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Au théâtre ce soir...au XVIIIe siècle

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Message par Calonne Sam 17 Nov 2018, 21:12

Au théâtre ce soir...au XVIIIe siècle Theatr10

Tout au long du XVIIIème siècle, le théâtre reste un divertissement extrêmement populaire, de surcroît accessible à quasiment toutes les couches de la société, populaires comme aristocratiques.
Pourquoi ne pas aller ce soir à la Comédie Française ? En route donc pour le faubourg Saint-Germain (aujourd'hui, le bâtiment est dans le premier arrondissement de Paris, depuis 1799).

Soyez prêts en fin d'après-midi, à partir de 17h00. En effet, la "première soirée" comme on l'appelle se situe entre 17h00 et 21h00, le temps de donner trois pièces en général. On peut donc aller souper ensuite à partir de 21h00.
C'est tout un embarras de voitures qui vous accueille à l'entrée. De nombreux carrosses qui sont d'ailleurs à l'origine d'une superstition bien connue : dire "merde" à quelqu'un pour lui souhaiter bonne chance. En effet, à l'époque, beaucoup de spectateurs venant en voiture, tirées par des chevaux, ces derniers se soulageaient allègrement devant le bâtiment. Donc, souhaiter "beaucoup de merdes" à un acteur, c'était lui souhaiter beaucoup de monde, donc beaucoup de succès… N'oubliez pas également qu'aucun comédien ne porte du vert, Molière étant vêtu de cette couleur lorsqu'il eût son fatal malaise sur scène (bien que l'origine de cette superstition soit depuis contestée). De même, n'offrez jamais, Messieurs, des œillets à votre actrice préférée mais des roses : à l'époque, le directeur offrait un bouquet de roses aux comédiennes dont le contrat était renouvelé. Mais pour ne pas faire de dépenses inutiles, celles qui étaient renvoyées recevaient des œillets, fleurs qui coûtaient moins cher…
Une fois descendus de voiture, il vous faudra affronter la ruée bourdonnante des marchands et camelots de toutes sortes, marchandes de fleurs notamment. Vous passerez certainement devant quelques jeunes coqs occupés à se quereller avec le concierge pour ravoir leur écu de gage (pour entrer "dire un mot à un ami", il fallait laisser un écu en gage. Le concierge veillait et gardait l'écu de celui qui était resté trop longtemps).

La Comédie Française compte une trentaine de comédiens, moitié hommes, moitié femmes. Chacun, chacune, possède une chambre (loge) normalement destinée à se vêtir, maquiller et préparer. On ne peut y loger sauf maladie. C'est là que nos comédiens se préparent donc. A l'époque, on joue encore Néron ou Andromaque en pourpoint, dentelles, paniers et perruque poudrée. C'est Talma qui, le premier, apparaîtra sur scène en toge et sandales, cette coquine de Louise Contat lui demandant aussitôt où il comptait ranger son mouchoir...
Nos comédiens étant pensionnés par le roi (12 000 livres par an), ils ont le droit de se nommer "Comédiens du Roi". Ils sont également propriétaires des murs. Au fil des décès ou/et départs, ceux qui restent remboursent à leurs héritiers le fonds qu'ils ont acquis sur l'immeuble, à savoir 13 200 livres chacun. Les nouveaux comédiens sont tenus à leur arrivée d'acquérir le même fond, au prorata de ce qu'ils ont. Si notre comédien n'en a pas les moyens, on lui retient la moitié de ce qu'il gagne jusqu'à ce qu'il ait acquitté la somme. Une fois que c'est fait, on ne lui retient plus rien et on lui paie alors l'intérêt de son fond, 80 livres par mois, selon un accord conclu entre les comédiens. Ces derniers se réunissent tous les lundis pour régler les affaires de la troupe et choisir ce qu'ils joueront dans les semaines à venir.
Aux comédiens s'ajoutent un lieutenant, douze archers, un concierge, un "receveur" pour les loges, un autre pour le parterre.
L'orchestre est composé d'une centaine de personnes. On trouve également chaque soir des "doublures", un ou deux acteurs de moindre rang prêts à remplacer les acteurs principaux en cas de problème de dernière minute.

Les effets spéciaux de l'époque suscitent l'enthousiasme des spectateurs. Notre bon Jean-Jacques Rousseau nous révèle ainsi que : " le tonnerre est une lourde charrette qu'on promène sur le cintre, les éclairs se font avec des pincées de poix jetées sur un flambeau, la foudre est un pétard au bout d'une fusée... Les dieux et déesses descendent du ciel sur une sorte d'escarpolette suspendue à une grosse corde, escarpolette masquée par un morceau de grosse toile barbouillée en nuage... Le plancher est garni de petites trappes carrées permettant aux défunts et démons de sortir de terre... Quand ces derniers doivent s'envoler dans les airs, on leur substitue des mannequins, voire de vrais petits ramoneurs qui volent, suspendus à des cordes, jusqu'à se perdre dans les hauteurs… La mer est formée de triangles de carton bleu enfilés sur des broches parallèles et que l'on fait tourner.."

Si le programme de la Comédie Française ne vous convient pas, nous pouvons nous rabattre sur Le Panthéon, Les Variétés, L'ambigu Comique... Vous y retrouverez à coup sûr nos plus grands talents, Talma, Le Kain, Mlle Sainval, Dugazon, Fleury, Saint-Phal, la très belle Louise Contat, Mme Renaud ou la flamboyante Marie-Antoinette Raucourt, tragédienne incomparable, à la vie passablement agitée... Prison pour dettes, licenciement de la Comédie Française avant d'y revenir grâce à la protection de Marie-Antoinette, amours féminines affichées ouvertement, présidente de la Loge androgyne, loge maçonnique réservée aux dames et dont les méchants disaient que certaines séances n'étaient pas racontables...

Il existe des dames rebelles
Et l'on s'en plaint chaque jour.
Savez-vous pourquoi ces belles
Sont si froides en amour ?
Ces dames se font entre elles
Par un généreux retour,
Ce qu'on appelle un doigt de cour...


Mais laissons là ces ragots et prenons place, le spectacle va commencer...
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Message par Mme de Sabran Sam 17 Nov 2018, 21:46

Calonne a écrit:
Pourquoi ne pas aller ce soir à la Comédie Française ? En route donc pour le faubourg Saint-Germain (aujourd'hui, le bâtiment est dans le premier arrondissement de Paris, depuis 1799).

Soyez prêts en fin d'après-midi, à partir de 17h00...

O.K. ça marche, nous serons prêts ! Very Happy
Est-ce que les décors sont toujours de Roger Harth et les costumes de Donald Cardwell ? Eventaille
Dis-moi, Charles-Alexandre, cette histoire de castafouine me rappelle effectivement quelque chose ... Nous l'avais-tu déjà racontée ?


_________________
...    demain est un autre jour .
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Message par Calonne Sam 17 Nov 2018, 21:56

J'ai écrit un sujet sur les bals de l'opéra, qui ressemble peut-être un peu à celui-ci, il est vrai. L'atmosphère des lieux devait être à peu de choses près la même, sauf pour les fameux bals.

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J'ai oublié hier, je ne sais pas ce que sera demain, mais aujourd'hui je t'aime
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Message par Mme de Sabran Sam 17 Nov 2018, 22:03

Mais bien-sûr, c'est ça ! Au théâtre ce soir...au XVIIIe siècle 4

_________________
...    demain est un autre jour .
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Message par Mr ventier Ven 01 Juil 2022, 09:35

J'en suis à ma 2ème lecture. Ce post empli mon cœur de joie... Merci
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Message par Calonne Dim 10 Juil 2022, 20:47

Dans ce cas cher ami, que voir ce soir ?

Tarare

Le grand succès de ces dernières années, assurément.
Direction l'Académie royale de musique pour cet opéra, sur paroles de Monsieur de Beaumarchais et musique de Salieri en personne, oui, oui, le maître de musique qui fait fureur à Vienne, "rival" de Mozart.
L'histoire se déroule dans le Golfe Persique où règne Atar, un tyran cruel. Au palais se trouve également Tarare, un officier cumulant toutes les vertus et promu Maître de la Milice depuis qu'il a sauvé la vie d'Atar. Notre brave héros coule des jours heureux aux côtés d'Astasie, son épouse. Ce qui excite la jalousie d'Atar qui ordonne à Altamort d'enlever Astasie et de l'enfermer au harem sous le nom d'Irza. Voici notre Tarare pleurant aux pieds de son seigneur, l'implorant de l'aider à retrouver sa belle. Feignant de le soutenir, Atar ordonne à Altamort de le tuer. Heureusement, Calpigi, qui dirige le harem, prévient le brave Tarare. Viennent se mêler à l'intrigue un muet, l'esclave Spinette puis Atar se suicide et Tarare est couronné sous le regard énamouré d'Astasie, délivrée.
Complet tous les soirs.

Les vicissitudes amoureuses

Rendez-vous au théâtre de Monsieur, dont l'ouverture a été retardée par les grands froids du début de 1789.
Un casting soigné : Saint-Preux, Mlle Baletti (allemande et pas italienne comme on pourrait le croire) comme Prima Donna, Marianna Santoro Limperani en Seconda Donna tandis que l'orchestre comptera Mengozzi au clavecin et Janeiwicks comme premier violon.
Vous froncez les sourcils en lisant le livret ? Vous avez raison, la traduction du titre est mauvaise, il s'agit bien des "vicissitudes amoureuses" et non point des "aventures amoureuses" comme cela a été écrit. Tout Paris en rit.

Richard Coeur de Lion

De Charles Grétry, belge installé en France depuis vingt ans.
Grand succès depuis cinq ans, bien que beaucoup jugent l'ensemble pas vraiment épique, tout en préciosité, avec un Richard Coeur de Lion délivré par Blondel, mignon troubadour poudré et délicat, pas vraiment le héros redoutable et belliqueux... C'est d'ailleurs suite à cette pièce qu'on a dit de Grétry qu'un "carrosse à quatre chevaux passerait aisément entre ses basses et ses premiers violons"... Mais c'est quand-même de cette pièce que viendra ce qui se voudra l'hymne monarchique, à savoir :
Ô Richard, ô mon roi, tout t'abandonne,
Il n'y a donc que moi pour m'intéresser à ta personne !


Démophoon

Tragédie lyrique en trois actes sur des paroles de Marmontel et une musique de Chérubini, triomphe de décembre 1788.
Le légendaire et brillant souverain Démophoon, qui règne dans une cité de Thrace, doit faire face à une tradition cruelle exigeant le sacrifice d'une vierge à Apollon chaque année. Son fils, Osmide, épouse en secret Dircé, fille du chef des armées Astor (vous suivez ?) pour la sauver car elle est la prochaine sur la liste des sacrifiées. Ensuite, c'est Game of Thrones ! Démophoon, Astor, Osmide, Dircé, une princesse étrangère (Ircile) qui débarque, un prince cadet (Néade) qui sort de nulle part et tout ce petit monde qui intrigue.
Il faut croire que cette histoire compliquée ne rebute pas les amateurs, la salle est comble chaque soir. Monsieur Lainé est particulièrement applaudi dans le rôle d'Osmide, Mme Saint-Huberty, grande tragédienne, dans celui de Dircé.

Sinon, évitez L'embarras du choix, au théâtre italien, vite noyé dans l'ennui des spectateurs ou encore Azémire. Mais ne manquez pas Hercule au mont Oeta, joué par un impressionnant Monsieur de la Rive. Et surtout Talma ! Il débarquait et triomphait en 1788 avec Mahomet. Grand, imposant, grave et majestueux, il est impressionnant quand, drapé dans sa toge (le premier à le faire, malgré les moqueries des autres acteurs, poudrés, perruqués et en dentelles, disant qu'il s'était habillé d'un drap), il lance : " Adieu Rome, je pars ! " de sa voix puissante. Ne négligez pas pour autant Mme Raucourt, sublime tragédienne, incomparable Agrippine, Jocaste ou Médée. Plus le rôle est féroce, plus elle est grande. Bien sûr, on vous parlera à mots couverts de ses frasques, de ses dettes et de ses amours féminines... Que voulez-vous, c'est ainsi.

En plus léger, Les Variétés, au Palais-Royal, vous proposent Le jour de l'An, comédie en un seul acte. Toujours pour ce qui est de la comédie, ne manquez pas Les dangers de l'absence ou Le souper de famille, autre comédie à succès dès la première, le 11 novembre 1788. Le marquis de Bièvre, célèbre homme d'esprit amateur de jeux de mots, nous a proposé il y a quelques années Le séducteur, qui a connu un joli succès. Certes, Monsieur de la Harpe a descendu la pièce en flammes, jaloux de son succès, alors que sa propre pièce, Les Brahmes "tombait' comme on dit. Ce qui permît à notre marquis de faire un très bon mot. Quand on lui demanda ce qu'il pensait de la critique de la Harpe, il répondît en souriant : " J'en dis que les bras me tombent (les Brahmes tombent) ".

Bonne soirée !

(Source : Le 1er janvier 1789, Arthur Conte)
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