Ambassadeur de Russie en France, le baron de Simolin

Yvan Matvéevitch Simoline était depuis 1784 l'ambassadeur de Catherine II en France et entièrement dévoué aux intérêts de Louis XVI et Marie-Antoinette .      C'était un Finlandais d'origine suédoise, au passé aventureux. Jeune, il se mit au service de la Russie, écrit Herman Lindqvist, fut envoyé comme diplomate à Stockholm dans les années 1740 et se fit remarquer par ses efforts, en partie couronnés de succès, pour amener, à coups de pots de vin, les politiciens suédois à adopter une attitude amicale à l'égard de la Russie.  Il finit par être expulsé, fut élevé à la dignité de comte par l'empereur de Russie et devint ambassadeur de ce pays à Copenhague, puis à Londres et à Paris .

A Paris, Simolin mit en contact le comte de Fersen avec ses excellents amis, Quentin Craufurd, un agent secret britannique cousu d'or que nous connaissons bien, issu de la très ancienne et noble famille écossaise Crawford et sa compagne, Eléonore Sullivan .  
Notre sujet sur Craufurd : https://marie-antoinette.forumactif.org/t2455-un-rival-de-fersen-quintin-craufurd?highlight=craufurd

Ce quatuor Fersen, Craufurd, Eléonore Sullivan et Simolin sera à ce point lié les uns aux autres qu'ils prépareront de concert l'exfiltration de la famille royale des Tuileries.  Quelle fut la participation de Simolin, me demanderez-vous ?

Le comte Félix d'Hézecques nous l'apprend :

Madame de Korff, née en Russie, avait obtenu, au bureau des affaires étrangères, par son ambassadeur, M. de Simolin, son passeport pour Francfort. Elle l’avait remis au comte Fersen, qui le donna à la reine. Sous le prétexte que le premier était tombé dans le feu, on engagea M. de Simolin à en obtenir un second de M. de Montmorin. La retraite dans laquelle vivaient madame de Stegleman et sa fille ne pouvait laisser soupçonner qu’elles fussent connues de la reine. D’ailleurs le ministre, qui n’aurait sûrement pas approuvé le dessein du roi, eût été bien éloigné de le trahir ; car si son esprit manquait de justesse, son cœur était droit.

( Comte d'Hézècques )
G. Lenôtre est plus précis  .  






Finement joué !  

  Malheureusement, la fuite du roi, la reine et les enfants devait aboutir à l'arrestation de Varennes ...
Fersen ronge son frein à Bruxelles . Ses deux principaux contacts à Paris et intermédiaires avec Marie-Antoinette sont le britannique Craufurd et le baron de Simolin.  

Fersen recommande Simolin à Marie-Antoinette, de Bruxelles, le 10 octobre 1791 :

Ce que le baron de Breteuil vous mande par le chevalier de Coigny, sur l'Espagne et la Russie est très bien. Il serait bon d'écrire une lettre à l'impératrice ou lui faire dire quelque chose. Blumendorf la montrerait à Simolin qui la copierait et l'enverrait chiffrée.  C'est un honnête homme, vous pouvez vous y fier .

...  ainsi que le 11 novembre 1791 :

Il est très nécessaire que vous écriviez en Espagne et en Russie pour réclamer leur secours et les convaincre que vous ne voulez pas vous abandonner entièrement à la Constitution.  Celle de Russie pourrait passer par Simolin, sans passer par Blumerdorf, ce qui vaut mieux ...

C'est encore Simolin qui prépare avec Fersen sa visite secrète aux Tuileries de février 1792, cette ultime rencontre de Fersen et Marie-Antoinette. Ils ne se reverront jamais plus.
Fersen et Marie-Antoinette s'écrivent assidûment au mois de janvier.  
Nous l'ignorerions sans le livre d'Evelyn Farr Marie-Antoinette et le comte de Fersen, la correspondance secrète .   Mme Farr publie non seulement les lettres échangées entre les deux amants, mais consigne aussi la quantité de lettres perdues, disparues, détruites ( ? ) ,   grâce au Registre de lettres que tient scrupuleusement Fersen en ajoutant même souvent un mot sur leurs contenus.  
Ces détails et précisions ne se trouvent dans aucune autre publication.  

Revenons à nos moutons, ou plutôt à notre Simolin :  il est sur les dents !
Marie-Antoinette avait absolument besoin à Paris d'un homme de confiance, entièrement dévoué, et sur lequel elle puisse compter.



( Histoire de Marie-Antoinette, Maxime de la Rocheterie )

Nous avons vu que la Rocheterie fait une petite confusion puisque Marie-Antoinette reçoit Simolin seule à seul et ne fait entrer le roi qu'au bout d'une heure.  Notre sujet :
https://marie-antoinette.forumactif.org/t3807-marie-antoinette-et-le-comte-de-fersen-la-correspondance-secrete-d-evelyn-farr?highlight=fersen
Pouvons-nous encore douter que, lors de cette entrevue, Simolin donne à Marie-Antoinette des nouvelles de Fersen ?!
Ils s'entretiennent de la venue prochaine de Fersen aux Tuileries.  Marie-Antoinette écrit à Fersen d'attendre, avant de partir, l'arrivée de Simolin à Bruxelles.

...  à son frère, l'empereur, le 1er février  :

Il y a bien longtemps, mon cher frère, que j'ai désiré trouver quelqu'un qui pût vous mettre au fait de nos véritables sentiments et de la position exacte de ce pays-cy.  Tout Français vous aurait paru suspect d'exagération d'un côté ou de l'autre.  M. de Simolin, à qui sa souveraine vient d'accorder un congé, veut bien se charger de vous parler de notre part. Vous pouvez y prendre entière confiance. Il a vu et suivi la Révolution depuis le commencement et dans tous ces détails.  La sagesse de son esprit, la manière franche et loyale, avec laquelle il a accepté la proposition que nous lui avons faite de vous aller trouver, la confiance dont l'impératrice l'honore, enfin tout l'intérêt que cette souveraine nous témoigne, tout doit nous donner entière confiance en ce qu'il vous dira de notre part.  Je n'entre dans aucun détail, parce qu'il veut bien se charger de tout.

...   et à Catherine II  :




Simolin quitte Paris, porteur de lettres de Marie-Antoinette pour Fersen et pour Mercy.   Il arrive à Bruxelles le 9 février et dîne le soir même avec Fersen auquel il apporte toutes les recommandations de prudence de Marie-Antoinette.  
Tout est prêt pour le départ. Fersen sera accompagné de son adjoint et ami au Royal-Suédois, le baron  Reuterswärd, mais, écrit-il dans son Journal, " d'aucun serviteur."

Simolin se rend dans la foulée chez Mercy qu'il trouve malade, perclus, accablé de douleurs rhumatiques et hors d'état de sortir de son lit.   Cela ne l'empêche pas d'écrire à Marie-Antoinette, le 11 février :

J'ai recueilli le peu de forces qui me restent pour avoir avec M. de Simolin un entretien bien substantiel sur l'état des choses .  Je lui ai dit, et le langage qu'il convenait de tenir à Vienne, et la manière la plus utile d'y montrer les objets tels qu'ils sont.  Je crois qu'il s'acquittera bien de sa commission.  Aussitôt que je pourrai reprendre la plume, je viendrai à l'appui de ce qu'il aura fait ...

Simolin prend la route de Vienne .  Il y arrive tout juste à temps avant que Leopold II ne rende le dernier soupir .
Le nouvel empereur, François II, écrit à Marie-Antoinette :

Madame ma soeur et très chère tante, M. de Simolin a présenté à feu l'empereur, mon père, la lettre que V. M. l'avait chargé de lui remettre, et elle a été reçue de sa part, ainsi que les détails que verbalement il a ajoutés, avec tous les sentiments du vif et tendre intérêt qu'il prenait à elle.  Ce ministre s'est offert à vous transmettre la présente, et en conséquence elle vous parviendra par son canal ...

François fait à Marie-Antoinette des protestations de tendresse qui ne seront suivies d'aucun effet .
 Mercy est dans ses petits souliers      et Simolin très en colère :

Mercy à Marie-Antoinette, le 16 avril 1792 .

On attend avec impatience des nouvelles dont le retard est occasionné par plusieurs causes inévitables dans l'ensemble des circonstances du moment.  Il est bien essentiel de ne pas se méprendre sur ces causes, et malheureusement fautes des données nécessaires, on pourrait facilement s'y tromper à Paris .
M. de Simolin a eu des entretiens dont il a été mécontent. On en sera peut-être informé, et cela pourra induire à des jugements très mal fondés.  Le fait est que les idées du Nord  ( Suède et Russie ) ne conduiraient qu'à des systèmes impraticables et propres à tout ruiner ...

et  

Qui pis est, Gustave vient d'être assassiné !!!  
Fersen écrit à Marie-Antoinette, le 17 avril :

Vous aurez déjà reçu la triste et accablante nouvelle de la mort du roi.  Vous perdez en lui un ferme appui, un bon allié, et moi un protecteur et un ami. Cette perte est cruelle .
Le compte que M. de Simolin a rendu au baron ( de Breteuil ) de sa négociation à Vienne ne promet rien de plus actif de cette Cour que par le passé.  Il paraît même que le système y sera suivi, et depuis la mort du roi de Suède, on ne peut être assuré de la marche que l'impératrice suivra, mais, dans cette incertitude, le moyen le plus sûr est de tâcher de faire attaquer : une démarche hostile de votre part est la seule chose qui puisse les décider tous ...

Justement comme un ultimatum, adressé à François II le 25 mars lui enjoignant de chasser les émigrants français de son pays, est resté sans réponse, Louis XVI, à la demande de l'Assemblée, se voit contraint à déclarer la guerre à l'Autriche le 20 avril 1792.

Simolin, de retour à Bruxelles, assure Fersen  ( qui l'écrit à Marie-Antoinette le 7 août  )   que 18 000  Russes doivent partir de Varsovie, et qu'il les croit déjà en marche ...

Nous connaissons la suite des événements . 
Le manifeste de Brunsvick, la famille royale incarcérée au Temple ...

En octobre les troupes françaises entrent en Belgique. Le 5 novembre, on entend à Bruxelles le grondement du canon.  Fersen fait empaqueter ses biens et conseille à Craufurd d'en faire autant .   Fersen, notre baron de Simolin,  Craufurd et Eléonore décident de fuir ensemble.  Le 9 novembre, Fersen achète quatre chevaux pour le fourgon à bagages et huit pour les autres voitures.  Il prend la serviette contenant les papiers que Marie-Antoinette lui a confiés .
Notre sujet :  https://marie-antoinette.forumactif.org/t1723-papiers-a-mon-ami-marie-antoinette-fersen?highlight=papiers

Ils s'en vont à midi :    Simolin et moi dans sa voiture, nos serviteurs dans la mienne, les deux dames et Craufurd dans la troisième, suivie de celle des femmes de chambre, un fourgon à bagages, deux cabriolets et mes chevaux de selle, note Fersen .
Au delà de Louvain, Craufurd et lord Elgin les rattrapent au galop.
Les deux dames sont Eléonore Sullivan et la fille qu'elle a eu du duc de Wurtemberg et que Fersen n'appelle que " Mademoiselle Franquemont ".

Ils avancent comme ils peuvent jour après jour. Ils dorment parfois dans les voitures, parfois serrés dans de petites pièces d'auberges malpropres, ou chez des bourgeois qui louent des chambres.    Une nuit, Simolin et Fersen dorment ensemble, par terre, sur de la paille .  Ils font des rencontres, amis, aristocrates français sur la route de l'exil, diplomates, officiers ...   Ils entendent des bruits contradictoires .
Personne ne sait ce qui se passe .  Puis  on apprend que Louis XVI a été jugé, condamné, exécuté ...

Simolin, Fersen, Craufurd sont ainsi inséparables en exil, jusqu'à Ostende. La libération de Bruxelles les y ramène au printemps .
Nous savons comment Fersen se démène toujours avec l'énergie du désespoir pour tirer Marie-Antoinette des griffes de ses bourreaux ...   en vain.

En juin 94, Simolin est toujours auprès de Fersen, Craufurd et Eléonore, quand Bruxelles est à nouveau envahie par l'ennemi .  C'est la fuite à nouveau, toujours ensemble.  Le 30 juin, ils sont à Spa toujours inséparables !

A l'automne, Fersen décide de rentrer en Suède .
 Combien de temps Simolin continue-t-il de vivre ainsi accroché aux basques de Craufurd ?
Quelles sont les circonstances de sa mort en 1799, je ne sais pas  !  Il est âgé de soixante-quatorze ans et laisse par testament à Eléonore Sullivan une rente viagère non négligeable de cinquante mille livres .

Merci pour l'ouverture de ce sujet. Il était grand temps !

Je ne l'imaginais pas aussi proche de Fersen / Crawfurd / Eléonore .

Voici le baron de Simolin, peint par Ferdinand de Meys :




Il bénéficie d'une fiche Wikipedia en Suédois (ici : https://sv.wikipedia.org/wiki/Ivan_Simolin ).

Bouh ! qu'il est vilain !!! ( ou alors, c'est le peintre ... )
Quoi qu'il en soit, merci Notre Grâce .

Il ressemble à Jean-Pierre Raffarin.

C'est le peintre qui est très mauvais . Regarde-moi ces trop petites mains . Tout cloche .
Pauvre Simolin, comme le voilà arrangé !

Oui m'enfin on voit bien que c'était pas un apollon non plus.

Une chose est sûre : il ne s'est rien passé d'inconvenant après que cette porte se soit refermée sur lui.

Je n'en ai jamais douté ...
N'empêche que voilà l'homme qui a fourni les passeports pour l'évasion des Tuileries . Ce n'est pas rien .

Et tu as vu, par la suite, comme il est sur tous les fronts de la diplomatie au service de la famille royale et l'intermédiaire entre Fersen et Marie-Antoinette, lui aussi, comme Craufurd, Esterhazy, Goguelat, Gougenot ... et quelques autre fidèles .

Brave Simolin !

ll faut savoir également qu'au début de sa carrière Simolin avait servi sous les ordres de Johann Albrecht von Korff, ambassadeur de Russie à la cour du Danemark. Sans doute est-ce pour cela qu'il a pu impliquer la baronne de Korff dans le plan d'évasion de la famille royale.

Exactement !

De 1767 à 1773, la Russie ne fut représentée à Paris que par un chargé d'affaires, Nicolas Konstantinovitch Khotinski. Ensuite,après cet épisode, les trois ambassadeurs de Russie, Bariatinski, Markhov et le baron de Simolin, eurent à nouveau rang de ministres plénipotentiaires. Cependant, à l'exception du prince Galitizine, aucun ne fut un personnage de premier plan.
Selon les usages du temps, l'arrivée d'un nouvel ambassadeur entraînait souvent le déménagement de l'ambassade, qui s'installait dans sa résidence. Après un court séjour du comte Markhov dans la rue de Choiseul, le baron Yvan Simoline résida boulevard de Richelieu, de 1784 à 1788, puis, toujours dans le même quartier, au numéro 3 de la rue Basse du Rempart, de 1789 à 1792, jusqu'à son rappel par Catherine .

Dans leur ouvrage  
L'Histoire de France vue d'ailleurs, Jean-Noël Jeanneney et Jeanne Guérout
 citent  " un pronostic létal " ( brrrrrr ... ) du baron de Simolin :



https://books.google.fr/books?id=V3w4DwAAQBAJ&pg=PT296&lpg=PT296&dq=yvan+simoline&source=bl&ots=nhFDu78uyL&sig=ACfU3U0XUvxRvXJnib5ibP34c

Dans le livre de Jacqueline Chaumié  
la correspondance des agents diplomatiques d'Espagne en France pendant la Révolution, nous voyons le 13 janvier 1792, le diplomate Domingo Iriarte écrire à son homologue Floridablanca  que Yvan Simolin reçut la consigne de quitter Paris sans prendre congé de notre ministre des Affaires étrangères !
C'était de la part de Catherine une manière de marquer son très profond mépris pour le nouveau gouvernement de la France.

Le baron de Staël reçut en même temps la même consigne de la part du roi de Suède .

https://www.persee.fr/doc/hispa_0007-4640_1936_num_38_4_2745

A vrai dire, je suis étonné qu'ils soient restés à Paris aussi longtemps. En tant qu'aristocrates, et représentants de monarchies, ils risquaient gravement leurs vies en France.

Oui, n'est-ce pas !

... surtout si la collusion Simolin / Fersen / Craufurd était dénoncée .

Tiens, justement ! en parlant de Craufurd  
il a son mot à dire, lui aussi, sur le baron de Simolin :