La liquidation de la Compagnie des Indes et la Contre-Révolution
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La liquidation de la Compagnie des Indes et la Contre-Révolution
Pour ceux que cela pourrait intéresser, à l'arrière plan des tentatives d'évasion de la reine Marie-Antoinette montées par les réseaux royalistes, l'affaire de la liquidation de la Nouvelle compagnie des Indes nous permet de jeter un regard cru sur les pratiques d'un certain nombre de conventionnels et de membres du Comité de Salut public que les réseaux royalistes ont peut être, selon les témoignages de certains des accusés, tentées d'instrumentaliser au profit de la Contre-Révolution. Si, toutefois, cela n'a pas été le cas comme certains historiens l'affirment, cette affaire n'en a pas moins contribué à créer au plus haut niveau de l'état une ambiance de suspicions et de dénonciation, qui ne leur a pas facilité la tâche.
Voici la fiche wikipédia qui éclaire un tant soit peu sur toute cette affaire avec bien entendu les réserves qu'on se doit de conserver quant à cette source:
La liquidation de la Compagnie des Indes en France, est le résultat d'un scandale politico-financier qui éclata en novembre 1793. Il prenait ses racines dans la propension de certains Montagnards à confondre l'intérêt général avec leur intérêt particulier. Cette histoire complexe s'inscrit dans la tradition des fraudes et spéculations liées, sous les précédentes assemblées, à la liquidation et au remboursement des privilèges, charges et offices d'ancien régime, l'affaire des Indes prit une tournure hautement politique et révéla la fracture qui s'était opérée au sein de la Montagne.
La Compagnie française des Indes
Compagnie financière et commerciale créée en 1719 à l'instigation du financier John Law sous le nom de Compagnie perpétuelle des Indes (qui agglutinait toutes les compagnies françaises), elle reçut en 1722, après une série de faillites et de réorganisations, le monopole du commerce maritime français, à l'exception des Amériques, contrôlé par la Compagnie du Mississippi.
Malgré les réussites de Mahé de La Bourdonnais (colonisation de la Réunion et de l'île Maurice) et de Joseph François Dupleix (établissements français aux Indes), la Compagnie, ruinée par les guerres coloniales et maritimes (guerre de Succession d'Autriche, Guerre de Sept Ans), perdit son monopole en 1769.
Reconstituée par Louis XVI sous le nom de « Nouvelle Compagnie des Indes » en 1785, elle fut définitivement supprimée par la Convention en 1793, ce qui donna lieu à un scandale où furent mêlés en particulier François Chabot et Fabre d'Églantine.
Droits de mutation
Sous l'Assemblée législative, divers travaux votés du 22 au 31 août 1792 à la suite d'une campagne menée par Joseph Delaunay dit d'Angers et Jean-François Delacroix contre l'agiotage, assujettirent les actions au porteur à un droit d'enregistrement à chaque mutation. Les dividendes perçus par les actionnaires des sociétés financières seraient ainsi débités d'une taxe de près de 25 %. Pour la bonne forme, les administrateurs firent leurs mutations par écrit, sur un registre spécial, appelé "livre des transferts". Mais dans la réalité, ils imaginèrent de verser les dividendes des actionnaires sous la fausse appellation de « réduction de capital ». En mai 1793, des affiches révélèrent ces manœuvres et Joseph Delaunay dénonça bruyamment - les 9 et 26 juillet 1793 - la fraude fiscale des transferts. Ce fut acté à la Convention et les actionnaires et les administrateurs de la Compagnie, redoutant une liquidation désormais inéluctable, firent savoir à quelques députés choisis du Comité de sûreté générale, qu'ils désiraient pouvoir être nommés eux-mêmes, par la Convention, liquidateurs de la compagnie de Indes. Ainsi ils pensaient pouvoir évaluer à leur guise le montant des actifs, éviter les amendes fiscales prévues contre eux, et proposer à l'Assemblée un plan de remboursement qui fût favorable à leurs intérêts. Tout cela portait sur des sommes considérables.
Les députés en embuscade
Au début de l'été 1793, les membres du Comité de sûreté générale convinrent qu'ils étaient en mesure de faire passer un décret portant que la Compagnie des Indes pourrait se liquider elle-même. Moyennant quelques compensations. Les intermédiaires de ces tractations furent le baron de Batz qui aurait reçu Chabot à l'Ermitage de Charonne, puis Pierre-Vincent Benoist d'Angers, ancien factotum de Talon et de Maximilien Radix de Sainte-Foix, tous les deux versés dans les questions financières. Outre Chabot, leurs interlocuteurs furent principalement Delaunay d'Angers - ami personnel de Jacques-René Hébert et de Benoist d'Angers, son "pays" - qui s'en ouvrit à ses collègues Hébertistes Amar et Julien de Toulouse, appartenant eux aussi au premier Comité de sûreté générale. Mais c'est Fabre d'Eglantine, en relation fraternelle avec Delaunay d'Angers, qui devait par la suite jouer un rôle prépondérant dans cette affaire.
Pour faire pression sur les administrateurs des Indes, les députés véreux, qui désiraient faire monter les enchères, avaient obtenu dès juillet que les scellés fussent posés sur les biens de la Compagnie des Indes. Ses représentants, se sentant pris au piège, n'auraient d'autres choix, pensaient-ils, que se montrer accommodants. Comme prévu, le décret supprimant les compagnies financières et les sociétés par actions fut voté le 24 août 1793. Restait la question des décrets d'application portant, notamment, sur les modalités de la liquidation. Dans cette attente, les actions se mirent à baisser, ce qui aurait permis aux députés de se porter acquéreur de titres, ce qui n'est pas prouvé.
"L'affaire"
Joseph Delaunay, François Chabot et Jean Julien dit de "Toulouse" se firent nommer à la commission des finances que la Convention chargea de rédiger le fameux décret réglant les modalités de la liquidation de la Compagnie des Indes. Pour prix de leur compréhension, ils avaient réclamé un premier pot-de-vin de 500 000 livres.
Dans le projet de décret présenté le 8 octobre 1793 par Joseph Delaunay à la Convention, des formulations ambiguës du texte semblaient laisser à la Compagnie des Indes la possibilité de procéder elle-même à sa liquidation. Fabre d'Églantine, soutenu par Maximilien de Robespierre, protesta avec énergie. La Convention s'empressa de modifier le texte : la liquidation serait effectuée par le gouvernement (amendement Fabre), la nation n'entendant pas se charger d'un éventuel déficit (amendement Pierre Joseph Cambon).
Lorsque le décret, après le renvoi en commission pour une nouvelle rédaction et un délai anormalement long de dix-neuf jours, parut au Bulletin révolutionnaire, les amendements avaient disparu. Le nouveau texte permettait à nouveau à la Compagnie des Indes d'échapper aux amendes dont elle était frappée, et de se liquider elle-même sous la surveillance symbolique de commissaires nationaux chargés de la liquidation. L'opération passa inaperçue.
On sut plus tard que Joseph Delaunay avait confié à l'imprimeur le texte non modifié, signé par Fabre d'Églantine, qui allait dans le sens des actionnaires. Distraction ou complicité, on ne saura sans doute jamais quelle fut la raison de cette erreur.
Dénonciateurs et dénoncés
François Chabot, excédé d'être mis seul sur la sellette, dévoila les dessous l'affaire de la Compagnie des Indes. Il donna une version selon laquelle la conspiration avait été tramée par le baron Jean de Batz, pour ruiner la République. Or celui-ci avait quitté Paris en juillet et n'était pas là pour témoigner. Très vite, les Hébertistes se servirent de cette affaire pour tenter de salir la Convention tout entière. Une campagne de dénonciation fut orchestrée par Hébert contre les pourris, ce qui indisposa grandement Robespierre.
Pour sortir de l'ornière dans laquelle il s'était placé de lui-même, Chabot expliqua qu'il avait infiltré la conspiration pour mieux la dénoncer. Et il broda une version selon laquelle Batz, bénéficiant de la protection de Louis-Marie Lhuillier, procureur-général-syndic du département, et de plusieurs membres éminents de la Commune de Paris, avait décidé de corrompre un certain nombre de députés (Fabre d'Églantine, Joseph Delaunay et les membres du premier Comité de sûreté générale), pour, dans le même temps, engager Jacques-René Hébert à lancer une campagne de diffamation contre la Convention. On était très loin du nœud du problème, les raisons de la falsification du décret qui n'était pas l'œuvre de Batz.
Les dénonciations de François Chabot qui contredirent la ligne de défense de Fabre d'Églantine et des divers protagonistes, la main de l'étranger et tous les fantasmes nés de la suspicion généralisée augmentèrent le trouble des conventionnels. Maximilien de Robespierre, pour sa part, acquit la certitude, désormais, qu'il existait une grande conspiration dont les fils invisibles étaient tirés par l'étranger et le cabinet de William Pitt. Le problème est que les contours de la conspiration décrite par Chabot étaient extrêmement flous. Et comme auraient pu le penser certains, plus perspicaces que Robespierre, une fausse conspiration peut en cacher une vraie. L'Incorruptible s'en aperçut un peu tard, après le 22 prairial an II.
Dénoncés et dénonciateurs, tous les protagonistes de l'affaire des Indes à laquelle Danton fut étranger devaient être arrêtés pendant l'hiver 1793-1794.
Enquête et arrestations
Le 12 nivôse an II (1er janvier 1794), on découvrit lors de l'examen des scellés posés chez Joseph Delaunay, l'original du décret - en réalité sa première mouture - retouchée de la main de Fabre d'Églantine-, ce qui permit au Comité de sûreté générale de négliger, dans un premier temps, les révélations de François Chabot pour revenir à une simple affaire de faux et de fraude.
Bien qu'il ait été laissé en liberté, Fabre d'Eglantine était jusqu'alors l'objet de tous les soupçons depuis la découverte du faux signé par lui et confié par Delaunay à l'imprimeur. Le 6 nivôse an II (26 décembre 1793), il fut donc écarté de l'instruction, mais il restait un témoin gênant pour ceux qui, comme Amar, seul député conservé lors de la formation du second Comité de sûreté générale, avait été partie prenante et mouillé dans l'affaire.
Jean-Pierre-André Amar contribua à donner à cette affaire d'escroquerie une dimension politique et contre-révolutionnaire démesurée dont les ennemis mortels des Modérés (qui étaient favorables à un retour à la paix et à la pacification de la Vendée) entendaient désormais se servir. Cette affaire de la Compagnie des Indes qui n'était que crapuleuse prit ainsi, grâce aux Hébertistes des grands comités de salut public (Barère et Collot) et de la sûreté générale (Amar et Vadier), une dimension symbolique et tentaculaire qui allait permettre de justifier les exécutions en série, les semaines et mois suivants, des prétendus complices de la « conspiration de Batz ou de l'étranger ».
Amar, sous les ordres du président du Comité de sûreté générale Marc Vadier lui-même aux ordres de Bertrand Barère, rédigea ainsi un rapport dans lequel il confondit à dessein les deux textes signés par Fabre d'Églantine. Il ne se préoccupa pas de savoir si les corrections litigieuses étaient ou non de sa main. Il était prévu de se débarrasser de lui pour l'empêcher d'éclairer la Convention, mais aussi pour éviter ses bavardages sur les prévarications de Collot et Billaud en Belgique. Fabre d'Eglantine fut arrêté le 24 nivôse, d'autres le suivirent.
Fracture au sein des comités
Les Hébertistes redoutés par Robespierre, à savoir François Desfieux et Jacob Pereira furent arrêtés entre le 28 brumaire et le 2 frimaire an II (18 novembre et le 22 novembre 1793). Leur complice Berthold Proli, caché chez l'épouse d'un directeur de la Compagnie des Indes, ne fut arrêté qu'en février 1794. ils composèrent la fournée des Hébertistes.
Quant à Bertrand Barère de Vieuzac, Collot d'Herbois et Jacques Nicolas Billaud-Varenne, ils ne laissèrent pas l'occasion qui se présentait à eux d'établir, grâce au rapport de Saint-Just sur cette affaire, le fil ténu de la complicité de Georges-Jacques Danton qu'ils désiraient abattre, lequel, disait-on, avait dîné chez une supposée contre-révolutionnaire, Mme de Sainte-Amaranthe. Il fut amalgamé avec cinq de ses amis politiques à quelques Hébertistes et leurs bailleurs de fonds (Frey, d'Espagnac, Guzman). Cet imbroglio de dénonciations croisées, pour certaines infondées, fut fatale à plusieurs personnes étrangères à l'affaire de la falsification du décret de la compagnie des Indes (ainsi Desmoulins, Philippeaux, Dubuisson parmi d'autres). Cela traduisait la fracture qui s'était produite au sein du Comité de salut public. Cette affaire fut un révélateur d'une crise qui couvait depuis un moment et qui trouvera son épilogue le 9 thermidor an II.
Les directeurs de la Compagnie des Indes en 1793
Gourlade (Jacques Alexandre) ; Bérard (Thomas Simon, dit Bérard l'aîné) ; Perier (Augustin) ; Bernier (Pierre) ; Bézard (Jacques) ; Demars (Étienne François Marie) ; Dodun (Jacques) ; Sabatier (Guillaume) ; Desprez (Pierre) ; Montessuy (Denis) ; Bérard (Jean-Jacques dit Bérard cadet) ; Moracin (Jean-François) ; Gougenot (Louis Georges).
Après le 9 Thermidor, Sabatier tente avec deux actionnaires, nommés directeurs par intérim, Mallet aîné et Louis-Victor Moreau, d'obtenir la restitution des biens saisis. Ne récupérant que trois navires, les actionnaires décident la liquidation définitive de la Compagnie en juillet 1795.
Bibliographie
Albert Mathiez, Études robespierristes, vol. 1. La corruption parlementaire sous la Terreur, Paris, Librairie Armand Colin, 1917.
Albert Mathiez, Un Procès de corruption sous la terreur. L'affaire de la Compagnie des Indes, Paris, Librairie Félix Alcan, 1920.
Michel Eude, « Une interprétation non Mathiezienne de l'affaire de la compagnie des Indes », in Annales Historiques de la Révolution française, n° 244, avril-juin 1981, p. 239-261.
Voici la fiche wikipédia qui éclaire un tant soit peu sur toute cette affaire avec bien entendu les réserves qu'on se doit de conserver quant à cette source:
La liquidation de la Compagnie des Indes en France, est le résultat d'un scandale politico-financier qui éclata en novembre 1793. Il prenait ses racines dans la propension de certains Montagnards à confondre l'intérêt général avec leur intérêt particulier. Cette histoire complexe s'inscrit dans la tradition des fraudes et spéculations liées, sous les précédentes assemblées, à la liquidation et au remboursement des privilèges, charges et offices d'ancien régime, l'affaire des Indes prit une tournure hautement politique et révéla la fracture qui s'était opérée au sein de la Montagne.
La Compagnie française des Indes
Compagnie financière et commerciale créée en 1719 à l'instigation du financier John Law sous le nom de Compagnie perpétuelle des Indes (qui agglutinait toutes les compagnies françaises), elle reçut en 1722, après une série de faillites et de réorganisations, le monopole du commerce maritime français, à l'exception des Amériques, contrôlé par la Compagnie du Mississippi.
Malgré les réussites de Mahé de La Bourdonnais (colonisation de la Réunion et de l'île Maurice) et de Joseph François Dupleix (établissements français aux Indes), la Compagnie, ruinée par les guerres coloniales et maritimes (guerre de Succession d'Autriche, Guerre de Sept Ans), perdit son monopole en 1769.
Reconstituée par Louis XVI sous le nom de « Nouvelle Compagnie des Indes » en 1785, elle fut définitivement supprimée par la Convention en 1793, ce qui donna lieu à un scandale où furent mêlés en particulier François Chabot et Fabre d'Églantine.
Droits de mutation
Sous l'Assemblée législative, divers travaux votés du 22 au 31 août 1792 à la suite d'une campagne menée par Joseph Delaunay dit d'Angers et Jean-François Delacroix contre l'agiotage, assujettirent les actions au porteur à un droit d'enregistrement à chaque mutation. Les dividendes perçus par les actionnaires des sociétés financières seraient ainsi débités d'une taxe de près de 25 %. Pour la bonne forme, les administrateurs firent leurs mutations par écrit, sur un registre spécial, appelé "livre des transferts". Mais dans la réalité, ils imaginèrent de verser les dividendes des actionnaires sous la fausse appellation de « réduction de capital ». En mai 1793, des affiches révélèrent ces manœuvres et Joseph Delaunay dénonça bruyamment - les 9 et 26 juillet 1793 - la fraude fiscale des transferts. Ce fut acté à la Convention et les actionnaires et les administrateurs de la Compagnie, redoutant une liquidation désormais inéluctable, firent savoir à quelques députés choisis du Comité de sûreté générale, qu'ils désiraient pouvoir être nommés eux-mêmes, par la Convention, liquidateurs de la compagnie de Indes. Ainsi ils pensaient pouvoir évaluer à leur guise le montant des actifs, éviter les amendes fiscales prévues contre eux, et proposer à l'Assemblée un plan de remboursement qui fût favorable à leurs intérêts. Tout cela portait sur des sommes considérables.
Les députés en embuscade
Au début de l'été 1793, les membres du Comité de sûreté générale convinrent qu'ils étaient en mesure de faire passer un décret portant que la Compagnie des Indes pourrait se liquider elle-même. Moyennant quelques compensations. Les intermédiaires de ces tractations furent le baron de Batz qui aurait reçu Chabot à l'Ermitage de Charonne, puis Pierre-Vincent Benoist d'Angers, ancien factotum de Talon et de Maximilien Radix de Sainte-Foix, tous les deux versés dans les questions financières. Outre Chabot, leurs interlocuteurs furent principalement Delaunay d'Angers - ami personnel de Jacques-René Hébert et de Benoist d'Angers, son "pays" - qui s'en ouvrit à ses collègues Hébertistes Amar et Julien de Toulouse, appartenant eux aussi au premier Comité de sûreté générale. Mais c'est Fabre d'Eglantine, en relation fraternelle avec Delaunay d'Angers, qui devait par la suite jouer un rôle prépondérant dans cette affaire.
Pour faire pression sur les administrateurs des Indes, les députés véreux, qui désiraient faire monter les enchères, avaient obtenu dès juillet que les scellés fussent posés sur les biens de la Compagnie des Indes. Ses représentants, se sentant pris au piège, n'auraient d'autres choix, pensaient-ils, que se montrer accommodants. Comme prévu, le décret supprimant les compagnies financières et les sociétés par actions fut voté le 24 août 1793. Restait la question des décrets d'application portant, notamment, sur les modalités de la liquidation. Dans cette attente, les actions se mirent à baisser, ce qui aurait permis aux députés de se porter acquéreur de titres, ce qui n'est pas prouvé.
"L'affaire"
Joseph Delaunay, François Chabot et Jean Julien dit de "Toulouse" se firent nommer à la commission des finances que la Convention chargea de rédiger le fameux décret réglant les modalités de la liquidation de la Compagnie des Indes. Pour prix de leur compréhension, ils avaient réclamé un premier pot-de-vin de 500 000 livres.
Dans le projet de décret présenté le 8 octobre 1793 par Joseph Delaunay à la Convention, des formulations ambiguës du texte semblaient laisser à la Compagnie des Indes la possibilité de procéder elle-même à sa liquidation. Fabre d'Églantine, soutenu par Maximilien de Robespierre, protesta avec énergie. La Convention s'empressa de modifier le texte : la liquidation serait effectuée par le gouvernement (amendement Fabre), la nation n'entendant pas se charger d'un éventuel déficit (amendement Pierre Joseph Cambon).
Lorsque le décret, après le renvoi en commission pour une nouvelle rédaction et un délai anormalement long de dix-neuf jours, parut au Bulletin révolutionnaire, les amendements avaient disparu. Le nouveau texte permettait à nouveau à la Compagnie des Indes d'échapper aux amendes dont elle était frappée, et de se liquider elle-même sous la surveillance symbolique de commissaires nationaux chargés de la liquidation. L'opération passa inaperçue.
On sut plus tard que Joseph Delaunay avait confié à l'imprimeur le texte non modifié, signé par Fabre d'Églantine, qui allait dans le sens des actionnaires. Distraction ou complicité, on ne saura sans doute jamais quelle fut la raison de cette erreur.
Dénonciateurs et dénoncés
François Chabot, excédé d'être mis seul sur la sellette, dévoila les dessous l'affaire de la Compagnie des Indes. Il donna une version selon laquelle la conspiration avait été tramée par le baron Jean de Batz, pour ruiner la République. Or celui-ci avait quitté Paris en juillet et n'était pas là pour témoigner. Très vite, les Hébertistes se servirent de cette affaire pour tenter de salir la Convention tout entière. Une campagne de dénonciation fut orchestrée par Hébert contre les pourris, ce qui indisposa grandement Robespierre.
Pour sortir de l'ornière dans laquelle il s'était placé de lui-même, Chabot expliqua qu'il avait infiltré la conspiration pour mieux la dénoncer. Et il broda une version selon laquelle Batz, bénéficiant de la protection de Louis-Marie Lhuillier, procureur-général-syndic du département, et de plusieurs membres éminents de la Commune de Paris, avait décidé de corrompre un certain nombre de députés (Fabre d'Églantine, Joseph Delaunay et les membres du premier Comité de sûreté générale), pour, dans le même temps, engager Jacques-René Hébert à lancer une campagne de diffamation contre la Convention. On était très loin du nœud du problème, les raisons de la falsification du décret qui n'était pas l'œuvre de Batz.
Les dénonciations de François Chabot qui contredirent la ligne de défense de Fabre d'Églantine et des divers protagonistes, la main de l'étranger et tous les fantasmes nés de la suspicion généralisée augmentèrent le trouble des conventionnels. Maximilien de Robespierre, pour sa part, acquit la certitude, désormais, qu'il existait une grande conspiration dont les fils invisibles étaient tirés par l'étranger et le cabinet de William Pitt. Le problème est que les contours de la conspiration décrite par Chabot étaient extrêmement flous. Et comme auraient pu le penser certains, plus perspicaces que Robespierre, une fausse conspiration peut en cacher une vraie. L'Incorruptible s'en aperçut un peu tard, après le 22 prairial an II.
Dénoncés et dénonciateurs, tous les protagonistes de l'affaire des Indes à laquelle Danton fut étranger devaient être arrêtés pendant l'hiver 1793-1794.
Enquête et arrestations
Le 12 nivôse an II (1er janvier 1794), on découvrit lors de l'examen des scellés posés chez Joseph Delaunay, l'original du décret - en réalité sa première mouture - retouchée de la main de Fabre d'Églantine-, ce qui permit au Comité de sûreté générale de négliger, dans un premier temps, les révélations de François Chabot pour revenir à une simple affaire de faux et de fraude.
Bien qu'il ait été laissé en liberté, Fabre d'Eglantine était jusqu'alors l'objet de tous les soupçons depuis la découverte du faux signé par lui et confié par Delaunay à l'imprimeur. Le 6 nivôse an II (26 décembre 1793), il fut donc écarté de l'instruction, mais il restait un témoin gênant pour ceux qui, comme Amar, seul député conservé lors de la formation du second Comité de sûreté générale, avait été partie prenante et mouillé dans l'affaire.
Jean-Pierre-André Amar contribua à donner à cette affaire d'escroquerie une dimension politique et contre-révolutionnaire démesurée dont les ennemis mortels des Modérés (qui étaient favorables à un retour à la paix et à la pacification de la Vendée) entendaient désormais se servir. Cette affaire de la Compagnie des Indes qui n'était que crapuleuse prit ainsi, grâce aux Hébertistes des grands comités de salut public (Barère et Collot) et de la sûreté générale (Amar et Vadier), une dimension symbolique et tentaculaire qui allait permettre de justifier les exécutions en série, les semaines et mois suivants, des prétendus complices de la « conspiration de Batz ou de l'étranger ».
Amar, sous les ordres du président du Comité de sûreté générale Marc Vadier lui-même aux ordres de Bertrand Barère, rédigea ainsi un rapport dans lequel il confondit à dessein les deux textes signés par Fabre d'Églantine. Il ne se préoccupa pas de savoir si les corrections litigieuses étaient ou non de sa main. Il était prévu de se débarrasser de lui pour l'empêcher d'éclairer la Convention, mais aussi pour éviter ses bavardages sur les prévarications de Collot et Billaud en Belgique. Fabre d'Eglantine fut arrêté le 24 nivôse, d'autres le suivirent.
Fracture au sein des comités
Les Hébertistes redoutés par Robespierre, à savoir François Desfieux et Jacob Pereira furent arrêtés entre le 28 brumaire et le 2 frimaire an II (18 novembre et le 22 novembre 1793). Leur complice Berthold Proli, caché chez l'épouse d'un directeur de la Compagnie des Indes, ne fut arrêté qu'en février 1794. ils composèrent la fournée des Hébertistes.
Quant à Bertrand Barère de Vieuzac, Collot d'Herbois et Jacques Nicolas Billaud-Varenne, ils ne laissèrent pas l'occasion qui se présentait à eux d'établir, grâce au rapport de Saint-Just sur cette affaire, le fil ténu de la complicité de Georges-Jacques Danton qu'ils désiraient abattre, lequel, disait-on, avait dîné chez une supposée contre-révolutionnaire, Mme de Sainte-Amaranthe. Il fut amalgamé avec cinq de ses amis politiques à quelques Hébertistes et leurs bailleurs de fonds (Frey, d'Espagnac, Guzman). Cet imbroglio de dénonciations croisées, pour certaines infondées, fut fatale à plusieurs personnes étrangères à l'affaire de la falsification du décret de la compagnie des Indes (ainsi Desmoulins, Philippeaux, Dubuisson parmi d'autres). Cela traduisait la fracture qui s'était produite au sein du Comité de salut public. Cette affaire fut un révélateur d'une crise qui couvait depuis un moment et qui trouvera son épilogue le 9 thermidor an II.
Les directeurs de la Compagnie des Indes en 1793
Gourlade (Jacques Alexandre) ; Bérard (Thomas Simon, dit Bérard l'aîné) ; Perier (Augustin) ; Bernier (Pierre) ; Bézard (Jacques) ; Demars (Étienne François Marie) ; Dodun (Jacques) ; Sabatier (Guillaume) ; Desprez (Pierre) ; Montessuy (Denis) ; Bérard (Jean-Jacques dit Bérard cadet) ; Moracin (Jean-François) ; Gougenot (Louis Georges).
Après le 9 Thermidor, Sabatier tente avec deux actionnaires, nommés directeurs par intérim, Mallet aîné et Louis-Victor Moreau, d'obtenir la restitution des biens saisis. Ne récupérant que trois navires, les actionnaires décident la liquidation définitive de la Compagnie en juillet 1795.
Bibliographie
Albert Mathiez, Études robespierristes, vol. 1. La corruption parlementaire sous la Terreur, Paris, Librairie Armand Colin, 1917.
Albert Mathiez, Un Procès de corruption sous la terreur. L'affaire de la Compagnie des Indes, Paris, Librairie Félix Alcan, 1920.
Michel Eude, « Une interprétation non Mathiezienne de l'affaire de la compagnie des Indes », in Annales Historiques de la Révolution française, n° 244, avril-juin 1981, p. 239-261.
Roi-cavalerie- Messages : 551
Date d'inscription : 20/09/2014
Re: La liquidation de la Compagnie des Indes et la Contre-Révolution
Je voudrais avoir le temps de vous lire et vous répondre ! :n,,;::::!!!: mais je dois sauter !!!
Damned ! je n'ai pas une seconde à moi ...
Damned ! je n'ai pas une seconde à moi ...
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55511
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: La liquidation de la Compagnie des Indes et la Contre-Révolution
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... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55511
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: La liquidation de la Compagnie des Indes et la Contre-Révolution
Roi-cavalerie a écrit:
Jean-Pierre-André Amar contribua à donner à cette affaire d'escroquerie une dimension politique et contre-révolutionnaire démesurée dont les ennemis mortels des Modérés (qui étaient favorables à un retour à la paix et à la pacification de la Vendée) entendaient désormais se servir. Cette affaire de la Compagnie des Indes qui n'était que crapuleuse prit ainsi, grâce aux Hébertistes des grands comités de salut public (Barère et Collot) et de la sûreté générale (Amar et Vadier), une dimension symbolique et tentaculaire qui allait permettre de justifier les exécutions en série, les semaines et mois suivants, des prétendus complices de la « conspiration de Batz ou de l'étranger ».
Ce qui nous ramène à notre sujet !
Fichtre, quel sac de nœuds !!! àè-è\':
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55511
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: La liquidation de la Compagnie des Indes et la Contre-Révolution
La République vertueuse ! :\\\\\\\\: boudoi29
Invité- Invité
Re: La liquidation de la Compagnie des Indes et la Contre-Révolution
Roi-cavalerie a écrit:Pour ceux que cela pourrait intéresser, à l'arrière plan des tentatives d'évasion de la reine Marie-Antoinette montées par les réseaux royalistes, l'affaire de la liquidation de la Nouvelle compagnie des Indes nous permet de jeter un regard cru sur les pratiques d'un certain nombre de conventionnels et de membres du Comité de Salut public que les réseaux royalistes ont peut être, selon les témoignages de certains des accusés, tentées d'instrumentaliser au profit de la Contre-Révolution. Si, toutefois, cela n'a pas été le cas comme certains historiens l'affirment, cette affaire n'en a pas moins contribué à créer au plus haut niveau de l'état une ambiance de suspicions et de dénonciation, qui ne leur a pas facilité la tâche.
Voici la fiche wikipédia qui éclaire un tant soit peu sur toute cette affaire avec bien entendu les réserves qu'on se doit de conserver quant à cette source:
Cher Roi-cavalerie, je vais, si vous le voulez bien, incruster quelques phrases d'Arnold de Contades dans l'article de WIKI que vous avez posté.
Je vais user de la couleur bleue . :n,,;::::!!!:
Or donc, nous disions que ...
La liquidation de la Compagnie des Indes en France, est le résultat d'un scandale politico-financier qui éclata en novembre 1793. Il prenait ses racines dans la propension de certains Montagnards à confondre l'intérêt général avec leur intérêt particulier. Cette histoire complexe s'inscrit dans la tradition des fraudes et spéculations liées, sous les précédentes assemblées, à la liquidation et au remboursement des privilèges, charges et offices d'ancien régime, l'affaire des Indes prit une tournure hautement politique et révéla la fracture qui s'était opérée au sein de la Montagne.
La Compagnie française des Indes
Compagnie financière et commerciale créée en 1719 à l'instigation du financier John Law sous le nom de Compagnie perpétuelle des Indes (qui agglutinait toutes les compagnies françaises), elle reçut en 1722, après une série de faillites et de réorganisations, le monopole du commerce maritime français, à l'exception des Amériques, contrôlé par la Compagnie du Mississippi.
Malgré les réussites de Mahé de La Bourdonnais (colonisation de la Réunion et de l'île Maurice) et de Joseph François Dupleix (établissements français aux Indes), la Compagnie, ruinée par les guerres coloniales et maritimes (guerre de Succession d'Autriche, Guerre de Sept Ans), perdit son monopole en 1769.
Reconstituée par Louis XVI sous le nom de « Nouvelle Compagnie des Indes » en 1785, elle fut définitivement supprimée par la Convention en 1793, ce qui donna lieu à un scandale où furent mêlés en particulier François Chabot et Fabre d'Églantine.
Droits de mutation
Sous l'Assemblée législative, divers travaux votés du 22 au 31 août 1792 à la suite d'une campagne menée par Joseph Delaunay dit d'Angers et Jean-François Delacroix contre l'agiotage, assujettirent les actions au porteur à un droit d'enregistrement à chaque mutation. Les dividendes perçus par les actionnaires des sociétés financières seraient ainsi débités d'une taxe de près de 25 %. Pour la bonne forme, les administrateurs firent leurs mutations par écrit, sur un registre spécial, appelé "livre des transferts". Mais dans la réalité, ils imaginèrent de verser les dividendes des actionnaires sous la fausse appellation de « réduction de capital ». En mai 1793, des affiches révélèrent ces manœuvres et Joseph Delaunay dénonça bruyamment - les 9 et 26 juillet 1793 - la fraude fiscale des transferts. Ce fut acté à la Convention et les actionnaires et les administrateurs de la Compagnie, redoutant une liquidation désormais inéluctable, firent savoir à quelques députés choisis du Comité de sûreté générale, qu'ils désiraient pouvoir être nommés eux-mêmes, par la Convention, liquidateurs de la compagnie de Indes. Ainsi ils pensaient pouvoir évaluer à leur guise le montant des actifs, éviter les amendes fiscales prévues contre eux, et proposer à l'Assemblée un plan de remboursement qui fût favorable à leurs intérêts. Tout cela portait sur des sommes considérables.
Le scandale de la Compagnie des Indes avait échauffé les esprits. Jusqu'en 1791 cette Compagnie avait joui du monopole du commerce dans les océans Pacifique et Indien. La Constituante, déjà, avait décrété libre ce commerce; la Convention décida donc de supprimer la Compagnie ou, plutôt, de la nationaliser comme nous dirions aujourd'hui .
Les députés en embuscade
Au début de l'été 1793, les membres du Comité de sûreté générale convinrent qu'ils étaient en mesure de faire passer un décret portant que la Compagnie des Indes pourrait se liquider elle-même. Moyennant quelques compensations. Les intermédiaires de ces tractations furent le baron de Batz qui aurait reçu Chabot à l'Ermitage de Charonne, puis Pierre-Vincent Benoist d'Angers, ancien factotum de Talon et de Maximilien Radix de Sainte-Foix, tous les deux versés dans les questions financières. Outre Chabot, leurs interlocuteurs furent principalement Delaunay d'Angers - ami personnel de Jacques-René Hébert et de Benoist d'Angers, son "pays" - qui s'en ouvrit à ses collègues Hébertistes Amar et Julien de Toulouse, appartenant eux aussi au premier Comité de sûreté générale. Mais c'est Fabre d'Eglantine, en relation fraternelle avec Delaunay d'Angers, qui devait par la suite jouer un rôle prépondérant dans cette affaire.
Pour faire pression sur les administrateurs des Indes, les députés véreux, qui désiraient faire monter les enchères, avaient obtenu dès juillet que les scellés fussent posés sur les biens de la Compagnie des Indes. Ses représentants, se sentant pris au piège, n'auraient d'autres choix, pensaient-ils, que se montrer accommodants. Comme prévu, le décret supprimant les compagnies financières et les sociétés par actions fut voté le 24 août 1793. Restait la question des décrets d'application portant, notamment, sur les modalités de la liquidation. Dans cette attente, les actions se mirent à baisser, ce qui aurait permis aux députés de se porter acquéreur de titres, ce qui n'est pas prouvé.
"L'affaire"
Joseph Delaunay, François Chabot et Jean Julien dit de "Toulouse" se firent nommer à la commission des finances que la Convention chargea de rédiger le fameux décret réglant les modalités de la liquidation de la Compagnie des Indes. Pour prix de leur compréhension, ils avaient réclamé un premier pot-de-vin de 500 000 livres.
Le 8 octobre, à la tribune, Delaunay prononce contre la Compagnie un discours fort vibrant et vivement applaudi . Il propose, paradoxalement, en conclusion, de voter un décret ordonnant sa liquidation .... par ses administrateurs eux-mêmes.
Dans le projet de décret présenté le 8 octobre 1793 par Joseph Delaunay à la Convention, des formulations ambiguës du texte semblaient laisser à la Compagnie des Indes la possibilité de procéder elle-même à sa liquidation. Fabre d'Églantine, soutenu par Maximilien de Robespierre, protesta avec énergie. La Convention s'empressa de modifier le texte : la liquidation serait effectuée par le gouvernement (amendement Fabre), la nation n'entendant pas se charger d'un éventuel déficit (amendement Pierre Joseph Cambon).
Consciente du hiatus entre la sévérité des accusations et l'indulgence de la solution proposée, la Convention nomme une commission chargée de rédiger un projet de décret plus conforme à sa justice . Les cinq membres désignés sont Delaunay, Cambon, Chabot, Fabre d'Eglantine et Ramel . Le texte définitif est bientôt déposé et envoyé à l'impression .
Lorsque le décret, après le renvoi en commission pour une nouvelle rédaction et un délai anormalement long de dix-neuf jours, parut au Bulletin révolutionnaire, les amendements avaient disparu.
Or, les termes sur lesquels les cinq Conventionnels étaient d'accord ont été déformés à la dernière minute par Delaunay et par Chabot. Le décret maquillé laisse à la Compagnie le droit de se liquider elle-même .
Le nouveau texte permettait à nouveau à la Compagnie des Indes d'échapper aux amendes dont elle était frappée, et de se liquider elle-même sous la surveillance symbolique de commissaires nationaux chargés de la liquidation. L'opération passa inaperçue.
On sut plus tard que Joseph Delaunay avait confié à l'imprimeur le texte non modifié, signé par Fabre d'Églantine, qui allait dans le sens des actionnaires. Distraction ou complicité, on ne saura sans doute jamais quelle fut la raison de cette erreur.
Dénonciateurs et dénoncés
François Chabot, excédé d'être mis seul sur la sellette, dévoila les dessous l'affaire de la Compagnie des Indes.
Personne n'avait encore flairé la supercherie que l'un de ses auteurs, Chabot, prend peur. Capucin défroqué, il avait épousé la soeur de deux banquiers d'origine autrichienne, les frères Frey, et avait troqué son misérable appartement contre un étage du somptueux hôtel où ils logeaient. Or les banquiers sont devenus suspects. On les accuse d'avoir donné asile à Proly, l'agent secret décrété d'arrestation, d'être des Juifs de Moravie d'où ils ont dû s'enfuir après une faillite frauduleuse, de ne mener en France un train de vie luxueux que grâce à des subsides de l'étranger, bref d'être des espions royalistes stipendiés.
Au club des Jacobins dont Chabot fait partie, il se voit reprocher aigrement son mariage. " Une femme est un vêtement, déclare Dufourny à la tribune, si ce vêtement était nécessaire à Chabot, il devait se rappeler que la nation proscrit les étoffes étrangères ! " Chabot peut opposer sa bonne foi à ces accusations qui concernent surtout ses beaux-frères, mais la supercherie du décret falsifié ne peut retomber que sur ses propres épaules.
Il donna une version selon laquelle la conspiration avait été tramée par le baron Jean de Batz, pour ruiner la République.
Or celui-ci avait quitté Paris en juillet et n'était pas là pour témoigner. Très vite, les Hébertistes se servirent de cette affaire pour tenter de salir la Convention tout entière. Une campagne de dénonciation fut orchestrée par Hébert contre les pourris, ce qui indisposa grandement Robespierre.
Pour sortir de l'ornière dans laquelle il s'était placé de lui-même, Chabot expliqua qu'il avait infiltré la conspiration pour mieux la dénoncer. Et il broda une version selon laquelle Batz, bénéficiant de la protection de Louis-Marie Lhuillier, procureur-général-syndic du département, et de plusieurs membres éminents de la Commune de Paris, avait décidé de corrompre un certain nombre de députés (Fabre d'Églantine, Joseph Delaunay et les membres du premier Comité de sûreté générale), pour, dans le même temps, engager Jacques-René Hébert à lancer une campagne de diffamation contre la Convention. On était très loin du nœud du problème, les raisons de la falsification du décret qui n'était pas l'œuvre de Batz.
Chabot imagine un stratagème : il dénoncera ses complices en prétendant qu'il n'est entré dans le complot que pour les prendre sur le fait; car il y a bien complot. Un agent royaliste, le célèbre baron de Batz, avait imaginé de faire tomber au plus bas les actions de la Compagnie des Indes par la menace de sa liquidation. Une fois celle-ci confiée aux administrateurs eux-mêmes, les actions remonteraient. Une fortune était à faire. Afin que de réussir l'opération, Batz avait grassement payé Delaunay, Julien ( de Toulouse ) , Basire et Chabot. Les 100 000 francs destinés à Fabre d'Eglantine ne lui avaient jamais été versés, Chabot se les étant appropriés. Afin de ne pas perdre tout, le capucin défroqué décide de les sacrifier.
Le 16 novembre, sa fable hâtivement échafaudée, Chabot se rend chez Robespierre, l'homme le plus puissant, celui dont la protection serait déterminante. L'Incorruptible l'écoute froidement et le renvoie au Comité de Sûreté générale, seul organisme habilité à recevoir d'aussi graves dénonciations. Chabot s'y précipite, raconte son histoire, ne nomme pas Fabre d'Eglantine, tend la liasse de billets en prétendant que c'est sa propre part et que le fait qu'il l'apporte est signe de sa bonne foi. Il affirme que Basire n'est entré comme lui dans la " conspiration " que pour pouvoir la dénoncer. Chabot ne se bornera pas à ces confidences mineures; il dévoile les véritables objectifs du baron de Batz. Celui-ci avait tenté de sauver Louis XVI le jour même de son exécution; son rôle dans le projet avorté de l'évasion de la famille royale du Temple est connu. Afin de venger la reine guillotinée, il s'en prenait maintenant au régime lui-même. Il se vantait de posséder des appuis sûrs tant à la Convention qu'au sein de la Commune; ses agents se seraient infiltrés jusque dans les Comités de Sûreté générale et de Salut public. Il dépensait des sommes folles pour acheter des " patriotes ", ourdissait des complots pour compromettre les plus honnêtes . La contre-révolution, selon Chabot, était en marche. Toutefois, selon lui, les frères Frey n'étaient que les victimes inconscientes de cette horrible machination.
Les dénonciations de François Chabot qui contredirent la ligne de défense de Fabre d'Églantine et des divers protagonistes, la main de l'étranger et tous les fantasmes nés de la suspicion généralisée augmentèrent le trouble des conventionnels. Maximilien de Robespierre, pour sa part, acquit la certitude, désormais, qu'il existait une grande conspiration dont les fils invisibles étaient tirés par l'étranger et le cabinet de William Pitt.
Afin de se justifier en trahissant, le capucin propose un plan au Comité : le lendemain, à huit heures du soir, il doit se rendre au rendez-vous de Batz et de l'un de ses complices, le banquier angevin Benoît; il indique le lieu; qu'on les fasse arrêter, les deux coupables et " l'innocent "; de leur confrontation jaillira la lumière ! Il sort rasséréné du Comité, mais à huit heures du matin , des policiers viennent le chercher. Delaunay et Basire le rejoignent à la prison du Luxembourg. Batz et Benoît ont tout le temps pour disparaître ; les Frey seront incarcérés six jours plus tard ( 23 novembre ) ; Proly est introuvable .
Le problème est que les contours de la conspiration décrite par Chabot étaient extrêmement flous. Et comme auraient pu le penser certains, plus perspicaces que Robespierre, une fausse conspiration peut en cacher une vraie. L'Incorruptible s'en aperçut un peu tard, après le 22 prairial an II.
Dénoncés et dénonciateurs, tous les protagonistes de l'affaire des Indes à laquelle Danton fut étranger devaient être arrêtés pendant l'hiver 1793-1794.
Enquête et arrestations
Le 12 nivôse an II (1er janvier 1794), on découvrit lors de l'examen des scellés posés chez Joseph Delaunay, l'original du décret - en réalité sa première mouture - retouchée de la main de Fabre d'Églantine-, ce qui permit au Comité de sûreté générale de négliger, dans un premier temps, les révélations de François Chabot pour revenir à une simple affaire de faux et de fraude.
Bien qu'il ait été laissé en liberté, Fabre d'Eglantine était jusqu'alors l'objet de tous les soupçons depuis la découverte du faux signé par lui et confié par Delaunay à l'imprimeur. Le 6 nivôse an II (26 décembre 1793), il fut donc écarté de l'instruction, mais il restait un témoin gênant pour ceux qui, comme Amar, seul député conservé lors de la formation du second Comité de sûreté générale, avait été partie prenante et mouillé dans l'affaire.
Jean-Pierre-André Amar contribua à donner à cette affaire d'escroquerie une dimension politique et contre-révolutionnaire démesurée dont les ennemis mortels des Modérés (qui étaient favorables à un retour à la paix et à la pacification de la Vendée) entendaient désormais se servir. Cette affaire de la Compagnie des Indes qui n'était que crapuleuse prit ainsi, grâce aux Hébertistes des grands comités de salut public (Barère et Collot) et de la sûreté générale (Amar et Vadier), une dimension symbolique et tentaculaire qui allait permettre de justifier les exécutions en série, les semaines et mois suivants, des prétendus complices de la « conspiration de Batz ou de l'étranger ».
Amar, sous les ordres du président du Comité de sûreté générale Marc Vadier lui-même aux ordres de Bertrand Barère, rédigea ainsi un rapport dans lequel il confondit à dessein les deux textes signés par Fabre d'Églantine. Il ne se préoccupa pas de savoir si les corrections litigieuses étaient ou non de sa main. Il était prévu de se débarrasser de lui pour l'empêcher d'éclairer la Convention, mais aussi pour éviter ses bavardages sur les prévarications de Collot et Billaud en Belgique. Fabre d'Eglantine fut arrêté le 24 nivôse, d'autres le suivirent.
Fracture au sein des comités
Les Hébertistes redoutés par Robespierre, à savoir François Desfieux et Jacob Pereira furent arrêtés entre le 28 brumaire et le 2 frimaire an II (18 novembre et le 22 novembre 1793). Leur complice Berthold Proli, caché chez l'épouse d'un directeur de la Compagnie des Indes, ne fut arrêté qu'en février 1794. ils composèrent la fournée des Hébertistes.
Quant à Bertrand Barère de Vieuzac, Collot d'Herbois et Jacques Nicolas Billaud-Varenne, ils ne laissèrent pas l'occasion qui se présentait à eux d'établir, grâce au rapport de Saint-Just sur cette affaire, le fil ténu de la complicité de Georges-Jacques Danton qu'ils désiraient abattre, lequel, disait-on, avait dîné chez une supposée contre-révolutionnaire, Mme de Sainte-Amaranthe. Il fut amalgamé avec cinq de ses amis politiques à quelques Hébertistes et leurs bailleurs de fonds (Frey, d'Espagnac, Guzman). Cet imbroglio de dénonciations croisées, pour certaines infondées, fut fatale à plusieurs personnes étrangères à l'affaire de la falsification du décret de la compagnie des Indes (ainsi Desmoulins, Philippeaux, Dubuisson parmi d'autres). Cela traduisait la fracture qui s'était produite au sein du Comité de salut public. Cette affaire fut un révélateur d'une crise qui couvait depuis un moment et qui trouvera son épilogue le 9 thermidor an II.
Les directeurs de la Compagnie des Indes en 1793
Gourlade (Jacques Alexandre) ; Bérard (Thomas Simon, dit Bérard l'aîné) ; Perier (Augustin) ; Bernier (Pierre) ; Bézard (Jacques) ; Demars (Étienne François Marie) ; Dodun (Jacques) ; Sabatier (Guillaume) ; Desprez (Pierre) ; Montessuy (Denis) ; Bérard (Jean-Jacques dit Bérard cadet) ; Moracin (Jean-François) ; Gougenot (Louis Georges).
Après le 9 Thermidor, Sabatier tente avec deux actionnaires, nommés directeurs par intérim, Mallet aîné et Louis-Victor Moreau, d'obtenir la restitution des biens saisis. Ne récupérant que trois navires, les actionnaires décident la liquidation définitive de la Compagnie en juillet 1795.
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55511
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: La liquidation de la Compagnie des Indes et la Contre-Révolution
Tout cela me donne à penser que ce louche individu, Chabot, n'a pas encore de sujet à son nom .
Il est temps d'y remédier .
J'y saute !
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55511
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
L'affaire de la Compagnie des Indes (1793)
Roi-cavalerie a écrit:
Bibliographie
° Albert Mathiez, Études robespierristes, vol. 1. La corruption parlementaire sous la Terreur, Paris, Librairie Armand Colin, 1917.
° Albert Mathiez, Un Procès de corruption sous la terreur. L'affaire de la Compagnie des Indes, Paris, Librairie Félix Alcan, 1920.
° Michel Eude, « Une interprétation non Mathiezienne de l'affaire de la compagnie des Indes », in Annales Historiques de la Révolution française, n° 244, avril-juin 1981, p. 239-261.
J'ajoute ici ce livre, qui vient de paraître...
L'affaire de la compagnie des Indes
Un scandale politico-financier sous la Terreur
De Michel Benoît
Editions Ramsay (Mai 2023)
222 pages
Présentation :
La liquidation de la Compagnie des Indes en France est à la base d'un scandale politico-financier de 1793 qui impliqua plusieurs députés, et certains membres éminents du Comité de Sureté générale, comme Chabot, Fabre d'Églantine, Delaunay, Basire).
Opération de spéculation, corruption, abus de biens sociaux, faux et usage de faux, délits d'initiés et abus de pouvoir... Ces qualificatifs si contemporains concernent en fait ce premier scandale politico-financier de la 1re République.
L'affaire de la Compagnie des Indes fut présentée comme devant financer des activités contre-révolutionnaires et ses protagonistes, le plus souvent dantonistes, furent démasqués, jugés et exécutés pour la plupart d'entre eux avec Danton en Germinal de l'An II de la république.
La nuit, la neige- Messages : 18138
Date d'inscription : 21/12/2013
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