La villa pompéienne du prince Napoléon-Jérôme, cousin de Napoléon III

La suite de l'intéressante présentation détaillée, proposée sur le site du Musée d'Orsay,
dans le cadre de l'exposition Spectaculaire Second Empire .


La villa pompéienne et le goût néo-grec

La société du Second Empire théâtralise son cadre de vie.
Les intérieurs, lieux de représentation, se font les écrins des fantasmes du passé ou de l'ailleurs pour une bourgeoisie pétrie de romantisme.
Parmi les styles en vogue, le goût de l'Antiquité classique et le style néo-grec connaissent un regain d'intérêt.

La villa pompéienne du prince Napoléon-Jérôme, cousin de l'empereur, en est la plus parfaite illustration.


Jérôme Napoléon, par Hippolyte Flandrin (1860)


Œuvre d'art totale, la villa est édifiée par l'architecte Alfred Normand, au 18 de l'avenue Montaigne, pour le prince et sa maîtresse, la tragédienne Rachel.




Façade définitive de la maison sur l'avenue Montaigne
Dessin de l'architecte Alfred Nicolas Normand
©Photo Les Arts Décoratifs, Paris


Façade de la serre chaude sur la rue Jean Goujon
Dessin de l'architecte Alfred Nicolas Normand
©Photo Les Arts Décoratifs, Paris

L'intérieur synthétise l'approche, jusqu'alors approximative, des modèles grecs et pompéiens.
Malgré le décès de Rachel en 1859, la villa est inaugurée lors d'une soirée en février 1860, en présence des souverains et de la princesse Mathilde, cousine de l'empereur.
Les acteurs de la Comédie-Française viennent jouer plusieurs pièces d'Emile Augier et d'Alexandre Dumas.


Répétition du "Joueur de flûte" et de la "Femme de Diomède" chez le prince Napoléon
Gustave Boulanger
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Adrien Didierjean


Rapidement déserté par le commanditaire, en bute à la réprobation de sa jeune épouse Marie-Clotilde de Savoie, l'édifice est vendu en 1866, dégradé pendant la Commune en 1871 et rasé en 1891.  


Quelques photos de la villa, prises avant qu'elle ne soit détruite...


















Le noir et blanc des photos ne reflète absolument pas la réalité des couleurs vives qui agrémentaient la demeure !
Imaginez...


Grand salon de la Maison pompéienne du prince Napoléon
Dessin de l'architecte Alfred Nicolas Normand
©Photo Les Arts Décoratifs, Paris



Projet pour le salon des aides de camp de la Maison Pompéienne du Prince Napoléon
Dessin de l'architecte Alfred Nicolas Normand
©Photo Les Arts Décoratifs, Paris



Vestibule - coupe sur la largeur de la maison pompéïenne
Dessin de l'architecte Alfred Nicolas Normand
©Photo Les Arts Décoratifs, Paris



Relevé de la porte d'entrée côté atrium
Dessin de l'architecte Alfred Nicolas Normand
©Photo Les Arts Décoratifs, Paris



Vestibule de la maison pompéïenne
Dessin de l'architecte Alfred Nicolas Normand
©Photo Les Arts Décoratifs, Paris



Ou encore ces exemples de sols...


Sol de l'atrium de la maison pompéïenne rdc
Dessin de l'architecte Alfred Nicolas Normand
©Photo Les Arts Décoratifs, Paris



Dallage en stuc de l'atrium du 1er étage de la maison pompéïenne
Dessin de l'architecte Alfred Nicolas Normand
©Photo Les Arts Décoratifs, Paris



Carrelage de la maison pompéïenne
Dessin de l'architecte Alfred Nicolas Normand
©Photo Les Arts Décoratifs, Paris



Dallage en marbre de la salle à manger de la maison pompéïenne
Dessin de l'architecte Alfred Nicolas Normand
©Photo Les Arts Décoratifs, Paris


Bien sûr, quelques-uns des plafonds étaient également décorés...


Plafond de la chambre à coucher de la maison pompéïenne
Dessin de l'architecte Alfred Nicolas Normand
©Photo Les Arts Décoratifs, Paris



Plafond avec motifs de dauphins de la maison pompéïenne
Dessin de l'architecte Alfred Nicolas Normand
©Photo Les Arts Décoratifs, Paris


La décoration intérieure avait était également conçue, en complément des oeuvres d'art et des collections du prince Napoléon-Jérôme, comme par exemple :


Stores de la serre de la maison pompéïenne
Dessin de l'architecte Alfred Nicolas Normand
©Photo Les Arts Décoratifs, Paris



Applique en bronze de la maison pompéïenne
Dessin de l'architecte Alfred Nicolas Normand
©Photo Les Arts Décoratifs, Paris



Applique en bronze de la maison pompéïenne
Dessin de l'architecte Alfred Nicolas Normand
©Photo Les Arts Décoratifs, Paris


Table ronde du grand salon de la maison pompéïenne
Dessin de l'architecte Alfred Nicolas Normand
©Photo Les Arts Décoratifs, Paris



Piédestal de la fontaine de la maison pompéïenne
Dessin de l'architecte Alfred Nicolas Normand
©Photo Les Arts Décoratifs, Paris



Projet de cage à oiseaux pour la maison pompéienne
Dessin de l'architecte Alfred Nicolas Normand
©Photo Les Arts Décoratifs, Paris



Caisse à fleurs pour l'atrium et pour la grande serre de la maison pompéïenne
Dessin de l'architecte Alfred Nicolas Normand
©Photo Les Arts Décoratifs, Paris

Fascinant, absolument fascinant !  
Cela me rappelle, tu sais,  la Villa Kérylos non loin de Nice, de Théodore Reinach,  beaucoup plus modeste cependant et qui m'avait semblé un peu froide à cause de l'absence de mobilier et de tissus...
Cette demeure du prince Napoléon-Jérôme a été rasée parce qu'elle était un peu détériorée ?!!  ...   c'est à peine croyable .    
Je trouve que le neveu a un faux air de son oncle .  

Pour célébrer ses 30 ans, le Musée d’Orsay présente l’Exposition Spectaculaire Second Empire 1852-1870. Ou quand Napoléon III orchestre son rayonnement autour d’un grand remix d’influences artistiques.

Grand plaisir de retrouver Xavier Mauduit que j'apprécie tous les soirs dans l'excellente émission 28 minutes d'Élisabeth Quin, sur Arte . :;\':;\':;

Mme de Sabran a écrit:Fascinant, absolument fascinant !  

N'est-ce pas ?

Petit historique wiki de la Maison pompéïenne :

Le prince Napoléon, fils du roi Jérôme et frère de la princesse Mathilde, rêvait de construire un palais pour sa maîtresse, la comédienne Rachel.


Elisa Rachel Félix, dite RACHEL dans le rôle de Camille (Horace de Corneille)
Portrait par Edourad Dubufe
Coll. de la Comédie-Française

De 1856 à 1860, il fit bâtir un petit palais inspiré de la Maison du Poète tragique à Pompéi.

La construction fut d'abord confiée au jeune architecte Auguste-Jean Rougevin, que le prince envoya étudier les modèles originaux à Pompéi, mais qui décéda malheureusement sur place.
Jacques Hittorff lui succéda mais se retira assez rapidement, peut-être à la suite d'un différend. La maîtrise d'œuvre fut dévolue à partir de février 1856, sur la recommandation de Hittorff, à l'architecte Alfred-Nicolas Normand.


Plan de la maison pompéienne du prince Napoléon
Normand Alfred-Nicolas (1822-1909)
Photo (C) Ministère de la Culture - Dist. RMN-Grand Palais

Le gros œuvre fut terminé en 1858, année de la mort de la comédienne, emportée en janvier par la tuberculose.

La façade, pourvue d'un sévère péristyle, était rehaussée de couleurs rouge et jaune.
Les décors intérieurs furent réalisés par Normand avec l'aide de l'ornemaniste Charles Rossigneux, qui s'inspira d'œuvres de différents musées européens.

Au centre de la maison, un atrium était orné en son centre d'une statue en marbre blanc de Napoléon Ier figurant l'Empereur en toge tenant le Code civil, la tête laurée, un aigle à ses pieds, par le sculpteur Eugène Guillaume, entourée des bustes des membres de la famille impériale.






Les décors peints sur toile marouflée furent confiés à Sébastien Cornu et Jean-Léon Gérôme qui ornèrent les murs de motifs pompéïens sur fond rouge antique ou noir.




Massacre des Niobides, composition provenant de l'atrium de la maison pompéienne du prince Napoléon
Sebastien-Melchior Cornu
Paris - Musée Carnavalet


Prométhée modelant le premier homme, composition provenant de l'atrium de la maison pompéienne du prince Napoléon
Sebastien-Melchior Cornu
Paris - Musée Carnavalet


Le mobilier, en bronze ou en bois, imitait également l'antique. Le prince Napoléon plaça dans la maison sa collection de tableaux et d'antiquités égyptiennes.


Service pompéien du prince Napoléon
Manufacture de Sèvres, par Diéterle Jules-Pierre-Michel
Photo (C) RMN-Grand Palais (Sèvres, Cité de la céramique) / Martine Beck-Coppola

Le mariage du prince en 1859, à Turin, avec la jeune Marie-Clotilde de Savoie (ne pas confondre avec la comédienne connue aujourd'hui  : ), fervente catholique, rendait inenvisageable un emménagement dans une maison inspirée par une maîtresse.



Marie-Clotilde de Savoie, fille aînée de Victor-Emmanuel II d’Italie et d’Adélaïde d’Autriche et le prince Napoléon

Le promis de vingt-et-un ans son aîné s’était fait remarquer au début du second Empire par ses positions anticléricales et ses idées démocratiques qui lui avaient valu le surnom de « prince rouge ».
Dirigeant l’aile gauche du mouvement bonapartiste et constitutionnel, le prince Napoléon n’était pas moins imposant, mécréant et jouisseur, quand la promise était frêle, pieuse et dotée d’un sens profond de ses devoirs.
De plus, le prince aimait le luxe et la vie mondaine quand la princesse désirait une vie retirée consacrée à sa famille.
Enfin, la princesse était fière de son sang royal — à l’instar des membres de sa famille — et considérait son mariage avec un napoléonide comme une mésalliance.


Le prince résida au Palais-Royal et se contenta d'organiser avenue Montaigne des fêtes ou des soirées intimes.

La dégradation de ses relations avec l'Empereur le conduisirent à quitter la France pour sa résidence suisse de Prangins en 1865. Il se décida alors à vendre la Maison pompéïenne.
Elle fut acquise en mars 1866 par un groupe d'acheteurs dont Arsène Houssaye et Ferdinand de Lesseps qui, profitant de la curiosité publique pour cette folie, en firent un musée d'antiques.
« L'“impluvium” central servit quelque temps de bassin à un montreur de phoques savants ».  




Arsène Houssaye et Théophile Gautier, familiers des lieux, en écrivirent le guide. Néanmoins, le musée n'eut qu'une existence éphémère, car la maison fut fortement endommagée en 1870. Elle sera finalement détruite en 1891.

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J'adore !!!
Ecoute ! Cette maison néo-pompéienne est tellement magique et tes exposés sont si passionnants que ... je scinde !!!

... et zou ! :n,,;::::!!!:

Bon.... :

Attention au titre : cousin de l'empereur Napoleon III.

Tu as raison, mieux vaut être précis : j'y saute !

Mme de Sabran a écrit:
Je trouve que le neveu a un faux air de son oncle .  

Vous avez été chercher ça où ... vous ?  :

Bonjour
Dans le cadre d'un projet qui requiert pour le moment le voile du secret, je recherche une des peintures qui se trouvait sur le mur sud du grand salon de la maison. Ce mur était orné de trois peintures réalisées par Gérôme, dont deux sont conservées, l'Illiade et l'Odyssée.  Au centre, se trouvait d'après Théophile Gautier qui décrit la maison en 1866, une troisième peinture ainsi décrite "La peinture centrale représente Homère aveugle, conduit par un jeune Ionien. Cette grande figure du poëte des poëtes est au repos, le front tout resplendissant des rayons de la pensée. L'enfant qui s'appuie sur Homère, est une adorable création où la fleur de jeunesse est répandue."

Je n'ai pas trouvé de reproduction de cette peinture. L'un de nos membres saurait-il/elle où elle pourrait se trouver?
Pour info, voici les deux sujets conservés:



De ce qu'on peut en déduire de la composition du mur du vestibule de la maison, très similaire, le groupe d'Homère et de son guide devait être représenté de manière identique, deux figures posées sur une fine plinthe, avec une vue frontale, et se dégageant sur un fond rouge/pourpre

Je ne sais comment vous aider, cher hardouin, la question n'est vraiment pas facile.  

Je suppose que vous avez déjà pensé à le faire, mais puisque vous dîtes que deux des peintures sont "conservées", ce ou ces propriétaires (s'il s'agit d'institutions), ne peuvent-ils vous renseigner ? Aussi, avez-vous consulté le catalogue raisonné consacré à l'artiste ?


Jean-Léon Gérôme ; monographie et catalogue raisonné
Gérald M. Ackerman
Acr Les Orientalistes (30 Mai 2000)

Bonjour cher LNLN,
Merci pour votre message et votre aide
J'ai consulté le catalogue et le tableau est indiqué comme perdu. Comme la monographie date de 1974, je me demandais s'il n'aurait pas pu réapparaître depuis. De ce que j'en ai vu c'est le sujet est original car peu représenté.

hardouin a écrit:Comme la monographie date de 1974, je me demandais s'il n'aurait pas pu réapparaître depuis.

L'édition que j'ai proposée est celle de 2000, pour laquelle est-il précisé dans sa présentation et sur environ 800 peintures alors référencées :

" Quelque quatre-vingt-dix oeuvres inconnues à l'époque de la première édition ont été en effet rajoutées, de même que quatre-vingt-dix autres tenues alors pour perdues."

...sait-on jamais ?

bonjour cher LNLN
Je n'avais pas prêté attention à cette différence de version.
Un extrait citant l'ouvrage de 2000 disponible sur Google books indique malheureusement" Homère (perdu), Illiade et Odyssée (1858 coll. part.)".
En revanche l'une des trois statues qui ornaient également ce salon, a pu être identifiée (les deux autres étaient déjà connues).
Nos membres auront bientôt l'occasion de pouvoir visiter cette demeure disparue. Je vous tiendrai au courant!

Bonjour
L'exposition "Plon-plon, un Bonaparte rouge et or" qui se tient à Ajaccio au Musée Fesch jusqu'au 2 octobre, a été l'occasion de proposer une restitution de la maison pompéienne, sous forme d'une restitution virtuelle réalisée avec les commissaires de l'exposition.
Le catalogue de l'exposition présente un dizaine de vues des six pièces de réception et de la façade, dont l'extrait ci-dessous montre quelques exemples :
https://fr.silvanaeditoriale.it/libro/9788836655588

que je reproduis ici :



A gauche : la salle à manger (haut) et le grand salon (bas), qui ouvrent sur l'atrium ;  à droite, deux vues du salon serre avec la collection de bustes de l'empereur à différents âges de sa vie, la Victoire de Brescia et le temple des Muses.

Merci beaucoup, cher hardouin, pour ces informations complémentaires !

Les images des reconstitutions avec leurs couleurs sont impressionnantes ! En particulier celle de la salle-à-manger : du sol au plafond, cette profusion de formes et de couleurs vives avait plutôt de quoi donner la nausée que d'ouvrir l'appétit des convives...



J'en profite pour publier ici quelques autres pages de ce catalogue, petit aperçu de l'important chapitre consacré à la villa pompéienne....

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* Source :

Plon-Plon, un Bonaparte rouge et or
Sous la direction deCarole Blumenfeld, Philippe Costamagna, Adrien Goetz, Paul Perrin
Co-édition Silvana Editoriale, Ville d'Ajaccio Palais Fesch-Musée des Beaux-Arts
288 pages, 305 illustrations



Présentation :

Le prince Napoléon est le fils du roi Jérôme – le plus jeune frère de Napoléon Ier  –, le frère de la princesse Mathilde et le cousin de Napoléon III. Sa ressemblance avec son oncle était frappante et il en joua. La postérité l’a retenu sous le sobriquet infantile de « Plon-Plon », lui qui s’appelait aussi Napoléon Bonaparte. Il fut sans doute le Bonaparte le plus vilipendé de son temps. La « légende noire » a voulu en faire un simple agitateur au mode de vie dissolu et aux liaisons tapageuses, un enfant gâté se complaisant, sur les marches du trône, dans une posture d’opposition. Il essaya en réalité d’incarner au sein de la famille impériale un véritable idéal politique républicain, un bonapartisme radical fidèle aux idées de la Révolution.

Son rôle dans la vie artistique française, et plus particulièrement son mécénat sous le Second Empire, n’ont jamais fait l’objet d’une exposition. Pour la première fois, sa collection d’art moderne est ici mise à l’honneur – il était proche d’Ingres, amateur de Delacroix, Gérôme et même de Courbet et le premier acheteur de Moreau. Mais ses collections d’antiquités et d’œuvres de la Renaissance italienne, ses résidences d’Altesse impériale, son rôle de président de la commission de l’Exposition universelle de 1855, ses liens avec les artistes, les actrices, les écrivains et les intellectuels (Sand, Dumas, Proudhon, Renan…) y sont également documentés. Le prince était enfin un grand voyageur, ayant dirigé des expéditions scientifiques, et un passionné d’archéologie, comme en témoigne sa Maison pompéienne, reconstitution en plein Paris d’une maison antique, utopie réalisée, en même temps que lieu de fêtes et mémorial de la famille Bonaparte.




Ajaccio Tourisme - Exposition Plon Plon, un Bonaparte rouge et or (24 juin au 24 octobre 2023)

Merci!
Le musée a mis en ligne le teaser que j'ai réalisé à partir de la vidéo de 4 mn diffusée dans l'exposition :

https://www.youtube.com/watch?v=dbpxRe90gfU&t=21s

Cela renforce la dimension immersive de la restitution!