François-Timoléon de Choisy : abbé, célèbre travesti, missionnaire au Siam, prêtre et académicien
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François-Timoléon de Choisy : abbé, célèbre travesti, missionnaire au Siam, prêtre et académicien
Oui, oui...tout ça, et bien plus encore !
Moins connu que le célèbre chevalier d'Eon, François-Timoléon de Choisy partagea avec le chevalier le goût pour le travestissement féminin, les changements d'identités, et une vie très romanesque. Mais ce n'est pas tout...
Si vous voulez en savoir plus, je vous recommande d'écouter l'émission Au coeur de l'Histoire, consacrée hier à ce personnage fantasque, né sous Louis XIV et mort sous la Régence.
L'invitée de Franck Ferrand était Evelyne Lever.
Moins connu que le célèbre chevalier d'Eon, François-Timoléon de Choisy partagea avec le chevalier le goût pour le travestissement féminin, les changements d'identités, et une vie très romanesque. Mais ce n'est pas tout...
Si vous voulez en savoir plus, je vous recommande d'écouter l'émission Au coeur de l'Histoire, consacrée hier à ce personnage fantasque, né sous Louis XIV et mort sous la Régence.
L'invitée de Franck Ferrand était Evelyne Lever.
Dernière édition par La nuit, la neige le Mar 20 Sep 2022, 21:13, édité 2 fois
La nuit, la neige- Messages : 18138
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: François-Timoléon de Choisy : abbé, célèbre travesti, missionnaire au Siam, prêtre et académicien
Merci pour ce lien !
Je viens de survoler WIKI : en effet, l'est point triste, l'abbé de Choisy ... :
Je viens de survoler WIKI : en effet, l'est point triste, l'abbé de Choisy ... :
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... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55516
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Mémoires de l'abbé de Choisy, habillé en femme
J'ai déjà signalé dans cette rubrique que les éditions du Mercure de France, collection Le Temps retrouvé, publiaient à nouveau des écrits du for privé du XVIIIe siècle (A ce jour les Mémoires du duc de Lauzun, Mémoires du prince de Ligne, Mémoires de la duchesse de Tourzel etc.).
Ce mois-ci, c'est au tour des Mémoires de l'abbé de Choisy qui concernent la fin du XVIIe siècle quoique notre homme soit mort sous la Régence :
Mémoires de l'abbé de Choisy
Habillé en femme
Édition présentée et annotée par Georges Mongrédien.
Mercure de France (Mars 17)
Présentation :
Homme de cour plus que d'Église, écrivain et membre de l'Académie française, l'abbé de Choisy, figure pour le moins originale du règne de Louis XIV, est l'auteur de nombreux ouvrages historiques ou galants.
Hérité d'une éducation extravagante, son goût marqué pour le travestissement et la débauche lui vaut alors une réputation sulfureuse, que ne démentiront guère les curieux Mémoires de l'abbé de Choisy habillé en femme publiés dans cet ouvrage.
De la même façon, les Mémoires qui précèdent rapportent nombre de souvenirs et d'anecdotes piquantes et offrent les portraits, pris sur le vif, de personnages aussi célèbres que Colbert, Fouquet ou Mlle de La Vallière. Très documentés, servis par une écriture pleine de verve et de finesse, ils susciteront l'admiration de Saint-Simon et plus tard de Sainte-Beuve, qui en soulignera l'intérêt littéraire.
Voir aussi notre sujet dédié : https://marie-antoinette.forumactif.org/t3070-francois-timoleon-de-choisy-abbe-travesti-missionnaire-au-siam-pretre-et-academicien?highlight=choisy
Ce mois-ci, c'est au tour des Mémoires de l'abbé de Choisy qui concernent la fin du XVIIe siècle quoique notre homme soit mort sous la Régence :
Mémoires de l'abbé de Choisy
Habillé en femme
Édition présentée et annotée par Georges Mongrédien.
Mercure de France (Mars 17)
Présentation :
Homme de cour plus que d'Église, écrivain et membre de l'Académie française, l'abbé de Choisy, figure pour le moins originale du règne de Louis XIV, est l'auteur de nombreux ouvrages historiques ou galants.
Hérité d'une éducation extravagante, son goût marqué pour le travestissement et la débauche lui vaut alors une réputation sulfureuse, que ne démentiront guère les curieux Mémoires de l'abbé de Choisy habillé en femme publiés dans cet ouvrage.
De la même façon, les Mémoires qui précèdent rapportent nombre de souvenirs et d'anecdotes piquantes et offrent les portraits, pris sur le vif, de personnages aussi célèbres que Colbert, Fouquet ou Mlle de La Vallière. Très documentés, servis par une écriture pleine de verve et de finesse, ils susciteront l'admiration de Saint-Simon et plus tard de Sainte-Beuve, qui en soulignera l'intérêt littéraire.
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Voir aussi notre sujet dédié : https://marie-antoinette.forumactif.org/t3070-francois-timoleon-de-choisy-abbe-travesti-missionnaire-au-siam-pretre-et-academicien?highlight=choisy
La nuit, la neige- Messages : 18138
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: François-Timoléon de Choisy : abbé, célèbre travesti, missionnaire au Siam, prêtre et académicien
Eh bien, vrai, cela doit valoir son pesant de caramels mous ( : ) : je suis preneuse !
Merci, cher ami, pour cette nouvelle référence .
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Mme de Sabran- Messages : 55516
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: François-Timoléon de Choisy : abbé, célèbre travesti, missionnaire au Siam, prêtre et académicien
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Comtesse Diane- Messages : 7397
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : TOURAINE
Re: François-Timoléon de Choisy : abbé, célèbre travesti, missionnaire au Siam, prêtre et académicien
Woland
Jolie critique !
Woland 04 septembre 2009
★★★★★
★★★★★
Plus on avance dans ses "Mémoires", plus on acquiert la certitude que l'abbé de Choisy était un homme charmant. Dans tous les sens du terme. On a l'impression d'être assis en compagnie d'un hôte aux petits soins qui nous raconte, avec sérieux ou drôlerie, les mille et une histoires d'une Histoire que les relations de sa mère lui ont donné l'occasion de traverser avec discrétion certes mais aussi l'attention perpétuellement en éveil.
On imagine Saint-Simon maniant avec fièvre des brassées de parchemins et de journaux tels celui de Dangeau. Chez le petit duc, la plume glisse, s'envole, s'accroche aussi et griffe, rageuse, crépitante, plus souvent qu'à son tour. Saint-Simon a l'ironie féroce de l'aristocrate qui méprise le courtisan et la lucidité sans faille de celui qui respecte trop L'Histoire pour la faire mentir. Évidemment, de temps à autre, il s'égare et instruit un peu trop à charge. Mais, deux pages plus loin, dans un sursaut d'honnêteté, il allège son réquisitoire, il consent une ou deux vertus délicates à celle qu'il tient pour une arriviste, à celui en qui il ne voit qu'un bien pauvre sire.
Saint-Simon œuvre avec sérieux et les sourires suscités par ses portraits ont beaucoup du ricanement.
Toute différente est la démarche de l'abbé de Choisy. Non qu'il n'ait pas, lui aussi, le sens de l'Histoire. Simplement, il la relativise et il admet avec plus de facilité que le personnage historique est également un homme ou une femme. Et puis, Choisy est l'indulgence même - sauf envers le cardinal de Retz, qu'il ne semble guère priser. Les portraits qu'il brosse, les événements qu'il relate prennent du coup le relief exquis des miniatures de grand prix. Ses modèles s'humanisent et, n'étaient leurs titres et leurs fonctions, on oublierait presque qu'ils ont joué leur rôle sous la Régence d'Anne d'Autriche, puis sous le règne de son fils.
Choisy n'a pas non plus la veine chronologique. Il va gaiement d'un personnage à l'autre, conservant toutefois un fil directeur qui le ramènera à son point de départ une fois qu'il aura dévidé l'écheveau des souvenirs qui le concernent. Sa plume sautille, joue à la marelle, traîne dans les flaques, en ressort en s'ébrouant et repart de plus belle, à cloche-pied. L'abbé s'amuse et le lecteur ne voit pas le temps passer et ceci, chose qu'il faut souligner, même s'il a déjà lu le récit des mêmes événements chez Madame Palatine, Saint-Simon ou encore Mme de la Fayette.
Bref, si l'abbé de Choisy n'a sûrement pas la puissance de Saint-Simon, ses "Mémoires" ne doivent pas être pour autant laissés de côté, dans le recoin poussiéreux d'une étagère de grenier. Il s'agit d'un complément indispensable, que l'amateur de documents du même type prendra un plaisir gourmand à déguster - satisfaction que ne lui aurait certes pas reprochée François-Timoléon, abbé de Choisy.
http://www.babelio.com/livres/Choisy-Memoires-de-labbe-de-Choisy/86623
Jolie critique !
Woland 04 septembre 2009
★★★★★
★★★★★
Plus on avance dans ses "Mémoires", plus on acquiert la certitude que l'abbé de Choisy était un homme charmant. Dans tous les sens du terme. On a l'impression d'être assis en compagnie d'un hôte aux petits soins qui nous raconte, avec sérieux ou drôlerie, les mille et une histoires d'une Histoire que les relations de sa mère lui ont donné l'occasion de traverser avec discrétion certes mais aussi l'attention perpétuellement en éveil.
On imagine Saint-Simon maniant avec fièvre des brassées de parchemins et de journaux tels celui de Dangeau. Chez le petit duc, la plume glisse, s'envole, s'accroche aussi et griffe, rageuse, crépitante, plus souvent qu'à son tour. Saint-Simon a l'ironie féroce de l'aristocrate qui méprise le courtisan et la lucidité sans faille de celui qui respecte trop L'Histoire pour la faire mentir. Évidemment, de temps à autre, il s'égare et instruit un peu trop à charge. Mais, deux pages plus loin, dans un sursaut d'honnêteté, il allège son réquisitoire, il consent une ou deux vertus délicates à celle qu'il tient pour une arriviste, à celui en qui il ne voit qu'un bien pauvre sire.
Saint-Simon œuvre avec sérieux et les sourires suscités par ses portraits ont beaucoup du ricanement.
Toute différente est la démarche de l'abbé de Choisy. Non qu'il n'ait pas, lui aussi, le sens de l'Histoire. Simplement, il la relativise et il admet avec plus de facilité que le personnage historique est également un homme ou une femme. Et puis, Choisy est l'indulgence même - sauf envers le cardinal de Retz, qu'il ne semble guère priser. Les portraits qu'il brosse, les événements qu'il relate prennent du coup le relief exquis des miniatures de grand prix. Ses modèles s'humanisent et, n'étaient leurs titres et leurs fonctions, on oublierait presque qu'ils ont joué leur rôle sous la Régence d'Anne d'Autriche, puis sous le règne de son fils.
Choisy n'a pas non plus la veine chronologique. Il va gaiement d'un personnage à l'autre, conservant toutefois un fil directeur qui le ramènera à son point de départ une fois qu'il aura dévidé l'écheveau des souvenirs qui le concernent. Sa plume sautille, joue à la marelle, traîne dans les flaques, en ressort en s'ébrouant et repart de plus belle, à cloche-pied. L'abbé s'amuse et le lecteur ne voit pas le temps passer et ceci, chose qu'il faut souligner, même s'il a déjà lu le récit des mêmes événements chez Madame Palatine, Saint-Simon ou encore Mme de la Fayette.
Bref, si l'abbé de Choisy n'a sûrement pas la puissance de Saint-Simon, ses "Mémoires" ne doivent pas être pour autant laissés de côté, dans le recoin poussiéreux d'une étagère de grenier. Il s'agit d'un complément indispensable, que l'amateur de documents du même type prendra un plaisir gourmand à déguster - satisfaction que ne lui aurait certes pas reprochée François-Timoléon, abbé de Choisy.
http://www.babelio.com/livres/Choisy-Memoires-de-labbe-de-Choisy/86623
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Mme de Sabran- Messages : 55516
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: François-Timoléon de Choisy : abbé, célèbre travesti, missionnaire au Siam, prêtre et académicien
LA FOLLE VIE DE L’ABBÉ
Par Vincent Noce
Sous le règne de Louis XIV, l’écrivain et prêtre François-Timoléon de Choisy a passé une partie de sa vie habillé en femme. Courtisé, apprécié ou moqué, il a fini par se ranger des fanfreluches en public pour se convertir à la sobriété.
«L’envie d’être belle me reprit avec fureur ; je fis faire des habits magnifiques, je remis de beaux pendants d’oreilles… Les rubans, les mouches, les airs coquets, les petites mines, rien ne fut oublié… Je croyais être encore aimable, et je voulais être aimée.» L’auteur de ces lignes s’appelle l’abbé de Choisy. Ecrivain, académicien, diplomate, mais aussi prêtre, il a vécu habillé en femme, entretenant des liaisons avec les deux sexes. Personnage baroque du XVIIIe siècle égaré dans le XVIIe, ce contemporain de Louis XIV a défié son temps par la liberté de ses mœurs.
L'abbé de Choisy en femme.
Illustration publiée dans le magazine «le Musée des familles», en 1855.
Photo Coll. Grob. Kharbine. Tapabor
François-Timoléon de Choisy naît à Paris le 16 août 1644, au sein d’une famille de notables. Son père est chancelier du frère de Louis XIII, le duc d’Orléans. Séductrice, arriviste forcenée, sa mère, Olympe, a été mêlée aux pires intrigues du règne («Il n’y avait rien où elle ne voulût se fourrer», disait la fille du duc d’Orléans). Elle saura pourtant se ménager les entrées du jeune Louis XIV, et sans doute un accès momentané à sa couche, gagnant au passage une rente à vie.
Ce personnage dévorant reporte son ambition sur son plus jeune fils. Comme le note le biographe Dirk van der Cruysse, elle met dans sa passion maternelle «l’extravagance qui la caractérise en toute chose». Seul (petit) problème, l’enfant appelé à suivre son exemple a un zizi. Qu’à cela ne tienne, elle s’en passera. Dans ses souvenirs, l’intéressé confie que ses goûts lui sont venus «presque en naissant» : «Ma mère m’a accoutumé aux habillements des femmes ; j’ai continué à m’en servir dans ma jeunesse.»
Beaux atours et peau douce
Jusqu’à 7 ou 8 ans, les vêtements des enfants ne diffèrent guère selon leur sexe. Cependant, le garçon ayant à 15 ans perdu son père, Madame de Choisy lui imprime durablement sa marque. La silicone tardant à être inventée et la chirurgie brésilienne n’étant pas à l’apogée de l’art qu’elle atteindra au XXe siècle, Olympe modèle ce corps blafard et potelé. Elle lui perce les oreilles pour lui prêter ses boucles, lui administrant des baumes pour éradiquer les poils du menton. Comme d’autres jeunes gens, il apprend la danse, la musique et le clavecin mais évite les disciplines plus viriles.
Sa mère entend ainsi le pousser dans les bras d’un puissant et, pourquoi pas ?, du frère du jeune roi, Philippe d’Orléans, de dix ans son cadet, dont il a été le compagnon de jeu au jardin du Luxembourg : «Ne soyez pas glorieux, songez que vous n’êtes qu’un bourgeois», lance-t-elle à son fils pour le presser de se rendre aux fêtes et d’y faire ses avances. Il se liera durablement, entre autres, au cardinal de Bouillon.
Olympe lui fait recevoir, à 18 ans, les bénéfices d’une abbaye en Bourgogne. Il passe sa licence de théologie à la Sorbonne. Mais, à 20 ans, il fugue à Bordeaux pour rejoindre une troupe de théâtre. Un jeu dangereux au moment où il reçoit les honneurs de sa charge, mais il est fou de joie des mois passés à jouer les héroïnes de Corneille. «J’avais des amants à qui j’accordais des petites faveurs, fort réservé sur les grandes», confie-t-il dans ses souvenirs. Il est cependant appelé à se calmer, quelque temps. Sa famille l’envoie à Venise, où il s’adonne au jeu, passion autrement plus destructive.
En 1669, à la mort de sa mère, il choisit dans l’héritage sa garde-robe et ses bijoux. Quelques années plus tard, il écrit : «Je suis retombé dans mes anciennes faiblesses, je suis redevenu femme.» Prenant résidence au faubourg Saint-Marcel, où il sait bénéficier de la tolérance amusée d’un quartier resté encore populaire, il se fait appeler «Madame de Sancy». Ainsi est-il apprécié à la paroisse Saint-Médard, où il fait le spectacle en se chargeant de la quête, prenant bien soin que tout le monde remarque ses beaux atours, sa peau si douce et blanche entretenue à l’eau de veau et à la pommade de pieds de mouton. Un peu embarrassé, le curé pardonne à ce fidèle qui augmente ses revenus et se montre généreux envers les pauvres. C’est une période heureuse pour le jeune homme, qui vit largement des héritages familiaux.
Madame de Lafayette l’encourage, en présence du duc de la Rochefoucauld. Madame de Sancy est de toutes les fêtes du frère du roi, qui la fait danser avec ses amants. Elle invite à souper le curé et ses paroissiennes, proposant à certaines de s’attarder. Comment y voir du mal ? Elle est comme une sœur pour elles. Il convainc les mères de lui confier leur fille, au besoin en calmant leurs inquiétudes par quelque cadeau.
Choisy pousse le travestissement plus loin, en se rendant à un bal masqué, lui en femme, sa Charlotte du moment en écuyer. Il répète maintes fois la scène, ce qui décuple son excitation. Il commande à François de Troy leur portrait. Lors du carnaval, en présence de sa famille, il organise même une parodie de mariage entre «Madame de Sancy» et «Monsieur de Maulny», qui n’est autre que Charlotte portant perruque et pantalon. Il la remplace par une lingère, qu’il renomme «Mademoiselle Dany». Il ne pleure guère aux ruptures, disant d’une amante perdue : «Quoique je l’aimasse beaucoup, je m’aimais encore davantage, et ne songeais qu’à plaire au genre humain.» Tout est dit. Il reçoit bien parfois des moqueries et des lettres anonymes, ses frasques font l’objet d’un écho dans une gazette, il est gentiment brocardé par les chansonniers, il entend les chuchotements à l’église, mais, ainsi protégé et si heureux de se donner en spectacle, il ne s’en soucie guère. Ce qui choque le plus, du reste, n’est pas forcément son excentricité vestimentaire mais ses liaisons hors mariage.
Ouverture d’esprit
Ces folles années prennent fin un soir où, à l’Opéra, il salue le fils du roi dans sa loge. Son gouverneur, le duc de Montausier, surnommé «Rabat-joie», est assez sinistre pour qu’on dise qu’il a inspiré le misanthrope de Molière. Le prince s’amuse de la rencontre avec cette belle personne, ce qui ne peut qu’inciter Choisy à redoubler de coquetterie. Le duc l’apostrophe : «J’avoue, madame ou mademoiselle, je ne sais comment vous appeler, j’avoue que vous êtes belle. Mais en vérité, vous n’avez point de honte à porter un pareil habillement, et de faire la femme, alors que vous êtes assez heureuse de ne l’être pas ? Allez, allez vous cacher.»
L’abbé ne peut prendre à la légère l’avertissement d’un homme aussi influent. Joueur impénitent, il a peut-être aussi quelques motifs à se faire oublier. Il part à Bourges, où il installe son propre théâtre devant les provinciaux ébahis. Il se fait passer pour une riche veuve, «la comtesse des Barres». Au château de Crespon, il joue de la musique, partageant chocolat, thé et café, autant de nouveautés. Il s’attache à une demoiselle de la Grise de 16 ans, qui en parait 12. Il l’installe à demeure, sous le prétexte de lui apprendre à se coiffer et à jouer la comédie. Il lui prête ses diamants, dans lesquels il voit refléter sa propre beauté. Il va jusqu’à parodier les jeux de l’amour devant ses invités, poussant la jouvencelle dans son lit, la couvrant de baisers, avant de lui «donner de plus solides plaisirs», en cachette sous les draps, tout au bonheur de «tromper les yeux de son public».
Il s’éprend d’une petite actrice de passage pour le carnaval, Roselie. Dans son récit, il abandonne soudain l’usage du féminin pour livrer son trouble : «J’étais né pour aimer les comédiennes.» Il rejoue l’échange des rôles, sur les planches comme à la ville, appelant l’orpheline, âgée de 15 ans, «mon petit mari». Mais celui-ci «prit la mauvaise habitude de vomir tous les matins». Il faut se rendre à l’évidence : le petit comte est enceint. Le scandale les presse de s’enfuir à Paris, où Timoléon lui trouvera un mari.
En 1683, tombant gravement malade, il s’effraie du châtiment éternel que lui promet sa vie dissolue. Il se retirera à l’abbaye de la Trappe, dans le Perche, puis au séminaire des missions étrangères, à Paris. L’année suivante, il persuade Louis XIV de l’envoyer suivre une ambassade au Siam (l’actuelle Thaïlande), visant à convaincre le souverain local de se convertir au catholicisme. Huit ans plus tôt, il avait accompagné le cardinal de Bouillon au conclave à Rome, où il servit d’assistant à la délégation française. Il lui était ainsi revenu d’écrire la missive au roi le convainquant d’assurer l’élection du pape Innocent XI. En dépit d’une brouille à son retour d’Asie, Louis XIV favorisera son entrée à l’Académie en 1687.
«Débauché sans regret»
L’abbé, qui a connu le succès en relatant son voyage au Siam, passera la seconde moitié de sa vie en historien prolixe. Il fait partager son ouverture d’esprit envers les mœurs des étrangers et l’islam. Il écrira aussi une historiette du règne de Louis XIV. Toujours bienveillant, ne reculant pas devant l’hagiographie, il touche son public par une prose légère, tissée d’anecdotes qui tiennent de l’ouï-dire. Son grand œuvre est une Histoire de l’Eglise rédigée en 5 000 pages et onze volumes, dont il est malaisé de conseiller la lecture. D’Alembert lui prête ce bon mot : «J’ai écrit, grâce à Dieu, l’histoire de l’Eglise ; il me reste présentement à l’étudier.» Hervé Castanet note qu’il se sert de l’écriture comme d’un déguisement, posant ses confidences comme autant de fanfreluches.
C’est son journal qui lui assure la postérité. Il a suscité plusieurs romans peu inspirés et quelques études de cas. Certains ont assuré qu’il n’eut pas d’aventures homosexuelles, ce qui est contredit par le texte même. Jusqu’où poussait-il les relations, nul ne le sait. Le manuscrit n’est pas autographe. Il a été recopié. Il est en morceaux, et il en manque des parties. La chronologie est incohérente. Il est tout en ambiguïtés, sous-entendus et invraisemblances. Entouré de miroirs, l’auteur détaille sans fin ses toilettes. Cette litanie, sous l’emprise du plaisir, lui permet d’éviter la «rencontre avec le réel», pour reprendre l’expression de Jacques Lacan. «Ce n’est pas que j’ai envie de me louer», assure-t-il. A l’évidence, il ne fait que cela. L’attraction irrésistible de son journal tient dans le parfait naturel avec lequel l’auteur assume son propre plaisir. C’est le point sensible, celui qui a suscité le plus l’indignation à travers les siècles. «Ce débauché n’exprime aucun regret ou remords» : l’historien Georges Mongrédien, qui a mis un peu d’ordre dans ces feuilles, est consterné par ce livre «malsain». Lacan a parlé de «pervers normal», «tout à fait à l’aise dans sa perversion, ce qui ne l’a pas empêché de mener une carrière accomplie dans le respect général… Et d’écrire avec une parfaite élégance» ses mémoires. Sa conversion paraît sincère, mais il a travaillé chez lui, habillé en femme, jusqu’à ses derniers jours. Il s’est éteint octogénaire, le 12 octobre 1724, quai de la Mégisserie, à peu près rassuré sur le sort que lui réserverait Dieu.
Sources
«Mémoires de l’abbé de Choisy habillé en femme», Mercure de France ; «l’Abbé de Choisy, androgyne et mandarin», de Dirk van der Cruysse, Fayard ; «Tricheur de sexe», d’Hervé Castanet et Max Milo ; «Journal du voyage de Siam», Olizane ; Jacques Lacan, leçon du 15 juin 1966, citée par Pierrick Brient in «la Clinique lacanienne» Eres.
Par Vincent Noce
Sous le règne de Louis XIV, l’écrivain et prêtre François-Timoléon de Choisy a passé une partie de sa vie habillé en femme. Courtisé, apprécié ou moqué, il a fini par se ranger des fanfreluches en public pour se convertir à la sobriété.
«L’envie d’être belle me reprit avec fureur ; je fis faire des habits magnifiques, je remis de beaux pendants d’oreilles… Les rubans, les mouches, les airs coquets, les petites mines, rien ne fut oublié… Je croyais être encore aimable, et je voulais être aimée.» L’auteur de ces lignes s’appelle l’abbé de Choisy. Ecrivain, académicien, diplomate, mais aussi prêtre, il a vécu habillé en femme, entretenant des liaisons avec les deux sexes. Personnage baroque du XVIIIe siècle égaré dans le XVIIe, ce contemporain de Louis XIV a défié son temps par la liberté de ses mœurs.
L'abbé de Choisy en femme.
Illustration publiée dans le magazine «le Musée des familles», en 1855.
Photo Coll. Grob. Kharbine. Tapabor
François-Timoléon de Choisy naît à Paris le 16 août 1644, au sein d’une famille de notables. Son père est chancelier du frère de Louis XIII, le duc d’Orléans. Séductrice, arriviste forcenée, sa mère, Olympe, a été mêlée aux pires intrigues du règne («Il n’y avait rien où elle ne voulût se fourrer», disait la fille du duc d’Orléans). Elle saura pourtant se ménager les entrées du jeune Louis XIV, et sans doute un accès momentané à sa couche, gagnant au passage une rente à vie.
Ce personnage dévorant reporte son ambition sur son plus jeune fils. Comme le note le biographe Dirk van der Cruysse, elle met dans sa passion maternelle «l’extravagance qui la caractérise en toute chose». Seul (petit) problème, l’enfant appelé à suivre son exemple a un zizi. Qu’à cela ne tienne, elle s’en passera. Dans ses souvenirs, l’intéressé confie que ses goûts lui sont venus «presque en naissant» : «Ma mère m’a accoutumé aux habillements des femmes ; j’ai continué à m’en servir dans ma jeunesse.»
Beaux atours et peau douce
Jusqu’à 7 ou 8 ans, les vêtements des enfants ne diffèrent guère selon leur sexe. Cependant, le garçon ayant à 15 ans perdu son père, Madame de Choisy lui imprime durablement sa marque. La silicone tardant à être inventée et la chirurgie brésilienne n’étant pas à l’apogée de l’art qu’elle atteindra au XXe siècle, Olympe modèle ce corps blafard et potelé. Elle lui perce les oreilles pour lui prêter ses boucles, lui administrant des baumes pour éradiquer les poils du menton. Comme d’autres jeunes gens, il apprend la danse, la musique et le clavecin mais évite les disciplines plus viriles.
Sa mère entend ainsi le pousser dans les bras d’un puissant et, pourquoi pas ?, du frère du jeune roi, Philippe d’Orléans, de dix ans son cadet, dont il a été le compagnon de jeu au jardin du Luxembourg : «Ne soyez pas glorieux, songez que vous n’êtes qu’un bourgeois», lance-t-elle à son fils pour le presser de se rendre aux fêtes et d’y faire ses avances. Il se liera durablement, entre autres, au cardinal de Bouillon.
Olympe lui fait recevoir, à 18 ans, les bénéfices d’une abbaye en Bourgogne. Il passe sa licence de théologie à la Sorbonne. Mais, à 20 ans, il fugue à Bordeaux pour rejoindre une troupe de théâtre. Un jeu dangereux au moment où il reçoit les honneurs de sa charge, mais il est fou de joie des mois passés à jouer les héroïnes de Corneille. «J’avais des amants à qui j’accordais des petites faveurs, fort réservé sur les grandes», confie-t-il dans ses souvenirs. Il est cependant appelé à se calmer, quelque temps. Sa famille l’envoie à Venise, où il s’adonne au jeu, passion autrement plus destructive.
En 1669, à la mort de sa mère, il choisit dans l’héritage sa garde-robe et ses bijoux. Quelques années plus tard, il écrit : «Je suis retombé dans mes anciennes faiblesses, je suis redevenu femme.» Prenant résidence au faubourg Saint-Marcel, où il sait bénéficier de la tolérance amusée d’un quartier resté encore populaire, il se fait appeler «Madame de Sancy». Ainsi est-il apprécié à la paroisse Saint-Médard, où il fait le spectacle en se chargeant de la quête, prenant bien soin que tout le monde remarque ses beaux atours, sa peau si douce et blanche entretenue à l’eau de veau et à la pommade de pieds de mouton. Un peu embarrassé, le curé pardonne à ce fidèle qui augmente ses revenus et se montre généreux envers les pauvres. C’est une période heureuse pour le jeune homme, qui vit largement des héritages familiaux.
Madame de Lafayette l’encourage, en présence du duc de la Rochefoucauld. Madame de Sancy est de toutes les fêtes du frère du roi, qui la fait danser avec ses amants. Elle invite à souper le curé et ses paroissiennes, proposant à certaines de s’attarder. Comment y voir du mal ? Elle est comme une sœur pour elles. Il convainc les mères de lui confier leur fille, au besoin en calmant leurs inquiétudes par quelque cadeau.
Choisy pousse le travestissement plus loin, en se rendant à un bal masqué, lui en femme, sa Charlotte du moment en écuyer. Il répète maintes fois la scène, ce qui décuple son excitation. Il commande à François de Troy leur portrait. Lors du carnaval, en présence de sa famille, il organise même une parodie de mariage entre «Madame de Sancy» et «Monsieur de Maulny», qui n’est autre que Charlotte portant perruque et pantalon. Il la remplace par une lingère, qu’il renomme «Mademoiselle Dany». Il ne pleure guère aux ruptures, disant d’une amante perdue : «Quoique je l’aimasse beaucoup, je m’aimais encore davantage, et ne songeais qu’à plaire au genre humain.» Tout est dit. Il reçoit bien parfois des moqueries et des lettres anonymes, ses frasques font l’objet d’un écho dans une gazette, il est gentiment brocardé par les chansonniers, il entend les chuchotements à l’église, mais, ainsi protégé et si heureux de se donner en spectacle, il ne s’en soucie guère. Ce qui choque le plus, du reste, n’est pas forcément son excentricité vestimentaire mais ses liaisons hors mariage.
Ouverture d’esprit
Ces folles années prennent fin un soir où, à l’Opéra, il salue le fils du roi dans sa loge. Son gouverneur, le duc de Montausier, surnommé «Rabat-joie», est assez sinistre pour qu’on dise qu’il a inspiré le misanthrope de Molière. Le prince s’amuse de la rencontre avec cette belle personne, ce qui ne peut qu’inciter Choisy à redoubler de coquetterie. Le duc l’apostrophe : «J’avoue, madame ou mademoiselle, je ne sais comment vous appeler, j’avoue que vous êtes belle. Mais en vérité, vous n’avez point de honte à porter un pareil habillement, et de faire la femme, alors que vous êtes assez heureuse de ne l’être pas ? Allez, allez vous cacher.»
L’abbé ne peut prendre à la légère l’avertissement d’un homme aussi influent. Joueur impénitent, il a peut-être aussi quelques motifs à se faire oublier. Il part à Bourges, où il installe son propre théâtre devant les provinciaux ébahis. Il se fait passer pour une riche veuve, «la comtesse des Barres». Au château de Crespon, il joue de la musique, partageant chocolat, thé et café, autant de nouveautés. Il s’attache à une demoiselle de la Grise de 16 ans, qui en parait 12. Il l’installe à demeure, sous le prétexte de lui apprendre à se coiffer et à jouer la comédie. Il lui prête ses diamants, dans lesquels il voit refléter sa propre beauté. Il va jusqu’à parodier les jeux de l’amour devant ses invités, poussant la jouvencelle dans son lit, la couvrant de baisers, avant de lui «donner de plus solides plaisirs», en cachette sous les draps, tout au bonheur de «tromper les yeux de son public».
Il s’éprend d’une petite actrice de passage pour le carnaval, Roselie. Dans son récit, il abandonne soudain l’usage du féminin pour livrer son trouble : «J’étais né pour aimer les comédiennes.» Il rejoue l’échange des rôles, sur les planches comme à la ville, appelant l’orpheline, âgée de 15 ans, «mon petit mari». Mais celui-ci «prit la mauvaise habitude de vomir tous les matins». Il faut se rendre à l’évidence : le petit comte est enceint. Le scandale les presse de s’enfuir à Paris, où Timoléon lui trouvera un mari.
En 1683, tombant gravement malade, il s’effraie du châtiment éternel que lui promet sa vie dissolue. Il se retirera à l’abbaye de la Trappe, dans le Perche, puis au séminaire des missions étrangères, à Paris. L’année suivante, il persuade Louis XIV de l’envoyer suivre une ambassade au Siam (l’actuelle Thaïlande), visant à convaincre le souverain local de se convertir au catholicisme. Huit ans plus tôt, il avait accompagné le cardinal de Bouillon au conclave à Rome, où il servit d’assistant à la délégation française. Il lui était ainsi revenu d’écrire la missive au roi le convainquant d’assurer l’élection du pape Innocent XI. En dépit d’une brouille à son retour d’Asie, Louis XIV favorisera son entrée à l’Académie en 1687.
«Débauché sans regret»
L’abbé, qui a connu le succès en relatant son voyage au Siam, passera la seconde moitié de sa vie en historien prolixe. Il fait partager son ouverture d’esprit envers les mœurs des étrangers et l’islam. Il écrira aussi une historiette du règne de Louis XIV. Toujours bienveillant, ne reculant pas devant l’hagiographie, il touche son public par une prose légère, tissée d’anecdotes qui tiennent de l’ouï-dire. Son grand œuvre est une Histoire de l’Eglise rédigée en 5 000 pages et onze volumes, dont il est malaisé de conseiller la lecture. D’Alembert lui prête ce bon mot : «J’ai écrit, grâce à Dieu, l’histoire de l’Eglise ; il me reste présentement à l’étudier.» Hervé Castanet note qu’il se sert de l’écriture comme d’un déguisement, posant ses confidences comme autant de fanfreluches.
C’est son journal qui lui assure la postérité. Il a suscité plusieurs romans peu inspirés et quelques études de cas. Certains ont assuré qu’il n’eut pas d’aventures homosexuelles, ce qui est contredit par le texte même. Jusqu’où poussait-il les relations, nul ne le sait. Le manuscrit n’est pas autographe. Il a été recopié. Il est en morceaux, et il en manque des parties. La chronologie est incohérente. Il est tout en ambiguïtés, sous-entendus et invraisemblances. Entouré de miroirs, l’auteur détaille sans fin ses toilettes. Cette litanie, sous l’emprise du plaisir, lui permet d’éviter la «rencontre avec le réel», pour reprendre l’expression de Jacques Lacan. «Ce n’est pas que j’ai envie de me louer», assure-t-il. A l’évidence, il ne fait que cela. L’attraction irrésistible de son journal tient dans le parfait naturel avec lequel l’auteur assume son propre plaisir. C’est le point sensible, celui qui a suscité le plus l’indignation à travers les siècles. «Ce débauché n’exprime aucun regret ou remords» : l’historien Georges Mongrédien, qui a mis un peu d’ordre dans ces feuilles, est consterné par ce livre «malsain». Lacan a parlé de «pervers normal», «tout à fait à l’aise dans sa perversion, ce qui ne l’a pas empêché de mener une carrière accomplie dans le respect général… Et d’écrire avec une parfaite élégance» ses mémoires. Sa conversion paraît sincère, mais il a travaillé chez lui, habillé en femme, jusqu’à ses derniers jours. Il s’est éteint octogénaire, le 12 octobre 1724, quai de la Mégisserie, à peu près rassuré sur le sort que lui réserverait Dieu.
Sources
«Mémoires de l’abbé de Choisy habillé en femme», Mercure de France ; «l’Abbé de Choisy, androgyne et mandarin», de Dirk van der Cruysse, Fayard ; «Tricheur de sexe», d’Hervé Castanet et Max Milo ; «Journal du voyage de Siam», Olizane ; Jacques Lacan, leçon du 15 juin 1966, citée par Pierrick Brient in «la Clinique lacanienne» Eres.
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Re: François-Timoléon de Choisy : abbé, célèbre travesti, missionnaire au Siam, prêtre et académicien
Cette oeuvre, prochainement présentée en vente aux enchères, me donne l'occasion de revenir sur une épisode de la vie de ce personnage romanesque...
A capriccio with the French Ambassador approaching the King of Siam’s Palace in a state barge, in October 1685, featuring the White Porcelain Pagoda, from Nanjing, China, on the left
By Antonio Joli (Modena c. 1700 - 1777 Naples)
oil on canvas
44 1/2 x 58 in. (113 x 147.3 cm.)
Lot Essay (extraits)
(...)
The subject of the painting is the arrival of Louis XIV’s ambassador in the Siamese capital of Ayutthaya in 1685. The Siamese King, Phra Narai, had sent ornate royal barges to carry the ambassador and his entourage up the Chao Phraya River (which Westerners called the ‘Menam’ River the Thai word for ‘river’).
The diplomatic mission to convert King Narai to Catholicism, establish trade agreements and French supremacy in the region ended in failure, however, as the king’s minister Constantine Phaulkon was brutally murdered, Narai was overthrown by a formidable tyrant, Phetracha, and relations between the two countries collapsed.
For the general composition, as well as the specific details of the Siamese barges and buildings, Joli relied on two prints published by Johann Bernhard Fischer von Erlach in his A plan of civil and historical architecture in there presentation of the most noted buildings of foreign nations (Leipzig, 1725).
The majority of the composition, excluding the prominent Pagoda, relies on plate X - ‘Vue de la Residence du Roi de Siam avec l’entrée magnifique de l’Ambassadeur de France laquelle se fit sure le Menam avec 150 Balons ou navires d’état à la Siamoise, l’an 1685 au mois d’Octobre’ - in volume III (Plates describing the buildings of the Arabians, Turks etc., and from Modern ones of the Persians, Siamese, Chinese and Japanese).
Entwurff einer historischen Architectur in Abbildung unterschiedener berühmten Gebäude des Altershums und fremder Völcker [...] / herausgegeben von Johann Bernhard Fischer von Erlachen
Fischer von Erlach, Johann Bernhard (1656-1723)
Vienne, 1721
1 vol. (5 parties ) : gravure à l'eau-forte et au burin
Image : Bibliothèque nationale de France
The magnificent Pagoda to the left was taken from plate XI of the same volume, which was entitled ‘La fameuse Pagode près de Nanking, avec ses parois, mausolées, allées, bains et la magnifique Tour de Porcellaine à neuf étage’.
Entwurff einer historischen Architectur in Abbildung unterschiedener berühmten Gebäude des Altershums und fremder Völcker [...] / herausgegeben von Johann Bernhard Fischer von Erlachen
Fischer von Erlach, Johann Bernhard (1656-1723)
Vienne, 1721
1 vol. (5 parties ) : gravure à l'eau-forte et au burin
Image : Bibliothèque nationale de France
Nine stories high and covered in white porcelain tiles, the famous Pagoda, which was erected in 1407 in the plain near Nanjing in China and destroyed during the rebellions of Tai ping (between 1850 and 1864), was known as one of the wonders of the world in the mid-eighteenth century.
* Source et infos complémentaires : Christie's NY - The Ann & Gordon Getty Collection
L'abbé de Choisy a raconté ce voyage dans son Journal du voyage de Siam fait en 1685 et 1686(texte en ligne) qui a connu un grand succès d'édition aux 17e et 18e siècles.
Présentation :
C'est en 1685 que Choisy, abbé mondain depuis peu converti, s'embarque pour le Siam avec l'ambition d'y servir Dieu et le Roi. Louis XIV rêvait en effet de voir le monarque de ce lointain pays embrasser le christianisme. Sans doute rêvait-il aussi d'en obtenir quelques privilèges commerciaux.
L'ambassade du Grand Roi fut plus éclatante que réussie. Mais cette folle aventure diplomatique est à l'origine d'un journal de voyage pétillant, incontestablement le plus beau du XVIIe siècle, car Choisy tint sa promesse d'écrire chaque jour ses impressions et le fit dans son style inimitable. Après les péripéties d'une traversée fort agréable et qui ne dura que six mois, il raconte son émerveillement devant les paysages exotiques et les fastes de la cour siamoise. " Je ne sais par où commencer. Il n'y a point de paroles assez magnifiques pour exprimer ce que je viens de voir. " Son enthousiasme va de pair avec une ouverture d'esprit exemplaire au point qu'il n'hésite pas à parler des " lois admirables des talapoins ".
Curieux de tout, l'abbé évoque avec un luxe de détails les innombrables cérémonies qui attendent les Français: gigantesques processions aquatiques rythmées par une musique " aussi bizarre qu'extraordinaire ", visites de pagodes, peuples d'idoles dorées, chasses à l'éléphant et feux d'artifice. Sachant que " deux yeux ne voient point tout ", Choisy questionne les uns et les autres, puis consigne une mine de renseignements sur les coutumes et les habitants du royaume de l'Eléphant blanc.
Véritable best-seller à la fin du XVIIe siècle, le Journal du Voyage de Siam fut également reproduit en édition pirate, mais sa dernière réédition remontait à 1930. Cette édition annotée nous permet d'en découvrir la saveur. On y trouvera en annexes sept textes inédits ou inconnus qui complètent le récit des aventures siamoises de Choisy.
A capriccio with the French Ambassador approaching the King of Siam’s Palace in a state barge, in October 1685, featuring the White Porcelain Pagoda, from Nanjing, China, on the left
By Antonio Joli (Modena c. 1700 - 1777 Naples)
oil on canvas
44 1/2 x 58 in. (113 x 147.3 cm.)
Lot Essay (extraits)
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The subject of the painting is the arrival of Louis XIV’s ambassador in the Siamese capital of Ayutthaya in 1685. The Siamese King, Phra Narai, had sent ornate royal barges to carry the ambassador and his entourage up the Chao Phraya River (which Westerners called the ‘Menam’ River the Thai word for ‘river’).
The diplomatic mission to convert King Narai to Catholicism, establish trade agreements and French supremacy in the region ended in failure, however, as the king’s minister Constantine Phaulkon was brutally murdered, Narai was overthrown by a formidable tyrant, Phetracha, and relations between the two countries collapsed.
For the general composition, as well as the specific details of the Siamese barges and buildings, Joli relied on two prints published by Johann Bernhard Fischer von Erlach in his A plan of civil and historical architecture in there presentation of the most noted buildings of foreign nations (Leipzig, 1725).
The majority of the composition, excluding the prominent Pagoda, relies on plate X - ‘Vue de la Residence du Roi de Siam avec l’entrée magnifique de l’Ambassadeur de France laquelle se fit sure le Menam avec 150 Balons ou navires d’état à la Siamoise, l’an 1685 au mois d’Octobre’ - in volume III (Plates describing the buildings of the Arabians, Turks etc., and from Modern ones of the Persians, Siamese, Chinese and Japanese).
Entwurff einer historischen Architectur in Abbildung unterschiedener berühmten Gebäude des Altershums und fremder Völcker [...] / herausgegeben von Johann Bernhard Fischer von Erlachen
Fischer von Erlach, Johann Bernhard (1656-1723)
Vienne, 1721
1 vol. (5 parties ) : gravure à l'eau-forte et au burin
Image : Bibliothèque nationale de France
The magnificent Pagoda to the left was taken from plate XI of the same volume, which was entitled ‘La fameuse Pagode près de Nanking, avec ses parois, mausolées, allées, bains et la magnifique Tour de Porcellaine à neuf étage’.
Entwurff einer historischen Architectur in Abbildung unterschiedener berühmten Gebäude des Altershums und fremder Völcker [...] / herausgegeben von Johann Bernhard Fischer von Erlachen
Fischer von Erlach, Johann Bernhard (1656-1723)
Vienne, 1721
1 vol. (5 parties ) : gravure à l'eau-forte et au burin
Image : Bibliothèque nationale de France
Nine stories high and covered in white porcelain tiles, the famous Pagoda, which was erected in 1407 in the plain near Nanjing in China and destroyed during the rebellions of Tai ping (between 1850 and 1864), was known as one of the wonders of the world in the mid-eighteenth century.
* Source et infos complémentaires : Christie's NY - The Ann & Gordon Getty Collection
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L'abbé de Choisy a raconté ce voyage dans son Journal du voyage de Siam fait en 1685 et 1686(texte en ligne) qui a connu un grand succès d'édition aux 17e et 18e siècles.
Présentation :
C'est en 1685 que Choisy, abbé mondain depuis peu converti, s'embarque pour le Siam avec l'ambition d'y servir Dieu et le Roi. Louis XIV rêvait en effet de voir le monarque de ce lointain pays embrasser le christianisme. Sans doute rêvait-il aussi d'en obtenir quelques privilèges commerciaux.
L'ambassade du Grand Roi fut plus éclatante que réussie. Mais cette folle aventure diplomatique est à l'origine d'un journal de voyage pétillant, incontestablement le plus beau du XVIIe siècle, car Choisy tint sa promesse d'écrire chaque jour ses impressions et le fit dans son style inimitable. Après les péripéties d'une traversée fort agréable et qui ne dura que six mois, il raconte son émerveillement devant les paysages exotiques et les fastes de la cour siamoise. " Je ne sais par où commencer. Il n'y a point de paroles assez magnifiques pour exprimer ce que je viens de voir. " Son enthousiasme va de pair avec une ouverture d'esprit exemplaire au point qu'il n'hésite pas à parler des " lois admirables des talapoins ".
Curieux de tout, l'abbé évoque avec un luxe de détails les innombrables cérémonies qui attendent les Français: gigantesques processions aquatiques rythmées par une musique " aussi bizarre qu'extraordinaire ", visites de pagodes, peuples d'idoles dorées, chasses à l'éléphant et feux d'artifice. Sachant que " deux yeux ne voient point tout ", Choisy questionne les uns et les autres, puis consigne une mine de renseignements sur les coutumes et les habitants du royaume de l'Eléphant blanc.
Véritable best-seller à la fin du XVIIe siècle, le Journal du Voyage de Siam fut également reproduit en édition pirate, mais sa dernière réédition remontait à 1930. Cette édition annotée nous permet d'en découvrir la saveur. On y trouvera en annexes sept textes inédits ou inconnus qui complètent le récit des aventures siamoises de Choisy.
La nuit, la neige- Messages : 18138
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: François-Timoléon de Choisy : abbé, célèbre travesti, missionnaire au Siam, prêtre et académicien
La nuit, la neige a écrit:
Moins connu que le célèbre chevalier d'Eon, François-Timoléon de Choisy partagea avec le chevalier le goût pour le travestissement féminin, les changements d'identités, et une vie très romanesque.
« J’ai cherché, écrit-il, d’où me vient un plaisir si bizarre. Le voici : le propre de Dieu est d’être aimé, d’être adoré ; l’homme, autant que sa faiblesse le permet, ambitionne la même chose : or, comme c’est la beauté qui fait naître l’amour, et qu’elle est ordinairement le partage des femmes, quand il arrive que les hommes ont ou croient avoir quelques traits de beauté qui peuvent les faire aimer, ils tâchent de les augmenter par les ajustements des femmes, qui sont fort avantageux ; ils sentent alors le plaisir inestimable d’être aimés… Quand je me suis trouvé à des bals ou à des comédies avec de belles robes de chambre, des diamants et des mouches et que j’ai entendu dire tout bas près de moi : voilà une belle personne ! J’ai goûté en moi-même un plaisir qui ne peut être comparé à rien, tant il est grand. L’ambition, les richesses, l’amour ne l’égalent pas, parce que nous nous aimons toujours mieux que nous n’aimons les autres . »
Mémoires de l’abbé de Choisy habillé en femme
Mercure de France
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Date d'inscription : 21/12/2013
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Re: François-Timoléon de Choisy : abbé, célèbre travesti, missionnaire au Siam, prêtre et académicien
Un bon article de Vincent Noce
La folle vie de l'abbé .
«L'envie d'être belle me reprit avec fureur ; je fis faire des habits magnifiques, je remis de beaux pendants d'oreilles… Les rubans, les mouches, les airs coquets, les petites mines, rien ne fut oublié… Je croyais être encore aimable, et je voulais être aimée.»
https://www.liberation.fr/culture/2014/08/11/la-folle-vie-de-l-abbe_1079103/
Sources :
«Mémoires de l'abbé de Choisy habillé en femme», Mercure de France ; «l'Abbé de Choisy, androgyne et mandarin», de Dirk van der Cruysse, Fayard ; «Tricheur de sexe», d'Hervé Castanet et Max Milo ; «Journal du voyage de Siam», Olizane ; Jacques Lacan, leçon du 15 juin 1966, citée par Pierrick Brient in «la Clinique lacanienne» Eres.
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