Le "Trianon" de la comtesse d'Artois à Saint-Cloud
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Le "Trianon" de la comtesse d'Artois à Saint-Cloud
Quelques temps après l’achat, le 19 février 1785, du château de Saint Cloud par Marie-Antoinette, la comtesse d’Artois manifesta, selon ses propres mots, le «désir et le besoin d’une maison de campagne où elle puisse prendre l’air et se procurer quelques distractions».
L’intendant de sa maison - qui s’appelait Bourboulon - écrivait de son côté : «Son but a été d’y venir chercher le plus souvent possible la retraite et la liberté … J’ai réellement pitié de la vie ennuyeuse que mène notre Princesse. Elle est la seule qui n’aye pas un petit coin pour diriger sa promenade. Aussi reste-t-elle toujours comme en prison à Versailles ».
Saint Cloud avait la préférence de la princesse, mais il ne fut pas question d’une construction neuve car, malheureusement, les finances du prince étaient dans un état déplorable : Bagatelle, les dettes, le jeu...
Aussi, l’installation de Marie-Thérèse à St Cloud nécessita-t-elle de longs pourparlers.
Marie-Thérèse sollicita de la reine la jouissance d’un pavillon situé dans le parc de St Cloud. Il semble bien que l’on proposa d’abord, le «petit château de la Gayété », bâti en 1748, sur la colline de la Brosse, qui possédait de magnifiques jardins en terrasses dessiné par La Lyre.
Mais l’état de vétusté du bâtiment ( qui sera détruit finalement en 1773 ) et, probablement, sa faible superficie, fit que l’on dissuada la princesse.
L’indisponibilité de construction en état lui fit rechercher alors une maison à acheter ou à louer dans les environs immédiats. Après toutes sortes de finasseries, d’interminables marchandages, de pourparlers tracassiers par ses gens d’affaire ( que nous découvrons dans une amusante correspondance qu’échangèrent, à ce propos, Bourboulon, intendant de la princesse et M de Verdun, trésorier du prince ) , son choix se porta sur une demeure située en lisière du parc, du côté du village de Suresnes et appartenant à un fermier général du nom de Chalut de Vérin, très riche collectionneur. Un «bail à vie» fut enfin conclu le 22 août 1786 entre le fermier général et le prince, pour la location de la « maison de l’Electeur», la maison «de la Gatine» avec toutes leurs dépendances, meubles, tableaux, ustensiles … moyennant 18 000 livres par an, à raison de 1 500 livres par mois.
Cette résidence était appelée la « Maison de l’Electeur » en souvenir du prince-électeur Maximilien-Emmanuel de Bavière, à qui elle avait appartenu lors de son exil en France pendant le règne de Louis XIV.
Le domaine avait ensuite appartenu à Mme d’Averne, qui avait supplanté Mme de Parabère comme maîtresse du Régent. Après elle, le domaine était passé aux princes de Carignan puis en 1749 au richissime Chalut de Vérin. Ce dernier agrandit le domaine et fit reconstruire le château.
Située à flanc de colline, dominant la Seine, en amont du château de Saint Cloud, cette maison comportait un corps de bâtiment principal à deux étages, avec une avancée médiane de la façade qui présentait treize fenêtres. Le parc et les jardins descendaient presque jusqu’au fleuve. Cette «petite maison» était, en fait, un véritable château, dans le genre des « folies » du XVIIIe, avec appartements réduits en proportions mais raffinés, dépendances nombreuses et jardins superbes.
En voici une photo, après le bombardement :
Suite au prochain numéro...
L’intendant de sa maison - qui s’appelait Bourboulon - écrivait de son côté : «Son but a été d’y venir chercher le plus souvent possible la retraite et la liberté … J’ai réellement pitié de la vie ennuyeuse que mène notre Princesse. Elle est la seule qui n’aye pas un petit coin pour diriger sa promenade. Aussi reste-t-elle toujours comme en prison à Versailles ».
Saint Cloud avait la préférence de la princesse, mais il ne fut pas question d’une construction neuve car, malheureusement, les finances du prince étaient dans un état déplorable : Bagatelle, les dettes, le jeu...
Aussi, l’installation de Marie-Thérèse à St Cloud nécessita-t-elle de longs pourparlers.
Marie-Thérèse sollicita de la reine la jouissance d’un pavillon situé dans le parc de St Cloud. Il semble bien que l’on proposa d’abord, le «petit château de la Gayété », bâti en 1748, sur la colline de la Brosse, qui possédait de magnifiques jardins en terrasses dessiné par La Lyre.
Mais l’état de vétusté du bâtiment ( qui sera détruit finalement en 1773 ) et, probablement, sa faible superficie, fit que l’on dissuada la princesse.
L’indisponibilité de construction en état lui fit rechercher alors une maison à acheter ou à louer dans les environs immédiats. Après toutes sortes de finasseries, d’interminables marchandages, de pourparlers tracassiers par ses gens d’affaire ( que nous découvrons dans une amusante correspondance qu’échangèrent, à ce propos, Bourboulon, intendant de la princesse et M de Verdun, trésorier du prince ) , son choix se porta sur une demeure située en lisière du parc, du côté du village de Suresnes et appartenant à un fermier général du nom de Chalut de Vérin, très riche collectionneur. Un «bail à vie» fut enfin conclu le 22 août 1786 entre le fermier général et le prince, pour la location de la « maison de l’Electeur», la maison «de la Gatine» avec toutes leurs dépendances, meubles, tableaux, ustensiles … moyennant 18 000 livres par an, à raison de 1 500 livres par mois.
Cette résidence était appelée la « Maison de l’Electeur » en souvenir du prince-électeur Maximilien-Emmanuel de Bavière, à qui elle avait appartenu lors de son exil en France pendant le règne de Louis XIV.
Le domaine avait ensuite appartenu à Mme d’Averne, qui avait supplanté Mme de Parabère comme maîtresse du Régent. Après elle, le domaine était passé aux princes de Carignan puis en 1749 au richissime Chalut de Vérin. Ce dernier agrandit le domaine et fit reconstruire le château.
Située à flanc de colline, dominant la Seine, en amont du château de Saint Cloud, cette maison comportait un corps de bâtiment principal à deux étages, avec une avancée médiane de la façade qui présentait treize fenêtres. Le parc et les jardins descendaient presque jusqu’au fleuve. Cette «petite maison» était, en fait, un véritable château, dans le genre des « folies » du XVIIIe, avec appartements réduits en proportions mais raffinés, dépendances nombreuses et jardins superbes.
En voici une photo, après le bombardement :
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Duc d'Ostrogothie- Messages : 3202
Date d'inscription : 04/11/2017
Re: Le "Trianon" de la comtesse d'Artois à Saint-Cloud
... plus riant, avant le bombardement :
Chalut devient manifestement amoureux de sa maison de Saint-Cloud. Il la fait entièrement restructurer en un vaste édifice flanqué de deux ailes et orné en son centre d’un élégant avant corps. Une toiture d’ardoise ouverte de lucarnes domine trois niveaux éclairés par de grandes fenêtres et portes-fenêtres. Il achète parallélement les terrains en vente à proximité, souvent de petites parcelles de vignobles des coteaux de Seine, mais aussi de grandes pâtures ou des terrains incultes. Le domaine ne cesse de s’étendre, déborde largement sur Garches, pousse vers Suresnes et même passe le fleuve pour une annexe à Boulogne. Il finit par compter plus de quarante hectares. On garde trace de plus de cent cinquante actes d’achat durant les vingt ans qui suivent l’acquisition de la Gâtine . Rien qu’en terres (car il achète aussi des maisons) Chalut y aura consacré plusieurs dizaines de milliers de livres.
Il fait aménager en jardins magnifiques la descente vers le fleuve. Quand l’architecte paysager George Louis Le Rouge, après s’être promené dans toute l’Europe, publie en 1777 un « Détail des nouveaux jardins à la mode », on trouve parmi les trente planches l’illustrant le « Jardin de monsieur Chalut de Verin à Saint-Cloud », en bonne compagnie aux côtés de Marly, du Petit Trianon, mais aussi de Windsor, de Bessingen en Allemagne et du Sérail du Grand Turc à Constantinople .
Le plan de Le Rouge nous montre une demeure d’une bonne cinquantaine de mètres de façade, donnant par un perron sur un parc aménagé qui sur trois cent mètres descend en pente rapide vers la Seine par paliers successifs. D’une première terrasse, on accède par des escaliers à deux grands parterres séparés par un bassin orné d’un jet d’eau. Suivent d’autres escaliers menant à un canal d’où jaillissent d’autres jets d’eau. Au-dessous, une longue cascade est entourée de pelouses coupées par des allées arrondies. Au niveau suivant la cascade aboutie à une nouvelle pièce d’eau et à un long canal la prolongeant vers le fleuve, dont les bassins s’insèrent dans une succession de bosquets disposés parallèlement dans le goût classique. Une très longue allée plantée d’arbres longe le jardin de haut en bas pour le séparer d’un vaste potager
C’est sur la terrasse de Saint-Cloud que Carmontelle a dessiné Chalut. On aperçoit derrière lui une vasque ornée d’un arbuste, et en arrière plan la boucle de la Seine. C’est vraisemblablement aussi à Saint-Cloud qu’il a croqué Elisabeth brodant devant une maison sur une terrasse dallée qui ouvre sur une allée arborée.
http://fondsdetiroir.com/entre-cour-et-ferme/
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Mme de Sabran- Messages : 55173
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Le "Trianon" de la comtesse d'Artois à Saint-Cloud
En effet il s'agissait d'un véritable château. Plusieurs auteurs ont dédaigneusement évoqué la demeure de la comtesse d'Artois sous l'appellation réductrice de "petite maison" alors qu'il s'agissait d'un véritable château.
La princesse ne fit pas de grands travaux dans son "Trianon", elle n'en profita que trois ans de 1786 à 1789 se contentant toutefois de le meubler somptueusement et comme sa sœur de Provence par les ébénistes les plus célèbres. Ce château ne fut pas acheté par Marie-Thérèse de Savoie mais seulement loué pour elle. Ce fut probablement l'une de ses dernières consolations de la fin du règne loin de la Cour où elle n'etait pas parvenue à trouver sa place, en résidant souvent et pour des séjours prolongés.
La princesse ne fit pas de grands travaux dans son "Trianon", elle n'en profita que trois ans de 1786 à 1789 se contentant toutefois de le meubler somptueusement et comme sa sœur de Provence par les ébénistes les plus célèbres. Ce château ne fut pas acheté par Marie-Thérèse de Savoie mais seulement loué pour elle. Ce fut probablement l'une de ses dernières consolations de la fin du règne loin de la Cour où elle n'etait pas parvenue à trouver sa place, en résidant souvent et pour des séjours prolongés.
Dominique Poulin- Messages : 6908
Date d'inscription : 02/01/2014
Re: Le "Trianon" de la comtesse d'Artois à Saint-Cloud
Le Pavillon de St Cloud, fut loué en partie meublé. Tous les meubles du propriétaire furent numérotés « afin que s’ils sont transportés d’une pièce à l’autre, on puisse les suivre et les reconnaître».
La princesse se servit, en effet, d’une partie du mobilier du propriétaire, comme celui des principales pièces de réception, celui des logements et des chambres de service. Le garde meuble privé du comte d’Artois y envoya donc quelques meubles d’acajou antérieurement livrés par l’ébéniste Mathieu Guillaume Cramer.
Sur les meubles apportés ou commandés par la comtesse d’Artois, le garde meuble du prince apposa une marque composée de lettres entrelacées SC ( St Cloud ) au centre d’un cartouche ovale dentelé ( écu de la province d’Artois ). Les lettres GM, apposées sous les cartouches devaient signifier probablement la marque du garde meuble, non en tant que réserve de meubles, mais, en tant qu’administration du garde meuble princier.
Les ébénistes et menuisiers Jacob et Lelarge fournissent les sièges. Daguerre, le célèbre marchand-mercier du temps, livra des girandoles. Le doreur Rémond, le marchand de flambeaux Jousse , l’ébéniste Mauter complétèrent l’ameublement, L’ébéniste JH Riesener fut chargé de l’exécution d’ouvrages plus précieux en partie réservé à l’usage exclusif de la princesse. De nombreux siéges peints en blanc vernis, des paravents, des voyeuses, des canapés, plusieurs petites tables seront commandés à Jacob, Lelarge. En 1788, 1 000 livres étaient dues à ce fournisseur qui livra plusieurs autres meubles dont les archives privées de la princesse n’ont gardé trace. Un vide-poche, une table tric-trac, une commode, une table de salle à manger estampillées ou attribuées à ce maître existent dans des collections privées ou portent les marques du garde-meuble de la princesse. Nous pouvons aujourd’hui admirer de très belles pièces d’ébénisterie, comme, par exemple , le secrétaire du boudoir retrouvé grâce à la marque spéciale du S et C entrelacés dont fut revêtu chaque meuble fabriqué pour le pavillon .
Merci au forum
http://www.passion-histoire.net/viewtopic.php?f=60&t=2824&start=30
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Mme de Sabran- Messages : 55173
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Le "Trianon" de la comtesse d'Artois à Saint-Cloud
Mme de Sabran a écrit: le secrétaire du boudoir retrouvé grâce à la marque spéciale du S et C entrelacés dont fut revêtu chaque meuble fabriqué pour le pavillon
Il a longtemps été présenté à la galerie Kügel. Une vraie petite merveille que l'on m'avait autorisé à manipuler
Gouverneur Morris- Messages : 11611
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Le "Trianon" de la comtesse d'Artois à Saint-Cloud
Comment se fait-il ? Tu étais dans les petits papiers du conservateur ?
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Mme de Sabran- Messages : 55173
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Le "Trianon" de la comtesse d'Artois à Saint-Cloud
J’étais jeune, n’avais rien d’un acquéreur potentiel, l’employée était âgée et a vu que mes yeux brillaient devant ce petit bijou de Riesener. J’ai ainsi pu en ouvrir les tiroirs et le retourner pour voir l’estampille.
Je ne serais d’ailleurs jamais rentré dans la galerie à l’époque si elle n’avait organisé une expo temporaire autour du diamant Orloff
Je ne serais d’ailleurs jamais rentré dans la galerie à l’époque si elle n’avait organisé une expo temporaire autour du diamant Orloff
Gouverneur Morris- Messages : 11611
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Le "Trianon" de la comtesse d'Artois à Saint-Cloud
Quelle chance ! ... moi je ne connais que le veau .
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Mme de Sabran- Messages : 55173
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Le "Trianon" de la comtesse d'Artois à Saint-Cloud
Tu vas rire : avec tous les amants de la tsarine, je me suis emmêlé les pinceaux il faut lire le diamant Potemkine (le diamant Orloff existe aussi note bien mais il est serti à demeure sur le sceptre des tsars).
https://www.google.fr/amp/s/www.lesechos.fr/amp/17739-131-ECH.php
https://www.google.fr/amp/s/www.lesechos.fr/amp/17739-131-ECH.php
Dernière édition par Gouverneur Morris le Jeu 05 Avr 2018, 21:17, édité 1 fois
Gouverneur Morris- Messages : 11611
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Le "Trianon" de la comtesse d'Artois à Saint-Cloud
Bien !
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Mme de Sabran- Messages : 55173
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Le "Trianon" de la comtesse d'Artois à Saint-Cloud
Les tractations entre l'intendant de la comtesse d'Artois, Bourboulon, et le trésorier du comte d'Artois, M. de Verdun, afin de trouver une demeure de plaisance à Marie-Thérèse, firent l'objet d'une correspondance assez fournie, aujourd'hui conservée aux Archives Nationales.
Le comte d'Artois, dont les finances étaient dans un état... disons proche de l'Ohio voulait dépenser le moins d'argent possible .
Chalut exigeait un loyer, meubles compris, de 18 000 livres par an, que le comte d'Artois était nullement désireux de payer...
Dans une lettre du 2 août 1786, Bourboulon écrit à M. de Verdun : "J'ai réellement pitié de la vie ennuyeuse que mène notre Princesse. Elle est la seule qui n'aie pas un petit coin pour diriger sa promenade. Aussi reste-t-telle comme en prison à Versailles." Il poursuit : "Il faut convenir qu'elle est devenue bien raisonnable et que son dévouement aux volontés de Monseigneur et, l'on peut dire, de son administration mérite quelque chose".
Ce passage, ainsi qu'une lettre du 16 août 1786, laissent supposer que la comtesse, s'abandonnant à l'entraînement général, avait été engagée au moins une fois dans quelque amoureuse aventure, comme la comtesse de Boigne l'indique dans ses mémoires.
Cela paraît confirmé par une lettre du 16 août 1786, dans laquelle M. de Verdun représente au comte d'Artois que c'est "une pitié que de voir Madame la comtesse d'Artois seule, abandonnée à Versailles, livrée à l'ennui et aux dégoûts." et que "Depuis longtemps elle se conduit d'une manière édifiante" ...
Le comte d'Artois acceptera finalement que la comtesse loue la maison dite de l'Electeur à Chalut, pour un loyer annuel de 18 000 livres.
Mais la dépense sera, de facto, bien plus considérable.
Voici le compte des frais engagés en 1786 et 1787 pour le "Trianon" de la comtesse d'Artois à Saint-Cloud :
Le comte d'Artois, dont les finances étaient dans un état... disons proche de l'Ohio voulait dépenser le moins d'argent possible .
Chalut exigeait un loyer, meubles compris, de 18 000 livres par an, que le comte d'Artois était nullement désireux de payer...
Dans une lettre du 2 août 1786, Bourboulon écrit à M. de Verdun : "J'ai réellement pitié de la vie ennuyeuse que mène notre Princesse. Elle est la seule qui n'aie pas un petit coin pour diriger sa promenade. Aussi reste-t-telle comme en prison à Versailles." Il poursuit : "Il faut convenir qu'elle est devenue bien raisonnable et que son dévouement aux volontés de Monseigneur et, l'on peut dire, de son administration mérite quelque chose".
Ce passage, ainsi qu'une lettre du 16 août 1786, laissent supposer que la comtesse, s'abandonnant à l'entraînement général, avait été engagée au moins une fois dans quelque amoureuse aventure, comme la comtesse de Boigne l'indique dans ses mémoires.
Cela paraît confirmé par une lettre du 16 août 1786, dans laquelle M. de Verdun représente au comte d'Artois que c'est "une pitié que de voir Madame la comtesse d'Artois seule, abandonnée à Versailles, livrée à l'ennui et aux dégoûts." et que "Depuis longtemps elle se conduit d'une manière édifiante" ...
Le comte d'Artois acceptera finalement que la comtesse loue la maison dite de l'Electeur à Chalut, pour un loyer annuel de 18 000 livres.
Mais la dépense sera, de facto, bien plus considérable.
Voici le compte des frais engagés en 1786 et 1787 pour le "Trianon" de la comtesse d'Artois à Saint-Cloud :
Duc d'Ostrogothie- Messages : 3202
Date d'inscription : 04/11/2017
Re: Le "Trianon" de la comtesse d'Artois à Saint-Cloud
Voici une paire de fauteuils qui pourrait provenir semble-t-il du pavillon de la Comtesse d'Artois au château de Saint-Cloud :
Vendue le 13 octobre 2019 chez Le Floch' à Saint-Cloud.
Paire de fauteuils à dossier fer de pelle en bois mouluré, sculpté et relaqué gris reposant sur des pieds fuselés, cannelés et bagués, les postérieurs divergents. Les quatre ceintures, à dés de raccordement, sont appliqués de rosaces. L'entourage du dossier et les accotoirs sont sculptés de frises de rais de cœur et de rangs de perles. Supports d'accotoirs en colonnettes torses amorties d'acanthe (restaurations à un pied, manque deux perles).
Estampille de Jean-Baptiste III Lelarge, reçu Maître le 1er février 1775.
Époque Louis XVI.
Haut. : 88 cm – Larg. : 58 cm – Prof. : 50 cm
V. le sujet où nous en avons parlé avec Capin : Ventes aux enchères 2019
Vendue le 13 octobre 2019 chez Le Floch' à Saint-Cloud.
Paire de fauteuils à dossier fer de pelle en bois mouluré, sculpté et relaqué gris reposant sur des pieds fuselés, cannelés et bagués, les postérieurs divergents. Les quatre ceintures, à dés de raccordement, sont appliqués de rosaces. L'entourage du dossier et les accotoirs sont sculptés de frises de rais de cœur et de rangs de perles. Supports d'accotoirs en colonnettes torses amorties d'acanthe (restaurations à un pied, manque deux perles).
Estampille de Jean-Baptiste III Lelarge, reçu Maître le 1er février 1775.
Époque Louis XVI.
Haut. : 88 cm – Larg. : 58 cm – Prof. : 50 cm
V. le sujet où nous en avons parlé avec Capin : Ventes aux enchères 2019
Duc d'Ostrogothie- Messages : 3202
Date d'inscription : 04/11/2017
Re: Le "Trianon" de la comtesse d'Artois à Saint-Cloud
Parfait pour aller avec le petit cabinet de Riesener de même provenance, et entre les mains de la galerie Kugel depuis plus de 20 ans déjà
Gouverneur Morris- Messages : 11611
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Le "Trianon" de la comtesse d'Artois à Saint-Cloud
Depuis le temps que je radote dans ce sujet sur le petit secrétaire de la galerie Kugel , il fallait bien que je me décide à vous le présenter !
Estampillé J.H.RIESENER et JME
Au dos sur les montants gauche et droit, la marque au feu G.M surmontée des lettres S.C. entrelacées dans un ovale crénelé.
Hauteur : 129 cm
Largeur : 66 cm
Profondeur : 35 cm
Literature: Jean-Nérée Ronfort, « Quelques pièces de mobilier du pavillon de Saint-Cloud »,
in L’Estampille juin 1988, pp.32-36.
Le dessus en marbre blanc entouré d’une galerie en bronze doré d’oves repercées surmontant un motif d’oves en pommes de pins. Le tiroir supérieur en bois teinté vert plaqué sur trois faces d’une frise en bronze doré finement ciselé à motifs de cannelure alternant avec des feuilles et des fleurs, entouré de perles. Sous une bordure en bronze doré, l’abattant en placage de sycomore à motifs de losanges entourés de trois filets en bois noirs, vert et blanc ; le tout entouré d’amarante et encadré d’une frise de feuilles en bronze doré .L’entrée de serrure en bronze doré exceptionnellement ciselé figurant un panier de fleurs, feuilles et rubans. Les côtés décorés identiquement.
Sous un large bandeau en bronze doré, le tiroir orné d’une plaque en bronze doré représentant en bas-relief une scène d’amours musiciens; de part et d’autre deux poignées en forme de couronnes de lauriers, les pans ornés de magnifiques fleurs de tournesol.
Quatre pieds octogonaux fuselés en érable et amarante ornés de sabots feuillus. L’entretoise en marqueterie de losanges. L’intérieur de l’abattant recouvert de cuir encadré d’amarante. La façade à caissons ornée de neuf tiroirs en bois satiné, poignée en couronne de laurier.
L’intérieur des tiroirs en acajou massif. Les montants des casiers ornés d’une frise en bronze doré à motifs torsadés.
Riesener, comme nombre d’ébénistes de la seconde moitié du XVIIIe siècle qui contribuent à répandre à travers l’Europe le « goût français », est allemand. Né à Gladbeck, près d’Essen, en l734, nous le retrouvons, jeune encore, dans l’atelier de J.F. Oeben, ébéniste du roi à l’Arsenal. Oeben meurt jeune, Riesener assure dès lors la direction des ateliers et épouse en 1767 Mme Oeben. Il obtient la maîtrise en 1768 et commence à utiliser sa propre estampille. Il devient ébéniste du Roi et fournisseur attitré de Marie-Antoinette en 1771. Pendant dix ans les commandes affluent et Riesener ne tarde pas à amasser une fortune extrêmement importante. En 1776, il perd sa femme puis se remarie, union qui aboutira sous la Révolution à un divorce. Comme tant d’autres, la Révolution le ruine. Sous le Directoire la mode a changé, les partisans de l’art davidien apprécient peu les grâces du XVIIIe siècle. Il ferme son atelier et meurt en 1806.
Dès 1785 date de l’achat du château de Saint-Cloud par la reine Marie-Antoinette au duc d’Orléans, la comtesse d’Artois, née Marie-Josèphe de Savoie-Carignan et épouse du comte d’Artois depuis 1773, sollicita la jouissance d’un pavillon situé dans le parc du château mais le mauvais état de la construction l’amena à porter son choix sur une demeure située en lisière du parc du château et appartenant à Monsieur Chalut de Vérin, Fermier général et riche collectionneur. Cette résidence s’appelait Maison ou Pavillon de l’Electeur en souvenir de Max-Emmanuel de Bavière à qui elle avait appartenu lors de son exil en France sous le règne de Louis XIV. Située à flanc de colline, dominant la Seine, en amont du château, cette maison jouissait d’une vue splendide et comportait un corps principal à deux étages, avec avancée médiane de la façade qui présentait treize fenêtres. Le parc et les jardins descendaient presque jusqu’au fleuve. Dans ce cadre bucolique la comtesse avait l’intention de vivre simplement selon les préceptes très en vogue alors de retour à la nature et à la simplicité répandus par les écrits notamment de Jean-Jacques Rousseau. Selon Bourboulon, l’intendant du comte d’Artois, elle venait y tromper son ennui : « son but a été d’y venir chercher le plus souvent possible la retraite et la liberté… j’ai réellement pitié de la vie ennuyeuse que mène notre Princesse. Elle est la seule qui n’aye pas un petit coin pour diriger sa promenade ».
La comtesse fit faire peu de travaux dans le Pavillon à l’exception de ses appartements qui furent peints en blanc ou tendus de tissu. En effet, le 21 septembre 1786, la princesse demandait (selon dans un document conservé aux Archives nationales : annexe 1) « qu’on fasse blanchir le salon du rez-de-chaussée il est à présent d’un vert fort sombre ». Ses ordres concernant l’aménagement de son boudoir sont révélateurs de cette simplicité : « La princesse désire que son boudoir soit tendu de toile de Jouy... Pour le meuble, elle n’a besoin que d’un sopha et trois chaises. Elle a commandé un secrétaire en bois d’acajou (en réalité en sycomore, il s’agit de notre secrétaire) et deux petites tables pareilles. »
En fait, la recherche de la simplicité aboutit à une grande sophistication et le programme initial d’économie que s’était fixé la comtesse d’Artois ne fut pas vraiment suivi. Les meubles et les travaux d’embellissement de sa demeure furent plus coûteux que prévu. Les caisses du comte d’Artois étant quasiment vides « Madame comtesse d’Artois en a bien répété qu’elle vous donnerait la preuve de la plus complète économie…pour les dépenses d’entretien, elle vous demandera une somme fixe à laquelle elle se bornera exactement. » Il semblerait cependant que la demeure coûta en trois ans plus de 276 000 livres. L’ameublement du pavillon coûta à lui seul 88 000 livres.
Le Pavillon de Saint-Cloud fut loué en partie meublé dès le 1er septembre 1786 et tous les meubles de Chalut de Verin furent numérotés « afin que s’ils sont transportés d’une pièce à l’autre, on puisse les suivre et les reconnaître ».
Sur les meubles apportés ou commandés par la comtesse d’Artois, le Garde-meuble du Prince apposa sa marque composée des lettres entrelacées SC (Saint-Cloud) au centre d’un cartouche ovale dentelé (allusion possible à l’écu de la province d’Artois). Les lettres G.M. apposées sous les cartouches signifiaient probablement Garde-Meuble, non en tant que réserve de meubles mais en tant qu’administration du Garde-Meuble princier.
Jacob et Lelarge fournirent les sièges. Daguerre, le célèbre marchand-mercier de la rue Saint-Honoré, livra des girandoles. Le doreur Rémond, le marchand de flambeaux Jousse, l’ébéniste Mauter complétèrent l’ameublement. L’ébéniste Jean-Henri Riesener fut chargé de l’exécution des ébénisteries les plus précieuses en partie réservées à l’usage de la Princesse.
En 1788, 1000 livres étaient encore dues à l’ébéniste qui livra plusieurs autres meubles dont les archives privées de la comtesse n’ont gardé trace. Un vide-poche, une table trictrac, une commode, une table de salle à manger estampillées ou attribuées à ce maître existent dans des collections privées et portent tous la marque du Garde-meuble de la princesse.
Nous pouvons aujourd’hui admirer les très belles pièces d’ébénisterie, tel notre secrétaire, retrouvées grâce à la marque spéciale du S et C entrelacés dont fut revêtu chaque meuble créé pour le Pavillon.
Le goût de la comtesse d’Artois est influencé par celui de la Reine. Le décor de marqueterie en placage de losanges de bois gris satiné se trouve sur plusieurs meubles de Riesener. Inventé en 1783-84 pour l’appartement de la souveraine aux Tuileries, ce décor constitue l’aboutissement de l’art de l’ébéniste. En 1784, furent donc livrés à Marie-Antoinette dans son palais des Tuileries :
- une table de nuit censée provenir de la chambre à coucher des petits appartements de Marie-Antoinette, au Louvre.
- une table identique, portant le numéro 3409 du journal du Garde-Meuble.
(vente Sotheby’s Monaco le 26 Novembre 1979).
- la table de toilette de la Reine, à Versailles, au Petit Trianon.
- la commode et le bureau cylindre du cabinet intérieur de la Reine, au Louvre.
C’est au cours de l’année 1787 et au début de 1788 que Jean-Henri Riesener effectua ses livraisons au Pavillon comme l’attestent les comptes de l’époque.
La désignation de ce maître reflète certainement un choix personnel de la comtesse car cet ébéniste ne fut pas un fournisseur habituel de la maison d’Artois. Hormis notre secrétaire, Riesener fournit une table console à l’anglaise en placage d’acajou qui appartint au XIXe siècle à la baronne S. de Gunzbourg et une table volante à usages multiples qui fit partie au début de notre siècle de la collection Ephrussi de Rothschild puis de la collection de Jouffroy.
Dans les pièces livrées au Pavillon d’Artois, le placage de losanges de satiné gris est caractéristique : on le retrouve sur une « travailleuse » commandée par la comtesse d’Artois vers 1786 et passée en vente chez Christie’s à Monaco en 1998 (vente du 21 juin 1998, lot 550), table qui est similaire à celle aujourd’hui conservée au Musée Nissim de Camondo à Paris et qui avait été commandée par Marie-Antoinette pour son cabinet intérieur au château de Saint-Cloud.
Le même style délicat, la pureté des lignes, la justesse des proportion, l’harmonie et la grâce de tous les détails se retrouvent dans les pièces fournies par Jean-Baptiste III Lelarge (1734-1802) chargé de créer pour le Pavillon des sièges dont nous conservons deux bergères aujourd’hui dans la collection de Madame Wrightsman à New-York et six fauteuils et six chaises dans une collection privée française.
Dès 1789 la comtesse d’Artois partit rejoindre son époux en émigration à Turin. Le bail du Pavillon de Saint-Cloud fut alors résilié. Après la chute de la monarchie le 10 Août 1792, exactement douze jours plus tard, il fut procédé à l’inventaire du pavillon. Dans le boudoir de la Princesse, les commissaires inventorièrent « un secrétaire en bois satiné et acajou à dessus de marbre blanc (notre secrétaire) ainsi qu’une table à écrire et un vide-gousset aussi en bois satiné et acajou le tout garni de ses cuivres dorés d’or moulu ». Un an plus tard le mobilier était une nouvelle fois inventorié et sous le numéro 92 figurait : « une table en tricoteuse avec tiroir en bois d’acajou et bois veiné avec ornements de bronze doré d’or moulu 60 livres ».
Ces meubles sont seuls à pouvoir témoigner de ce que fut le Pavillon de Saint-Cloud dont la décoration et l’aménagement représentaient avant tout pour ses propriétaires la recherche d’un certain bonheur.
* Source et crédits photographiques : Galerie Kugel
Estampillé J.H.RIESENER et JME
Au dos sur les montants gauche et droit, la marque au feu G.M surmontée des lettres S.C. entrelacées dans un ovale crénelé.
Hauteur : 129 cm
Largeur : 66 cm
Profondeur : 35 cm
Literature: Jean-Nérée Ronfort, « Quelques pièces de mobilier du pavillon de Saint-Cloud »,
in L’Estampille juin 1988, pp.32-36.
Le dessus en marbre blanc entouré d’une galerie en bronze doré d’oves repercées surmontant un motif d’oves en pommes de pins. Le tiroir supérieur en bois teinté vert plaqué sur trois faces d’une frise en bronze doré finement ciselé à motifs de cannelure alternant avec des feuilles et des fleurs, entouré de perles. Sous une bordure en bronze doré, l’abattant en placage de sycomore à motifs de losanges entourés de trois filets en bois noirs, vert et blanc ; le tout entouré d’amarante et encadré d’une frise de feuilles en bronze doré .L’entrée de serrure en bronze doré exceptionnellement ciselé figurant un panier de fleurs, feuilles et rubans. Les côtés décorés identiquement.
Sous un large bandeau en bronze doré, le tiroir orné d’une plaque en bronze doré représentant en bas-relief une scène d’amours musiciens; de part et d’autre deux poignées en forme de couronnes de lauriers, les pans ornés de magnifiques fleurs de tournesol.
Quatre pieds octogonaux fuselés en érable et amarante ornés de sabots feuillus. L’entretoise en marqueterie de losanges. L’intérieur de l’abattant recouvert de cuir encadré d’amarante. La façade à caissons ornée de neuf tiroirs en bois satiné, poignée en couronne de laurier.
L’intérieur des tiroirs en acajou massif. Les montants des casiers ornés d’une frise en bronze doré à motifs torsadés.
Riesener, comme nombre d’ébénistes de la seconde moitié du XVIIIe siècle qui contribuent à répandre à travers l’Europe le « goût français », est allemand. Né à Gladbeck, près d’Essen, en l734, nous le retrouvons, jeune encore, dans l’atelier de J.F. Oeben, ébéniste du roi à l’Arsenal. Oeben meurt jeune, Riesener assure dès lors la direction des ateliers et épouse en 1767 Mme Oeben. Il obtient la maîtrise en 1768 et commence à utiliser sa propre estampille. Il devient ébéniste du Roi et fournisseur attitré de Marie-Antoinette en 1771. Pendant dix ans les commandes affluent et Riesener ne tarde pas à amasser une fortune extrêmement importante. En 1776, il perd sa femme puis se remarie, union qui aboutira sous la Révolution à un divorce. Comme tant d’autres, la Révolution le ruine. Sous le Directoire la mode a changé, les partisans de l’art davidien apprécient peu les grâces du XVIIIe siècle. Il ferme son atelier et meurt en 1806.
Dès 1785 date de l’achat du château de Saint-Cloud par la reine Marie-Antoinette au duc d’Orléans, la comtesse d’Artois, née Marie-Josèphe de Savoie-Carignan et épouse du comte d’Artois depuis 1773, sollicita la jouissance d’un pavillon situé dans le parc du château mais le mauvais état de la construction l’amena à porter son choix sur une demeure située en lisière du parc du château et appartenant à Monsieur Chalut de Vérin, Fermier général et riche collectionneur. Cette résidence s’appelait Maison ou Pavillon de l’Electeur en souvenir de Max-Emmanuel de Bavière à qui elle avait appartenu lors de son exil en France sous le règne de Louis XIV. Située à flanc de colline, dominant la Seine, en amont du château, cette maison jouissait d’une vue splendide et comportait un corps principal à deux étages, avec avancée médiane de la façade qui présentait treize fenêtres. Le parc et les jardins descendaient presque jusqu’au fleuve. Dans ce cadre bucolique la comtesse avait l’intention de vivre simplement selon les préceptes très en vogue alors de retour à la nature et à la simplicité répandus par les écrits notamment de Jean-Jacques Rousseau. Selon Bourboulon, l’intendant du comte d’Artois, elle venait y tromper son ennui : « son but a été d’y venir chercher le plus souvent possible la retraite et la liberté… j’ai réellement pitié de la vie ennuyeuse que mène notre Princesse. Elle est la seule qui n’aye pas un petit coin pour diriger sa promenade ».
La comtesse fit faire peu de travaux dans le Pavillon à l’exception de ses appartements qui furent peints en blanc ou tendus de tissu. En effet, le 21 septembre 1786, la princesse demandait (selon dans un document conservé aux Archives nationales : annexe 1) « qu’on fasse blanchir le salon du rez-de-chaussée il est à présent d’un vert fort sombre ». Ses ordres concernant l’aménagement de son boudoir sont révélateurs de cette simplicité : « La princesse désire que son boudoir soit tendu de toile de Jouy... Pour le meuble, elle n’a besoin que d’un sopha et trois chaises. Elle a commandé un secrétaire en bois d’acajou (en réalité en sycomore, il s’agit de notre secrétaire) et deux petites tables pareilles. »
En fait, la recherche de la simplicité aboutit à une grande sophistication et le programme initial d’économie que s’était fixé la comtesse d’Artois ne fut pas vraiment suivi. Les meubles et les travaux d’embellissement de sa demeure furent plus coûteux que prévu. Les caisses du comte d’Artois étant quasiment vides « Madame comtesse d’Artois en a bien répété qu’elle vous donnerait la preuve de la plus complète économie…pour les dépenses d’entretien, elle vous demandera une somme fixe à laquelle elle se bornera exactement. » Il semblerait cependant que la demeure coûta en trois ans plus de 276 000 livres. L’ameublement du pavillon coûta à lui seul 88 000 livres.
Le Pavillon de Saint-Cloud fut loué en partie meublé dès le 1er septembre 1786 et tous les meubles de Chalut de Verin furent numérotés « afin que s’ils sont transportés d’une pièce à l’autre, on puisse les suivre et les reconnaître ».
Sur les meubles apportés ou commandés par la comtesse d’Artois, le Garde-meuble du Prince apposa sa marque composée des lettres entrelacées SC (Saint-Cloud) au centre d’un cartouche ovale dentelé (allusion possible à l’écu de la province d’Artois). Les lettres G.M. apposées sous les cartouches signifiaient probablement Garde-Meuble, non en tant que réserve de meubles mais en tant qu’administration du Garde-Meuble princier.
Jacob et Lelarge fournirent les sièges. Daguerre, le célèbre marchand-mercier de la rue Saint-Honoré, livra des girandoles. Le doreur Rémond, le marchand de flambeaux Jousse, l’ébéniste Mauter complétèrent l’ameublement. L’ébéniste Jean-Henri Riesener fut chargé de l’exécution des ébénisteries les plus précieuses en partie réservées à l’usage de la Princesse.
En 1788, 1000 livres étaient encore dues à l’ébéniste qui livra plusieurs autres meubles dont les archives privées de la comtesse n’ont gardé trace. Un vide-poche, une table trictrac, une commode, une table de salle à manger estampillées ou attribuées à ce maître existent dans des collections privées et portent tous la marque du Garde-meuble de la princesse.
Nous pouvons aujourd’hui admirer les très belles pièces d’ébénisterie, tel notre secrétaire, retrouvées grâce à la marque spéciale du S et C entrelacés dont fut revêtu chaque meuble créé pour le Pavillon.
Le goût de la comtesse d’Artois est influencé par celui de la Reine. Le décor de marqueterie en placage de losanges de bois gris satiné se trouve sur plusieurs meubles de Riesener. Inventé en 1783-84 pour l’appartement de la souveraine aux Tuileries, ce décor constitue l’aboutissement de l’art de l’ébéniste. En 1784, furent donc livrés à Marie-Antoinette dans son palais des Tuileries :
- une table de nuit censée provenir de la chambre à coucher des petits appartements de Marie-Antoinette, au Louvre.
- une table identique, portant le numéro 3409 du journal du Garde-Meuble.
(vente Sotheby’s Monaco le 26 Novembre 1979).
- la table de toilette de la Reine, à Versailles, au Petit Trianon.
- la commode et le bureau cylindre du cabinet intérieur de la Reine, au Louvre.
C’est au cours de l’année 1787 et au début de 1788 que Jean-Henri Riesener effectua ses livraisons au Pavillon comme l’attestent les comptes de l’époque.
La désignation de ce maître reflète certainement un choix personnel de la comtesse car cet ébéniste ne fut pas un fournisseur habituel de la maison d’Artois. Hormis notre secrétaire, Riesener fournit une table console à l’anglaise en placage d’acajou qui appartint au XIXe siècle à la baronne S. de Gunzbourg et une table volante à usages multiples qui fit partie au début de notre siècle de la collection Ephrussi de Rothschild puis de la collection de Jouffroy.
Dans les pièces livrées au Pavillon d’Artois, le placage de losanges de satiné gris est caractéristique : on le retrouve sur une « travailleuse » commandée par la comtesse d’Artois vers 1786 et passée en vente chez Christie’s à Monaco en 1998 (vente du 21 juin 1998, lot 550), table qui est similaire à celle aujourd’hui conservée au Musée Nissim de Camondo à Paris et qui avait été commandée par Marie-Antoinette pour son cabinet intérieur au château de Saint-Cloud.
Le même style délicat, la pureté des lignes, la justesse des proportion, l’harmonie et la grâce de tous les détails se retrouvent dans les pièces fournies par Jean-Baptiste III Lelarge (1734-1802) chargé de créer pour le Pavillon des sièges dont nous conservons deux bergères aujourd’hui dans la collection de Madame Wrightsman à New-York et six fauteuils et six chaises dans une collection privée française.
Dès 1789 la comtesse d’Artois partit rejoindre son époux en émigration à Turin. Le bail du Pavillon de Saint-Cloud fut alors résilié. Après la chute de la monarchie le 10 Août 1792, exactement douze jours plus tard, il fut procédé à l’inventaire du pavillon. Dans le boudoir de la Princesse, les commissaires inventorièrent « un secrétaire en bois satiné et acajou à dessus de marbre blanc (notre secrétaire) ainsi qu’une table à écrire et un vide-gousset aussi en bois satiné et acajou le tout garni de ses cuivres dorés d’or moulu ». Un an plus tard le mobilier était une nouvelle fois inventorié et sous le numéro 92 figurait : « une table en tricoteuse avec tiroir en bois d’acajou et bois veiné avec ornements de bronze doré d’or moulu 60 livres ».
Ces meubles sont seuls à pouvoir témoigner de ce que fut le Pavillon de Saint-Cloud dont la décoration et l’aménagement représentaient avant tout pour ses propriétaires la recherche d’un certain bonheur.
* Source et crédits photographiques : Galerie Kugel
Gouverneur Morris- Messages : 11611
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Le "Trianon" de la comtesse d'Artois à Saint-Cloud
Meuble absolument extraordinaire. Je me pâme .
J’aime bien le passage suivant : “En fait, la recherche de la simplicité aboutit à une grande sophistication”.
J’aime bien le passage suivant : “En fait, la recherche de la simplicité aboutit à une grande sophistication”.
Duc d'Ostrogothie- Messages : 3202
Date d'inscription : 04/11/2017
Re: Le "Trianon" de la comtesse d'Artois à Saint-Cloud
Merci, mon cher Momo, c'est une merveille !
Cet effet de losanges est d'une telle délicatesse !
J.H.RIESENER et JME ... JME ?!
Je me serais attendue à Riesener / Gouttière.
... tout comme nous le montre le message de Notre Grâce qui ouvre ce sujet .
La simplicité des princes est toute relative !
Cet effet de losanges est d'une telle délicatesse !
J.H.RIESENER et JME ... JME ?!
Je me serais attendue à Riesener / Gouttière.
... cette maison jouissait d’une vue splendide et comportait un corps principal à deux étages, avec avancée médiane de la façade qui présentait treize fenêtres. Le parc et les jardins descendaient presque jusqu’au fleuve. Dans ce cadre bucolique la comtesse avait l’intention de vivre simplement selon les préceptes très en vogue alors de retour à la nature et à la simplicité répandus par les écrits notamment de Jean-Jacques Rousseau.
... tout comme nous le montre le message de Notre Grâce qui ouvre ce sujet .
La simplicité des princes est toute relative !
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... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55173
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Le "Trianon" de la comtesse d'Artois à Saint-Cloud
Ouh ! Quel ravissant petit secrétaire...
Merci, Gouv, pour cette présentation.
JME n'est qu'une estampille mentionnant la " Jurande des Ménuisiers Ebénistes "...
Voir ici pour plus d'explications : Histoire de l'estampille
Merci, Gouv, pour cette présentation.
Mme de Sabran a écrit:
J.H.RIESENER et JME ... JME ?!
JME n'est qu'une estampille mentionnant la " Jurande des Ménuisiers Ebénistes "...
Voir ici pour plus d'explications : Histoire de l'estampille
La nuit, la neige- Messages : 18021
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Le "Trianon" de la comtesse d'Artois à Saint-Cloud
Le plaisir est pour moi
Et aux dimensions idéales pour tout collectionneur parisien vivant en appartement
Duc d'Ostrogothie a écrit:Meuble absolument extraordinaire. Je me pâme .
Et aux dimensions idéales pour tout collectionneur parisien vivant en appartement
Gouverneur Morris- Messages : 11611
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Le "Trianon" de la comtesse d'Artois à Saint-Cloud
La nuit, la neige a écrit:
JME n'est qu'une estampille mentionnant la " Jurande des Ménuisiers Ebénistes "...
Voir ici pour plus d'explications : Histoire de l'estampille
Ah très bien, merci !
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... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55173
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
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