Un " honneur de la Cour " : quêteuse à la messe royale
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Un " honneur de la Cour " : quêteuse à la messe royale
LA QUETEUSE
Pour clore toutes les messes du royaume, à la ville comme dans les campagnes, il y a toujours une quêteuse, bien-sûr de préférence jeune et charmante.
Eh bien, l'un des honneurs de la Cour ( sur lesquels la baronne d'Oberkirch est intarissable ) était d'être choisie comme quêteuse à la messe royale !
Attention ! ne pouvait être quêteuse qu'une dame officiellement présentée, et en général très nouvellement présentée .
La quête était un examen de passage supplémentaire après la présentation . Aucune de ces dames n'y coupait . Elles se pomponnaient, grand habit de rigueur .
Tous les jours le roi allait à la messe . En principe à midi, mais éventuellement plus tôt si le lever se faisait plus matin. Il sortait de son appartement par une porte de glace communiquant du cabinet du conseil à la galerie, nous raconte le comte d'Hézècques. Il traversait tous les grands appartements et se rendait à la tribune, précédé des pages, des écuyers, des gentilshommes, des officiers des gardes, et suivi du capitaine des gardes.
Tous les dimanches la famille royale se réunissait pour la messe. Les princes se rendaient chez le roi, et le cortège en sortait quand la reine elle-même quittait son appartement par le salon de la Paix, au fond de la galerie. Cette multitude d’officiers, de dames magnifiquement parées, s’avançant au milieu d’une foule de curieux, dans cette longue pièce, l’un des plus beaux monuments de ce genre qui soient en Europe, formait le coup d’œil le plus imposant.
La chapelle de Versailles se composait pour ainsi dire de deux étages. La tribune était au haut, et de chaque côté régnait une galerie où se plaçaient les personnes du service qui ne pouvaient trouver place dans la tribune, ainsi que les étrangers. La tribune était très-grande. Elle était bordée, sur le devant, d’une balustrade de marbre sur laquelle on jetait un grand tapis de velours cramoisi à franges d’or, et à chacune de ses extrémités se trouvait une lanterne dorée et fermée de glaces, pouvant contenir une seule personne et destinée aux princesses malades ou qui ne voulaient point paraître publiquement. ( ... ) Comme la tribune eût été très-froide l’hiver, la cour assistant à des offices très-longs, surtout la veille de Noël, où le service divin durait depuis dix heures du soir jusqu’à une heure, on montait sur la tribune une grande charpente dorée qui en faisait un beau salon, avec des fenêtres de glace qu’on ouvrait à volonté.
Ce n’était que les jours de grandes fêtes que la cour descendait dans le bas de la chapelle, par deux escaliers tournants placés de chaque côté de la tribune. On couvrait le pavé de superbes tapis ; on disposait un prie-dieu et deux fauteuils pour le roi et la reine ; les princes avaient des chaises et un carreau ; tous les officiers et les dames se plaçaient derrière sur des tabourets et des banquettes ; enfin, les aumôniers et les gardes de la manche étaient de chaque côté du prie-dieu.
Le décor est planté .
Il y avait ce jour-la une corvée qui était cependant bien recherchée, c’était la quête.
Une jeune femme, après sa présentation, devait s’acquitter de cette fonction, qu’on redoutait bien un peu avant la cérémonie ; mais dont on était agréablement récompensé par le murmure de louanges et d’admiration que soulevait la présence d’une jeune femme, dans la fleur de l’âge et de la beauté, magnifiquement parée et couverte des diamants de toute sa famille. J’ai dit qu’on voyait venir ce jour avec une certaine appréhension. En effet, quel embarras pour une jeune personne qui avait à peine quitté sa mère, de se voir obligée de passer sous les yeux d’une cour nombreuse en faisant, avec lenteur, une multitude de révérences dont elle faisait, la veille, une répétition avec un homme chargé de la diriger ! Et elle n’avait même pas, comme dans les églises, la ressource d’être conduite par un cavalier qui aurait pu, au besoin, soutenir ses pas chancelants.
À son trouble, à l’inquiétude de manquer une révérence, d’aller à tel prince avant tel autre, se joignait encore l’embarras de l’habit de cour, de cet énorme panier et de la longue queue. J’ai vu plusieurs de ces jeunes quêteuses dans un état à faire peine ; mais la coquetterie, l’ambition, leur faisaient vite oublier une gêne passagère et la fatigue de cette imposante cérémonie.
C'est le roi en personne qui choisissait la quêteuse .
Ainsi en fut-il de Louise de Polastron dont le grand-père écrit le 5 novembre 1782 :
Il y a quelques jours qu'à la Muette, à souper, le Roi a demandé à la Reine qui est-ce qui quêterait à la Toussaint, à Versailles, et en faisant cette demande, il a beaucoup fixé Mme de Polastron. La Reine, en la regardant aussi, a dit au Roi : — Mais, Mme de Polastron n'a pas encore quêté, et si Votre Majesté le veut, ce sera elle. Le Roi a dit : — Sans doute, il faut que ce soit elle, et je la nomme pour quêteuse. La Reine alors a dit qu'elle se chargeait de sa toilette et de sa parure. Votre nièce a été très contente et se faisait une grande fête de cette cérémonie. Pendant ce temps, il était grandement question du départ de son petit mari; il avait demandé à être dans les arrangements de M. de La Fayette et à partir avec M. d'Estaing. Sa femme ne savait rien de tout cela; elle se flattait même que les bruits de paix et les délais multipliés du départ de M. de La Fayette feraient anéantir les projets de départ de son mari.
Cette nouvelle fit une violente impression sur la jeune-femme :
Je devois quetter à Versailles mais j'ai appris hier que M. de Polastron partoit, incessamment, avec M. d'Estain; cela m'a fait infiniment de peine et la Reine a bien voulu me dispenser de la quette. Je suis pourtant assez raisonnable pour désiré son avancement, mais j'avoue qu'il m'en coûte beaucoup de m'en séparer pour un si long tems, le sachant souvent en danger.
Et nous voyons Marie-Antoinette compatir à sa peine au point d'annuler l'ordre du roi.
Comme pour sa présentation, la reine s'apprêtait encore à couvrir Louise de ses diamants !
C'est M. Rougeot qui nous l'apprend :
Comme je vous l'avais dit , écrit-il à M. d'Esparbès, elle avait été choisie par le Roi pour quêter; mais au lieu de quêter comme elle s'en faisait un plaisir, devant être parée par la Reine elle-même, qui devait lui donner tous ses diamants, elle a été obligée de se mettre le jeudi soir au lit, où elle est restée avec une grosse fièvre pendant deux jours ...
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Cette quête rapportait beaucoup ; car, quoique les princes, les grands officiers et les dames donnassent seuls, comme on ne pouvait y mettre que de l’or, la recette montait très-haut et ne laissait pas que de gêner les personnes peu riches. Heureux qui pouvait se procurer un demi-louis ! à moins de faire comme un cordon-bleu qui y mettait constamment un jeton. On m’avait, en effet, assuré que depuis plusieurs années déjà, les jours des cérémonies de l’ordre du Saint-Esprit, on trouvait toujours un jeton dans la quête. ( Roooh ! ) Sans la destruction de l’ordre, on aurait fini, à la mort de ce moderne Harpagon, par découvrir son nom, à moins qu’une disposition de son testament n’eût perpétué son secret. Ces quêtes, qui, les jours de processions, allaient à plus de cent louis, étaient remises aux curés de Versailles.
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... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55518
Date d'inscription : 21/12/2013
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