"Balance ton porc" au XVIIIe siècle
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"Balance ton porc" au XVIIIe siècle
Au regard de l'actualité du moment, le sujet est peut-être intéressant...
Le Vicomte de Valmont à la Marquise de Merteuil
Lettre 96 (extraits)
Depuis quelques jours, mieux traité par ma tendre dévote, et par conséquent moins occupé d’elle, j’avais remarqué que la petite Volanges était en effet fort jolie ; et que, s’il y avait de la sottise à en être amoureux comme Danceny, peut-être n’y en avait-il pas moins de ma part, à ne pas chercher auprès d’elle une distraction que ma solitude me rendait nécessaire.
Il me parut juste aussi de me payer des soins que je me donnais pour elle : je me rappelais en outre que vous me l’aviez offerte, avant que Danceny eût rien à y prétendre ; et je me trouvais fondé à réclamer quelques droits sur un bien qu’il ne possédait qu’à mon refus et par mon abandon.
La jolie mine de la petite personne, sa bouche si fraîche, son air enfantin, sa gaucherie même, fortifiaient ces sages réflexions ; je résolus d’agir en conséquence, et le succès a couronné l’entreprise.
Déjà vous cherchez par quel moyen j’ai supplanté si tôt l’amant chéri ; quelle séduction convient à cet âge, à cette inexpérience. Epargnez-vous tant de peine, je n’en ai employé aucune.
Tandis que, maniant avec adresse les armes de votre sexe, vous triomphiez par la finesse ; moi, rendant à l’homme ses droits imprescriptibles, je subjuguais par l’autorité. Sûr de saisir ma proie, si je pouvais la joindre, je n’avais besoin de ruse que pour m’en approcher, et même celle dont je me suis servi ne mérite presque pas ce nom.
(...)
Après m’être assuré que tout était tranquille dans le château, armé de ma lanterne sourde et dans la toilette que comportait l’heure et qu’exigeait la circonstance, j’ai rendu ma première visite à votre pupille. J’avais tout fait préparer (et cela par elle-même), pour pouvoir entrer sans bruit.
Elle était dans son premier sommeil, et dans celui de son âge, de façon que je suis arrivé jusqu’à son lit, sans qu’elle se soit réveillée. J’ai d’abord été tenté d’aller plus avant, et d’essayer de passer pour un songe ; mais craignant l’effet de la surprise et le bruit qu’elle entraîne, j’ai préféré d’éveiller avec précaution la jolie dormeuse, et suis en effet parvenu à prévenir le cri que je redoutais.
Après avoir calmé ses premières craintes, comme je n’étais pas venu là pour causer, j’ai risqué quelques libertés.
Sans doute on ne lui a pas bien appris dans son couvent à combien de périls divers est exposée la timide innocence, et tout ce qu’elle a à garder pour n’être pas surprise : car, portant toute son attention, toutes ses forces, à se défendre d’un baiser, qui n’était qu’une fausse attaque, tout le reste était laissé sans défense ; le moyen de n’en pas profiter !
J’ai donc changé ma marche, et sur-le-champ j’ai pris poste. Ici nous avons pensé être perdus tous deux : la petite fille, tout effarouchée, a voulu crier de bonne foi ; heureusement sa voix s’est éteinte dans les pleurs. Elle s’était jetée aussi au cordon de sa sonnette, mais mon adresse a retenu son bras à temps.
"Que voulez-vous faire", lui ai-je dit alors, "vous perdre pour toujours ? Qu’on vienne, et que m’importe ? A qui persuaderez-vous que je ne sois pas ici de votre aveu ?
Quel autre que vous m’aura fourni le moyen de m’y introduire ? Et cette clef que je tiens de vous, que je n’ai pu avoir que par vous, vous chargez-vous d’en indiquer l’usage ? "
Cette courte harangue n’a calmé ni la douleur, ni la colère ; mais elle a amené la soumission.
Je ne sais si mon ton lui prêtait de l’éloquence ; au moins est-il vrai qu’elle n’était pas embellie par le geste.
Une main occupée pour la force, l’autre pour l’amour, quel orateur pourrait prétendre à la grâce en pareille position ?
Si vous vous la peignez bien, vous conviendrez qu’en revanche elle était favorable à l’attaque ; mais moi, je n’entends rien à rien, et, comme vous dites, la femme la plus simple, une pensionnaire, me mène comme un enfant.
(...)
Sérieusement, j’étais bien aise d’observer une fois la puissance de l’occasion, et je la trouvais ici dénuée de tout secours étranger.
Elle avait pourtant à combattre l’amour ; et l’amour soutenu par la pudeur ou la honte ; et fortifié surtout par l’humeur que j’avais donnée et dont on avait beaucoup pris.
L’occasion était seule ; mais elle était là, toujours offerte, toujours présente, et l’amour était absent.
Pour assurer mes observations, j’avais la malice de n’employer de force que ce qu’on en pouvait combattre. Seulement, si ma charmante ennemie ; abusant de ma facilité, se trouvait prête à m’échapper, je la contenais par cette même crainte, dont j’avais déjà éprouvé les heureux effets.
Hé bien ! sans autre soin ; la tendre amoureuse, oubliant ses serments, a cédé d’abord et fini même par consentir : non pas qu’après ce premier moment les reproches et les larmes ne soient revenus de concert ; j’ignore s’ils étaient vrais ou feints : mais, comme il arrive toujours, ils ont cessé, dès que je me suis occupé à y donner lieu de nouveau.
Enfin, de faiblesse en reproche, et de reproche en faiblesse, nous ne nous sommes séparés que satisfaits l’un de l’autre, et également d’accord pour le rendez-vous de ce soir.
Je ne me suis retiré chez moi qu’au point du jour, et j’étais rendu de fatigue et de sommeil : cependant j’ai sacrifié l’une et l’autre au désir de me trouver ce matin au déjeuner ; j’aime, de passion, les mines de lendemain.
Vous n’avez pas d’idée de celle-ci. C’était un embarras dans le maintien ! une difficulté dans la marche ! des yeux toujours baissés, et si gros, et si battus ! Cette figure si ronde s’était tant allongée ! rien n’était si plaisant.
Et pour la première fois, sa mère, alarmée de ce changement extrême, lui témoignait un intérêt assez tendre ! Et la Présidente aussi, qui s’empressait autour d’elle ! Oh ! pour ces soins-là, ils ne sont que prêtés ; un jour viendra où on pourra les lui rendre, et ce jour n’est pas loin. Adieu, ma belle amie.
Du château de… 1er octobre 17…
* Source : Les Liaisons dangereuses
https://fr.wikisource.org/wiki/Les_Liaisons_dangereuses/Lettre_96
Le Vicomte de Valmont à la Marquise de Merteuil
Lettre 96 (extraits)
Depuis quelques jours, mieux traité par ma tendre dévote, et par conséquent moins occupé d’elle, j’avais remarqué que la petite Volanges était en effet fort jolie ; et que, s’il y avait de la sottise à en être amoureux comme Danceny, peut-être n’y en avait-il pas moins de ma part, à ne pas chercher auprès d’elle une distraction que ma solitude me rendait nécessaire.
Il me parut juste aussi de me payer des soins que je me donnais pour elle : je me rappelais en outre que vous me l’aviez offerte, avant que Danceny eût rien à y prétendre ; et je me trouvais fondé à réclamer quelques droits sur un bien qu’il ne possédait qu’à mon refus et par mon abandon.
La jolie mine de la petite personne, sa bouche si fraîche, son air enfantin, sa gaucherie même, fortifiaient ces sages réflexions ; je résolus d’agir en conséquence, et le succès a couronné l’entreprise.
Déjà vous cherchez par quel moyen j’ai supplanté si tôt l’amant chéri ; quelle séduction convient à cet âge, à cette inexpérience. Epargnez-vous tant de peine, je n’en ai employé aucune.
Tandis que, maniant avec adresse les armes de votre sexe, vous triomphiez par la finesse ; moi, rendant à l’homme ses droits imprescriptibles, je subjuguais par l’autorité. Sûr de saisir ma proie, si je pouvais la joindre, je n’avais besoin de ruse que pour m’en approcher, et même celle dont je me suis servi ne mérite presque pas ce nom.
(...)
Après m’être assuré que tout était tranquille dans le château, armé de ma lanterne sourde et dans la toilette que comportait l’heure et qu’exigeait la circonstance, j’ai rendu ma première visite à votre pupille. J’avais tout fait préparer (et cela par elle-même), pour pouvoir entrer sans bruit.
Elle était dans son premier sommeil, et dans celui de son âge, de façon que je suis arrivé jusqu’à son lit, sans qu’elle se soit réveillée. J’ai d’abord été tenté d’aller plus avant, et d’essayer de passer pour un songe ; mais craignant l’effet de la surprise et le bruit qu’elle entraîne, j’ai préféré d’éveiller avec précaution la jolie dormeuse, et suis en effet parvenu à prévenir le cri que je redoutais.
Après avoir calmé ses premières craintes, comme je n’étais pas venu là pour causer, j’ai risqué quelques libertés.
Sans doute on ne lui a pas bien appris dans son couvent à combien de périls divers est exposée la timide innocence, et tout ce qu’elle a à garder pour n’être pas surprise : car, portant toute son attention, toutes ses forces, à se défendre d’un baiser, qui n’était qu’une fausse attaque, tout le reste était laissé sans défense ; le moyen de n’en pas profiter !
J’ai donc changé ma marche, et sur-le-champ j’ai pris poste. Ici nous avons pensé être perdus tous deux : la petite fille, tout effarouchée, a voulu crier de bonne foi ; heureusement sa voix s’est éteinte dans les pleurs. Elle s’était jetée aussi au cordon de sa sonnette, mais mon adresse a retenu son bras à temps.
"Que voulez-vous faire", lui ai-je dit alors, "vous perdre pour toujours ? Qu’on vienne, et que m’importe ? A qui persuaderez-vous que je ne sois pas ici de votre aveu ?
Quel autre que vous m’aura fourni le moyen de m’y introduire ? Et cette clef que je tiens de vous, que je n’ai pu avoir que par vous, vous chargez-vous d’en indiquer l’usage ? "
Cette courte harangue n’a calmé ni la douleur, ni la colère ; mais elle a amené la soumission.
Je ne sais si mon ton lui prêtait de l’éloquence ; au moins est-il vrai qu’elle n’était pas embellie par le geste.
Une main occupée pour la force, l’autre pour l’amour, quel orateur pourrait prétendre à la grâce en pareille position ?
Si vous vous la peignez bien, vous conviendrez qu’en revanche elle était favorable à l’attaque ; mais moi, je n’entends rien à rien, et, comme vous dites, la femme la plus simple, une pensionnaire, me mène comme un enfant.
(...)
Sérieusement, j’étais bien aise d’observer une fois la puissance de l’occasion, et je la trouvais ici dénuée de tout secours étranger.
Elle avait pourtant à combattre l’amour ; et l’amour soutenu par la pudeur ou la honte ; et fortifié surtout par l’humeur que j’avais donnée et dont on avait beaucoup pris.
L’occasion était seule ; mais elle était là, toujours offerte, toujours présente, et l’amour était absent.
Pour assurer mes observations, j’avais la malice de n’employer de force que ce qu’on en pouvait combattre. Seulement, si ma charmante ennemie ; abusant de ma facilité, se trouvait prête à m’échapper, je la contenais par cette même crainte, dont j’avais déjà éprouvé les heureux effets.
Hé bien ! sans autre soin ; la tendre amoureuse, oubliant ses serments, a cédé d’abord et fini même par consentir : non pas qu’après ce premier moment les reproches et les larmes ne soient revenus de concert ; j’ignore s’ils étaient vrais ou feints : mais, comme il arrive toujours, ils ont cessé, dès que je me suis occupé à y donner lieu de nouveau.
Enfin, de faiblesse en reproche, et de reproche en faiblesse, nous ne nous sommes séparés que satisfaits l’un de l’autre, et également d’accord pour le rendez-vous de ce soir.
Je ne me suis retiré chez moi qu’au point du jour, et j’étais rendu de fatigue et de sommeil : cependant j’ai sacrifié l’une et l’autre au désir de me trouver ce matin au déjeuner ; j’aime, de passion, les mines de lendemain.
Vous n’avez pas d’idée de celle-ci. C’était un embarras dans le maintien ! une difficulté dans la marche ! des yeux toujours baissés, et si gros, et si battus ! Cette figure si ronde s’était tant allongée ! rien n’était si plaisant.
Et pour la première fois, sa mère, alarmée de ce changement extrême, lui témoignait un intérêt assez tendre ! Et la Présidente aussi, qui s’empressait autour d’elle ! Oh ! pour ces soins-là, ils ne sont que prêtés ; un jour viendra où on pourra les lui rendre, et ce jour n’est pas loin. Adieu, ma belle amie.
Du château de… 1er octobre 17…
* Source : Les Liaisons dangereuses
https://fr.wikisource.org/wiki/Les_Liaisons_dangereuses/Lettre_96
Dernière édition par La nuit, la neige le Mar 23 Juil 2019, 11:58, édité 1 fois
La nuit, la neige- Messages : 18137
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: "Balance ton porc" au XVIIIe siècle
Plus concrètement, et en complément de cet extrait des célèbres Liaisons dangereuses, je vous propose quelques passages d'un article intéressant concernant le viol au XVIIIe siècle.
On oublie le "harcèlement", car l'on imagine sans peine combien il devait être passé sous silence...
Je cite :
A en juger par les documents policiers et judiciaires de l’époque, le viol se produit rarement dans la France de l’Ancien Régime. Et dans les quelques attestations du crime qui existent, la victime correspond à un sexe, à une classe sociale, à un âge ou à un état physique particulier.
D’après les dossiers criminels et les comptes-rendus de la cour, c’était donc plutôt difficile de se faire violer dans la société de ce temps.
C’est peut-être ce manque de documentation, ce manque en fin de compte de crime, qui empêchait les historiens français, avant Georges Vigarello, de mener des enquêtes sur la nature et le développement du viol. Comme Vigarello le déclare dans l’incipit de son livre, L’Histoire du viol : XVIe-XXe siècles, publié au Seuil en 1998, « L’histoire du viol n’est pas écrite. »
(...)
A chaque époque et pour chaque société, le problème du viol est d’abord un problème de définition : qu’est-ce qui constitue un viol ? qui peut violer ? et qui peut être violé ?
Juridiquement, l’existence du viol au XVIIIe siècle se limite à quelques exemples de jeunes femmes ou de filles, toujours vierges, portant les signes de leur agression.
Dans ces cas, l’hymen, ou plus précisément son absence, devient la preuve irréfutable du crime.
D’où la difficulté d’une femme de porter une accusation de viol. Sans cette preuve simpliste, sa plainte ne repose que sur sa parole.
Ce qui nous renvoie à une autre question liée à une autre question : la femme a-t-elle une parole dans la société de l’Ancien Régime ? La réponse est clairement non.
Il va presque sans le dire, mais, à cette période, la femme continue à être considérée comme une possession de l’homme dans la totalité de son esprit et de son corps.
Elle est un être sans statut autonome sociale ni judiciaire.
Si le viol entraîne des punitions sévères dans la France de l’Ancien Régime (punissable par la peine de mort), il n’est pas poursuivi comme offense contre la femme violée, mais comme offense contre la valeur économique attribuée au corps de la femme en tant que fournisseur de plaisir et de progéniture dont l’homme, sous la forme du père ou du mari, est le seul possesseur.
La femme elle-même n’est qu’un plaisir dérobé ou une matrice souillée.
La partie lésée est soit un père qui aura du mal à marier sa fille déflorée soit un mari qui ne sera pas certain de la paternité de ses enfants.
Avec la mise en question du mariage et de l’hérédité, les deux piliers sur lesquels la société de cette époque se construit, le viol devient une affaire économique et le corps de la femme un produit d’échange.
Voilà pourquoi la plupart des viols de cette époque finissent par un arrangement financier.
C’était une forme de compensation justifiée par un arrêt divin : dans le Deutéronome, il est écrit que
« si un homme rencontre une jeune fille vierge non fiancée, lui fait violence et couche avec elle, et qu'on vienne à les surprendre, l’homme qui aura couché avec elle donnera au père de la jeune fille cinquante sicles d'argent ; et, parce qu’il l’a déshonorée, il la prendra pour femme, et il ne pourra pas la renvoyer, tant qu’il vivra. »
Dans ces deux versets, nous voyons les conditions particulières pour qu’un viol puisse se faire selon la tradition judéo-chrétienne : la fille doit être vierge, elle doit être seule et le violeur doit être surpris en flagrant délit.
Sans trop ironiser sur la grossièreté de la réparation suggérée et du ton général du passage, nous pouvons également saisir les raisons du manque relatif d’accusations de viol au XVIIIe siècle : sans voix ni intérêt à porter plainte contre un homme pour viol, les femmes et leurs familles choisissent de négocier en silence ou de taire complètement l’affaire de peur de ruiner la réputation et bien sûr la valeur de la fille.
Autre élément qui contribue à une hésitation à révéler le viol : la croyance commune dans la duplicité des femmes, croyance qui rend la femme non seulement capable d’inventer malicieusement des accusations de viol, mais aussi capable de résister aux avances d’un homme si elle le veut.
Selon cette perspective, le viol participe simplement du jeu de la séduction. Sa fausse accusation n’est que l’arme principale dont la femme dispose dans le conflit social séparant les deux sexes et dont un des premiers exemples nous est fourni par l’histoire biblique de la femme de Potiphar, qui, rappelons-nous, dans son désir lascif pour l’humble et pieux esclave, Joseph, cherche à le séduire.
Quand celui-ci refuse ses avances, vengeresse, elle l’accuse d’avoir tenté de la violer, calomnie qui mène à son emprisonnement injuste.
Et quant à la capacité de la femme de résister physiquement au viol, c’est encore une fois le Deutéronome qui nous enseigne que
« si une jeune fille vierge est fiancée, et qu'un homme la rencontre dans la ville et couche avec elle, vous les amènerez tous deux à la porte de la ville, vous les lapiderez, et ils mourront, la jeune fille pour n'avoir pas crié dans la ville, et l'homme pour avoir déshonoré la femme de son prochain. Tu ôteras ainsi le mal du milieu de toi. »
Et si les cris ne réussissent pas à empêcher le viol, elle a, selon Voltaire, figure emblématique des Lumières, une autre défense naturelle.
Dans son Prix de la justice de l’humanité (1771), pamphlet dans lequel il résume ses idées sur la législation des matières criminelles, Voltaire maintient que :
« pour les filles ou femmes qui se plaindraient d’avoir été violées, il n’y aurait ce me semble qu’à leur conter comment une reine éluda autrefois l’accusation d’une complaignante. Elle prit un fourreau d’épée et, le remuant toujours, elle fit voir à la dame qu’il n’était pas possible alors de mettre l’épée dans le fourreau. Il en est du viol comme de l’impuissance ; il est certains cas dont les tribunaux ne doivent jamais connaître. »
Comme nous le voyons, la métaphore dont Voltaire se sert pour argumenter contre les accusations du viol se fonde paradoxalement sur un concept d’égalité naturelle qui existe entre les hommes et les femmes grâce à la différence et à la complémentarité physiologiques de leurs organes sexuels.
Selon lui, si la nature a fait de l’homme l’être le plus fort, elle a tout de même équipé la femme de sa propre forme de protection - l’arrangement corporel de son sexe.
Une femme a ainsi toujours la capacité de se protéger contre les agressions sexuelles d’un seul homme.
Et, pour Voltaire, les autorités judiciaires doivent se demander si une accusation de viol ayant lieu dans ces conditions particulières n’est pas plutôt l’expression d’un regret et d’un désir de vengeance de la part d’une femme séduite.
Ce qui devient problématique pour certains savants de la période, ce n’est pas la menace du viol, c’est la menace d’une fausse accusation du viol.
En dépit des tentatives de l’effacer juridiquement, la question du viol continuait à hanter le XVIIIe siècle, surtout sa littérature…
(...)
* Source : Le viol au XVIIIe siècle. Discours sur l’origine et les fondements de la femme sociale
Par Shane Agin
L'article complet, qui fait une large part à la littérature du XVIIIe siècle, est accessible ici :
http://webcache.googleusercontent.com/search?q=cache:QAGwHe1HYhEJ:stigma.site.free.fr/textes/2007/10.doc+&cd=3&hl=fr&ct=clnk&gl=fr
On oublie le "harcèlement", car l'on imagine sans peine combien il devait être passé sous silence...
Je cite :
A en juger par les documents policiers et judiciaires de l’époque, le viol se produit rarement dans la France de l’Ancien Régime. Et dans les quelques attestations du crime qui existent, la victime correspond à un sexe, à une classe sociale, à un âge ou à un état physique particulier.
D’après les dossiers criminels et les comptes-rendus de la cour, c’était donc plutôt difficile de se faire violer dans la société de ce temps.
C’est peut-être ce manque de documentation, ce manque en fin de compte de crime, qui empêchait les historiens français, avant Georges Vigarello, de mener des enquêtes sur la nature et le développement du viol. Comme Vigarello le déclare dans l’incipit de son livre, L’Histoire du viol : XVIe-XXe siècles, publié au Seuil en 1998, « L’histoire du viol n’est pas écrite. »
(...)
A chaque époque et pour chaque société, le problème du viol est d’abord un problème de définition : qu’est-ce qui constitue un viol ? qui peut violer ? et qui peut être violé ?
Juridiquement, l’existence du viol au XVIIIe siècle se limite à quelques exemples de jeunes femmes ou de filles, toujours vierges, portant les signes de leur agression.
Dans ces cas, l’hymen, ou plus précisément son absence, devient la preuve irréfutable du crime.
D’où la difficulté d’une femme de porter une accusation de viol. Sans cette preuve simpliste, sa plainte ne repose que sur sa parole.
Ce qui nous renvoie à une autre question liée à une autre question : la femme a-t-elle une parole dans la société de l’Ancien Régime ? La réponse est clairement non.
Il va presque sans le dire, mais, à cette période, la femme continue à être considérée comme une possession de l’homme dans la totalité de son esprit et de son corps.
Elle est un être sans statut autonome sociale ni judiciaire.
Si le viol entraîne des punitions sévères dans la France de l’Ancien Régime (punissable par la peine de mort), il n’est pas poursuivi comme offense contre la femme violée, mais comme offense contre la valeur économique attribuée au corps de la femme en tant que fournisseur de plaisir et de progéniture dont l’homme, sous la forme du père ou du mari, est le seul possesseur.
La femme elle-même n’est qu’un plaisir dérobé ou une matrice souillée.
La partie lésée est soit un père qui aura du mal à marier sa fille déflorée soit un mari qui ne sera pas certain de la paternité de ses enfants.
Avec la mise en question du mariage et de l’hérédité, les deux piliers sur lesquels la société de cette époque se construit, le viol devient une affaire économique et le corps de la femme un produit d’échange.
Voilà pourquoi la plupart des viols de cette époque finissent par un arrangement financier.
C’était une forme de compensation justifiée par un arrêt divin : dans le Deutéronome, il est écrit que
« si un homme rencontre une jeune fille vierge non fiancée, lui fait violence et couche avec elle, et qu'on vienne à les surprendre, l’homme qui aura couché avec elle donnera au père de la jeune fille cinquante sicles d'argent ; et, parce qu’il l’a déshonorée, il la prendra pour femme, et il ne pourra pas la renvoyer, tant qu’il vivra. »
Dans ces deux versets, nous voyons les conditions particulières pour qu’un viol puisse se faire selon la tradition judéo-chrétienne : la fille doit être vierge, elle doit être seule et le violeur doit être surpris en flagrant délit.
Sans trop ironiser sur la grossièreté de la réparation suggérée et du ton général du passage, nous pouvons également saisir les raisons du manque relatif d’accusations de viol au XVIIIe siècle : sans voix ni intérêt à porter plainte contre un homme pour viol, les femmes et leurs familles choisissent de négocier en silence ou de taire complètement l’affaire de peur de ruiner la réputation et bien sûr la valeur de la fille.
Autre élément qui contribue à une hésitation à révéler le viol : la croyance commune dans la duplicité des femmes, croyance qui rend la femme non seulement capable d’inventer malicieusement des accusations de viol, mais aussi capable de résister aux avances d’un homme si elle le veut.
Selon cette perspective, le viol participe simplement du jeu de la séduction. Sa fausse accusation n’est que l’arme principale dont la femme dispose dans le conflit social séparant les deux sexes et dont un des premiers exemples nous est fourni par l’histoire biblique de la femme de Potiphar, qui, rappelons-nous, dans son désir lascif pour l’humble et pieux esclave, Joseph, cherche à le séduire.
Quand celui-ci refuse ses avances, vengeresse, elle l’accuse d’avoir tenté de la violer, calomnie qui mène à son emprisonnement injuste.
Et quant à la capacité de la femme de résister physiquement au viol, c’est encore une fois le Deutéronome qui nous enseigne que
« si une jeune fille vierge est fiancée, et qu'un homme la rencontre dans la ville et couche avec elle, vous les amènerez tous deux à la porte de la ville, vous les lapiderez, et ils mourront, la jeune fille pour n'avoir pas crié dans la ville, et l'homme pour avoir déshonoré la femme de son prochain. Tu ôteras ainsi le mal du milieu de toi. »
Et si les cris ne réussissent pas à empêcher le viol, elle a, selon Voltaire, figure emblématique des Lumières, une autre défense naturelle.
Dans son Prix de la justice de l’humanité (1771), pamphlet dans lequel il résume ses idées sur la législation des matières criminelles, Voltaire maintient que :
« pour les filles ou femmes qui se plaindraient d’avoir été violées, il n’y aurait ce me semble qu’à leur conter comment une reine éluda autrefois l’accusation d’une complaignante. Elle prit un fourreau d’épée et, le remuant toujours, elle fit voir à la dame qu’il n’était pas possible alors de mettre l’épée dans le fourreau. Il en est du viol comme de l’impuissance ; il est certains cas dont les tribunaux ne doivent jamais connaître. »
Comme nous le voyons, la métaphore dont Voltaire se sert pour argumenter contre les accusations du viol se fonde paradoxalement sur un concept d’égalité naturelle qui existe entre les hommes et les femmes grâce à la différence et à la complémentarité physiologiques de leurs organes sexuels.
Selon lui, si la nature a fait de l’homme l’être le plus fort, elle a tout de même équipé la femme de sa propre forme de protection - l’arrangement corporel de son sexe.
Une femme a ainsi toujours la capacité de se protéger contre les agressions sexuelles d’un seul homme.
Et, pour Voltaire, les autorités judiciaires doivent se demander si une accusation de viol ayant lieu dans ces conditions particulières n’est pas plutôt l’expression d’un regret et d’un désir de vengeance de la part d’une femme séduite.
Ce qui devient problématique pour certains savants de la période, ce n’est pas la menace du viol, c’est la menace d’une fausse accusation du viol.
En dépit des tentatives de l’effacer juridiquement, la question du viol continuait à hanter le XVIIIe siècle, surtout sa littérature…
(...)
* Source : Le viol au XVIIIe siècle. Discours sur l’origine et les fondements de la femme sociale
Par Shane Agin
L'article complet, qui fait une large part à la littérature du XVIIIe siècle, est accessible ici :
http://webcache.googleusercontent.com/search?q=cache:QAGwHe1HYhEJ:stigma.site.free.fr/textes/2007/10.doc+&cd=3&hl=fr&ct=clnk&gl=fr
La nuit, la neige- Messages : 18137
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: "Balance ton porc" au XVIIIe siècle
;
C'est franchement épouvantable ... la notion de viol existe à peine; elle n'est pratiquement jamais reconnue .
C'est franchement épouvantable ... la notion de viol existe à peine; elle n'est pratiquement jamais reconnue .
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55509
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: "Balance ton porc" au XVIIIe siècle
Mme de Sabran a écrit:C'est franchement épouvantable
Je suis bien d'accord;
Cependant, ( et j'ai failli l'écrire dans le fil "les actualités commentées" ) j'aurais bien apprécié aussi une pareille levée de boucliers publique avec le hashtag #balancetonbourreau pour les femmes battues et les enfants maltraités........
Les causes sont aussi sensibles ......mais je ne souhaite pas créer un hors sujet.......
Invité- Invité
Re: "Balance ton porc" au XVIIIe siècle
Personnellement, je ne suis guère surpris.Mme de Sabran a écrit:
C'est franchement épouvantable ... la notion de viol existe à peine; elle n'est pratiquement jamais reconnue .
C'est d'ailleurs, et notamment, une des raisons pour lesquelles (la reconnaissance sociale et celle des droits) je n'ai jamais guère accepté le concept "littéraire" (et encore, il n'y a qu'à lire cet extrait des Liaisons dangereuses en intro de ce sujet) que le XVIIIe siècle était le siècle des femmes.
Enfin bref, passons...
Ce site nous présente le Code pénal du 25 septembre 1791.
L'ensemble du document est d'ailleurs très intéressant (il y a des choses hallucinantes ! ).
Mais je ne recopie que quelques extraits qui concernent ce sujet.
C'est très bref !! Et je suppose donc que l'on en restait plus ou moins encore aux usages de l'Ancien Régime.
Je cite :
DEUXIÈME PARTIE - DES CRIMES ET DE LEUR PUNITION.
(...)
TITRE II - CRIMES CONTRE LES PARTICULIERS.
SECTION I - CRIMES ET ATTENTATS CONTRE LES PERSONNES.
(...)
Article 29
Le viol sera puni de six années de fers.
Article 30
La peine portée en l'article précédent sera de douze années de fers, lorsqu'il aura été commis dans la personne d'une fille âgée de moins de quatorze ans accomplis, ou lorsque le coupable aura été aidé dans son crime, par la violence et les efforts d'un ou de plusieurs complices.
Article 31
Quiconque aura été convaincu d'avoir, par violence et à l'effet d'en abuser ou de la prostituer, enlevé une fille au-dessous de quatorze ans accomplis, hors de la maison des personnes sous la puissance desquels est ladite fille, ou de la maison dans laquelle lesdites personnes la font élever ou l'ont placée, sera puni de la peine de douze années de fers.
L'on remarquera que le viol ne concerne que les filles (les garçons ne se font pas violer), et plus particulièrement les jeunes filles...
A titre de comparaison de la sévérité des peines, je cite d'autres articles, comme ça pour exemple...
Nous retenons donc, au maximum, 6 années de fer pour les viols "de base".
SECTION II - CRIMES ET DÉLITS CONTRE LES PROPRIÉTÉS.
Article 1
Tout vol commis à force ouverte ou par violence envers les personnes, sera puni de dix années de fers.
Article 2
Si le vol à force ouverte et par violence envers les personnes est commis, soit dans un grand chemin, rue ou place publique, soit dans l'intérieur d'une maison, la peine sera de quatorze années de fers.
(...)
Article 6
Tout autre vol commis sans violence envers des personnes, à l'aide d'effraction faite, soit par le voleur, soit par son complice, sera puni de huit années de fers.
Article 7
La durée de la peine dudit crime sera augmentée de deux ans, par chacune des circonstances suivantes qui s'y trouvera réunie.
Par exemple :
....si le crime a été commis la nuit ;
Article 9
Le vol commis à l'aide de fausses clefs, sera puni de la peine de huit années de fers.
Enfin bref ! Vous l'avez compris, on faisait davantage de cas de l'atteinte à la "propriété" qu'au corps d'une femme (et donc ceux des hommes, jeunes ou adultes : rien à faire... )
* Source : http://ledroitcriminel.fr/la_legislation_criminelle/anciens_textes/code_penal_25_09_1791.htm
La nuit, la neige- Messages : 18137
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: "Balance ton porc" au XVIIIe siècle
La nuit, la neige a écrit:
Personnellement, je ne suis guère surpris.
C'est d'ailleurs, et notamment, une des raisons pour lesquelles (la reconnaissance sociale et celle des droits) je n'ai jamais guère accepté le concept "littéraire" (et encore, il n'y a qu'à lire cet extrait des Liaisons dangereuses en intro de ce sujet) que le XVIIIe siècle était le siècle des femmes.
N'était-ce pas par opposition avec la Révolution toute honte bue résolument machiste ?
C'est la petite phrase de Mme Le Brun " Les femmes régnaient alors, la Révolution les a détrônées "
Oui, comment faut-il la prendre ?!! Hum ! Mme Le Brun, femme émancipée, vivant de son art, n'est pas vraiment représentative de la condition féminine de l'Ancien Régime.
... et puis avec Napoléon, c'est le pompon ! ... n'en parlons même pas ...
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... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55509
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: "Balance ton porc" au XVIIIe siècle
C'est un débat que nous avons eu de nombreuses fois, je n'y reviens pas...
Mais à mon avis, et pour faire bref, à l'exception de quelques rarissimes privilégiées le siècle de la femme n'a ni été le XVIIIe siècle, ni le XIXe siècle, ni même tout à fait le XXe siècle : la suite est à venir.
Je poursuis avec le Code Pénal de 1810 cette fois-ci (dont je vous recommande à nouveau la lecture), et plus particulièrement :
TITRE II
CRIMES ET DÉLITS CONTRE LES PARTICULIERS.
Je fais juste une petite parenthèse à notre sujet, parce que, tout de même...
§ II. - CRIMES ET DÉLITS EXCUSABLES, ET CAS OÙ ILS NE PEUVENT ÊTRE EXCUSÉS.
(...)
ARTICLE 324.
Le meurtre commis par l'époux sur l'épouse, ou par celle-ci sur son époux, n'est pas excusable, si la vie de l'époux ou de l'épouse qui a commis le meurtre n'a pas été mise en péril dans le moment même où le meurtre a eu lieu.
Néanmoins, dans le cas d'adultère, prévu par l'article 336, le meurtre commis par l'époux sur son épouse, ainsi que sur le complice, à l'instant où il les surprend en flagrant délit dans la maison conjugale, est excusable. (Enorme ! ).
Bref, reprenons...
SECTION IV. - ATTENTATS AUX MŒURS.
ARTICLE 330.
Toute personne qui aura commis un outrage public à la pudeur, sera punie d'un emprisonnement de trois mois à un an, et d'une amende de seize francs à deux cents francs. (Enfin autre chose que le viol).
ARTICLE 331.
Quiconque aura commis le crime de viol, ou sera coupable de tout autre attentat à la pudeur, consommé ou tenté avec violence contre des individus de l'un ou de l'autre sexe, sera puni de la réclusion.
Enfin il n'est plus question seulement des femmes.
En revanche, le "sera puni de réclusion", je ne sais pas qu'elle est la durée de la peine ?
ARTICLE 332.
Si le crime a été commis sur la personne d'un enfant au-dessous de l'âge de quinze ans accomplis, le coupable subira la peine des travaux forcés à temps.
Quelle durée ? A l'appréciation des juges ?
ARTICLE 333.
La peine sera celle des travaux forcés à perpétuité, si les coupables sont de la classe de ceux qui ont autorité sur la personne envers laquelle ils ont commis l'attentat, s'ils sont ses instituteurs ou ses serviteurs à gages, ou s'ils sont fonctionnaires publics, ou ministres d'un culte, ou si le coupable, quel qu'il soit, a été aidé dans son crime par une ou plusieurs personnes.
A titre de comparaison des peines, et ne pouvant déterminer celles du viol, je reviens sur celles de "l'outrage public à la pudeur", donc puni d'un emprisonnement de trois mois à un an, et d'une amende de seize francs à deux cents francs.
Comparons...
ARTICLE 337.
La femme convaincue d'adultère subira la peine de l'emprisonnement pendant trois mois au moins et deux ans au plus.
Le mari restera le maître d'arrêter l'effet de cette condamnation, en consentant à reprendre sa femme.
ARTICLE 338.
Le complice de la femme adultère sera puni de l'emprisonnement pendant le même espace de temps, et, en outre, d'une amende de cent francs à deux mille francs.
Les seules preuves qui pourront être admises contre le prévenu de complicité, seront, outre le flagrant délit, celles résultant de lettres ou autres pièces écrites par le prévenu.
En revanche :
ARTICLE 339.
Le mari qui aura entretenu une concubine dans la maison conjugale, et qui aura été convaincu sur la plainte de la femme, sera puni d'une amende de cent francs à deux mille francs.
Et nous noterons le délirant "dans la maison conjugale".
C'est à dire que l'entretien d'une concubine ailleurs (on imagine aisément ce qui est plus fréquent), no problemo !
Enfin, l'on insiste donc sur l'entretien d'une concubine, pas sur un adultère "gratos".
Et pour en revenir à la comparaison avec l'atteinte à la "propriété", c'est encore plus radical que précédemment !
ARTICLE 381.
Seront punis de la peine de mort, les individus coupables de vols commis avec la réunion des cinq circonstances suivantes :
1° Si le vol a été commis la nuit ;
2° S'il a été commis par deux ou plusieurs personnes ;
3° Si les coupables ou l'un deux étaient porteurs d'armes apparentes ou cachées ;
4° S'ils ont commis le crime soit à l'aide d'effraction extérieure ou d'escalade ou de fausses clés, dans une maison, appartement, chambre ou logement habités ou servant à l'habitation, ou leurs dépendances, soit en prenant le titre d'un fonctionnaire public ou d'un officier civil ou militaire, ou après s'être revêtus de l'uniforme ou du costume du fonctionnaire ou de l'officier, ou en alléguant un faux ordre de l'autorité civile ou militaire.
5° S'ils ont commis le crime avec violence ou menace de faire usage de leurs armes.
ARTICLE 386.
Sera puni de la peine de la réclusion (c'est à dire la même peine que le viol), tout individu coupable de vol commis dans l'un des cas ci-après :
(...)
3° Si le voleur est un domestique ou un homme de service à gage, même lorsqu'il aura commis le vol envers des personnes qu'il ne servait pas, mais qui se trouvaient soit dans la maison de son maître, soit dans celle où il l'accompagnait ; ou si c'est un ouvrier, compagnon ou apprenti, dans la maison, l'atelier ou le magasin de son maître, ou un individu travaillant habituellement dans l'habitation où il aura volé ;
ARTICLE 388.
Quiconque aura volé, dans les champs, des chevaux, ou bêtes de charge, de voiture ou de monture, gros et menus bestiaux, des instruments d'agriculture, des récoltes ou meules de grains faisant partie de récoltes, sera puni de la réclusion.
Il en sera de même à l'égard des vols de bois dans les ventes et de pierres dans les carrières, ainsi qu'à l'égard du vol de poissons en étang, vivier ou réservoir.
ARTICLE 389.
La même peine aura lieu, si pour commettre un vol il y a un enlèvement ou déplacement de bornes servant de séparation aux propriétés.
Etc, etc...
* Source et intégralité des articles : http://ledroitcriminel.fr/la_legislation_criminelle/anciens_textes/code_penal_1810/code_penal_1810_3.htm
Mais à mon avis, et pour faire bref, à l'exception de quelques rarissimes privilégiées le siècle de la femme n'a ni été le XVIIIe siècle, ni le XIXe siècle, ni même tout à fait le XXe siècle : la suite est à venir.
Je poursuis avec le Code Pénal de 1810 cette fois-ci (dont je vous recommande à nouveau la lecture), et plus particulièrement :
TITRE II
CRIMES ET DÉLITS CONTRE LES PARTICULIERS.
Je fais juste une petite parenthèse à notre sujet, parce que, tout de même...
§ II. - CRIMES ET DÉLITS EXCUSABLES, ET CAS OÙ ILS NE PEUVENT ÊTRE EXCUSÉS.
(...)
ARTICLE 324.
Le meurtre commis par l'époux sur l'épouse, ou par celle-ci sur son époux, n'est pas excusable, si la vie de l'époux ou de l'épouse qui a commis le meurtre n'a pas été mise en péril dans le moment même où le meurtre a eu lieu.
Néanmoins, dans le cas d'adultère, prévu par l'article 336, le meurtre commis par l'époux sur son épouse, ainsi que sur le complice, à l'instant où il les surprend en flagrant délit dans la maison conjugale, est excusable. (Enorme ! ).
Bref, reprenons...
SECTION IV. - ATTENTATS AUX MŒURS.
ARTICLE 330.
Toute personne qui aura commis un outrage public à la pudeur, sera punie d'un emprisonnement de trois mois à un an, et d'une amende de seize francs à deux cents francs. (Enfin autre chose que le viol).
ARTICLE 331.
Quiconque aura commis le crime de viol, ou sera coupable de tout autre attentat à la pudeur, consommé ou tenté avec violence contre des individus de l'un ou de l'autre sexe, sera puni de la réclusion.
Enfin il n'est plus question seulement des femmes.
En revanche, le "sera puni de réclusion", je ne sais pas qu'elle est la durée de la peine ?
ARTICLE 332.
Si le crime a été commis sur la personne d'un enfant au-dessous de l'âge de quinze ans accomplis, le coupable subira la peine des travaux forcés à temps.
Quelle durée ? A l'appréciation des juges ?
ARTICLE 333.
La peine sera celle des travaux forcés à perpétuité, si les coupables sont de la classe de ceux qui ont autorité sur la personne envers laquelle ils ont commis l'attentat, s'ils sont ses instituteurs ou ses serviteurs à gages, ou s'ils sont fonctionnaires publics, ou ministres d'un culte, ou si le coupable, quel qu'il soit, a été aidé dans son crime par une ou plusieurs personnes.
A titre de comparaison des peines, et ne pouvant déterminer celles du viol, je reviens sur celles de "l'outrage public à la pudeur", donc puni d'un emprisonnement de trois mois à un an, et d'une amende de seize francs à deux cents francs.
Comparons...
ARTICLE 337.
La femme convaincue d'adultère subira la peine de l'emprisonnement pendant trois mois au moins et deux ans au plus.
Le mari restera le maître d'arrêter l'effet de cette condamnation, en consentant à reprendre sa femme.
ARTICLE 338.
Le complice de la femme adultère sera puni de l'emprisonnement pendant le même espace de temps, et, en outre, d'une amende de cent francs à deux mille francs.
Les seules preuves qui pourront être admises contre le prévenu de complicité, seront, outre le flagrant délit, celles résultant de lettres ou autres pièces écrites par le prévenu.
En revanche :
ARTICLE 339.
Le mari qui aura entretenu une concubine dans la maison conjugale, et qui aura été convaincu sur la plainte de la femme, sera puni d'une amende de cent francs à deux mille francs.
Et nous noterons le délirant "dans la maison conjugale".
C'est à dire que l'entretien d'une concubine ailleurs (on imagine aisément ce qui est plus fréquent), no problemo !
Enfin, l'on insiste donc sur l'entretien d'une concubine, pas sur un adultère "gratos".
Et pour en revenir à la comparaison avec l'atteinte à la "propriété", c'est encore plus radical que précédemment !
ARTICLE 381.
Seront punis de la peine de mort, les individus coupables de vols commis avec la réunion des cinq circonstances suivantes :
1° Si le vol a été commis la nuit ;
2° S'il a été commis par deux ou plusieurs personnes ;
3° Si les coupables ou l'un deux étaient porteurs d'armes apparentes ou cachées ;
4° S'ils ont commis le crime soit à l'aide d'effraction extérieure ou d'escalade ou de fausses clés, dans une maison, appartement, chambre ou logement habités ou servant à l'habitation, ou leurs dépendances, soit en prenant le titre d'un fonctionnaire public ou d'un officier civil ou militaire, ou après s'être revêtus de l'uniforme ou du costume du fonctionnaire ou de l'officier, ou en alléguant un faux ordre de l'autorité civile ou militaire.
5° S'ils ont commis le crime avec violence ou menace de faire usage de leurs armes.
ARTICLE 386.
Sera puni de la peine de la réclusion (c'est à dire la même peine que le viol), tout individu coupable de vol commis dans l'un des cas ci-après :
(...)
3° Si le voleur est un domestique ou un homme de service à gage, même lorsqu'il aura commis le vol envers des personnes qu'il ne servait pas, mais qui se trouvaient soit dans la maison de son maître, soit dans celle où il l'accompagnait ; ou si c'est un ouvrier, compagnon ou apprenti, dans la maison, l'atelier ou le magasin de son maître, ou un individu travaillant habituellement dans l'habitation où il aura volé ;
ARTICLE 388.
Quiconque aura volé, dans les champs, des chevaux, ou bêtes de charge, de voiture ou de monture, gros et menus bestiaux, des instruments d'agriculture, des récoltes ou meules de grains faisant partie de récoltes, sera puni de la réclusion.
Il en sera de même à l'égard des vols de bois dans les ventes et de pierres dans les carrières, ainsi qu'à l'égard du vol de poissons en étang, vivier ou réservoir.
ARTICLE 389.
La même peine aura lieu, si pour commettre un vol il y a un enlèvement ou déplacement de bornes servant de séparation aux propriétés.
Etc, etc...
* Source et intégralité des articles : http://ledroitcriminel.fr/la_legislation_criminelle/anciens_textes/code_penal_1810/code_penal_1810_3.htm
La nuit, la neige- Messages : 18137
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: "Balance ton porc" au XVIIIe siècle
Merci LNLN c’est passionnant !!!!
Je ne sais pas si cela a été dit mais jusque dans les années 70, le viol dans le mariage n’était pas reconnu...
Je ne sais pas si cela a été dit mais jusque dans les années 70, le viol dans le mariage n’était pas reconnu...
Gouverneur Morris- Messages : 11796
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: "Balance ton porc" au XVIIIe siècle
La nuit, la neige a écrit:
Néanmoins, dans le cas d'adultère, prévu par l'article 336, le meurtre commis par l'époux sur son épouse, ainsi que sur le complice, à l'instant où il les surprend en flagrant délit dans la maison conjugale, est excusable. (Enorme ! ).
Mais, attention !!! et vice versa. Bon ça O.K. je peux comprendre .
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Mme de Sabran- Messages : 55509
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: "Balance ton porc" au XVIIIe siècle
J'ai légèrement débordé en 1810, mais c'est que nous sommes dans la rubrique Histoire du XVIIIe siècle.Gouverneur Morris a écrit:
Je ne sais pas si cela a été dit mais jusque dans les années 70, le viol dans le mariage n’était pas reconnu...
Mais, sans rentrer dans le détails, c'est bien plus tard encore.
Un premier jugement en 1992 ; une loi en 2006 seulement !
Et encore, avec la mention ambigüe que, dans le cas du mariage, le consentement des conjoints aux relations sexuelles n’est présumé que jusqu’à preuve du contraire
Car enfin, après 92 et 2006, des décisions judiciaires en Cour d'appel ayant persisté à rappeler que le refus du "devoir conjugal" (concept qui dure, et qui n'est pourtant mentionné dans aucun texte légal) pouvait être constitutif d’une faute (justifiant la demande en divorce d’un époux aux torts exclusifs de l’autre), cette mention, à priori (!!), que le consentement des conjoints aux relations sexuelles n’est présumé que jusqu’à preuve du contraire, ne fut retirée du Code pénal qu'en...2010 !
C'est notamment ce qui est expliqué plus longuement ici : https://www.village-justice.com/articles/Devoir-conjugal-entre-epoux-menage,10354.html
Je ferme la parenthèse...
_________
Gouv', si tu me lis, cette actualisation de ce sujet est à ton attention : https://marie-antoinette.forumactif.org/t1086p50-bientot-le-mois-d-aout-et-changement-d-avatar#109538
Dernière édition par La nuit, la neige le Mer 01 Nov 2017, 22:25, édité 1 fois
La nuit, la neige- Messages : 18137
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: "Balance ton porc" au XVIIIe siècle
Comment cela vice et versa ? Je n'ai pas compris...Mme de Sabran a écrit:[
Mais, attention !!! et vice versa. Bon ça O.K. je peux comprendre .
La nuit, la neige- Messages : 18137
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: "Balance ton porc" au XVIIIe siècle
;
Si, si, c'est tout simple !
Néanmoins, dans le cas d'adultère, prévu par l'article 336, le meurtre commis par l'époux sur son épouse, ainsi que sur le complice, à l'instant où il les surprend en flagrant délit dans la maison conjugale, est excusable.
Et vice versa :
Néanmoins, dans le cas d'adultère, prévu par l'article 336, le meurtre commis par l'épouse sur son époux, ainsi que sur la pouffe, à l'instant où elle les surprend en flagrant délit dans la maison conjugale, est excusable.
Non ?
Si, si, c'est tout simple !
Néanmoins, dans le cas d'adultère, prévu par l'article 336, le meurtre commis par l'époux sur son épouse, ainsi que sur le complice, à l'instant où il les surprend en flagrant délit dans la maison conjugale, est excusable.
Et vice versa :
Néanmoins, dans le cas d'adultère, prévu par l'article 336, le meurtre commis par l'épouse sur son époux, ainsi que sur la pouffe, à l'instant où elle les surprend en flagrant délit dans la maison conjugale, est excusable.
Non ?
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Mme de Sabran- Messages : 55509
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: "Balance ton porc" au XVIIIe siècle
Nan ! A l'inverse, cela ne l'était donc pas...
La nuit, la neige- Messages : 18137
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: "Balance ton porc" au XVIIIe siècle
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Mme de Sabran- Messages : 55509
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: "Balance ton porc" au XVIIIe siècle
Extrait des Mémoires de Casanova, ou Histoire de ma vie.
L'épisode de "L'orage" (Volume 1, chapitre 5) :
Devant retourner à Paséan, la jolie fermière voulait se mettre dans la voiture à quatre places où son mari s'était déjà mis avec sa soeur, tandis que j'étais tout seul dans une calèche à deux roues.
J'ai fait du bruit, me plaignant de cette méfiance ; et la compagnie lui remontra qu'elle ne pouvait pas me faire cet affront.
Pour lors elle vint, et ayant dit au postillon que je voulais aller par la plus courte, il se sépara de toutes les autres voitures prenant le chemin du bois de Cequini.
Le ciel était beau mais en moins d'une demi-heure il s'éleva un orage de l'espèce de ceux qui s'élèvent en Italie (...)
(...) voilà les éclairs qui se succèdent, le tonnerre qui gronde, et la pauvre femme qui tremble. La pluie commence.
J’ôte mon manteau pour l’employer à nous couvrir par devant tous les deux ; et après qu’un grand éclair a annoncé la foudre, nous la voyons éclater à cent pas devant nous.
Les chevaux se cambrent, et ma pauvre dame est prise par des convulsions spasmodiques.
Elle se jette sur moi, me serrant étroitement entre ses bras. Je m’incline pour ramasser le manteau qui était tombé à nos pieds, et le ramassant je prend ses jupes avec.
Dans le moment qu’elle veut les rabaisser, une nouvelle foudre éclate, et la frayeur l’empêche de se mouvoir.
Voulant remettre le manteau sur elle, je me l’approche, et elle tombe positivement sur moi qui rapidement la place à califourchon.
Sa position ne pouvant pas être plus heureuse, je ne perds pas de temps, je m’y adapte dans un instant faisant semblant d’arranger dans la ceinture de mes culottes ma montre.
Comprenant que si elle ne m'en empêchait pas bien vite, elle ne pouvait plus se défendre, elle fait un effort, mais je lui dis que si elle ne fait pas semblait d'être évanouie, le postillon se tournerait et verrait tout.
En disant ces paroles, je laisse qu'elle m'appelle impie tant qu'elle veut, je la serre au croupion, et je remporte la plus complète victoire que jamais habile gladiateur ait remportée.
La pluie à verse, et le vent contre étant très fort, elle se voit réduite à me dire que je la perdais d’honneur puisque le postillon devait la voir.
— Je le vois, lui dis-je, et il ne pense pas à se retourner ; et quand même, le manteau nous couvre entièrement tous les deux : soyez sage, et tenez-vous comme évanouie, car en vérité je ne vous lâche pas.
Source image : http://www.le-petit-casanoviste.fr/quelques-exemples.html
Elle se persuade, me demandant comment je pouvais défier la foudre avec une pareille scélératesse ; je lui réponds que la foudre était d’accord avec moi, elle est tentée de croire que c’est vrai, elle n’a presque plus de peur, et ayant vu, et senti mon extase, elle me demande si j’avais fini. Je ris lui disant que non, puisque je voulais son consentement jusqu’à la fin de l’orage. Consentez ou je laisse tomber le manteau.
— Vous êtes un homme affreux qui m’aura rendue malheureuse pour tout le reste de mes jours. Êtes-vous content à présent ?
— Non.
— Que voulez-vous ?
— Un déluge de baisers.
— Que je suis malheureuse ! Eh bien. Tenez.
— Dites que vous me pardonnez. Convenez que je vous fais plaisir.
— Oui. Vous le voyez. Je vous pardonne.
Je l’ai alors essuyée ; et l’ayant priée d’avoir la même honnêteté avec moi, je lui ai vu la bouche riante.
— Dites-moi que vous m’aimez, lui dis-je.
— Non, car vous êtes un athée, et l’enfer vous attend.
L'ayant alors remise à sa place, et voyant le beau temps, je l'ai assurée que le postillon ne s'était jamais retourné.
En badinant sur l’aventure et en lui tenant les mains, je lui ai dit que j’étais sûr de l’avoir guérie de la peur du tonnerre, mais qu’elle ne révélerait jamais à personne le secret qui avait opéré la guérison.
Elle me dit qu’elle était pour le moins très sûre que jamais femme n’avait été guérie par un pareil remède.
— Cela, lui dis-je, doit être arrivé dans mille ans un million de fois. Je vous dirais même que montant dans la calèche j’y ai compté dessus, car je ne connaissais autre moyen que celui-ci pour parvenir à vous posséder. Consolez-vous. Sachez qu’il n’y a pas au monde de femme peureuse qui dans votre cas eût osé résister.
— Je le crois, mais pour l’avenir je ne voyagerai qu’avec mon mari.
— Vous ferez mal car votre mari n’aura jamais l’esprit de vous consoler comme je l’ai fait.
— C’est encore vrai. On gagne avec vous des singulières connaissances ; mais soyez sûr que je ne voyagerai plus avec vous.
Avec de si beaux dialogues, nous arrivâmes à Paséan avant tous les autres.
A peine descendue, elle courut s'enfermer dans sa chambre tandis que je cherchais un écu pour donner au postillon.
Il riait.
— De quoi ris-tu ?
— Vous le savez bien.
— Tiens. Voilà un ducat, mais sois discret.
L'épisode de "L'orage" (Volume 1, chapitre 5) :
Devant retourner à Paséan, la jolie fermière voulait se mettre dans la voiture à quatre places où son mari s'était déjà mis avec sa soeur, tandis que j'étais tout seul dans une calèche à deux roues.
J'ai fait du bruit, me plaignant de cette méfiance ; et la compagnie lui remontra qu'elle ne pouvait pas me faire cet affront.
Pour lors elle vint, et ayant dit au postillon que je voulais aller par la plus courte, il se sépara de toutes les autres voitures prenant le chemin du bois de Cequini.
Le ciel était beau mais en moins d'une demi-heure il s'éleva un orage de l'espèce de ceux qui s'élèvent en Italie (...)
(...) voilà les éclairs qui se succèdent, le tonnerre qui gronde, et la pauvre femme qui tremble. La pluie commence.
J’ôte mon manteau pour l’employer à nous couvrir par devant tous les deux ; et après qu’un grand éclair a annoncé la foudre, nous la voyons éclater à cent pas devant nous.
Les chevaux se cambrent, et ma pauvre dame est prise par des convulsions spasmodiques.
Elle se jette sur moi, me serrant étroitement entre ses bras. Je m’incline pour ramasser le manteau qui était tombé à nos pieds, et le ramassant je prend ses jupes avec.
Dans le moment qu’elle veut les rabaisser, une nouvelle foudre éclate, et la frayeur l’empêche de se mouvoir.
Voulant remettre le manteau sur elle, je me l’approche, et elle tombe positivement sur moi qui rapidement la place à califourchon.
Sa position ne pouvant pas être plus heureuse, je ne perds pas de temps, je m’y adapte dans un instant faisant semblant d’arranger dans la ceinture de mes culottes ma montre.
Comprenant que si elle ne m'en empêchait pas bien vite, elle ne pouvait plus se défendre, elle fait un effort, mais je lui dis que si elle ne fait pas semblait d'être évanouie, le postillon se tournerait et verrait tout.
En disant ces paroles, je laisse qu'elle m'appelle impie tant qu'elle veut, je la serre au croupion, et je remporte la plus complète victoire que jamais habile gladiateur ait remportée.
La pluie à verse, et le vent contre étant très fort, elle se voit réduite à me dire que je la perdais d’honneur puisque le postillon devait la voir.
— Je le vois, lui dis-je, et il ne pense pas à se retourner ; et quand même, le manteau nous couvre entièrement tous les deux : soyez sage, et tenez-vous comme évanouie, car en vérité je ne vous lâche pas.
Source image : http://www.le-petit-casanoviste.fr/quelques-exemples.html
Elle se persuade, me demandant comment je pouvais défier la foudre avec une pareille scélératesse ; je lui réponds que la foudre était d’accord avec moi, elle est tentée de croire que c’est vrai, elle n’a presque plus de peur, et ayant vu, et senti mon extase, elle me demande si j’avais fini. Je ris lui disant que non, puisque je voulais son consentement jusqu’à la fin de l’orage. Consentez ou je laisse tomber le manteau.
— Vous êtes un homme affreux qui m’aura rendue malheureuse pour tout le reste de mes jours. Êtes-vous content à présent ?
— Non.
— Que voulez-vous ?
— Un déluge de baisers.
— Que je suis malheureuse ! Eh bien. Tenez.
— Dites que vous me pardonnez. Convenez que je vous fais plaisir.
— Oui. Vous le voyez. Je vous pardonne.
Je l’ai alors essuyée ; et l’ayant priée d’avoir la même honnêteté avec moi, je lui ai vu la bouche riante.
— Dites-moi que vous m’aimez, lui dis-je.
— Non, car vous êtes un athée, et l’enfer vous attend.
L'ayant alors remise à sa place, et voyant le beau temps, je l'ai assurée que le postillon ne s'était jamais retourné.
En badinant sur l’aventure et en lui tenant les mains, je lui ai dit que j’étais sûr de l’avoir guérie de la peur du tonnerre, mais qu’elle ne révélerait jamais à personne le secret qui avait opéré la guérison.
Elle me dit qu’elle était pour le moins très sûre que jamais femme n’avait été guérie par un pareil remède.
— Cela, lui dis-je, doit être arrivé dans mille ans un million de fois. Je vous dirais même que montant dans la calèche j’y ai compté dessus, car je ne connaissais autre moyen que celui-ci pour parvenir à vous posséder. Consolez-vous. Sachez qu’il n’y a pas au monde de femme peureuse qui dans votre cas eût osé résister.
— Je le crois, mais pour l’avenir je ne voyagerai qu’avec mon mari.
— Vous ferez mal car votre mari n’aura jamais l’esprit de vous consoler comme je l’ai fait.
— C’est encore vrai. On gagne avec vous des singulières connaissances ; mais soyez sûr que je ne voyagerai plus avec vous.
Avec de si beaux dialogues, nous arrivâmes à Paséan avant tous les autres.
A peine descendue, elle courut s'enfermer dans sa chambre tandis que je cherchais un écu pour donner au postillon.
Il riait.
— De quoi ris-tu ?
— Vous le savez bien.
— Tiens. Voilà un ducat, mais sois discret.
La nuit, la neige- Messages : 18137
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: "Balance ton porc" au XVIIIe siècle
Merci pour cet extrait.
Dernière édition par Mme de Sabran le Jeu 02 Nov 2017, 16:11, édité 1 fois
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Mme de Sabran- Messages : 55509
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: "Balance ton porc" au XVIIIe siècle
Je n'emploierai pas le mot "coquin", qui n'est pas le thème de ce sujet...
La nuit, la neige- Messages : 18137
Date d'inscription : 21/12/2013
Harcèlement, et main au c... à Versailles !
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Mme de Sabran- Messages : 55509
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Localisation : l'Ouest sauvage
Re: "Balance ton porc" au XVIIIe siècle
Cet extrait avait toute sa place ici : https://marie-antoinette.forumactif.org/t3562-balancetonporc-au-xviiie-siecle
La nuit, la neige- Messages : 18137
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: "Balance ton porc" au XVIIIe siècle
J'aime bien le concept de "fesses ambulantes"
Duc d'Ostrogothie- Messages : 3227
Date d'inscription : 04/11/2017
Re: "Balance ton porc" au XVIIIe siècle
Talleyrand avait un avis tout à fait personnel sur la question :
" Les femmes pardonnent parfois à celui qui brusque l'occasion, mais jamais à celui qui la manque . "
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Mme de Sabran- Messages : 55509
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: "Balance ton porc" au XVIIIe siècle
Duc d'Ostrogothie a écrit:J'aime bien le concept de "fesses ambulantes"
Cela me rappelle l'épisode au cours duquel Casanova et un ami besognent leurs compagnes à la fenêtre alors qu'ils assistent au supplice de Damiens
Gouverneur Morris- Messages : 11796
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: "Balance ton porc" au XVIIIe siècle
Mme de Sabran a écrit:
Talleyrand avait un avis tout à fait personnel sur la question :
" Les femmes pardonnent parfois à celui qui brusque l'occasion, mais jamais à celui qui la manque . "
Est-ce vrai Eléonore ?
Gouverneur Morris- Messages : 11796
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: "Balance ton porc" au XVIIIe siècle
Ah oui ? Tes pensées t'emmènent loin...Gouverneur Morris a écrit:
Cela me rappelle l'épisode au cours duquel Casanova et un ami besognent leurs compagnes à la fenêtre alors qu'ils assistent au supplice de Damiens
J'avais recopié cet extrait je ne sais plus où ici, ou chez les Elgin. Je ne m'en rappelle plus.
Quel horreur !
La nuit, la neige- Messages : 18137
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: "Balance ton porc" au XVIIIe siècle
Le porc ci-dessous n'est autre que le comte de Stainville ( futur duc de Choiseul ) non ?! ... si.
C'est Talleyrand qui balance.
Et la victime ? Il s'agit de Louise Honorine Crozat.
" Madame de Gontaut ( la maîtresse de Choiseul ) tomba gravement malade et, sur son lit de mort, elle supplia sa jeune-soeur, qui n'avait que quatorze ans, d'épouser M. de Stainville, voulant emporter en mourant la satisfaction d'avoir assuré la fortune de son amant, et aussi ce que l'exaltation de sa tête lui présentait comme le bonheur de sa soeur . "
Choiseul aurait violé la toute jeune-fille. Plus exactement, et pour ne pas employer de termes vulgaires, il " aurait altéré son tempérament par une jouissance qui aurait précédé de beaucoup l'époque à laquelle elle était devenue femme, et il était résulté pour elle de cette imprudence des inconvénients de santé qui l'obligeaient à rester sur une chaise longue " ...
Légende rose ou légende noire ( ... ) le plus menteur en la circonstance demeure le principal intéressé . Il ose parler de mariage de " sentiment " ( mais c'est en parlant avec la mère de sa future épouse )
Monique Cotteret, Choiseul l'obsession du pouvoir
Louise Honorine Crozat du Châtel (1737-1801), duchesse de Choiseul,
sans postérité.
Image WIKI
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Mme de Sabran- Messages : 55509
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