Le marquis de Dreux-Brézé

En 1781, à la mort de son père, Henri-Evrard de Dreux-Brézé reprend ses charges de grand maître des cérémonies de France. Il n'occupe pas effectivement sa charge avant 1787 date à laquelle il prépare l'Assemblée des Notables souhaitée par Calonne et convoquée sur ordre du roi . 


Puis c'est la préparation des états généraux de Versailles .  
Nous l'y voyons, ci-dessous, affrontant Mirabeau, le 23 juin, dans un haut-relief monumental en bronze de Jules Dalou, réalisé en 1890, conservé au palais Bourbon à Paris.



La formulation exacte de l'apostrophe de Mirabeau est très contestée. Ainsi, le Moniteur, dans son compte rendu de la séance publié le 25 juin 1789, rapporte cette version  qui correspond globalement à celle rapportée par Mirabeau lui-même dans une lettre à ses commettants:

«  Oui, Monsieur, nous avons entendu les intentions qu'on a suggérées au Roi ; et vous qui ne sauriez être son organe auprès des États généraux, vous qui n'avez ici ni place ni voix, ni droit de parler, vous n'êtes pas fait pour nous rappeler son discours. Cependant, pour éviter toute équivoque et tout délai, je vous déclare que si l'on vous a chargé de nous faire sortir d'ici, vous devez demander des ordres pour employer la force ; car nous ne quitterons nos places que par la puissance des baïonnettes. »

Selon une esquisse de Delacroix 
image WIKI

Après l'ouverture des États, le marquis de Dreux-Brézé devient très vite l'objet de l'hostilité des dépités du tiers qui lui reprochent des humiliations volontaires,   selon WIKI sur demande de la Cour.  La suivante  ( si l'on peut appeler cela une humiliation    ) nous est contée par Emmanuel de Waresquiel dans son livre Sept jours, 17 -23 juin 1789 :

Ce qui suit n'a été rapporté par personne et n'est pas connu.  C'est le fils du grand maître des cérémonies, Scipion de Dreux-Brézé, qui le raconte d'après le récit que lui en a fait son père. Bailly était alors découvert.  Brézé est couvert " c'était son devoir. Il parlait au nom du roi. " Plusieurs voix se lèvent parmi les députés qui entourent le président et lui crient : " Bas le chapeau ! " Encore une histoire de chapeau, encore une histoire de pouvoir et de souveraineté.  La confusion devait être totale.  En plein brouhaha, alors que les députés le prennent à partie, Brézé garde obstinément son chapeau sur la tête.  A bout d'arguments, furieux et ne sachant plus quoi dire, il leur lance un mot. Un mot de cinq lettres, sonore et retentissant, qu'on aura deviné. Cambronne aussi l'enverra à la figure des Anglais, vingt-six ans plus tard, le 18 juin 1815, au milieu du dernier carré de la Vieille Garde, en pleine déroute, au soir de la bataille de Waterloo. Pour Hugo, c'est le vieux grognard qui, in fine, prononce le mot de la victoire , un mot  " jeté au passé de la Révolution " , comme ceux de la Marseillaise. Le " merde " de Cambronne, largement imaginé, est resté célèbre, alors que plus personne ne se souvient de celui du marquis de Brézé, grand-maître des cérémonies d'un roi à bout de souffle, face à des députés du tiers qui refusent d'obtempérer aux ordres de son maître et lui signifient qu'il ne saurait représenter un pouvoir supérieur au leur.  Le merde de l'ancienne France lancé à la nouvelle comme un dernier défi et parce qu'il n'y avait plus rien d'autre à dire est déjà vieux avant même d'avoir été prononcé.  Entre-temps, le génie a changé de position et s'est incarné autrement. La mémoire n'est jamais tendre pour les vaincus. 

Dreux-Brézé assiste aux journées d'octobre 89 .   Après l'évasion des Tuileries de la famille royale manquée à Varennes, Brézé est arrêté lui aussi mais bientôt relâché. Il reprend son service à la Cour et défend en vain la famille royale lors de l'assaut des Tuileries le 10 août 1792. La famille royale emprisonnée au Temple, il retourne sur ses terres.






En 1793, il finit par émigrer pour réapparaître à la Restauration dans les mêmes fonctions que sous le règne de Louis XVI


Une cérémonie à la mémoire de Louis XVI, célébrée à Saint-Denis, en 1821.

Merci Eléonore pour ce bel exposé !

Il fut en charge ainsi des obsèques de Louis XVIII. À Charles X qui le complimentait à l’issue de la cérémonie, il répondit « Votre Majesté est bien indulgente, il y a manqué beaucoup de choses. Une autre fois ce sera mieux ». Ce à quoi notre Artois national répliqua « je ne suis pas pressé »

(Cité de mémoire)