Le collier de Patiala

Boehmer et Bassenge en auraient été jaloux… 2930 diamants dont le diamant jaune De Beers, septième plus gros diamant taillé au monde avec ses 962,25 carats. Une parure époustouflante. Destinée à une femme ? Non, à un homme, le Maharajah de Patiala.

C'est lui qui, en 1925, commande cette parure fabuleuse, au joaillier Cartier. Le grand seigneur veut un bijou de style Art Deco, étant un grand amateur de tout ce qui vient d'Occident (ne s'est-il pas offert une voiture et un avion?). Bhupindar Singh, Maharajah de Patiala (1891-1938) est aussi réputé pour le faste de sa cour, ses fêtes éblouissantes, son train de vie fabuleux. En Inde, les pierres précieuses ont une importance très grande, en particulier le diamant, pierre souveraine. Le diamant raye tout et n'est rayé par rien, c'est la pierre ultime, qui donne force et protection à qui la possède. Les hommes qui en avaient les moyens s'en paraient donc autant que les femmes.

Bien que joueur de cricket et de polo réputé, notre Maharajah, colosse de deux mètres, est le premier à se tourner vers un joaillier français alors que les siens se fournissaient d'habitude à Londres pour leurs commandes. Dès 1911, Cartier, qui avait eu du flair, s'était rendu en Inde à la recherche des plus belles pierres et pour nouer des contacts avec les seigneurs indiens, futurs (gros) clients potentiels. C'est donc à lui que notre Maharajah, séjournant à Paris, passe commande, fournissant une partie des pierres, apportées dans six coffres de fer scellés sévèrement gardés par douze guerriers Sikhs. Séjournant au Ritz, le Maharajah n'a qu'à traverser la place Vendôme pour rejoindre la boutique Cartier, entouré de toute sa suite et suivi par ses guerriers portant les coffres. En toute simplicité.

Et quelles pierres ! Cinq chaînes en platine montées de 2930 diamants de taille croissante, le fameux De Beers, plusieurs rubis birmans très rares... Le De Beers a été découvert en mars 1888 en Afrique du Sud avant d'être envoyé à Amsterdam pour y être taillé. Il attire les foules à l'Exposition Universelle de 1889 avant que le Maharajah l'achète plus tard d'ailleurs.
Il faut trois ans à Cartier pour réaliser et monter la parure. Cette dernière est d'abord exposée chez le joaillier, rue de la Paix à Paris, au cours d'une fête fastueuse, consacrant ainsi sa réputation de "joaillier des rois et roi des joailliers" avant d'être livrée au Maharajah. Le collier est complété par un ras de cou en diamants et platine. L'heureux commanditaire le porte à chaque occasion. A sa mort, en 1938, le collier est enfermé dans la salle du trésor et ne sera porté qu'en certaines occasions par son fils (un des 88 qu'il aurait eu de ses 500 femmes…) et successeur, comme ici, où l'on voit également le ras de cou qui le complète :


1948, l'Inde devient indépendante, le règne des Maharajahs s'achève. Dans cette période de troubles, le collier fabuleux disparaît. La maison Cartier le retrouve par hasard dans une petite boutique d'antiquités de Londres (!) à qui elle le rachète en 1998. Même si la parure a perdu au passage sept diamants dont le fameux De Beers... Le collier est alors reconstitué en 2002, au terme d'un long et minutieux travail, avec des pierres de synthèse remplaçant et imitant les pierres disparues. C'est cette reconstitution qui fût exposée au Grand Palais.
Le collier de Patiala reste la plus incroyable commande de la maison Cartier, bien que cette dernière ait réalisé au total 148 bijoux pour le Maharajah, ses fils, ses épouses et ses filles. La valeur du bijou original est estimée à plus de 125 millions de dollars.

Calonne a écrit: Dans cette période de troubles, le collier fabuleux disparaît. La maison Cartier le retrouve par hasard dans une petite boutique d'antiquités de Londres (!) à qui elle le rachète en 1998.

C'est inimaginable ! As-tu des détails là-dessus ?!

Pas grand-chose… La plupart des articles que j'ai trouvé, en anglais comme en français, parlent d'un "modeste négociant anglais" ou d'un "small antiques shop"... Il semble bien que la monture ait été retrouvée par hasard dans cette boutique.
Le collier a probablement été volé pendant les troubles consécutifs à l'indépendance et dépecé, les plus grosses pierres desserties, voire retaillées. Le fameux diamant jaune De Beers est fugitivement réapparu en 1982, chez Sotheby's à Genève, où il a été vendu pour plusieurs millions à un acheteur inconnu et on ne l'a plus jamais revu...

Comment être sûrs que c'était lui ?

Je pense qu'en général, ces grosses pierres sont soigneusement répertoriées, inventoriées, connues et reconnues par tous les spécialistes et grandes maisons de joaillerie…
Après, oui, pour le reste du collier, c'est assez fou. Un peu comme le type qui tombe sur un Renoir ou un Caravage en nettoyant son grenier...

Oui, à priori, on a reconnu le collier à sa monture, dont les principaux diamants avaient été dessertis :









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