Lettre de Calonne à Jules de Polignac

National Archives, Kew



Calonne, à Monsieur de Polignac – 27 Jan 1787


Nous voici,  monsieur le duc, au dimanche 27, 5 heures du soir, et je n'ai encore aucune réponse sur ce que j'ai eu l'honneur de vous adresser le 21 décembre, ni sur l'effet de ma lettre du 15 de ce mois qui vous a été portée le 18. L'objet est plus pressant qu'on ne pense. J'ai fait une note de ce qui est survenu dans l'intervalle. Ce n'est point une lettre, c'est un simple reçu fort court auquel j'ai joint ce que j'ai reçu. Je vous prie d'en remettre le paquet à la même personne pour qui était le précédent, en cas qu'elle ait bien voulu recevoir et lire.
Sinon, et à son refus, je vous prie de me renvoyer le tout. Je crois cependant que dans tous les cas ce second envoi peut et doit être fort intéressant. C'est l'unique motif qui m'a porté à vous prier encore d'y insister, après quoi je me serai acquitté.

L'aimable duchesse, revenue ici depuis deux jours, m'a chargé de vous faire parvenir la lettre ci-jointe. C'est par une occasion très sûre, comme vous jugez bien, que ma lettre vous sera portée. Mon courrier sera mercredi soir à Paris et vous aurez, si les vents le permettent, jeudi matin, ce que je vous envoie. Je vous conjure de ne pas différer à en faire usage.

Madame de Chabannes est partie pour retourner à Paris avec mon frère. Je ne conçois pas ce qui a pu lui attirer une disgrâce à laquelle elle était bien éloignée de s'attendre, étant venue ici avec permission, et de l'aveu de la princesse, sans que depuis on eût témoigné blâmer la prolongation de son séjour. Enfin me voila tout seul et j'espère que l'amitié qu'on veut bien me conserver ne fera plus de tort à personne. On est bien étonné ici de tout ce qu'on voit. Je m'abstiens d'en parler.

M. de la Luzerne a peut être été surpris de dîner avec moi chez milord Carmarthen le jour de la naissance; ( c'est le même jour que j'avais reçu la lettre que vous m'aviez chargée de lui remettre, et il l'a eue le matin) j'étais prié à ce dîner avant son arrivée. Il n'a pas paru m'y apercevoir et peut-être ne m'y a-t-il pas vu, car vous savez qu'il ne voit guère.
En vérité, tout cela n'est d'aucune importance et ne mérite pas qu'on s'en occupe.

Je vous prie, monsieur le duc, de ne pas m'oublier auprès des personnes qui veulent bien me conserver quelques bontés, je vous enverrai par votre courrier ma réponse à M. Necker qui est enfin imprimée, et dont j'enverrai au Roi et à la Reine les premiers exemplaires par la poste, mardi prochain.
Je crois que si vous avez le courage de lire cette longue dissertation, vous la trouverez convaincante sur tous les points. Je devine bien qu'elle ait votre suffrage. Je n'ose pas me flatter qu'elle soit lue par les personnes qui n'ont pas voulu lire ma Requête. Cependant c'est moins un objet qui me soit personnel qu'une question intéressante pour l'Etat, et à ce titre-là elle pourrait mériter  grâce.

Je voudrais bien trouver dans tous les temps votre indulgence et votre impartialité.

J'ai l'honneur d'être avec le plus sincère attachement, monsieur le duc, votre humble et très obéissant serviteur.

de Calonne







Requête au roi adressée à Sa Majesté ([Reprod.]) / par M ...
gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k46981j
Calonne, Charles-Alexandre de - Requête au roi adressée à Sa Majesté ([Reprod.]) / par M. de Calonne,... - 1787 - monographies

Dans sa “Requête au Roi” Calonne, évincé de son poste de Ministre le 8 avril 1787, répond aux attaques contre son administration, en énumèrant successivement les chefs d’accusation dont il est victime: Acquisitions & Echanges; Manœuvres dans la refonte des Monnoies; Fonds du Trésor Royal fournis clandestinement pour soutenir l’Agiotage; Extensions d’emprunts; Abus d’autorité, & autres en tous genres. Calonne fait également mention du Comté de Sancerre, qui fait l’objet du texte suivant: Marquis y dénonce l’échange du Comté de Sancerre, par lequel Calonne aurait sacrifié les intérêts du Roi à ceux d’un particulier pour en partager les bénéfices. Intéressante réunion de ces deux ouvrages, malgré l’absence des pièces justificatives. Calonne mourra dans l’indifférence générale en 1802.

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Je ne comprends pas trop... Calonne est déjà en exil en janvier 1787 ?

C'est le 10 avril que Calonne est lâché par Louis XVI .
Calonne avait exposé son plan au roi le 20 août 1786 . L'assemblée n'est convoquée que le 26 décembre, prévue le 29 janvier 1787, sa première réunion n'a lieu que le 22 février, en raison d'une indisposition de Calonne, précise WIKI.

Merci pour la publication de cette lettre. Il existe en effet à Kew de  nombreuses lettres de Calonne à la duchesse de Polignac mais aussi au duc de Polignac pour les années 1787 et 1788  ainsi que sur la période de l'émigration que je n'ai pas eu l'occasion de consulter.   A première vue, il y a une erreur sur la date d'envoi. Il ne peut s'agir que de 1788 puisque Calonne se trouve en Angleterre depuis l'été 1787. La lettre qu'il envoie a vraisemblablement trait à l'affaire du mémoire de la comtesse de la Motte que celle-ci, se trouvant en Angleterre depuis peu, menaçait de publier. Calonne savait pris l'initiative de s'entremettre à ce sujet pour essayer d'adoucir la rancoeur que la reine avait conçu à son égard. Dans ce cadre, il essaya d'utiliser ses fidèles soutiens, les Polignac. En effet, à  la lettre qu'il avait envoyée au duc de Dorset afin qu'il remette à la reine un compte rendu des démarches  que les La Motte avaient faites auprès de lui, via le journaliste Serre de la Tour, il lui revenait  le 27 janvier une fin de non recevoir car la reine avait refusé de prendre connaissance du courrier. Aussi addressa-t-il coup sur coup 3 lettres à la duchesse de Polignac afin de lui demander de s'entremettre pour son compte auprès de la reine. On ne sait pas ce que la duchesse put faire pour Calonne mais, le 21 février, l'ambassade de France reçut  un ordre autographe de la reine afin qu'elle ne s'occupe plus de cette affaire. Le dîner avec lord Carmathen en présence de l'ambassadeur de France fut très mal perçu par Paris et la venue à Londres de la comtesse de Chabannes, dame d'honneur de Mme Adélaïde, amie fidèle de Calonne, lui valut son expulsion de la cour sur l'intervention de Loménie de Brienne car elle n'avait pas demandé l'autorisation au roi avant de se rendre à Londres. Tout ceci se trouve dans la biographie de Calonne par Latour Gayet lequel, pour écrire son livre,  à consulter les archives anglaises.
Amitiés à vous deux. Roi-cavalerie

Une précision supplémentaire qui peut confirmer mon hypothèse. Après vérification, il s'avère que le 27 janvier 1788 était bien un dimanche comme Calonne le précise dans sa lettre!

Roi-cavalerie a écrit:Merci pour la publication de cette lettre. Il existe en effet à Kew de  nombreuses lettres de Calonne à la duchesse de Polignac mais aussi au duc de Polignac pour les années 1787 et 1788  ainsi que sur la période de l'émigration que je n'ai pas eu l'occasion de consulter.   A première vue, il y a une erreur sur la date d'envoi.

Voilà !
Reinette a tout à fait raison puisque, en janvier 87, Calonne est en pleine préparation de réunion de son assemblée des notables .
La disgrâce ne le balaye qu'en avril .

Roi-cavalerie a écrit: Il ne peut s'agir que de 1788 puisque Calonne se trouve en Angleterre depuis l'été 1787. La lettre qu'il envoie a vraisemblablement trait à l'affaire du mémoire de la comtesse de la Motte que celle-ci, se trouvant en Angleterre depuis peu, menaçait de publier. Calonne savait pris l'initiative de s'entremettre à ce sujet pour essayer d'adoucir la rancoeur que la reine avait conçu à son égard. Dans ce cadre, il essaya d'utiliser ses fidèles soutiens, les Polignac.

Je vais poster par la suite quelques unes de ces lettres de Calonne adressées à Mme de Polignac relatives à l'affaire du Collier.
Vous les reconnaîtrez !

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Roi-cavalerie a écrit:Une précision supplémentaire qui peut confirmer mon hypothèse. Après vérification, il s'avère que le 27 janvier 1788 était bien un dimanche comme Calonne le précise dans sa lettre!

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Sur cette affaire du collier, la grande question concernant la duchesse de Polignac serait d'arriver à déterminer si, lors de son séjour en Angleterre  au printemps 1787, la duchesse de Polignac était effectivement chargée de tenter de récupérer les écrits de Mme de la Motte et s'il y a effectivement eu des contacts à ce sujet entre la duchesse ou un membre de son entourage (ce qui serait plus probable) et celui de  Mme la Motte ( son mari, ou l'un des journalistes avec lequel ce dernier était lié) . Certains historiens  comme Mme Lever l'affirment. On en trouve également trace dans La correspondance inédite secrète sur Louis XVI de Lescure lorsqu'il évoque le piège que lui aurait entendu cet original de Lord Gordon. Mais je suis un peu méfiant avec Lescure qui, me semble-t-il, a colporté un certain nombre de ragots. Le comte d'Adhémar se trouvait encore à Londres à ce moment et il a accueilli Mme de Polignac. Il serait peut être utile de consulter les archives de nos affaires étrangères relatives à son ambassade pour cette période de 1787. Peut-être en a-t-il informé Vergennes? 
Roi-cavalerie

Roi-cavalerie a écrit:Sur cette affaire du collier, la grande question concernant la duchesse de Polignac serait d'arriver à déterminer si, lors de son séjour en Angleterre  au printemps 1787, la duchesse de Polignac était effectivement chargée de tenter de récupérer les écrits de Mme de la Motte et s'il y a effectivement eu des contacts à ce sujet entre la duchesse ou un membre de son entourage (ce qui serait plus probable) et celui de  Mme la Motte ( son mari, ou l'un des journalistes avec lequel ce dernier était lié) . Certains historiens  comme Mme Lever l'affirment.

Quelques lettres de Calonne à Yolande des archives de Kew nous éclaireront, je l'espère, bientôt.
Je posterai celles que me communique Eve, après transcription !

Roi-cavalerie a écrit:On en trouve également trace dans La correspondance inédite secrète sur Louis XVI de Lescure lorsqu'il évoque le piège que lui aurait entendu cet original de Lord Gordon.

... visionnaire sans talent et sans esprit ( ... ) zèle fanatique pour la religion anglicane

( duc de Lévis, Souvenirs et portraits )

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Roi-cavalerie a écrit:Merci pour la publication de cette lettre. Il existe en effet à Kew de  nombreuses lettres de Calonne à la duchesse de Polignac mais aussi au duc de Polignac pour les années 1787 et 1788  ainsi que sur la période de l'émigration que je n'ai pas eu l'occasion de consulter.   A première vue, il y a une erreur sur la date d'envoi. Il ne peut s'agir que de 1788 puisque Calonne se trouve en Angleterre depuis l'été 1787.

Il semble être une erreur de Calonne lui-même, car voici la première page de cette lettre, datée 1787. [C'est ma photo]

C'est bien certain par le contenu, comme vous avez remarqué, Roi-Cavalerie, qu'il s'agit de 1788.

outremanche a écrit:

Roi-cavalerie a écrit:  A première vue, il y a une erreur sur la date d'envoi. Il ne peut s'agir que de 1788 puisque Calonne se trouve en Angleterre depuis l'été 1787.

Il semble être une erreur de Calonne lui-même, car voici la première page de cette lettre, datée 1787. [C'est ma photo]

Fallait-il qu'il soit ému pour se tromper ainsi !

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J'avais effectivement  pensé que cela pouvait effectivement être l'explication car en début d'année, il nous est déjà arrivé à tous de faire ce type d'erreur. En tous les cas cela confirme un peu l'authenticité de ce courrier car un faussaire ,comme il y en a eu au XIX° siècle, je pense à Feuillet de Conches, ne l'aurait pas faite. 
Amitiés. Roi-cavalerie

Roi-cavalerie a écrit: je pense à Feuillet de Conches, ne l'aurait pas faite. 

... très juste ! : : :

Je concorde, c'est une erreur que je fais moi même fréquemment, surtout en début d'année !! àè-è\':

Oh la la ! Je n'ai pas le temps de lire alors que c'est passionnant.

Lucius a écrit:Je concorde, c'est une erreur que je fais moi même fréquemment, surtout en début d'année !! àè-è\':

... et moi, même au beau milieu ! :