La maison Igoumnov (Moscou)

Je vous propose aujourd'hui une petite promenade à Moscou, du côté de l'ambassade de France et plus particulièrement de la résidence de notre ambassadeur. Hé oui, cette superbe demeure n'est autre que la résidence de l'ambassadeur de France à Moscou.

C'est Nicolaï Igoumnov, un riche industriel russe, qui se fît construire en 1881 cet hôtel particulier, dans le style "vieux russe", qualifié plus tard de "néo-russe". La riche et puissante famille Igoumnov disparaît en 1917, exilée à l'étranger ou victime de la Révolution bolchévique. De tribulations en péripéties, la maison deviendra d'abord l'ambassade de France à la fin des années 1930 puis la résidence de l'ambassadeur en 1979, une nouvelle ambassade ayant été installée dans la capitale russe. La France est propriétaire de l'ambassade mais seulement locataire de la maison Igoumnov.
Vers la fin des années 1930, elle échappa de peu à la démolition. Occupée par un club ouvrier, elle devait faire place à un cinéma... Mais au même moment, le corps diplomatique français était à la recherche d'une nouvelle ambassade et avait refusé les cinq maisons (pourtant superbes) proposées successivement par les autorités russes. C'est alors que les français demandèrent à obtenir la maison Igoumnov. Staline accepta et la céda donc au corps diplomatique français comme nouvelle ambassade, en location, en 1938. Après 1945, les locaux devinrent trop exigus et la France rechercha un nouveau bâtiment. En 1979, la maison Igoumnov devînt donc uniquement la résidence personnelle de l'ambassadeur. Elle se situe à proximité de l'ambassade de France, elle-même à côté du ministère de l'Intérieur russe.

La maison aurait même son fantôme ! La maîtresse du maître des lieux, une danseuse, que le riche marchand aurait emmurée vivante dans sa chambre après avoir appris qu'elle lui était infidèle. Depuis, une "Dame blanche" hanterait la maison.
Notre marchand aurait aussi suscité la colère de Nicolas II en personne en 1901. Donnant un grand bal dans sa maison et voulant étonner ses invités, il fît incruster des pièces d'or dans les parquets de la salle de bal. En dansant, ses invités marchaient ainsi sur les pièces et... sur le profil du Tzar, qui y était gravé. Informé et se considérant insulté, Nicolas II aurait exilé l'impudent marchand loin de Moscou…

Approchons…
L'ensemble paraît assez massif et imposant vu de loin. Mais de près, il est allégé par festons, corniches sculptées et ouvragées et ciselures :
L'extérieur est clairement inspiré des églises russes d'autrefois et l'influence de la cathédrale Saint Basile, avec ses murs de briques rouges et ses motifs floraux est évidente.






Les fameuses briques rouges ont été envoyées depuis les Pays-Bas où elles furent confectionnées spécialement pour la demeure. A l'époque, la maison était installée dans une rue mal famée, ce qui étonna les contemporains. Mais Igoumnov, qui avait bâti sa fortune en partant de rien, avait tenu à cet emplacement, là où il était né et avait grandi.
La cour intérieure de la maison, qui donne une idée de son étendue :



Détail de la façade, richement ouvragée :


Maintenant, il est temps d'entrer. Et là, c'est Byzance...







Le fameux style "néo-russe" ou "vieux russe" (que l'on retrouve au Kremlin dans le palais des Terem) s'y déploie avec ses ors, ses motifs floraux, ses volutes et arabesques végétales, ses couleurs vives, éclatantes, qui se détachent d'un ensemble pourtant toujours assez sombre. On est dans un esprit avant le règne de Pierre le Grand : pièces petites, basses de plafond, sombres et dans un style fastueux, chargé. Radicalement différent du style "néoclassique", ouvert, clair et lumineux qui triomphera à Saint-Pétersbourg après le tournant voulu par Pierre le Grand.





Détails du grand escalier, fastueux :




Ce style très byzantin quelque part n'est présent qu'au rez-de chaussée de la demeure. A partir du premier étage, on trouve des salons dans un style clairement XVIIIème siècle (on peut voir dans le fond le palier du grand escalier) :



Visiter la maison Igoumnov ? Difficile mais pas impossible, on le peut au cours de la journée du Patrimoine qui, en Russie, se déroule en deux dates. A cette occasion, la plupart des ambassades sont ouvertes au public. Il s'y déroule également des soirées culturelles, des récitals, mais là, il faut avoir son petit bristol...
Je réponds tout de suite à votre question : je n'en ai vu que l'extérieur lors de mon passage à Moscou.

Impressionnant !

N'est-ce pas ?
Le style "vieux-russe" connaissait un regain de popularité à l'époque où il y avait un vif intérêt pour le folklore russe, les origines, la Russie des Boyards, d'avant l'occidentalisation voulue par Pierre le Grand. On le ressent beaucoup à Moscou où beaucoup de maisons et palais sont décorés dans ce style. Des lieux souvent "cachés", peu connus, derrière de lourdes portes cochères ou des murs épais. J'ai trouvé Moscou assez secrète, il faut bien chercher pour trouver des lieux comme celui-ci.
Rien à voir avec Saint-Pétersbourg, ouverte sur la mer, le monde, lumineuse, aérée et où tout est offert, d'emblée.

C'est aussi l'impression que j'ai eue ! Et, en beaucoup beaucoup plus modeste, il faut imaginer les isbas sur pattes de poule dans ce même style russo-conte de fées . Tout ce bois ! Il ne fallait pas que se déclenche un incendie ...

Cette décoration intérieure rappelle également Neuschwanstein .

Oui, le contraste est frappant entre les deux villes.
Au premier abord, j'ai trouvé le Moscou historique brut, massif, médiéval. Pour moi, la meilleure image en est le Kremlin, la forteresse imposante. Et si on ajoute à ça le Moscou communiste, les avenues immenses, l'architecture imposante, assez froide et fonctionnelle… Moscou est secrète, elle cache ses trésors comme la maison natale de Michel Romanov, le fondateur de la dynastie ou de petites églises, superbes mais discrètes (par contre, le nouveau quartier des affaires, hyper futuriste avec ses tours de verre et ses centres commerciaux immenses et ultra modernes…).
Saint-Pétersbourg, elle, se montre, s'étale. Ouverte sur la mer, ouverte sur l'Europe, baignée de lumière, avec sa succession de palais aux couleurs pastels, lumineuses… C'est vraiment la ville d'art, rêvée et conçue par un esthète, une ville féérique, surtout sous la neige et prise par les glaces. Par contre, à éviter, la tour ultra-futuriste de Gazprom… D'ailleurs, les habitants n'en ont pas voulu en plein centre historique et les autorités ont cédé, la bâtissant en périphérie de la ville. Je n'ai rien contre le moderne mais un truc pareil en plein milieu des palais et des églises, c'était grotesque...

Cette tour n'existait pas quand j'y suis allée . D'ailleurs, ce n'était pas Saint-Petersbourg mais Leningrad à l'époque .
Oh oui, pitié ! pas de verrues dans le centre historique !!!

Merci Calonne pour cette intéressante et atypique visite !