révolution et l'équité et le salut du peuple exige que l'on s'assure de sa personne ."
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Le marquis de Travanet, banquier du Jeu de la Reine
Mme de Sabran a écrit: " homme suspect, étalant le luxe le plus insolent."
Duc d'Ostrogothie- Messages : 3227
Date d'inscription : 04/11/2017
Re: Le marquis de Travanet, banquier du Jeu de la Reine
Quel sujet passionnant ! Merci chère Eléonore !!!
Gouverneur Morris- Messages : 11795
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Le marquis de Travanet, banquier du Jeu de la Reine
Gouverneur Morris a écrit:Quel sujet passionnant !
Merci, mon cher Momo .
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Le marquis de Travanet, banquier du Jeu de la Reine
Toute aux festivités du mariage de Loulou et Marie-Antoinette, j'ai un peu oublié mon Travanet, d'ailleurs en très mauvaise posture puisque le salut du peuple exige que l'on s'assure de sa personne .
Ce qu'il ne faut pas lire !
Voilà la section Lepeltier du Comité révolutionnaire qui investit son domicile parisien de la rue de Gramont pour y effectuer des perquisitions au maigre butin : quelques armes sans intérêt, une correspondance d'affaire ... rien de compromettant ... Jusqu'au moment où sur les indications du valet de chambre " soumis à pression ", on dégage dans la cave moult bouteilles pour déterrer deux coffres de bois qui s'avèrent remplis d'argenterie et de vermeille ... "
L'hôtel de Travanet est mis sous scellés.
L'ex-marquis est arrêté à Viarmes, le 15 novembre 1793 en même temps que son frère et son neveu. Mme de Mailly ( la survivancière de la Travanette ) est embarquée avec eux . Comme, au Comité de Sûreté nationale, elle se met à copieusement invectiver Robespierre, tous les amenés de Royaumont se retrouvent sous les verrous . Tous sont relâchés dans les deux mois grâce à de nombreux témoignages de leur patriotisme ... sauf Travanet qui moisit enfermé à la Folie Régnault .
Le voisinage fait froid dans le dos : "Garage de la Guillotine. Le terrain et l'immeuble appartiennent à M. Deibler, exécuteur des Hautes-Oeuvres, 60 rue de la Folie-Régnault."
Mise à part la sortie du garage, aucune ouverture ne donnait sur la rue. A une époque, le hangar avait un oeil de bœuf mais la moindre lumière attirait de suite les curieux. Pour cette raison, il fut retiré, ne laissant qu'un mur plein sur lequel les enfants gribouillaient quelques jeux et fantaisies.
"Dans cette rue et vers le milieu, entre le passage de la Folie-Régnault et l'impasse Launay, se détache, séparée de toute autre habitation, une maison sans numéro, de construction bizarre, à l'aspect triste et désolé : quatre murailles, auxquelles l'action du vent et de la pluie a imprimé une sorte de pâleur livide, un toit rouge et dégradé, un grand ovale ouvrant sur la rue, comme un oeil béant et fixe qui se détache dans le haut et sous l'auvent de la toiture. Le vitrail de cet oeil est à moitié défoncé, presque tous les gens du mauvais monde, na passent jamais devant la maison maudite, comme ils l'appellent, sans y jeter une pierre. C'est une sorte de vengeance ou une manière de conjurer le sort. C'est dans cette habitation à l'aspect sinistre que sont remisés les bois de justice. "
https://sites.google.com/site/laroquette/la-place-de-la-roquette/le-hangar-de-la-veuve
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Le marquis de Travanet, banquier du Jeu de la Reine
Encore que, ce garage n'existait peut-être pas déjà en 1793 ?
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
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LE FORUM DE MARIE-ANTOINETTE :: La famille royale et les contemporains de Marie-Antoinette :: Autres contemporains : les hommes du XVIIIe siècle
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