Le divorce entre le baron de Staël et Gustave III
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La nuit, la neige
Dominique Poulin
Mme de Sabran
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Re: Le divorce entre le baron de Staël et Gustave III
Quand la question de sa candidature polonaise se fut envolée en fumée, toutes les pensées comme tous les efforts de Gustav appartinrent de nouveau à la formation de la coalition contre la France révolutionnaire. Le 4 avril, Taube écrivait à Fersen, au nom du roi, que toutes les dépèches de Staël étaient écrites au point de vue de la Révolution ; aussi Gustav n’en prenait-il depuis longtemps connaissance que pour voir où l'on prétendait en venir. Fersen était chargé d’avertir le roi et la reine de France de l’avis qu’il avait reçu de les assurer de toute la sympathie du monarque.
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Re: Le divorce entre le baron de Staël et Gustave III
Relatant à Gustav comment le peuple avait empêché la famille royale d'aller faire ses Pâques à Saint-Cloud, Staël ajoutait sur un ton d’avertissement que l’apparition de troupes étrangères aux frontières comblerait la mesure. Pour sauver sa vie, Louis XVI devait ou quitter Paris ou faire alliance avec la Révolution. Tenu dans une ignorance complète au sujet des préparatifs de Fersen, la veille même de la fuite à Varennes l'ambassadeur offrait encore au roi les services d’un des chefs de la Révolution, qui, selon toute vraisemblance, n’était autre que Danton, le futur ami de Staël.
Tiens ! J'ignorais que Staël et Danton avait été amis ?!!
Même source : Léouzon Le Duc, Correspondance diplomatique du baron de Staël.
Il arriva pourtant à Germaine d'appeler Danton, le Mirabeau de la populace .
Tiens ! J'ignorais que Staël et Danton avait été amis ?!!
Même source : Léouzon Le Duc, Correspondance diplomatique du baron de Staël.
Il arriva pourtant à Germaine d'appeler Danton, le Mirabeau de la populace .
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Re: Le divorce entre le baron de Staël et Gustave III
Après le drame de Varennes, Fersen écrivait à la reine: « Staël dit des horreurs de moi ; il a même débauché mon cocher et l'a pris à son service, ce qui m’a fait de la peine. Il a séduit beaucoup de monde contre moi, qui blâment ma conduite et qui disent que je ne me suis conduit que par ambition, et que je vous ai perdue et le roi... »
Près du théâtre des événements, à Spa, sur la frontière française, Gustave III attendait l’issue du coup d’audace de cette nuit de juin. Il reçut là une dépêche de son ambassadeur à Paris, dépêche que Staël, menacé dans sa sécurité, n’avait osé expédier que par des courriers spéciaux; on disait en effet dans la ville que l’ambassadeur de Suède avait dressé les passeports des fugitifs et qu’il était de connivence avec eux.
Staël, qu’on n’avait informé de rien et dont l’irritation était d’autant plus vive, écrivit à son roi qu’une seule circonstance l’avait sauvé : le portier de Fersen avait déclaré devant le comité d’enquête de l’Assemblée nationale que la porte de son maître avait été consignée la veille à tous les visiteurs sans exception, même à l’ambassadeur de Suède « C’est au comte de Fersen qu’on attribue le plan du roi », ajoute Staël ; « c’est un grand bonheur qu’il ait pu s’échapper...
Tout Paris prétend que Votre Majesté attaquera la France avec une armée de 30,000 hommes pour opérer la contre-révolution ».
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Re: Le divorce entre le baron de Staël et Gustave III
Il fut question cet automne-là d’un assez long congé du baron de Staël. Il l’avait sollicité sans prévoir que son roi trouverait là l’occasion longtemps cherchée de supprimer le poste d’ambassadeur à Paris et de confier les affaires à un secrétaire. Dans l’espoir de modifier la résolution dumonarque, Mme de Staël adressa à Nils de Rosenstein un tableau de la situation ; ce mémoire n’atteignit pas son but, mais il nous aide à mieux connaître la manière de voir de son auteur.
M“° de Staël va au-devant d’un relâchement des liens diplomatiques entre la France et la Suède, en disant qu’on aurait tort de ne plus tenir compte de la première puissance dans la balance des événements européens.
« J’apprends avec beaucoup de peine, Monsieur , écrit-elle le 16 septembre (1791), que votre santé n’est pas bonne dans ce moment ; la distance qui nous sépare me fait espérer cependant que vous ne souffrez plus à présent. En revenant de Suisse, il y a quinze jours, j’ai vu M. Bergstedt ; je l’ai trouvé un homme de beaucoup d’esprit, mais un peu trop politique pour moi, qui suis remarquable pour le défaut contraire. Je crains qu’il n’ait de la peine à s’astreindre à jouer ici un second rôle. M. de Staël a servi ses désirs à cet égard en demandant au roi un congé, mais je vous dis à vous, Monsieur, qui êtes devenu, si j’ose le dire, mon ami par l’intérêt que vous avez daigné me montrer, qui avez tout mis dans une liaison où je ne pouvais vous apporter que de la reconnaissance, je dis à vous, Monsieur, que je souhaite que le roi ne juge pas ce congé nécessaire, et qu’à l’exemple de l’Angleterre il laisse son ambassadeur constamment à Paris. Quoi qu’on en dise, la France redeviendra une puissance intéressante à ménager ; il n’est peut-être pas sage de ne vouloir plus la compter dans la balance du système politique de l’Europe. Les princes d’Allemagne se trouveront mal de l’alliance du roi de Prusse et de l’Empereur, et je ne sais pas si la Suède gagnera à la puissance unie, sans contrepoids, de la Russie et de l’Angleterre. Ces intérêts m’ont toujours paru, je l’avoue, supérieurs à ceux de ce qu’on appelle la cause des rois ; quelque folie que fasse la France, tant qu’il y aura de grandes associations d’honneur, la monarchie subsistera, elle est dans la nature des choses, et rien ne peut empêcher qu’on n’y revienne, mais la balance politique de l'Europe, une fois renversée, sera longtemps avant de se rétablir. Je crois d’ailleurs que cette révolution est bien plus dirigée contre la noblesse que contre la royauté. Dans le combat de l’aristocratie contre la démocratie, la monarchie peut très facilement tirer son épingle du jeu et, si cela arrive, la destruction des corps intermédiaires servira la puissance royale.
En Turquie, il n’y a pas plus de noblesse qu’en France ; c’est sous ce point de vue entre beaucoup d’autres, que je trouve la Constitution de France détestable, elle n’établit aucun équilibre ; si le roi a la majorité dans la seule chambre qui existe, il peut tout, s’il ne l’a pas, il ne peut rien. Que la Constitution d’Angleterre est plus habilement combinée ! et quelles misérables têtes que celles de nos Français, qui ont pensé qu’il était au-dessous d’eux de l’imiter, et qu’une Constitution avait besoin, comme un poème épique, du mérite de l’invention. Au reste, dans les commencements de la révolution, la nobless était aussi opposée à la Constitution d’Angleterre qu’à celle de France actuellement, et le malheur de ce pays a été que rien de raisonnable n’est entré la veille dans la tête de personne, pas une action n’a été faite par prévoyance, roi, nobles et démocrates, tout a obéi aux circonstances. Si je vais jamais en Suède, je vous montrerai quelques réflexions que j ’ai écrites sur cette révolution, dont l’exactitude a quelque mérite.
Il faut cependant vous parler de la situation du moment. Le roi et la reine font tous les jours depuis une semaine quelques actions patriotes, c'est le terme consacré ; il est sûrement très généreux d’oublier tous les outrages qu’on leur a fait éprouver, d’écarter par cette conduite la guerre qui menaçait la France, mais le changement me paraît trop subit et je ne sais pas si plus de dignité ne convaincrait pas même plus sûrement les bons esprits de la sincérité de ces nouvelles résolutions. Le peuple au reste ne saisit pas ces nuances, et du matin au soir ce sont des danses, des illuminations, des fêtes, enfin il se croit heureux et met de la vanité à le paraître en présence de ses ennemis. Il n’y a pourtant rien de bien prospère à manquer d'argent et de travail, mais ce nouveau régime l’amuse, les uniformes, les évolutions militaires, les événements continuels le tirent de l’uniformité de sa vie, et je crois quelquefois qu’il ne tient à ce nouvel ordre que parce qu’il l’arrache à l’ennui de ses occupations habituelles. Il y a une vie entière de réflexion sur le spectacle qu’ont donné ces deux années, et j’ai besoin de lire mon extrait de baptême pour savoir que je n’ai que 24 ans. La licence de la presse est un des plus horribles inconvénients de ce nouveau régime ; il faut convenir que les aristocrates s’en servent au moins autant que les démocrates, et ce qui étonne dans un parti qui se nomme celui de la chevalerie, c’est leur acharnement contre les femmes ( ) ; tout ce qui est jeune est l’objet de leurs infâmes libelles. Je n’ai pas assurément pensé que de telles abominations fissent effet sur le roi ; cependant je lui ai écrit pour l'en prévenir, parce que je savais qu’à Aix-la-Chapelle on avait cherché à l’éloigner de moi. Daignez appuyer ma lettre, elle n’est inspirée par aucune vue d’ambition ; je crois que le roi sera fidèle à la •promesse qu’il a daigné nous faire, soit qu’il eût ou non de l’attrait pour moi ; mais il est très vrai que mon admiration pour sa personne me rendrait pénible jusques au fond du cœur toute prévention de lui contre moi. L’espoir de la dissiper me fait désirer d’aller en Suède, si le roi donnait un congé à M. de Staël, et qu’il n’v eût pas d’inconvénients à en profiter le printemps prochain, que la crise actuelle finie ne forçât plus à expliquer ce départ par une cause politique, dont le soupçon serait, je crois, nuisible aux intérêts futurs de la Suède, si enfin le roi (était) sondé par vous, non interrogé, (car vous sentez qu’il importe qu’une telle demande ne soit pas publique et que je ne dois pas vouloir m’exposer à un refus). Si vous m’écrivez donc avec votre bonté accoutumée ce que vous pressentez de l’opinion du roi, je ne serais pas éloignée de l’idée d’un voyage au printemps prochain, si la santé de mon père et de mon fils me laissaient sans inquiétude. Mais que d’événements peuvent séparer d’un tel projet ; l’avenir de six mois est plus qu’un des siècles du temps jadis ; on ne retrouve
quelque chose de stable qu’au fond de son cœur et la reconnaissance que je dois à votre intérêt, l’estime profonde que j’ai conçue pour l’esprit juste et profond dont vos lettres sont une nouvelle preuve, ne peuvent changer avec les révolutions des empires. Vous me permettez donc de remettre en vos mains les intérêts, de vous demander quelques détails sur la disposition du roi en notre faveur, enfin surtout je vous supplie de bien répéter que M. de Staël ne peut avoir aucun rapport avec les méchancetés qu’on a voulu me faire, car je n’ai pris part aux affaires de France que par le rôle que mon père y a joué, et depuis son départ il ne m’est plus resté que l’ébranlement d’une grande émotion. M. de Staël, par l’extrême modération de son esprit et de son caractère, n’a point participé aux mouvements que j’ai pu éprouver dans les premiers jours de mon espérance. Au reste, c’est par la réflexion qu’on sent la dangereuse situation de la France. Si je me laissais persuader par les illuminations et les coups de canon, je croirais que nous sommes au comble de laprospérité.
Adieu,Monsieur, mandez-moi si vous êtes content de l’ouvrage de M. de Talleyrand sur l’instruction publique. Votre suffrage l’honorera ».
( Lettres inédites de Mme de Staël, appartenant à la bibliothèque de l’Université d’Upsal. Mme de Staël à Nils de
Rosenstein, 16 sept. 1791. )
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Re: Le divorce entre le baron de Staël et Gustave III
Parce que toutes ces allégations ne suffisaient pas, apparemment, pour faire rentrer Staël dans les bonnes grâces de Gustav, c'est au monarque lui-même que Germaine s'adressait cette fois :
« Sire, c’est avec un profond sentiment de timidité que j’ose vous écrire ; le respect et l’admiration que Votre Majesté m’inspirent ont dû toujours me faire éprouver ce mouvement, mais il est causé pour la première fois par une crainte pénible. J’ai passé depuis un an huit mois en Suède, et cependant j’apprends à mon retour que pendant le séjour de Votre Majesté à Aix-la-Chapelle on a cherché à l’occuper de toutes les misérables calomnies, fruits des loisirs de l’esprit de parti ; sans doute le nom de mon père devait attirer sur moi l’attention de la haine, mais j’espérais aussi que ce nom en éloignerait le soupçon d’approuver les injustices et les atrocités dont on est témoin en France depuis quelque temps, et de voir sans l’émotion la plus vive et l’intérêt le plus actif la situation du roi et de la reine dont le malheur tout-puissant sur les âmes généreuses reçoit un nouvel effet par le contraste de leur première destinée.
Il est vrai que j’ai partagé l’espérance de mon père à l’ouverture des Etats-Généraux ; l’on devait peut-être se flatter à cette époque qu’il résulterait de leurs lumières et des excellentes intentions du roi une Constitution libre et heureuse. L’ivresse fanatique de la nation a éloigné ce terme, mais pourquoi le parti des opprimés ne pardonne-t-il pas à ceux qui ont espéré, pourquoi veut-il avoir tout prévu parce qu’il a tout craint, pourquoi fait-il un crime d’une confiance qui devait naître alors de tous les bons sentiments de l’âme? Témoin des persécutions que mon père a éprouvées par ceux qu’on l’accusait d’avoir trop servi, la noblesse n’a pu s’elever dans cette circonstance à la justice la plus facile, celle qu’on exerce envers l’adversité. Unie par ma tendresse et mon admiration à la destinée de mon père, il est vrai que je ne pense que par lui ; mais en lisant son dernier ouvrage, Votre Majesté a-t-elle trouvé que de telles opinions fussent coupables et compromissent les devoirs d’une personne attachée au roi de Suède par sa position et sa reconnaissance?
Mon âge du moins et le titre de femme devait empêcher qu’on y mît la plus légère importance, cependant on a voulu envelopper M. de Staël dans la disgrâce où l'on cherchait à me jeter auprès de Votre Majesté, quoiqu’il soit impossible d'être plus étranger aux torts qu’on veut me trouver. J’avais pour amis avant la Révolution MM. de Périgord, de Castellane et de Montmorency ; ils se sont trouvés parmi les députés nobles et ecclésiastiques qui ont marqué, non assurément contre l’autorité royale, mais contre les privilèges dont ils jouissaient plus que personne par l’illustration de leurs noms. Je suis restée liée avec eux parce que les sentiments n’appartiennent pas aux opinions et que les devoirs de l’amitié s’augmentent par les dangers mêmes auxquels ils exposent; au milieu d’une société assez nombreuse je ne vois qu’eux dont l'opinion, quoique extrêmement modifiée, aristocrate relativement aux clubs dominateurs de la France, puisse s’appeler populaire.
C’est sur le prétexte de l’amitié que je leur porte que se fondent les compositions de quelques libellistes ; il est si léger, ce prétexte, que l’invention totale ne leur coûterait pas davantage. Ce tort, néanmoins, je le répète, m’est entièrement personnel, M. de Staël n’ayant pour amis que des hommes étrangers aux affaires de France. Je ne me défends point d’une inquiétude très vive quand je sais Votre Majesté entourée de personnes malveillantes pour moi; je n’en éprouverais plus si je pouvais lui exprimer l’exacte vérité ; le courage et la fidélité dans l’amitié sont des qualités qui peuvent déplaire aux rois qui n’attendent rien que de l’obéissance passive, mais celui que l’enthousiasme élèverait sur le trône si le sort ne l’y avait pas placé, doit aimer l'indépendance d’opinion et de caractère ; elle donne aux hommages qu’elle rend un sceau de liberté, traite avec la puissance comme avec la gloire, et ne se soumettant que parce qu’elle admire, prépare à Votre Majesté un triomphe de plus »
Belle lettre, n'est-ce pas, les amis ?!
( Lettres inédites de Mm de Staël, appartenant à la bibliothèque de l’Université d’Upsal.
Mme de Staël à Gustave III, I l sept. 1791. )
Mais rien ne ramena Gustav à de meilleurs sentiments envers son ambassadeur en France.
Peu de mois plus tard, il rappela M. de Staël de son poste d’ambassadeur,et lorsque celui-ci arriva à Stockholm, le malheureux souverain venait de tomber victime de l’irréconciliable antagonisme qui divisait les hommes de sa génération.
https://archive.org/stream/madamedestalet01blenuoft/madamedestalet01blenuoft_djvu.txt
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