Mme de Polignac est-elle morte de douleur ?
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Mme de Sabran
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Re: Mme de Polignac est-elle morte de douleur ?
.
Voici un nouveau témoignage sur la mort de notre petite duchesse .
The Journal of Elizabeth, Lady Holland
1791 – 1811
Ed. Earl of Ilchester
(London, Longmans, 1908) 2 vols
Vol. 1
pp. 111 - 112
I have been very negligent in my journal ; the intense cold benumbed my faculties in the Tyrol. I was much shocked at Roveredo by hearing rather
suddenly of the death of the Duchesse de Polignac. She fell a victim to her attachment to the Queen. Even her rivals — for enemies she had none —
admitted that her affection was most disinterested ; that she loved the person, not the dignity, of her unhappy friend. The death of the King threw her into violent convulsions that brought her into such a state of debility that three attempts to quit Vienna were ineffectual. The murder of the Queen filled up the measure of her grief : she sank under it, and only languished in horrible sorrow a short time. She expired in the arms of Vaudreuil. At Vienna when I saw her she gave me the idea of a person labouring under the weight of woe, which she struggled to conceal that she might spare her friends the anguish of seeing she suffered. She was lovely, features and countenance perfect, figure short and not light ; her manner simple and serious, character rather grave. The brilliant situation her intimacy with the Queen put her into was always repugnant to her inclinations, and she oftentimes, and with sincerity, regretted that the difference of rank prevented her the enjoyment of retired, unsuspected, and unenvied friendship.
Voici un nouveau témoignage sur la mort de notre petite duchesse .
The Journal of Elizabeth, Lady Holland
1791 – 1811
Ed. Earl of Ilchester
(London, Longmans, 1908) 2 vols
Vol. 1
pp. 111 - 112
I have been very negligent in my journal ; the intense cold benumbed my faculties in the Tyrol. I was much shocked at Roveredo by hearing rather
suddenly of the death of the Duchesse de Polignac. She fell a victim to her attachment to the Queen. Even her rivals — for enemies she had none —
admitted that her affection was most disinterested ; that she loved the person, not the dignity, of her unhappy friend. The death of the King threw her into violent convulsions that brought her into such a state of debility that three attempts to quit Vienna were ineffectual. The murder of the Queen filled up the measure of her grief : she sank under it, and only languished in horrible sorrow a short time. She expired in the arms of Vaudreuil. At Vienna when I saw her she gave me the idea of a person labouring under the weight of woe, which she struggled to conceal that she might spare her friends the anguish of seeing she suffered. She was lovely, features and countenance perfect, figure short and not light ; her manner simple and serious, character rather grave. The brilliant situation her intimacy with the Queen put her into was always repugnant to her inclinations, and she oftentimes, and with sincerity, regretted that the difference of rank prevented her the enjoyment of retired, unsuspected, and unenvied friendship.
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Mme de Sabran- Messages : 55514
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Mme de Polignac est-elle morte de douleur ?
La Duchesse de Polignac avait probablement déjà de sérieux problèmes de santé qui se sont aggravés lorsqu'elle apprit la mort de Marie-Antoinette, sa tendre amie. Oui, c'est vrai, je pense aussi que la situation de la Reine devait peiner Mme de Polignac énormément. Je suis ravie que Lady Holland précise bien que cette amitié était totalement désintéressée. Sa sincérité, sa joie de vivre (la Reine en avait tellement besoin) et son amour pour la Reine étaient profonds. Ce fût entre ces deux personnes ce que l'on appelle la véritable amitié. boudoi30
Trianon- Messages : 3305
Date d'inscription : 22/12/2013
Re: Mme de Polignac est-elle morte de douleur ?
;
Oui, lady Holland nous brosse-là un tableau touchant .
Oui, lady Holland nous brosse-là un tableau touchant .
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Mme de Sabran- Messages : 55514
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Mme de Polignac est-elle morte de douleur ?
C'est vrai qu'elle écrit mieux que Valérie Trierweiler :
Bien à vous. boudoi26
Bien à vous. boudoi26
Invité- Invité
Re: Mme de Polignac est-elle morte de douleur ?
Majesté a écrit:C'est vrai qu'elle écrit mieux que Valérie Trierweiler :
Évidement, lady Holland a écrit un livre, un journal, Valérie machin chose a écrit un torchon...
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"Je sais que l'on vient de Paris pour demander ma tête ! Mais j'ai appris de ma mère à ne pas craindre la mort, et je l'attendrai avec fermeté !"
Marie Antoinette
attachboy- Messages : 1492
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Mme de Polignac est-elle morte de douleur ?
On avait pratiqué des ouvertures dans les matelas pour ....Mme de Sabran a écrit:
Juste pour info, dans le cas de Louis XIII, c'est différent : le diagnostic a été fait, à la demande de JC Petifils, par un médecin réputé, sur la base du rapport d'autopsie et du journal de Jean Héroard, premier médecin de Louis XIII qui faisait chaque jour un descriptif complet de la santé de son auguste patient... et de ses éventuels symptômes. Le journal de Héroard est paraît-il excessivement précis : il y décrit jusqu'à la couleur, la forme et la consistance des selles du roi. Bon appétit ! boudoi32
Re: Mme de Polignac est-elle morte de douleur ?
Quelle horreur !
Je rappelle qu'il s'agit de Louis XIII. Pas de Mme de Polignac.
Je rappelle qu'il s'agit de Louis XIII. Pas de Mme de Polignac.
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Mme de Sabran- Messages : 55514
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Mme de Polignac est-elle morte de douleur ?
Majesté a écrit:C'est vrai qu'elle écrit mieux que Valérie Trierweiler :
Pourquoi, cher Majesté ? Ne me dites pas que vous avez lu le livre de cette ex-1ère dame ? :
Trianon- Messages : 3305
Date d'inscription : 22/12/2013
Re: Mme de Polignac est-elle morte de douleur ?
Je voulais seulement dire que Lady Holland écrit mieux que Madame Holland :
Et non! je n'ai pas lu ce torchon à succès de scandale
Bien à vous.
Et non! je n'ai pas lu ce torchon à succès de scandale
Bien à vous.
Invité- Invité
Re: Mme de Polignac est-elle morte de douleur ?
Majesté a écrit:Je voulais seulement dire que Lady Holland écrit mieux que Madame Holland :
Et non! je n'ai pas lu ce torchon à succès de scandale
Ah oui, je comprends mieux. Je n'avais pas fait attention au même patronyme. : Enfin, presque pour "Madame Holland".
Trianon- Messages : 3305
Date d'inscription : 22/12/2013
Re: Mme de Polignac est-elle morte de douleur ?
... moi non plus !
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Mme de Sabran- Messages : 55514
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Mme de Polignac est-elle morte de douleur ?
Marie-Jeanne a écrit:Mme de Sabran a écrit:
Il faudra que je revienne sur la mort de Mme de Polignac car je lis qu'elle a succombé à un cancer.
Cancer ? consomption, langueur ?
Il y a trop peu d'éléments décisifs vraiment probants pour que la thèse du cancer soit sûre et certaine ( un peu fourre-tout, le cancer ) . Il me semble d'ailleurs bien me souvenir que, dans le dernier documentaire sur Marie-Antoinette, c'est une maladie de langueur qui était retenue ...
Enfin, je ferai un petit point dans le sujet idoine .
Mais qu'est-ce qu'une maladie de langueur ? Il semble que le terme regroupait beaucoup de maladies sur lesquelles on ne savait pas grand chose. Mauvais état général, déficience pulmonaire et autres problèmes de santé divers et variés.
La cause du décès prématuré de Mme de Polignac à 44 ans pourrait être un cancer fulgurant non identifié à l'époque, favorisé par un état général fragile et une souffrance psychologique.
En vérité, nous trouvons dans la correspondance échangée entre Vaudreuil et Artois pas mal de détails sur la maladie qui emporte Mme de Polignac. Encore faut-il les interpréter ... Quand Vaudreuil parle d' " accidents " , par exemple, il faut probablement comprendre " crises douloureuses ", car il y a, chez Yolande, une grande souffrance à la fois physiologique et psychique; l'esprit se sert du corps pour s'exprimer et le corps somatise.
Elzéar de Sabran ( à moins que ce ne soit l'abbé de la Balivière, George Paul balance entre les deux ) nous le dit : dans les derniers jours de son agonie, ses médecins administrent à Mme de Polignac de l'opium jusqu'à la plonger dans une sorte de paralysie comateuse.
Il s'agit très certainement du fameux laudanum, très prescrit et utilisé à l'époque . C'est une espèce de bouillie à base d'alcaloïdes issue du pavot somnifère, surtout prescrite dans le traitement symptomatique des diarrhées aiguës et chroniques, résistantes à tout autre traitement médicamenteux.
C'est également un excellent analgésique .
Mme de Polignac avait-elle des symptômes douloureux gastro-intestinaux ?
Oui.
Vaudreuil l'écrit à Artois :
Vaudreuil au comte d'Artois
Rome, 12 décembre 1789
Mme de Polignac a eu une violente attaque de coliques avec de la fièvre, qui m'a fort inquiété pendant deux jours. Elle en est quitte, à la faiblesse près. Elle a été si fort évacuée qu'elle est comme en sortant d'une grande maladie.
Vaudreuil au comte d'Artois
Venise, 11 septembre 1790
Mme de Polignac a été beaucoup plus malade hier dans la nuit ; elle a eu des coliques et des vomissements, causés par l'abondance des humeurs ; elle a pris ce matin de l'émétique par ordonnance de son médecin, qui nous assure que cela n'aura aucune suite. Je crois en effet qu'elle n'aura pas de maladie ; mais il n'en est pas moins vrai que les chagrins ont terriblement altéré sa santé, et que mon pauvre coeur est brisé par tous les côtés.
Vaudreuil au comte d'Artois
Venise, 15 septembre 1790 - n° 59
L'émétique a fait beaucoup de bien à Mme de Polignac, et elle en avait un furieux besoin. Elle avait une prodigieuse quantité de bile fermentée, et le chagrin la renouvelle sans cesse. Je ne suis pas du tout content de son état ; mais ne lui en parlez pas, parce que vous savez à quel point elle se frappe.
Vaudreuil au comte d'Artois
Venise, 6 octobre 1790
Puisse Mme de Polignac résister au poids de ses peines, au surcroît d'inquiétude que lui donnera mon départ, et au mauvais état habituel de sa santé détruite par les chagrins ! Mais je crains tout pour elle, et mon pauvre coeur est sans cesse brisé par de trop justes inquiétudes. Mes larmes inondent mon papier au moment où je vous écris, et je crains bien que la perte d'une amie si tendre, d'une femme si parfaite ne laisse à votre ami d'autre ressource que la mort. Ceci entre nous, mon cher prince ; c'est dans votre sein que je dépose mes cruelles alarmes ; n'en parles à personne, et plaignez votre malheureux ami
Vaudreuil à Lady E. Foster
Vienne, en Autriche, ce 6 mars 1793
Mme de Polignac a eu une maladie inquiétante, qui faisait craindre une inflammation...
Bientôt son état général est à ce point alarmant que Vaudreuil qui devait retourner rejoindre Artois dans l'armée des princes y renonce, n'osant plus s'éloigner d'elle . Lui, qui inondait Artois chaque semaine de longues missives, n'écrit plus. Le prince s'en inquiète.
Le comte d'Artois à Vaudreuil
Hamm, ce 15 juin 1793.
A présent, mon ami, parlons de toi. Non seulement j'approuve entièrement le parti que tu as pris, mais tu dois me connaître assez pour savoir que je te l'aurais conseillé. Je veux seulement te gronder de vouloir chercher des prétextes, dont aucuns n'ont le sens commun. Mon ami sera toujours bien auprès de moi, et sa présence ne peut m'être qu'utile et honorable; mais tu as des devoirs plus sacrés à remplir; je le dis comme je le pense, du fond de l'âme; je ne tiendrais pas le même langage à tout le monde, mais mon ami m'entendra, me comprendra et me sentira. D'ailleurs je me plais à faire des sacrifices à ceux que j'aime, et, en te regrettant sans cesse dans la pénible carrière que j'ai à parcourir, je jouirai de savoir que mon bon Vaudreuil est heureux, et qu'il est auprès d'une femme que, toute ma vie, je regarderai comme une de mes plus tendres amies.
Le comte d'Artois à Vaudreuil
Hamm, ce 17 juillet 1793.
Je n'ai pas eu un seul mot de toi depuis l'arrivée de M. de Seebach, mon cher ami; je suis bien loin de t'en vouloir, mais j'en suis vivement tourmenté, et je crains que tu ne sois inquiet. Cependant j'ai reçu il y a quatre jours une petite lettre de Roll, dans laquelle il m'assure que Mme de Polignac a le visage très bon, et que sa faiblesse ne vient que des nerfs. Mais néanmoins ton silence m'afflige et me fait craindre qu'avec ou sans raison tu ne sois cruellement tourmenté.
Le comte d'Artois à Vaudreuil
Hamm, ce 16 août 1793.
Mon Dieu ! que ton amie est bonne d'avoir pensé à m'écrire dans ta lettre; je lui réponds de la même manière, afin de ne pas fatiguer ses yeux par ma maudite écriture. Dis-lui donc, mon cher Vaudreuil, que je suis plus sensible que jamais à son amitié, que je souffre de tous ses maux, mais que je lui réponds encore d'un avenir heureux, pourvu qu'elle emploie tous ses soins à soigner sa santé et à éviter à ses amis des inquiétudes qui leur font bien mal.
Le comte d'Artois à Vaudreuil
Hamm, ce 23 août 1793.
J'ai reçu avant-hier ta lettre du 9, mon ami. Les nouvelles que tu me donnes de Mme de Polignac me font un vrai plaisir. Du moment que les accidents diminuent, il est plus que probable qu'ils s'éteindront tout à fait; juge combien cette espérance me fait de bien.
Vaudreuil au comte d'Antraigues
A Vienne, en Autriche, ce 14 octobre 1793.
Je suis d'autant plus étonné et affecté de votre silence que vous devez savoir les cruelles inquiétudes que j'ai éprouvées relativement à Mme de Polignac. J'ai cru perdre la plus parfaite des femmes et la plus tendre des amies. Elle est depuis un an dans un état vraiment alarmant. Ses peines de tous genres ont avancé l'époque de son temps critique, et ce passage dangereux lui a occasionné des accidents graves et des douleurs aiguës. Ce n'est que depuis peu de temps que le mieux s'est établi de manière à nous rassurer. Les grands accidents sont cessés (sic), mais il lui reste un fond de vapeurs et de mélancolie que le temps et le bonheur pourront seuls guérir. Vous me connaissez assez pour juger combien j'ai souffert de ce spectacle de douleurs.
Par " son temps critique ", il faut comprendre l'arrêt des cycles menstruels de Yolande. Cette ménopause précoce est très possiblement due à un amaigrissement, état de faiblesse générale, épuisement .
Le comte d'Artois à Vaudreuil
Hamm, ce 24 octobre 1793.
Je commence par te prévenir, mon ami, que nous ferons partir Armand dans deux jours. Ce courrier-ci n'est que pour notifier le cruel événement du meurtre de la Reine. Tu sais les torts que je pouvais avoir à reprocher à cette trop malheureuse femme : mais dans ce moment-ci j'ai tout oublié, et mon cœur a plus souffert que je ne puis te l'exprimer. Je l'ai tant aimée, et elle fut si aimable pour moi ! Mais ce qui augmente encore ma douleur, c'est de penser à celle que ton amie éprouvera. Pauvre petite ! je ne lui écrirai que par son fils; je lui ferai mal, mais dis-lui que mon cœur est bien digne du sien.
Vaudreuil au comte d'Antraigues
Ce 20 novembre 1793.
Tous les forfaits qui se succèdent, ceux qui nous menacent encore, la honte du nom français et l'état douloureux et alarmant de ma meilleure amie ont épuisé toutes mes forces. Je succombe à une pareille surcharge de maux de l'âme et du corps. Depuis quelques jours surtout, les accidents de ma malheureuse amie étaient devenus si graves, si répétés, que le désespoir s'était emparé de moi. On s'est enfin déterminé à appeler un médecin, que notre excellent Las Casas a amené avec lui : déjà ses remèdes opèrent, et il nous flatte d'une guérison sûre et plus prompte que nous n'aurions pu l'espérer. Ce Las Casas ! je lui devrai donc tout et sur tous les points ! Ah ! la reconnaissance ne pèsera point à mon cœur; elle me sera au contraire la plus douce des jouissances.
Serait-ce que, le 20 novembre, à Vienne, la petite colonie Polignac et Vaudreuil ignorent encore l'exécution de la reine ?!
Mais à la nouvelle de la mort de Marie-Antoinette ( et pourtant Armand lui en cache la vérité, l'échafaud, la guillotine ... ) Yolande défaille et doit s'aliter . Elle ne se relèvera plus. Depuis six mois une tristesse profonde et des douleurs aigües, sans maladie déterminée, la faisait dépérir chaque jour. A présent, les " accidents " sont devenus si graves, si répétés qu'ils ne laissent que quelques moments de répit.
Vaudreuil à son cousin le marquis de Vaudreuil
Vienne, ce 6 décembre 1793.
Je viens d'être frappé du coup mortel, mon bon. mon tendre cousin. Hier, j'ai perdu une amie de trente ans, l'objet et la confidente de toutes mes pensées, celle par qui et pour qui je vivais, qui possédait tous les charmes, toutes les qualités et toutes les vertus. Je l'ai perdue, et je vis encore I
Ce matin, à mon réveil (car j'ai dormi de fatigue, mes yeux se sont fermés, appesantis par mes larmes), ce matin à mon réveil, comme j'ai senti que tout était fini pour moi ! Je n'ai plus rien à dire, rien à faire, rien à penser; car celle à qui mes paroles, mes actions, mes pensées s'adressaient n'est plus ; elle repose dans la nuit du tombeau.
Elle est morte sans douleurs, sans angoisses, de la mort des saints. Après avoir rempli les devoirs et reçu tous les secours des chrétiens, ses mains se sont jointes, comme si elle était en prière; peu de moments après, elle les a serrées contre son cœur, et c'est ainsi que cette âme divine
s'est réunie à son Créateur , qui n'a pas voulu la laisser plus longtemps sur une terre indigne d'elle et souillée par tant de crimes. On dirait que le Roi et la Reine ont obtenu de Dieu, pour prix de leur martyre, de réunir à eux une amie fidèle, qui n'a jamais eu à se reprocher un mauvais conseil et une action nuisible, qui leur a dans toutes les circonstances parlé le langage de la vérité et de l'honneur, qui par sa modération dans le temps de ses
prospérités avait désarmé l'envie, et qui n'a été calomniée que depuis que des Loménie et des Necker avaient entrepris de perdre les plus augustes victimes, le trône et l'autel. Pourquoi ne me réunissent-ils pas à celle qu'ils ont appelée? Parce qu'apparemment je n'en suis pas encore digne.
Je vis encore. Rien ne peut peindre ce que j'éprouve; mais votre cœur le devinera. Quel spectacle que celui dont je suis entouré ! Le duc de
Polignac, la duchesse de Guiche, Armand, les jeunes enfants, tous ont perdu ce qui animait leur vie. Je ne vois que des larmes, je n'entends que des gémissements. Tous les domestiques, tout ce qui l'approchait, la connaissait, tous la pleurent et demandent à la suivre.
C'est à présent le seul vœu que je puisse former, car comment supporter tant de déchirants souvenirs? Elle me tenait lieu de tout, me consolait de tout. La perte de mon existence, de ma fortune n'avait jamais troublé mon cœur, parce que je trouvais tout en elle. A présent tous les malheurs que je dédaignais, ayant une aussi chère ressource, pèsent à la fois sur moi. Je les sens, j'en suis accablé. Je pourrais me consoler, si je pouvais encore
faire des heureux, si j'avais des bienfaits à répandre; mais je deviens à charge au monde et à moi-même. Je ne suis plus premier objet pour personne au monde ! Ah ! Dieu, secourez-moi, appelez-moi I Je sens que je me soulage en m'ouvrant au plus vertueux, au plus sensible, au plus cher de mes amis et de mes parents. Ah ! si vous étiez tous ici, je serais bien moins à plaindre ; je vivrais ou je mourrais dans vos bras; mais une distance immense nous sépare, et je n'ai ni la force d'aller, ni les moyens d'aller ou de vous avoir près de moi. Je suis par trop puni, si j'ai péché !
On nous a transportés, le duc de Polignac, la duchesse de Guiche et moi, chez l'ambassadeur d'Espagne qui nous rend, ainsi que sa femme, les soins les plus tendres et les plus empressés.
Le meilleur de mes amis me donnerait du poison; je n'en prends pas, parce que je crois à l'Etre suprême qui m'a créé, et que je respecte ses décrets; sans cela — Ah ! mon bon cousin, j'ai tout perdu
Embrassez pour moi tous les anges qui vous entourent; je vois d'ici les larmes que vous répandrez tous et toutes; elles feront le panégyrique de celle que je pleure, que je pleurerai jusqu'à ce que mes yeux se ferment pour toujours.
Las Casas de son côté écrivait en date du 7 décembre 1793:
Elle mourut avant-hier d'une mort très douce. Elle conserva sa chaleur pendant douze heures, sa figure tout hier. Ce n'est que d'aujourd'hui que la destruction commence à faire son effet. Si l'empreinte qui reste dans la physionomie des morts indique le dernier sentiment de leur âme, ce sentiment a été bien doux.
... cinquante jours après Marie-Antoinette . Elle avait 44 ans.
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55514
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Mme de Polignac est-elle morte de douleur ?
Merci Éléonore pour ces extraits émouvants. Il est clair que Mme de Polignac souffrait profondément dans son corps comme dans son âme.
Un médecin serait bienvenu pour aider à l'interprétation de ses symptômes.
Peut-on vraiment mourir de désespoir ? Le désespoir peut-il entraîner une maladie physiologique mortelle ?
Peut-être l'ami Vicq pourrait-il nous éclairer.
Un médecin serait bienvenu pour aider à l'interprétation de ses symptômes.
Peut-on vraiment mourir de désespoir ? Le désespoir peut-il entraîner une maladie physiologique mortelle ?
Peut-être l'ami Vicq pourrait-il nous éclairer.
Marie-Jeanne- Messages : 1497
Date d'inscription : 16/09/2018
Re: Mme de Polignac est-elle morte de douleur ?
Marie-Jeanne a écrit:
Peut-on vraiment mourir de désespoir ? Le désespoir peut-il entraîner une maladie physiologique mortelle ?
Eh bien, le désespoir peut entraîner une dépression profonde, accompagnée de perte de sommeil, refus de se sustenter, donc amaigrissement progressif. Un état de très grave affaiblissement général ( que l'on appelait au XVIIIème siècle de consomption ) , était souvent mortel ( surtout par suite de tuberculose ) parce que le patient rendu particulièrement vulnérable n'avait plus aucun ressort, désir de vivre ni de lutter contre la maladie .
Mais oui, oui, tu as raison, notre Vicq d'Azyr saurait nous expliquer cela mieux que personne !
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Mme de Sabran- Messages : 55514
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Mme de Polignac est-elle morte de douleur ?
La nature exacte de sa maladie reste bien mystérieuse. La médecine était tellement approximative à cette époque... Il est fort possible en effet qu'elle soit morte d'un excès d'opium administré pour calmer ses douleurs. Vaudreuil dit bien qu'elle est morte sans douleurs, ce qui laisse supposer qu'elle prenait beaucoup d'opium.
Je trouve touchant le mot d'Artois sur la Reine, malgré les reproches qu'il a pu lui faire, il reconnaît qu'elle était la plus aimable des femmes...
Je trouve touchant le mot d'Artois sur la Reine, malgré les reproches qu'il a pu lui faire, il reconnaît qu'elle était la plus aimable des femmes...
Duc d'Ostrogothie- Messages : 3227
Date d'inscription : 04/11/2017
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