Portraits de Louis XVI coiffé du bonnet phrygien

Provenant de la collection de miniatures d'Albarto Bruni Tedeschi désormais exposée au Palazzo Madama de Turin (voir nos messages ICI), je poste à nouveau ce portrait ici, pour discuter de l'identité du sujet dessiné.

Se peut-il qu'il s'agisse d'une représentation de Louis XVI ? Ce bonnet est-il " phrygien" ?

Rivoluzionario con bicchiere (re Luigi XVI in abiti popolari)  
Jean-Baptiste Jacques Augustin (1759-1832)
XVIII s.
Image : Palazzo Madama / Fondazione Torino Musei 2015


Louis XVI serait-il si souriant enfermé dans un cachot ? Est-ce une sorte de farce de l'auteur ou l'homme dessiné n'était pas Louis XVI au Temple ?


Il faut bien reconnaître que la physionomie est proche de celle du roi, les traits peut-être moins empâtés.
Et nous retrouvons l'idée de la veste jaune et du gilet blanc qu'il porte sur d'autres illustrations bien connues le représentant au Temple.
Par exemple :


Louis XVI au Temple écrivant son testament
Henri-Pierre Danloux
Huile sur toile, 1795
Image : RMN-GP (Château de Versailles)



Louis XVI au Temple
Jean-François Garneray (1755-1837)
Huile sur toile, Salon de 1814
Image : Musée Carnavalet, Histoire de Paris


L'image de Louis XVI coiffé d'un bonnet phrygien et levant son verre n'est pas nouvelle ; mais elle n'a normalement rien à voir avec son enfermement au Temple.

Nous nous souvenons que le 20 juin 1792 (date d'anniversaire du Serment du jeu de paume de 1789 et de la fuite à Varennes en 1791), des révolutionnaires envahissent le château des Tuileries et parviennent à accéder aux appartements du roi.

Pressé par les assaillants et soucieux de protéger le peu de fidèles qui l'entourent encore, Louis XVI accepte de porter un bonnet phrygien qui lui est tendu, aurait réclamé une cocarde pour l'y agrafer et, sera-t-il dit, se prêtera à boire à la santé du peuple et à clamer avec les assaillants " Vive la Nation ".  

Journée du 20 juin 1792. Le peuple devant le roi Louis XVI aux Tuileries.
Illustration pour le recueil "Douze journées de la Révolution" par Barthélémy, chez Perrotin, 1832
Image : Musée Carnavalet, Histoire de Paris

Pour plus de détails concernant cet épisode, voir notre sujet : La journée du 20 juin 1792

De nombreuses illustrations circulèrent dès lors. Au verre, ou à la bouteille, nous les connaissons bien...


Nouveau pacte de Louis XVI : avec le peuple le 20 juin 1792, l'an 4.me de la liberté
Estampe anonyme, 1792
Image : Bibliothèque Nationale de France

Nouveau Pacte de Louis XVI avec le Peuple, le 20 Juin 1792, l'An 4e de la Liberté.
Estampe anonyme, 1792
Image : Musée Carnavalet, Histoire de Paris


Vive la Nation (Louis seize coiffé du bonnet rouge le 20 juin 1792)
D. Berthaud
Crayon noir et aquarelle, 1792
Image : Standford Libraries

Je vous propose une analyse de cette dernière image, publiée par le site internet de la BNF au sein d'une plaquette intéressante intitulée : Quand le rouge fait de la politique




Mais si le verre de vin est bien présent sur notre miniature, le bonnet est-il celui des sans-culottes ?  


Normalement donc, il est entièrement rouge.

Mme de Sabran a écrit:
Et pourquoi rouge ?  

Eh bien, en référence à une révolte paysanne anti-fiscale, en Bretagne, au XVIIe siècle.
A cette époque, le bonnet rouge faisait partie de l'habit populaire dans la région de Carhaix, le Poher. C'est toute la région de la Bretagne qui se soulève contre la levée de nouvelles taxes.
L'épisode est resté connu sous le nom de Révolte des Bonnets rouges.

Voir notre sujet, ici : Le bonnet phrygien de la Révolution française

A noter cependant qu'il existait des bonnets de couleur rouge associée à du bleu...


Image : Le renard du désert Julia

Et plus proche de celui de notre miniature, avec son sommet retombant...


Bonnet de police de la Garde nationale
Paris, Musée de l'Armée
Photo : Paris - Musée de l'Armée, Dist. RMN-Grand Palais / Pascal Segrette

Bonnet phrygien de police, en feutrine rouge et bleue brodée, à décor polychrome d'un faisceau de licteur au centre dans un entourage de feuilles.
Travail français d'époque révolutionnaire, vers 1792-1794.

Pas de cocarde, ni de faisceau de licteur sur le bonnet de notre miniature, mais ce qui ressemble plutôt à un bijou, blanc (diamants ?), agrafé au centre.

Une portrait miniature bien étrange...

Une piste, à suivre : celle de la biographie illustrée de l'artiste !

Oui, voilà une bien étrange miniature ...

A première vue, j'aurais dit  " non non, ce n'est pas le bonnet phrygien ! ", mais dans la suite de ton sujet tu nous en proposes de très ressemblants .
Alors oui-da, bonnet phrygien !
Nous reconnaissons bien Louis XVI. C'est la forme générale de son visage, c'est son nez, pas les yeux mais bon...  Il est en prison. Nous distinguons derrière lui une étroite fenêtre à barreaux.   Et pourtant, au lieu de son air bonasse ou sérieux habituel, le voilà tout enjoué et rigolard, notre Loulou ! Il semble boire de bon coeur . Serait-il un peu pinté ?
  Ou bien peut-être nous fait-il le syndrome de Stockholm ?  ( sans allusion aucune à qui tu sais     )

Ouverture d'un sujet consacré à l'auteur de la miniature présentée en introduction de ce fil, ici :

Jean-Baptiste-Jacques Augustin, peintre miniaturiste

Le bonnet rouge, en touchant le front royal, a fait disparaître les traces de l’huile sainte : le charme est rompu ; de longues profanations ont détruit l’empire...

( Joseph de Maistre )

La nuit, la neige a écrit:
Nous nous souvenons que le 20 juin 1792 (date d'anniversaire du Serment du jeu de paume de 1789 et de la fuite à Varennes en 1791), des révolutionnaires envahissent le château des Tuileries et parviennent à accéder aux appartements du roi.

Pressé par les assaillants et soucieux de protéger le peu de fidèles qui l'entourent encore, Louis XVI accepte de porter un bonnet phrygien qui lui est tendu, aurait réclamé une cocarde pour l'y agrafer et, sera-t-il dit, se prêtera à boire à la santé du peuple et à clamer avec les assaillants " Vive la Nation ".  
:

Louis XVI coiffe le bonnet rouge qui lui est tendu et boit même au goulot le vin des émeutiers, mais il se refuse à dire qu'il retirera son veto. Le boucher Legendre l'apostrophe alors : " Vous êtes un perfide. Mais prenez garde à vous, la mesure est à son comble et le peuple est las de se voir votre jouet. "
Puis, c'est juché sur une banquette, dans l'embrasure d'une fenêtre, que le roi assiste au lent défilé des hommes et des femmes qui l'injurient ou ricanent en passant devant lui.



L'apparition à une fenêtre des Tuileries du roi coiffé d'un bonnet rouge frappe les esprits.   Au point que l'on en fait aussitôt une chanson dans laquelle on voit le bonnet rouge affubler tous les Français, tous les habitants de la terre, jusqu'au Pape à Rome:


( Chronique de la Révolution Larousse )