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Jean-Baptiste Drouet

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Message par Mme de Sabran Ven 25 Avr 2014, 21:22


La princesse de Chimay a écrit
,  
Mar 19 Avr 2011 - 23:02


Je suis en train de lire L’homme de Varennes de Pierre Nézelof, éd. Colbert, 1944. Le livre se lit comme un roman . Drouet est l’homme de Varennes . Varennes a fait de lui un personnage. Elle lui a permis de s’inscrire en lisibilité sur la scène politique, de se faire mousser , de se construire une belle carrière politique.

Voici quelques extraits du livre : « Mais il n’oublie pas qu’il est le principal acteur de ce drame, il se campe, il se donne le beau rôle. Flair , perspicacité , décision, audace , il a toutes les qualités qui font les grands capitaines.

(…)
En entrant dans la salle du Manège , Drouet se doutait qu’il était un grand homme , il en était sûr quand il en sortit.

Sur les circonstances entourant le retour du roi vers la capitale, Nézelof dit ceci : « De loin en loin , des placards avaient été posés : « Quiconque applaudira le Roi aura des coups de bâton , quiconque l’insultera sera pendu. »

Heure par heure , par des nouvelles qui arrivaient on ne savait comment la population suivait la marche de la berline royale. A dix heures, elle était à Claye , le midi à Villeparisis. On apprenait qu’à l’entrée du bois de Bondy , une furieuse bagarre avait failli coûter la vie à la famille royale ; Marie-Antoinette , insultée par des mégères , avait pleuré. A trois heures , la voiture était à Pantin , elle avançait péniblement au pas , au milieu d’une mer humaine sous des clameurs féroces . On craignait que ses occupants n’atteignissent point vivants le but de leur voyage.

(…)

En attendant , Drouet était le personnage le plus en vue de Paris ; on le fêtait dans tous les cercles ; dans les clubs , on s’honorait de son amitié ; il était de tous les banquets où l’on chantait sur l’air de la fanfare de Saint-Cloud :

Vivent les gens de Varennes
Clermont et Sainte Menehould,
Qui pour éloigner nos peines,
Ont fait manquer un beau coup !


Son nom s’étalait dans toutes les gazettes, chacun voulait posséder son portrait qu’un éditeur avisé venait de faire graver . Enfin, le 18 août 1791, l’Assemblée , par un décret spécial, comblait de bienfaits les villes de Varennes et de Clermont et accordait , à titre de récompense nationale, 30 000 livres à Drouet , 10 000 livres au compagnon de Drouet ( Guillaume ), 20 000 livres au procureur Sauce,…

Drouet se frottait les mains . La chasse au monarque avait du bon . Il redressait sa haute taille et se donnait un air martial : en l’espace d’un mois , il était devenu l’homme le plus célèbre de l’Europe .

Trente mille livres , c’était un joli denier ; mais Drouet pensait que son exploit valait des avantages plus stables . Avec Guillaume , il avait demandé des places dans la gendarmerie à cheval de leur département . L’Assemblée Constituante les avait promises ; mais les nominations tardant à venir , il se décida à aller à Paris rappeler à l’Assemblée législative les promesses faites par sa devancière.
(…)

Les habitants de Sainte –Menehould devaient un dédommagement à leur homme illustre . Ils la lui donnèrent en le nommant lieutenant-colonel de la Garde Nationale. On ne pouvait faire meilleur choix , l’heure approchait en effet où la nation allait avoir besoin de têtes audacieuses et de chefs énergiques.
« A ceci près que Madame Royale raconte dans son mémoire que Drouet n’a pas joué le rôle qu’on lui a prêté à Varennes."

Alors Drouet , un inconnu monté de toutes pièces ?

Jean-Baptiste Drouet Drouet10

Vantard par nature , il avait très à coeur ses intérêts financiers. Il possédait 2 fermes + une sucrerie.
C'était aussi un opportuniste. Il était le frère d'une religieuse et n'a pas hésité à mettre sa propre fille dans une institution religieuse.
Roger Vailland a écrit sa biographie .
Je tire toutes ces infos du lien suivant :

http://forum.napoleon1er.org/viewtopic.php?f=7&t=2536

.
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Message par Mme de Sabran Ven 25 Avr 2014, 21:36



Le duc de Berry a écrit :

Jean Baptiste Drouet est mort le 11 avril 1824 à Mâcon dans l'actuelle rue Carnot. Sa compagne, une allemande peu familiarisée avec la langue française, le déclara à l'état civil sous le nom de Troué. Mais les autorités apprirent rapidement que celui qui se faisait appeler Maergesse, était en fait Jean Baptiste Drouet.
Il fut enterré au cimetière Saint Brice de Mâcon. Sa tombe a mystérieusement disparu dans les années 1970 ?
Voir Emile Magnien : Histoire de Mâcon et du Mâconnais.


Kiki a écrit :

Drouet, maître de poste ( ? ) et sa responsabilité dans l'affaire de Varennes
article de Paul Charbon , Société d'histoire de la Poste et de FRance Télécom en Alsace

Les Cahiers de la FNARH n°101, 2006. – 23 –

À l’occasion de son étude sur La Poste aux
chevaux en Lorraine paru dans le numéro 26
des Cahiers de la FNARH, Claude Pérardel se
fait l’écho d’un texte de Gustave Laurent paru
sous le titre À propos de Drouet, l’homme de
Varennes dans la revue Les Annales en 1948.
Cet auteur n’hésitant pas à écrire « Drouet, qui
ne fut jamais maître de poste », Claude Pérardel
traite l’appartenance de Drouet à la Poste
aux chevaux de « légende ». Qu’en fut-il exactement
?

Le père de Drouet qui était marchand de bois
décède le 26 mai 1770 laissant à sa veuve le
soin d’élever six enfants : deux fils, Louis et
Jean-Baptiste, et quatre filles. Madame Drouet
troque alors l’affaire de son mari contre le relais
de la Poste aux chevaux de Sainte-
Menehould qu’elle achète en juin 1771. Six
ans après en mai 1777, Jean-Baptiste, âgé de
quatorze ans, s’engage comme dragon au régiment
de Condé.

Lorsqu’à vingt-et-un ans, en 1784, Jean-
Baptiste – son engagement terminé – revient à
Sainte-Menehould, il vient travailler au relais.
Est-ce à cette date que le brevet qui aurait été
attribué à sa mère lui revient ? Ce n’est pas
impossible si l’on considère que son frère aîné
Louis – dit Drouet fermier – se rend acquéreur
en 1785 de la ferme – nous dirions aujourd’hui
de la perception – des revenus de la Seigneurie
de Sainte-Menehould. Donc il n’envisage
pas de prendre la succession de sa mère.
Trois soeurs de Jean-Baptiste se marient et la
dernière entre au couvent lui laissant ainsi la
place nette.

Donc pour déterminer ce point il est nécessaire
de retrouver le brevet qu’a reçu Jean-
Baptiste. S’il est maître de Poste, Drouet n’est
pas pour autant propriétaire du relais (maison,
chevaux, champs). Sa mère ne le lui vendra
qu’en 1791. À cette date Jean-Baptiste qui
s’est marié en 1789 est père de deux enfants :
un garçon et une fille. Mais la date mémorable
de cette année est bien sûr la soirée et la nuit
du 21 au 22 juin.

Sur sa conduite deux versions s’affrontent : la
première rapporte que Drouet a passé son
après-midi à cultiver ses champs et qu’à son
retour vers huit heures du soir il n’a eu que le
temps d’apercevoir le convoi royal s’ébranler
en direction du prochain relais de Clermonten-
Argonne.


Une autre version lui donne un rôle plus étendu.
En effet les voitures des fugitifs étaient
précédées par une estafette nommée Valory
chargée de faire préparer à chaque relais les
chevaux nécessaires. Il en fallait onze pour
atteler la berline de la famille royale, la voiture
des deux domestiques, et fournir en montures,
Valory et un garde du corps qui fermait la marche.
Valory arrive donc à Sainte-Menehould,
le premier. Il lui faut régler la location des chevaux
jusqu’à Clermont et les frais des postillons
que l’on appelle les « guides ».

Il racontera plus tard(1) que devant l’effervescence
qui régnait à Sainte-Menehould à cause
de la présence des dragons, envoyés pour
protéger le passage du roi, il décide d’attendre
les voitures. Il a donc le temps de causer avec
le maître de poste qui lui aurait demandé « ce
qui se passe à Paris(2) ».

Pour détourner l’attention, Valory, comme son
collègue qui fermait la marche, avait endossé
une livrée de domestique aux couleurs du
prince de Condé, Fersen avait racheté ces vêtements
vendus après le départ en émigration
du prince. Drouet connaissait ces livrées puisqu’il
avait servi sous Condé. Lorsque les voitures
arrivent un peu avant huit heures du soir, il
est en droit de penser qu’elles appartiennent
au prince, peut-être revenu en France, et qui,
à nouveau, regagnerait la frontière. Mais les
postillons d’Orbeval, le relais qui précède celui
de Sainte-Menehould, bavardent en dételant
leurs chevaux.


Ils savent qui sont les voyageurs qu’ils viennent
d’accompagner. Car depuis le relais de
Chaintrix, c’est-à-dire avant Châlons-sur-
Marne, le roi a été reconnu et la nouvelle a
suivi de poste en poste.
Mais les livrées des domestiques semblent
prouver qu’il s’agit d’un faux.
Drouet ne fait alors ni plus ni moins que tous
les maîtres de Poste depuis Chaintrix : il laisse
partir le convoi. D’ailleurs de quel droit serait-il
intervenu ? Il s’agissait de relayer deux voitures
parmi bien d’autres.


Bien sûr si le voyageur était le roi, la situation
était bizarre. Le premier personnage du
royaume se déplaçait d’une manière habituelle
en gardant l’anonymat.
La municipalité de Sainte-Menehould est déjà
alertée par les déplacements insolites de
troupe puis touchée par la rumeur du passage
du roi.


Un de ses membres nommé Farcy qui a déjà
eu la royale ? va jusqu’au relais. Il trouve « le
sieur Drouet fort occupé de cet objet et se disposant
à venir faire part de ses soupçons à la
municipalité ».
Drouet lui décrit les membres du convoi en
parlant particulièrement de la voyageuse qui
pourrait bien être la reine. Farcy lui confirme
que ses suppositions sont justes puis retourne
à la municipalité informer ses collègues. Mais
là, même passivité. Oui, c’est le roi qui est
passé. Faut-il s’inquiéter de cela ? Peut être
de ne pas lui avoir rendu hommage. Mais selon
toute évidence il souhaitait passer inaperçu.
Vers dix heures arrive Antoine Viet, maître de
Poste de Châlons dépêché par sa municipalité
jusqu’à Sainte-Menehould pour « donner avis
de la fuite du roi et recevoir [d’elle] des instructions
précises sur les découvertes qui auraient
été faites à ce sujet(3) ».


Viet présente l’ordre que Boyon, un des envoyés
de l’Assemblée nationale chargé de retrouver
le roi, a rédigé à Chaintrix où il aurait
été obligé de s’arrêter, rompu de fatigue. Cet
ordre avait été transmis de relais en relais par
des postillons et se présentait ainsi :
« De la part de l’Assemblée nationale, il est
ordonné à tous les bons citoyens de faire arrêter
la berline à six chevaux dans laquelle on
soupçonne être le Roi, la Reine, Madame Élisabeth
; le dauphin et Madame Royale…(4) ».


L’équivoque est donc levée. Le roi s’enfuit. Il
faut organiser sa poursuite.
Seulement la berline est partie de Sainte-
Menehould depuis deux heures. Seul un cavalier
accompli peut regagner le temps perdu.
Drouet – ancien dragon – est capable d’un tel
exploit. Aussi est-il décidé de « faire courir
après ledit carrosse et de le faire arrêter et la
municipalité [charge] de cette commission ledit
sieur Drouet ». Cet extrait des registres des
délibérations du conseil municipal de Sainte-
Menehould prouve bien que Drouet – même
s’il a soupçonné aussi que le roi était dans la
berline n’a pas pris l’initiative de la poursuite. Il
n’avait d’ailleurs au moment du passage du
courrier dans son relais aucune raison pour le
faire.


Lorsqu’il se présentera le 24 juin devant l’Assemblée
nationale, il affirmera le contraire par
fanfaronnade. Se donner le beau rôle était tentant.
Et, la tête tournée par son triomphe, il abandonne
son relais pour une carrière politique.
Le 3 septembre suivant il est élu député et devient
membre de la Convention qui se réunit à
Paris le 21 novembre.


Après bien des péripéties il ne reviendra à
Sainte-Menehould que le 1er février 1796 pour
vendre son relais.
Pendant son absence c’est la citoyenne
Drouet qui assure l’intérim. Est-ce sa mère
(elle ne mourra que le 13 septembre 1806) ou
sa femme ?
Si l’on devait résumer la carrière réelle de
Drouet à la Poste aux chevaux, il faudrait
écrire :
�� du 1er septembre 1784 au 20 novembre
1795, il succède à sa mère à une date inconnue
;
Les Cahiers de la FNARH n°101, 2006. – 25 –
�� du 21 novembre 1791 au 1er février 1796 il
est titulaire du brevet et propriétaire du relais
mais laisse la gestion à sa femme et/ou
à sa mère.


Il reste maintenant à retrouver son brevet qui
seul peut apporter une réponse exacte à la
question posée.


Notes :
1. Mémoire du marquis de Bouillé, 2e édition 1827 (ce texte est suivi du compte rendu du voyage par
Valory).
2. En retenant la première version, Valory n’a pas pu parler avec Drouet qui cultivait ses champs. Avec
qui alors a t-il pu s’entretenir ? Peut-être avec Drouet fermier le fils aîné qui a perdu sa situation à la
suite des événements révolutionnaires et qui reste peut être au relais en attendant de s’engager l’année
d’après dans l’armée, où il servira sous Dumouriez.
3. Procès-verbal de ce qui s’est passé à Châlons « J. L. Leroy, 1876 ».
4. « Rapport sommaire et exact de l’arrestation du roi après Clermont » par Boyon.


Madame de Chimay a écrit :


-Selon Nézelof, le 1er novembre 1792, Drouet est venu faire une visite d’inspection au Temple. En fait, il est venu voir si la Famille Royale n’ avait besoin de rien . Celle-ci lui oppose un silence tout à fait méprisant.
Et bien sûr, Drouet se fait remarquer en votant la mort de Louis XVI.

Voici ce qu’en écrit Nézelof :
« Peu à peu , Drouet devenait un des personnages les plus en vue de la Convention. Il était le patriote sûr, le ferme républicain dans lequel le peuple pouvait , en toute certitude , mettre sa confiance .
Ses interventions et ses voies le prouvaient . Déjà au mois de décembre 1792, aux Jacobins , il avait pris victorieusement la défense de Philippe-Egalité , l’ex-duc d’Orléans , dont Buzot et Giron demandaient l’exclusion. En mars 1793, il avait été adjoint à la mission de Pons et de Thuriot pour recruter des volontaires dans la Marne et la Meuse. «

Le 7 juillet 1793, c’est la seconde visite de Drouet au Temple. Cette fois, il s’agit de couper court aux rumeurs d’enlèvements du dauphin et de vérifier que celui-ci est bel et bien au Temple. Un dialogue étonnant s’établit entre la Reine et Drouet .

« Drouet la contemplait en silence ; elle portait sur sa personne la trace des malheurs qui s’étaient abattus sur elle . Ses yeux bleus étaient devenus gris d’acier ; dans le visage émacié , l’arête du nez se détachait plus vive entre les pommettes couperosées ; les tendons saillaient dans le cou décharné. Néanmoins , elle se redressait , une moue méprisante aux lèvres. Celle qui avait été la reine de France et la maître de poste se dévisagèrent un instant avec défi. Une inquiétude secrète troublait cependant le regard de la prisonnière . Que lui voulait cet homme qui ne lui était apparu qu’à l’heure des catastrophes ?

-Madame , dit Drouet , nous sommes venus voir s’il ne vous manquait rien .

-Il me manque mon fils.

-Votre fils a tout ce qu’il lui faut, répliqua Drouet d’un ton sec , on lui a donné un précepteur patriote , et vous n’avez pas plus à vous plaindre de la manière dont on le traite que de celle dont vous êtes traitée ici vous-même.

-Je ne me plains que d’une chose , dit Marie-Antoinette , c’est de l’absence d’un enfant qui ne m’a jamais quittée. Depuis cinq jours qu’il m’a été arraché , il ne m’a pas été permis de le voir une seule fois.

-Madame , des ordres ont été donnés , ils doivent être exécutés.

Marie-Antoinette joignit les mains dans un geste de supplication , sa voix fléchit , la reine devint mère :

-« Monsieur , songez-y , il est petit. Il est malade , il a besoin de mes soins , je n’ai plus que lui , il n’a que moi ; ces messieurs de l’Assemblée sont pères pour la plupart , ils devraient comprendre Ce n’est pas parce que j’embrasse mon enfant que la France serait en péril.

Gêné , Drouet, la tête basse , faisait tourner entre ses doigts son chapeau à plumes . Marie-Antoinette reprit, abandonnant toute fierté :

-Monsieur, je vous en supplie , écoutez-moi , je ne demande pas grand-chose …qu’on me le laisse voir , seulement aux heures des repas.

Drouet se raidit contre l’émotion qui le gagnait. Il lui répugnait cependant d’être cruel à l’égard de cette femme , qui lui devait ses peines et sa déchéance :

-Madame , dit-il, votre demande sera examinée par le Comité , je vous le promets.

Et brisant ce débat pénible , il sortit. "

Nézelof nous apprend aussi que Drouet était un ami de Marat et que c’est lui qui a mené les interrogatoires préliminaires de Charlotte Corday.

.
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Message par Mme de Sabran Ven 25 Avr 2014, 21:43



Madame de Chimay a écrit :



Nézelof raconte l’entrevue Fersen-Drouet . IL raconte : « Ce jour là, le colonel Hervey vint trouver le comte de Fersen et lui dit :
« Devant Maubeuge , les Autrichiens ont fait prisonnier l’homme de Varennes…

-Qui ? Drouet ?

-Lui-même …Il vient d’arriver à Bruxelles , on l’a enfermé dans la prison Sainte-Elisabeth ; voulez-vous le voir ?

Fersen saisit la main de son ami ; un espoir vient de naître en lui , peut-être par cet homme pourra t-il obtenir quelques renseignements sur sa tendre reine :

-Oui, allons ! Dit-il, allons vite !

Le colonel ajoute :

-Ma voiture est en bas avec l’abbé de Limon , le comte de Fitz-James, ils nous accompagneront ...

Le geôlier a tiré les verrous , poussé la lourde porte , et les cinq hommes pénètrent dans le cachot. Tout d’abord , à cause de l’obscurité qui y règne , les visiteurs ne distinguent rien , mais leurs yeux s’habituent . Fersen fait un pas en avant , et aperçoit un homme enchaîné sur une litière de paille . Le prisonnier est pâle , hâve , hirsute , déguenillé , cependant , il fait bonne contenance .

-C’est toi , demande le colonel , qui a arrêté le roi à Varennes ? …

Drouet regarde fixement ces inconnus qui viennent le contempler comme une bête curieuse :

-C’est bien moi , dit-il sans baisser les yeux , qui était à Varennes ! Mais ce n’est pas moi qui ait arrêté le Roi …

Fersen , en proie à un malaise croissant , scrute le prisonnier . Le voilà donc cet homme qui a fait entrer le désespoir dans sa vie : voilà l’homme qui est à la source de son malheur , et par la faute de qui sa reine a été arrachée à son amour …Si elle souffre , si elle agonise lentement dans sa geôle , si la mort la menace , c’est ce Drouet qui est là, le premier, le seul responsable .


Le suédois aperçoit une chaîne qui relie la main gauche du prisonnier à son pied droit et que le porteur essaie de dissimuler sous son vêtement boutonné ; il cherche à humilier le misérable :

-Ouvre ta redingote , dit-il , que nous voyions si tu es bien attaché.

Drouet fait la sourde oreille . Fersen repète son ordre sans succès et se penche . Le suédois , grand, fin , racé , et le paysan champenois aux larges épaules sont face à face . Le visage du favori sur lequel les lèvres d’une reine se sont posées et la figure brûlée par l’haleine ardente de la Révolution se confrontent . Fersen entend une voix lui murmurer :

-Regarde-le bien , c’est ce rustre qui t’a vaincu, qui t’a arraché ton bonheur !

Le suédois croit distinguer un sourire ironique sur les lèvres de Drouet , il serre les poings , un vertige de meutre tournoie dans sa tête , il fait un pas en arrière et entraîne l’abbé de Limon et le comte de Fitz-James :

-Sortons , dit-il , d’une voix sourde , sortons .


Dehors , il murmure , comme épuisé de l’effort qu’il vient de faire pour maîtriser sa haine et sa rage :

-Une minute de plus …et je l’étranglais de mes propres mains/.


Deux jours plus tard , Drouet fut amené devant le Comte de Metternich , ministre plénipotentaire autrichien , qui l’interrogea à son tour sur la situation de Maubeuge .

-Connaissez-vous le côté faible de la ville ? lui demanda Metternich …

Le prisonnier secoua la tête .

-Il n’y en a pas , d’ailleurs , si je le connaissais, je ne vous le dirais pas.

Puis, il expliqua comment Louis XVI avait été arrêté , il précisa qu’il n’avait pris aucune part à cette arrestation et qu’il n’avait jamais manqué de respect au roi .

-Cependant , vous avez voté sa mort , dit le ministre.

-Sans doute, j’ai voté pour, mais parce que je croyais sa mort nécessaire comme celle de Jésus-Christ.

Et la tête haute , Drouet ajouta :

-Tout ce que j’ai fait , je le ferais encore…

On le reconduisit dans sa prison , et de peur qu’il ne s’échappât , on l’enferma dans une cage en fer , une sorte de gangue métallique où ses pieds et ses mains étaient pris, lui rendant tout mouvement impossible .

On l’y abandonna avec défense à qui que ce fût de l’approcher. Il serait mort de faim et de soif sans l’intervention de son geôlier , Gérard Meunier , homme pitoyable et patriote ardent qui, bien que père de six enfants , vint chaque jour , au risque de sa vie , lui apporter à manger et à boire.

Un an plus tard , les représentants du peuple près des armées du Nord et de Sambre et Meuse découvrirent cette cage à Bruxelles et avertirent la Convention. Barère demanda qu’elle fût suspendue dans la salle des délibérations pour perpétuer la haine de la tyrannie . Mais les députés marquèrent peu d’empressement à voir se balancer au-dessus de leurs crânes cette suspension d’un nouveau genre . Il fut décidé que la mécanique serait attachée au piédestal de la statue de la Liberté , sur la place de la Révolution, avec cette inscription :

Citoyens , voilà les bienfaits que vous préparent les tyrans !

Quelques jours plus tard , Drouet fut transféré à Luxembourg . Toujours enchaîné , il fut jeté dans un cachot fétide et obscur et condamné commme un criminel au plus grand secret. Afin de le rendre plus repoussant à ceux qui l’approchaient , on lui interdit de se raser et de se couper les ongles. A ses griffes , on devait voir la bête féroce qu’il était.

Cependant , les armées républicaines reprenaient partout l’avantage et faisaient sentir aux Impériaux l puissance de leurs baïonnettes . Jourdan , vainqueur à Wattignies , dégageait la frontière du Nord ; à leu tour , Hoche et Pichegru repoussaient l’ennemi au –delà de la Moselle et du Rhin.

La considération que la République gagna à ces victoires rejaillit sur Drouet qui fut mieux traité. On lui enleva ses fers et, un jour , on vint le chercher et , sous bonne escorte , on le conduisit vers une destination inconnue.

Le prisonnier descendit avec ses gardes le long du Rhin. A Coblentz ; lieu de rassemblement des émigrés , il fut assailli par une multitude furieuse . Tous ces gens qui, peu à peu , glissaient de la plus noire misère, accoururent pour contempler de près l’instrument de leur infortune ; le captif fut insulté et quelque peu houspillé :

-Te repends-tu de ce que tu as fait ? lui demanda –t-on .

-Moi ? s’écria Drouet , si c’était à re commencer , j’arrêterai non seulement Louis Capet , mais vous tous qui êtes là , devant moi, si vous l’aviez accompagné .

Le voyage continua . Le cortège traversa la Bavière , puis la Bohême . Drouet commençait à être inquiet :

-Où me menez-vous ? demanda –t-il à ses gardiens .

-Dans un endroit d’où tu n’es pas près de t’échapper , lui répondit-on .

Un matin, ils traversèrent une grande ville qui était Brunn , capitale de la Moravie , et se dirigèrent vers une forteresse sinistre , perchée sur une colline haute de huit cents pieds. C’était le Spielberg, prison d’état , dont le seul nom faisait , dans le monde entier , pâlir les criminels les plus endurcis. Drouet était arrivé. "
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Message par Mme de Sabran Ven 25 Avr 2014, 21:50



Madame de Chimay a écrit :

Le voyage vers Montmédy se serait fait d'après les instructions laissées par Mirabeau !

Voici encore un article qui met en cause la sincérité de Drouet

Jean-​​Baptiste DROUET a-​​t-​​il été toujours sincère ?

dimanche 24 février 2008, par François Duboisy

Source : Le Petit Journal
de Sainte-Ménehould
et ses voisins d'Argonne



http://www.menouetsesvoisinsdargonne.fr/spip.php?... -

Il faut cliquer sur le numéro 38 pour retrouver l'article .

Donc maintenant , on peut dire Drouet le vantard.


La nuit, la neige a écrit :

Le voyage vers Montmédy se serait fait d'après les instructions laissées par Mirabeau ?

Non, pas tout à fait.
Mirabeau ne voulait justement pas que le roi s'approche directement de l'empire autrichien, mais qu'il se rende à Compiègne.
Il est d'accord sur ce point avec Bouillé.
Quelques mois avant Varennes, Talleyrand informe Mirabeau qu'un plan serait organisé pour un départ vers la frontière, ce à quoi Mirabeau lui aurait répondu : "C'est un crime ! Le seul à ne jamais commettre !"

Le plan de Mirabeau prévoyait, certes, une sortie du roi de Paris et un mouvement limité des Autrichiens de l'autre côté de la frontière.
Dès lors, Mirabeau interviendrait à l'Assemblée pour autoriser le roi à monter à cheval, dans le but de préparer un mouvement vers la Picardie ; il aurait été rejoint à Compiègne par Bouillé avec le gros de ses troupes.
Puis, organisation de nouvelles élections : Mirabeau comptait être aidé par Bouillé, La Fayette, Orléans, Calonne et Breteuil pour entraîner la nouvelle Assemblée vers un parti raisonnable d'apaisement.
Mais ce plan datait !!
C'était sans compter les ambitions de La Fayette et Orléans, l'insistance de Breteuil pour fuir directement à la frontière, et enfin la mauvaise presse grandissante de Mirabeau, voir même son discrédit.
Or il était celui qui devait être la véritable tête politique restée sur Paris pour mener une campagne de relations publiques.
Enfin...Mirabeau meurt quelques mois avant Varennes.

.
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Message par Mme de Sabran Ven 25 Avr 2014, 22:41



Madame de Chimay a écrit
:

Un homme du peuple sous la Révolution de Roger Vailland et Raymond Manevy
Gallimard ( collection Hors série ), 1979, 242 p : 7 euros

Résumé Amazone

"Tout le monde a appris à l'école le nom de Drouet, le maître de poste qui, dans une auberge de campagne, a porté sur Louis XVI, roi fugitif, une main sacrilège et a accompli le geste qui devait changer la face du monde. Mais l'histoire de Drouet ne s'arrête pas là. Le personnage est vraiment hors du commun. D'abord, arrêter Louis XVI n'était pas si facile. Une troupe fidèle l'escortait. Il fallut au maître de poste beaucoup d'intelligence et de décision. Peu après, Drouet est député à la Convention, ami de Marat. Il échappe de peu au massacre du Champ-de-Mars. Commissaire aux armées, il est fait prisonnier par les Autrichiens, mis en forteresse. On raconte qu'il a été promené et exhibé dans une cage. Il tente de s'évader en confectionnant un parachute, mais il se brise la jambe. Il est échangé contre la fille de Louis XVI. De retour à Paris, il participe à la conspiration de Babeuf. On l'arrête, mais on s'arrange pour faire échapper ce prisonnier encombrant. Le voici aux Canaries. Sous Napoléon, il est sous-préfet. La Restauration arrive. Drouet se cache à Paris sous une fausse identité. Il aura encore le temps, avant de mourir, de vivre une touchante histoire d'amour. Roger Vailland et Raymond Manevy, qui fut un grand journaliste et un historien de la presse, ont écrit ce récit en 1936, dans le climat enfiévré des débuts du Front populaire, retrouvant, à un siècle et demi de distance, les élans et les espoirs du temps de Drouet. "

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