Marie-Antoinette en buste, autrefois à Champs sur Marne, un tableau "perdu" de ou d'après L.-E VLB?

Et puisqu'il est question ces temps-ci de bustes de la reine par cette chère Louise-Elisabeth Vigée Le Brun, une consultation générale autour de ce qui est pour moi une énigme!
(une de plus... )

Je voudrais interroger notre aimable assemblée au sujet d’un portrait conservé à la Belle Epoque au château de Champs sur Marne, dans la chambre de Louis Cahen d’Anvers.

Une vue d’ensemble de cette chambre prise vers 1900 laisse en effet voir un tableau qui me semble avoir toutes les caractéristiques d’un portrait de la reine par son artiste préférée.  
A ceci près que nous ne le connaissons pas...  
En tout cas, c’est mon cas.

Source de l’image : « Le Château de Champs », Renaud Serrette, Editions du Patrimoine / CMN, 2017, page 169 (anonyme, négatif sur plaque de verre, vers 1900, 24x30cm
Médiathèque de l’architecture et du Patrimoine, Charenton-le-Pont)


L’image est reproduite dans le livre sur le Château de Champs édité par les Editions du Patrimoine et le Centre des Monuments nationaux en 2017. Elle est très petite et donc difficile à interpréter. Hélas, je n’ai pas su trouver d’autres images d’archives de cette pièce du Château de Champs avant la Première Guerre mondiale.

Je crois distinguer sur ce portrait une coiffure qui me fait penser à deux gravures en couleur de Macret, répertoriées chez Vinck aux numéros 418 et 419. S’y rattache une estampe très proche en noir et blanc conservée à la bibliothèque Nationale (qui ne diffère que par le fait que le buste du roi n’apparaît plus).

Ces gravures sont datées de 1788. Elles portent une indication précieuse, puisque Vinck 419 et l’estampe en noir et blanc indiquent en toutes lettres Madame Vigée Le brun comme auteur du dessin.
S’agit-il de gravures reprenant le modèle d’un tableau depuis perdu ? Ce ne serait pas la première fois dans le Catalogue De Vinck.  Mais alors lequel, car ce catalogue à l’ordinaire si précis ne fait référence à aucun tableau en particulier, à aucune collection ?
La proximité de la coiffure entre le tableau de Champs (original ou réplique ?) et les gravures permet-elle vraiment de faire un lien entre ce tableau « perdu » et celui de Champs, quand bien même la robe du portrait diffère de celle de la gravure, tant par l’époque me semble-t-il que les rayures ?

Cela fait beaucoup de questions, comme souvent. Pour avancer utilement, il faudrait avant tout pouvoir accéder à un cliché plus précis du mystérieux tableau ici reproduit…
Si quelqu’un a une idée ou peut nous mettre sur une piste !  

Reproduction des gravures de Macret : Vinck 419 et 418 et Bibliothèque nationale (sans autre précision)

Pour les clichés, vous devriez vous mettre en relation avec la Médiathèque du Patrimoine à Charenton.
L'ouvrage ne cite pas l'origine du cliché ?

Merci Lucius, c'est en effet une très bonne idée. Le site de la Médiathèque ne m'a pas permis d'avancer, mais il était un peu tard cette nuit et je vais m'y remettre...

Quant au livre, il donne cette information à la page des Crédits photographiques :
Ministère de la Culture (France), MAP, diffusion RMN-GP.
Je n'ai pas eu plus de succès en consultant la RMN. Décidément, je ne dois pas savoir chercher

Ah ! La belle énigme...

Cher Bonnefoy, vous n'êtes que prodigieux !
Rien ne vous échappe !!!

Voici la chambre telle qu'elle est aménagée aujourd'hui.



Château de Champs-sur-Marne, chambre de Monsieur et Madame
Photographie (2016)
Image : Jean-Pierre Delagarde / Centre des monuments nationaux

Cette pièce servit de chambre dès le XVIIIe siècle. Louis Cahen d’Anvers dormit dans cette pièce avant que son fils ne l’occupe en compagnie de sa femme, Suzanne Lévy, rompant ainsi avec l’usage aristocratique de faire chambre à part. De Gaulle y dormit une nuit avec sa femme en 1963. En 1895, Walter Destailleur fait remettre des boiseries de style XVIII siècle, en s’inspirant de la décoration du château (...)

* Extrait de : Château de Champs-sur-Marne


Notre portrait mystère, dont je n'ai pas retrouvé d'autre trace photographique dans le château, aurait-il été vendu avant que son propriétaire ne fasse don du château à l'Etat ?  


Charles-Albert-Raphaël Cahen d'anvers (1879 - 1957)
Photo prise dans le Salon chinois de Champs-sur-Marne

Louis Cahen d'Anvers meurt en 1922.
En 1934 son fils Charles, époux de Suzanne Lévy, donne à l'État et la demeure restaurée et son mobilier (ou lui vendit ?) à condition qu'il reste en place, et que l'emploi et le logement des 63 jardiniers, des 18 domestiques, des 11 garde-chasse et de la cinquantaine d'employés des fermes du domaine soit garanti, et émet le souhait que le domaine devienne une résidence présidentielle ou serve de « résidence de week-end » au président du Conseil - actuel Premier ministre.

« Dans la période qui a suivi la donation, si le comte Charles désirait revenir à Champs, il téléphonait (...). Mes parents étaient heureux de lui préparer et de lui servir un repas et un café ultra fort - arrivant d'Argentine, où la famille possédait de vastes domaines » (Mme Tartier, née Biscaye, fille du maître d'hôtel de Champs, citée par Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, Châteaux et châtelains, 2005, p.97).

Extrait de l'histoire mouvementée du Château de Champs-sur-Marne (WIkipedia)


Vendu ou pas, il se pourrait que l'équipe de conservation du château puisse vous renseigner cher Bonnefoy, car je lis aussi, suite aux grand travaux de réhabilitation du bâtiment et l'ouverture du public en 2013 :

Un inventaire scientifique de tout le mobilier a été réalisé pièce par pièce, avant les actuels travaux, afin de retracer l’histoire de l’habitation depuis ses premiers propriétaires au XVIIIe siècle.
L’usage de chaque pièce (chambre, boudoir, salon) est alors précisé, ainsi que le mobilier qui s’y trouve et les aménagements et transformations réalisés par chaque propriétaire.

Cette étude scientifique remonte jusqu’à Paul Poisson de Bourvallais (mort en 1718), qui a fait achever la construction du château initiée par les architectes Pierre Bullet et son fils Jean-Baptiste Bullet de Chamblain après la ruine du premier commanditaire, Charles Renouard de la Touanne.
En 1895, le comte Louis Cahen d’Anvers rachète le domaine. Grand amateur d’art, le riche banquier parisien charge l’architecte Walter-André Destailleur de le restaurer intégralement afin de lui rendre son aspect et sa splendeur passés. Il dote le château de mobilier XVIIIe et de collections prestigieuses.

* Source : Elle Déco - L'étonnante restauration du château de Champs-sur-Marne


Et je rappelle bien sûr notre sujet consacré à ce château :

Château de Champs-sur-Marne, vue générale de l'édifice depuis la cour d'honneur.
Image : Benh Lieu Song / Wikipedia

Le château de Champs-sur-Marne

La nuit, la neige a écrit:Un inventaire scientifique de tout le mobilier a été réalisé pièce par pièce, avant les actuels travaux, afin de retracer l’histoire de l’habitation depuis ses premiers propriétaires au XVIIIe siècle.
L’usage de chaque pièce (chambre, boudoir, salon) est alors précisé, ainsi que le mobilier qui s’y trouve et les aménagements et transformations réalisés par chaque propriétaire.

Précision plus qu'intéressante, cher La nuit, la neige, merci beaucoup pour cette information très prometteuse!  
Je laisse passer ce mois d'août où les correspondances ont parfois tendance à se perdre, mais je frappe à la Conservation de Champs dès la rentrée.

Et ensuite, en fonction de ce que nous aurons trouvé, je crois qu'il pourrait être utile de demander à Joseph Baillio ce qu'il en pense et quelle est sa théorie au sujet de ce portrait (s'il s'agit bien d'un authentique XVIIIe, attribuable à Madame Vigée Le Brun et non d'un pastiche - même agréable - comme celui que j'ai posté à propos de l'exposition du Château d'Eu il y a deux ans).
L'occasion de lui renouveler nos vœux pour la publication si attendue    de son Catalogue raisonné de Madame Vigée Le Brun, auquel il faut aussi ajouter celui d'Hubert Robert, qui promet d'être encore plus monumental....

Bonnefoy du Plan a écrit:

(...)
Je crois distinguer sur ce portrait une coiffure qui me fait penser à deux gravures en couleur de Macret
(...)
La proximité de la coiffure entre le tableau de Champs (original ou réplique ?) et les gravures permet-elle vraiment de faire un lien entre ce tableau « perdu » et celui de Champs[/color], quand bien même la robe du portrait diffère de celle de la gravure, tant par l’époque me semble-t-il que les rayures ?

Je ne m'habitue pas à cet ensemble à carreaux qui me semble tout de même très " inesthétique ", non pas tant au regard de la mode du temps mais surtout en référence aux choix artistiques de Mme Le Brun qui fait rarement des fautes de goût. Le " total look " à carreaux, ma foi, ne serait son meilleur choix...


La photo d'archive de Champs est mauvaise, mais je propose une ressemblance avec la robe de ce portrait



Marie-Antoinette, reine de France
Elisabeth-Louise Vigée Le Brun
Huile sur toile, 1783 - 1789 (?)
Image : RMN-GP (Château de Versailles) / Gérard Blot

Voir notre sujet : Marie-Antoinette, par Vigée Le Brun, d'après le grand portrait de 1778


Je suis d'accord avec vous lorsque vous pensez pouvoir distinguer un portrait de la reine par ou d'après EVLB.
Il me semble que nous sommes là dans le même univers pictural que cet autre portrait, souvent décliné. Les atours sont différents, certainement, mais les vertèbres cervicales semblent encore trop nombreuses...



Marie-Antoinette, reine de France
D'après Elisabeth-Vigée Le Brun
Huile sur toile, 19e siècle
Image : Tokyo Fuji Art Museum



Nous allons retrouver votre portrait mystère, cher Bonnefoy !!

La nuit, la neige a écrit:
Je ne m'habitue pas à cet ensemble à carreaux qui me semble tout de même très " inesthétique ", non pas tant au regard de la mode du temps mais surtout en référence aux choix artistiques de Mme Le Brun qui fait rarement des fautes de goût. Le " total look " à carreaux, ma foi, ne serait son meilleur choix...

Tout à fait d'accord avec toi. Que c'est vilain !

La nuit, la neige a écrit:
Il me semble que nous sommes là dans le même univers pictural que cet autre portrait, souvent décliné. Les atours sont différents, certainement, mais les vertèbres cervicales semblent encore trop nombreuses...

Je crois qu'il n'y a pas de vertèbres surnuméraires; le cou est normalement proportionné au buste très massif , mais la tête est trop petite et semble ( une fois encore ) " rapportée ".