Balthazar, roi de Timor et Solor

Originaire des îles de la Sonde (Indonésie) où il est né en 1740, Balthazar est selon toute vraisemblance le fils de Gaspar da Costa, le chef des métis portugais qui vivaient entre Flores, Solor et Timor-ouest.
Son père meurt en 1749 à la bataille de Penfui, contre les troupes hollandaises. Il est depuis considéré comme un pionnier de la lutte contre le colonialisme européen dans cette région du monde.

Voilà donc notre jeune prince contraint de fuir, d'abord à Macao et Canton où il est hébergé dans un monastère dominicain avant d'embarquer pour la France, avec richesses et esclaves légués par son père. A treize ans, il débarque à Lorient pour y être aussitôt trahi par son précepteur dominicain, Ignace, qui l'abandonne froidement avant de fuir avec tous ses biens après avoir vendu les esclaves en route. Seul, incapable de se faire comprendre, l'infortuné prince est secouru par le cuisinier de bord qui le prend en pitié et comme aide. C'est donc sous la houlette de ce brave homme que Balthazar fait son éducation et apprend le français, tout en naviguant et travaillant entre Pays-Bas, Angleterre, Ecosse et Québec !
La mort du brave cuisinier occasionne au prince le chagrin que l'on devine. A cette époque, Balthazar, décidé à reconquérir ses droits, s'installe en France où il vivra… Quarante ans ! Bien que vivant très modestement, il devient vite un petit personnage du tout-Paris, écrivant à Louis XV, Louis XVI, Voltaire… On parle de lui dans toute l'Europe mais le prince ne parvient pas à prouver véritablement son identité, beaucoup de "concurrents" (aventuriers opportunistes pour la plupart) prétendant être le véritable prince dépossédé et réclamant réparation. Ce qui n'empêche pas Balthazar de fréquenter académiciens, philosophes, francs-maçons et encyclopédistes et d'avoir des appuis pour faire reconnaître ses droits et la souveraineté dont il a été spolié. Au passage, il s'intéresse grandement à la médecine, à l'alchimie et aux sciences occultes, fréquente Cagliostro et le chevalier d'Eon. Membre de la Communauté des Noirs et Asiatiques de Paris, notre homme est bientôt contraint de se faire conteur et poète dans la haute société pour maintenir son rang. Il est toutefois logé gracieusement à l'hôtel de Chavigny, probablement par Théodore Chevignard, comte de Toulongeon et baron de Chavigny, diplomate influent et oncle de Vergennes.

La Révolution met un terme à cette vie romanesque et incroyable. Le petit monde du prince s'écroule et ce dernier meurt en 1791, à l'Hôtel-Dieu de Paris, ayant sans doute tout perdu.
Il serait oublié et totalement inconnu aujourd'hui si l'on n'avait un Mémoire qu'il écrivît à Louis XV en 1768 et surtout, son inscription sur le registre "des noirs et mulâtres qui pénétraient en France et y habitaient", registre tenu par la police de Paris.
Pour celles et ceux qui voudraient en savoir plus sur ce personnage incroyable et encore bien mystérieux, signalons cet ouvrage :

Une histoire totalement incroyable que ce prince exotique incompris, seul et abandonné. Merci et merci encore cher Calonne !

Je l'ai découvert par hasard, dans un roman historique où il apparaît à un moment. Je croyais à un personnage fictif mais j'ai découvert par la suite qu'il avait bel et bien existé.

Effectivement, curieuse (et triste) destinée que celle de ce "prince noir" (ou métis) qui a tout perdu très jeune et aura tenté de remonter la pente toute sa vie. Ni gueux ni riche pour autant, il était semble-t-il devenu un petit personnage du tout-Paris, reçu dans les salons et écouté ici et là par quelques généreux "protecteurs". Nul doute qu'il devait attiser la curiosité avec ses origines, son histoire, son apparence, son "exotisme". Après, était-il vraiment pris au sérieux ou si bien considéré ? On peut hélas en douter.

Qui sait : peut-être est-ce lui que l'on aperçoit au mariage de Marie-Antoinette et Louis-Auguste, dans le film de Sofia Coppola ? Mais j'en doute…


Je n'ai pas trouvé de portrait de lui en tous cas.