Les étoffes créées pour Marie-Antoinette - conférence Tassinari & Chatel du 19/01/2019

J'ai assisté hier matin à une petite conférence donnée par la maison Tassinari & Chatel au sujet des étoffes créées pour l'ameublement de Marie-Antoinette.
Elle était donnée dans le cadre de la semaine "Paris Déco Off" . 

Quelques photos et explications : 



 Le damas-lampas des quatre parties du monde 



Ce damas-lampas bleu et blanc désigné par les inventaires comme étant de "dessin chinois à parasol" fut tissé en 1784 et fourni par le marchand d'étoffes de soie Michel (établi rue Saint-Denis à Paris) pour recouvrir les sièges du grand cabinet de Marie-Antoinette à Rambouillet. 

Il fut ensuite utilisé pour recouvrir les sièges du petit cabinet du roi au château de Compiègne en 1785 et 1786.

Il a été retissé à partir de 1970 pour les résidences présidentielles. 

Tassinari & Chatel possède un lé de l'étoffe d'origine, qui représente l'Europe (sous les traits d'une Minerve casquée), l'Afrique (chasseur de lion), l'Asie (chinois sur un chameau), et l'Amérique (Indiens).

L'Océanie ne fut pas représentée car il n'était pas concevable de figurer des personnages nus.
















Voici l'étoffe aujourd'hui retissée : 










A suivre....

Ce lampas est vraiment splendide !!!
Merci, Notre Grâce, pour l'ouverture de ce sujet .

Duc d'Ostrogothie a écrit:
L'Océanie ne fut pas représentée car il n'était pas concevable de figurer des personnages nus.
.

Tiens, est-ce singulier !
Ne pouvait-on affubler son allégorie d'un seyant petit pagne de roseau ?

... ou lui mettre une feuille de palmier au bon endroit ? 

je possède un morceau de cette étoffe qui a été tendu à l'entrée de la salle d'exposition aux archives nationales en 2001 consacrée à la Reine - il fallait choisir entre une affiche ou un ravissant catalogue , question de budget, le tissu a servi d'affiche et le catalogue réalisé a eu beaucoup de succès, l'édition est totalement épuisée.

MARIE ANTOINETTE

Super le que ce lampas. Cette couleur bleu marine est fascinante. La représentation est classique pour les continents.

C'est un très beau lampas en effet. Le voici sur les sièges du petit cabinet du roi au château de Compiègne :




Nous en avons  récemment parlé dans le sujet sur Boulard : Jean-Baptiste Boulard, menuisier du roi

Je continue avec l'étoffe suivante : 


 Damas-lampas dit des cyclopes ou des forgerons :


Commandé à l'origine pour le salon des Jeux du roi à Fontainebleau, ce lampas fut dans les années qui suivirent employé en diverses occasions : 

- pour le mobilier de Thierry de Ville-d'Avray au Garde Meuble, place Louis XV (1787) 

- pour le mobilier du salon de compagnie de Madame Elisabeth au château de Montreuil (1788) 

- pour le mobilier de Marie-Antoinette aux Tuileries (1791).


Il est parfois désigné comme étant "à dessin arabesque à figures cyclopes et autres animaux" dans les inventaires.

Il figure des forgerons (ou cyclopes), les dieux du fleuve, des chevaux marins...

En 1787, ce lampas fut utilisé pour composer la tenture, les portières du lit, les sièges, un paravent et un écran de la chambre de Thierry de Ville-d'Avray au Garde-Meuble, place Louis XV.

Ce mobilier de Jean-Baptiste Claude Sené est aujourd'hui conservé au musée de Boston, avec l'étoffe dite des Forgerons retissée :







Les cyclopes ou forgerons : 
 


Les chevaux marins : 







Ce même lampas fut ensuite utilisé pour réaliser un ensemble de mobilier pour Madame Elisabeth à Versailles (lit de repos, décor de la niche et garniture des sièges) ainsi que pour son salon de compagnie à Montreuil (tenture, rideaux de croisées, sièges, écran et paravent).

Le musée du Louvre conserve deux bergères de Madame Elisabeth recouvertes du lampas aux cyclopes retissé : 







C'est enfin pour Marie-Antoinette que fut utilisé ce lampas : en juillet 1791, il fut utilisé pour réaliser le nouveau meuble de son salon aux Tuileries.

Merci ! Très beau également, même si je ne vois pas de "cyclopes"...
J'ajoute quelques autres images :

Du mobilier pour le salon du pavillon du comte de Provence et de la comtesse de Balbi (dit Pavillon Balbi), à Versailles, près de la pièce d'eau des Suisses :


Canapé
D'un ensemble livré en 1785 et 1786 pour le salon du Pavillon de Monsieur, comte de Provence, aménagé pour la comtesse de Balbi à Versailles.
Georges Jacob (menuisier), d'après Jean-Démosthène Dugourc (dessinateur)
Atelier Reboul et Fontebrune (soyeux)
1785
Le lampas retissé à l'identique, par la maison Tassinari et Chatel, d'après le modèle créé en 1785 par la manufacture de Reboul et Fontbrune à Lyon.
Photo : Château de Versailles, Dist. RMN / Jean-Marc Manaï



Note du château de Versailles :

Ce mobilier fit l'objet de deux livraisons : en 1785, deux canapés, deux bergères, deux banquettes, six fauteuils, un écran, le tout en bois peint en lilas et blanc ; puis en 1786, deux voyeuses, douze chaises et un tabouret de pied présentant un décor sculpté plus simple.
L'ensemble du mobilier fut recouvert d'un lampas " grand dessin arabesque " à fond bleu livré par la maison Reboul et Fontebrune de Lyon, et caractérisé par son motif de cyclopes, qui a été retissé à l'identique.
De cet ensemble Versailles conserve le canapé, deux bergères, un fauteuil, deux chaises voyeuses, une voyeuse et un tabouret de pied.


Bergère
Photo : Château de Versailles, Dist. RMN / Jean-Marc Manaï


Chauffeuse
Photo : Château de Versailles, Dist. RMN / Jean-Marc Manaï


Tabouret de pieds
Photo : Château de Versailles, Dist. RMN / Jean-Marc Manaï


Voyeuse
Photo : Château de Versailles, Dist. RMN / Christophe Fouin


Nous retrouvons aujourd'hui une partie de cet ensemble mobilier dans le Boudoir du Petit Trianon :


Photo : Starus / Wikipedia

Notre sujet et nos autres illustrations, ici : Petit Trianon, le Boudoir de Marie-Antoinette ou cabinet des glaces mouvantes

Ah le mobilier Jacob / Balbi du cabinet des glaces mouvantes...  

La nuit, la neige a écrit: je ne vois pas de "cyclopes"...

Les voici :



Voici des photos de la garniture d'origine du mobilier de Thierry de Ville-d'Avray à Boston :







Lorsque le mobilier de Thierry de Ville-d'Avray a été regarni par le musée de Boston, on s'est aperçu que sur l'un des sièges, qui avait gardé quelques traces de sa garniture d'origine, les cyclopes étaient sur l'assise (alors que l'on croyait jusqu'alors, que "l'étiquette" en matière de sièges au XVIIIème siècle interdisait de recouvrir l'assise de personnages humains : il s'est avéré que tel n'était pas le cas en réalité).

Merveilleux sujet, merci messieurs !
Dans ce petit cabinet des glaces mouvantes le lampas bleu et argent s'harmonise si divinement avec les lambris !
Qu'il est chou ce petit repose-pieds !!!
Mme de Polignac avait le même...

Mme de Sabran a écrit:
Qu'il est chou ce petit repose-pieds !!!  
Mme de Polignac avait le même...

Mais à l'origine il devait être dans le Boudoir du Petit Trianon au moment de la reine  des chaises similaires à celles du pavillon Balbi. L´etoffe est-elle de même origine?
Leos

Je ne crois pas que l'on sache quel mobilier se trouvait dans le cabinet de glaces mouvantes du temps de Marie-Antoinette, ni l'étoffe qui le recouvrait, mon cher Leos.

Ce qui est certain, c'est que cette étoffe a servi à recouvrir les sièges qui se trouvaient dans le salon de Marie-Antoinette aux Tuileries en 1791.

Voici les chaises du Salon des Jeux du roi au château de Fontainebleau (aujourd'hui à la Wallace Collection), garnies avec un retissage du même lampas que celui qui les recouvrait à l'origine (le lampas aux forgerons) :








Voici une chaise du mobilier de Thierry de Ville-d'Avray avec sa garniture d'origine puis avec le lampas retissé : 





Il est très rare de trouver du mobilier avec sa garniture d'origine, les tissus ayant la plupart du temps été changés dès le début du XIXème siècle.


Au prochain numéro : le tissu du salon du Billard de Marie-Antoinette...

Mazette ! Que c'est beau !!!

Mme de Sabran a écrit:
Mazette !  Que c'est beau !!!

Le lampas aux forgerons est la plus belle étoffe de cette époque je trouve. 

En voici une autre, considérée comme l'étoffe la plus chère du règne de Louis XVI :


 Lampas broché en velouté et soie nuée, fond blanc chenillé livré en 1779 par le soyeux Charton pour le cabinet intérieur (cabinet doré) de la reine au château de Versailles et retissé en 1785 pour le salon du billard de Marie-Antoinette au château de Versailles : 

Mme Carole Damour de Tassinari & Chatel nous a présenté un retissage de cette étoffe lors de la conférence du 19/01/2019, que voici : 



Il s'agit d'un broché 36 couleurs.
Dans un ensemble de guirlandes de fleurs et de feuilles formant des rinceaux, sont disposés des médaillons aux motifs divers (carquois, tambourin, cornemuse, nid d'oiseaux, chapeau, cage). 
Les dessins sont dus à Gondoin. Les médaillons sont tissés à part.

Cette étoffe fut retissée une première fois pour les appartements de l'impératrice Eugénie aux Tuileries à partir de 1859.

Tassinari & Chatel la retissa entre 1985 et 1988, dans le cadre de la restauration des cabinets intérieurs de la reine au château de Versailles.

Deux des six médaillons d'origine manquent aux archives : ils ont été "réinterprétés" (restitués) d'après les descriptions des inventaires. Il s'agit du médaillon des colombes et de celui de la cage. Les quatre autres médaillons sont exactement identiques aux médaillons d'origine.
















Le musée Gulbenkian possède des fragments de l'étoffe d'origine, que voici : 







Voici le meuble retissé par Tassinari & Chatel dans le cabinet du billard de Marie-Antoinette : 


















Cette étoffe (ou "meuble") ne resta que peu d'années dans le cabinet intérieur de la reine : en mai 1783 un meuble d'été fut placé, en "pékin fond blanc à bouquets bleu rayures de satin, orné d'un ruban peint de fleurs d'argent" qui fut ensuite lui-même remplacé par un décor de boiseries.

Je poursuis le fil de ce sujet (si je puis dire ) avec un scoop. 

Le palais de Galitcha a demandé à Tassinari & Chatel de retisser l'étoffe qui recouvrait des sièges français achetés par Maria Feodorovna sous la Révolution.

Voici la chambre de l'Impératrice au palais de Galitcha, recouverte de cette étoffe retissée par Tassinari & Chatel :




Le scoop c'est qu'en examinant l'un des sièges achetés par Maria Feodorovna, on s'est aperçu qu'il possédait des marques de la chambre de la Reine au château de Compiègne.

La chambre de l'Impératrice au palais de Galitcha est donc aujourd'hui recouverte de la même étoffe que celle qui recouvrait la chambre de Marie-Antoinette au château de Compiègne ! 

Duc d'Ostrogothie a écrit:
Le scoop c'est qu'en examinant l'un des sièges achetés par Maria Feodorovna, on s'est aperçu qu'il possédait des marques de la chambre de la Reine au château de Compiègne.
La chambre de l'Impératrice au palais de Galitcha est donc aujourd'hui recouverte de la même étoffe que celle qui recouvrait la chambre de Marie-Antoinette au château de Compiègne ! 

Ah, ça par exemple !!!    Ainsi pouvons-nous un peu nous figurer celle de Marie-Antoinette .
Merci, Notre Grâce !      
C'est une véritable Rhapsody in Blue ...    jusqu'à la cheminée  !  
J'aime beaucoup le contraste avec le parquet .  ( Si les miens pouvaient briller comme ça ! )

Mme de Sabran a écrit:Merci, Notre Grâce !      

De rien. 

Les étoffes de l'ère Louis XVI / Marie-Antoinette sont très différentes, d'un point de vue stylistique, de celles des règnes précédents. On retrouve souvent des motifs de perles, des rinceaux de fleurs, des personnages exotiques ou mythologiques dans les étoffes créées pour Marie-Antoinette ou sous le règne de Marie-Antoinette et Louis XVI.

Rien à voir, donc, avec l'étoffe qui recouvrait la chambre de Marie-Antoinette en 1771 , que voici (présentée chez Tassinari & Chatel le 19/01/2019) :

 Broché multicolore à gros bouquets de lys impérial tissé pour le meuble d'été de la chambre de Marie-Antoinette dauphine au château de Versailles , d'après un dessin de Gondoin en 1771 :