Le marquis de Travanet, banquier du Jeu de la Reine

L'incarcération du citoyen Travanet est parfaitement arbitraire, comme on peut le lire dans son dossier :

Il n'a d'autres liaisons ni citation grave, sa famille est nombreuse et sans fortune, à laquelle il a toujours servi de père en leur faisant partager la sienne et avec les ouvriers qui sont employés à l'établissement de la manufacture. Son caractère a été bon et bienfaisant à toutes les époques dans les crises et les guerres, c'est un bon patriote et un bon républicain, il en a donné des preuves non équivoques .

C'est à se demander pourquoi l'on garde à l'ombre cet homme-là !
Sa famille, ses ouvriers, ensemble, envoient plusieurs pétitions pour demander sa libération .  Lui-même adresse des suppliques serviles et obséquieuses .   Il s'y vante d'avoir fait détruire l'abbaye de Royaumont comme d'un acte patriote.  

Dans cet antre de l'Ancien Régime,  l'abbé de Ballivières avait reçu le futur Paul Ier et Gustave III.  
 Excusez du peu ...  
La voici en 1790, avant que les pioches de Travanet ne l'attaquent :

Travanet doit donc son salut à la chute de Robespierre .

Il retourne dans son abbaye. Tout est en ordre comme il l'avait laissé. Il est malade mais n'en reprend pas moins la direction de son usine à laquelle il adjoint une filature de coton. La roue hydraulique de six mètres de diamètre est installée au centre du bâtiment des moines et alimentée par un nouveau canal (celui que l'on aperçoit aujourd'hui depuis l'entrée). Une seconde roue est installée dans le bâtiment des latrines. Deux travées du réfectoire des moines qui avaient été abattues sont maintenant le séchoir. La production est bien lancée : deux cents livres de coton par jour . Le long de l'emplacement de l'église disparue, un bâtiment de quatre-vingt-cinq mètres de long sera érigé en 1795 pour abriter des métiers à tisser le coton, l'année même de la mort de Travanet . Le marquis s'éteint à 49 ans, peu de jours avant la proclamation du Directoire .

Vous ne me croiriez pas si je vous disais que la Travanette fit une veuve éplorée   , eh bien je ne vous le dirai pas .  Elle n'avait aucune raison de cruellement regretter son mari .  En revanche, elle garda des liens affectueux avec sa belle-famille .  
Contrainte à l'exil par la Révolution, nous l'avions déjà vu partir au Portugal, avec son frère le marquis de Bombelles .  Elle regagna la France peu après Thermidor .   Son divorce l'exclut de la succession mais elle garde une indemnité et l'usufruit du moulin de Giez qu'elle revend aussitôt aux héritiers du marquis.
En décembre 1795, elle est présente au mariage de son neveu avec une protégée de son ex-mari . Beaucoup plus tard, en 1720, elle fit la route de Paris ( où elle habite ) jusqu'à Nancy pour assister à celui de son autre neveu !
Nous ignorons la date de sa mort .

Quant à Bombelles, veuf depuis la mort à trente-neuf ans de son Angélique en mettant au monde son septième enfant  (  ) , il entra dans les ordres comme nous le savons bien ...

Tout sur l'abbaye de Royaumont : http://monumentshistoriques.free.fr/abbayes/royaumont/commende.html

Merci, ma chère Diane, pour ce lien et la photo qui l'accompagne .
Il est assez terrible de la comparer avec la gravure juste au-dessus : Travanet pouvait en effet se vanter d'avoir tout cassé .

... une toute petite erreur dans le texte : la marquise de Travanet n'était pas la fille mais la soeur du marquis de Bombelles .

Le marquis a-t-il fait détruire l'abbaye par anti-cléricalisme ou pour faire construire une demeure à la place ?... les raisons de cette destruction ne sont pas claires.

En tout cas, c'est assez surprenant comme comportement, pour quelqu'un d'aussi proche de la famille royale.

Je crois que Travanet est avant tout un pragmatique : il veut construire son usine. Il fait démolir les bâtiments qui le gênent, et hop ! récupère les matériaux . Le prétexte anticlérical est intelligent s'il lui vaut vraiment d'échapper à la guillotine .

Cela me rappelle la du Barry qui de peur de finir à l'échafaud, prétendra lors de son interrogatoire que le duc de Brissac l'avait forcé à avoir une relation avec lui. Je peux comprendre la peur de tous ces gens mais c'est quand même pas très glorieux. Rien à voir avec l'attitude fière et digne de Marie-Antoinette.

Si c'était pour échapper à la guillotine, je serais prête à toutes les bassesses !

Je blague !  

Chère Madame,
Bravo et merci de ce travail rare et de qualité sur une partie de l'histoire de la famille du Bourguet de Travanet que je découvre seulement aujourd'hui. Lors de vos recherches, avez-vous trouvé des documents et témoignages intéressants ? Pourrais-je vous demander s'il est possible d'échanger et de partager vos sources ?
Dans cette attente, recevez, chère Madame, l'expression de mes salutations respectueuses, HG

Bonjour, cher Monsieur.

Mes sources principales sont bien entendu le Journal du marquis de Bombelles et les correspondances échangées entre lui et son épouse ( publiées et commentées par le comte de Fleury ), mais aussi entre Angélique de Bombelles et ses amies , Montreuil bien entendu, et ce que j'ai pu trouver ( tout bêtement sur Google ) sur le Jeu de la reine ou l'abbaye de Royaumont . Je grappille à droite, à gauche, sur Google, grâce à un mot clef ou un autre et le sujet prend forme .

Hervé Gentile a écrit:
Pourrais-je vous demander s'il est possible d'échanger et de partager vos sources ?

Le partage est le but premier de notre Forum.
Vous me ferez grand plaisir en empruntant dans ce sujet absolument tout ce qui peut susciter votre intérêt !
Je vous y invite et encourage .

Bien amicalement,

Mme de Sabran

Merci Chère Madame de votre agréable et intéressante réponse. Amitiés. Hervé Gentile

Mais je vous en prie ...
Et surtout n'hésitez pas à revenir vers nous si vous désirez éclaircir une question, un détail sur n'importe lequel des personnages, événements ou autre de cette période.