Paul Grappe/Suzanne Langdard

Un personnage incroyable pour une histoire qui l'est tout autant, d'autant plus qu'elle est authentique.

Voici donc Paul Grappe, soldat de la Première Guerre Mondiale, plongé dans l'enfer des tranchées et qui, blessé, traumatisé, décide de déserter en 1915. Il rejoint Paris et sa femme Louise qui le cache dans un premier temps tandis que le Conseil de Guerre le condamne à mort comme déserteur, par contumace. Recherché, Paul doit donc se terrer dans son appartement mais cet enfermement le rend fou. Un jour, désoeuvré, par jeu, il se déguise en femme avec les tenues de son épouse. C'est alors qu'une idée lui vient et qu'il ose l'impensable : il rase sa moustache, se maquille soigneusement, enfile une perruque, revêt une des robes de sa femme et sort arpenter les rues de la capitale. Aidé par une silhouette mince et la mode féminine de l'époque qui impose une silhouette androgyne, il trompe son monde et passe inaperçu. Enivré par cette liberté, il recommence... Cela devient une habitude, un jeu, et Paul le soldat des tranchées devient, avec la complicité de sa femme, Suzanne Langdard, coquette parisienne. Louise apprend à son mari à s'habiller, se maquiller, se tenir et comporter en femme. Une "supercherie" qui va durer… 10 ans ! 10 ans pendant lesquels Paul, sous l'identité de Suzanne, va retrouver sa liberté mais aussi découvrir un pan de sa personnalité qu'il ignorait… Fasciné par ce double féminin qu'il se découvre, Paul/Suzanne va tomber dans l'ambiguité, va prendre l'habitude de hanter les allées du bois de Boulogne pour y jouer les voyeurs et finalement s'adonner aux expériences sexuelles les plus diverses. Devenu une des "reines" de la nuit, Paul/Suzanne s'adonne à l'échangisme, la prostitution, la bisexualité.

L'ancien soldat vivra donc en femme jusqu'en 1925 : à cette date, le gouvernement décrète une amnistie complète pour les déserteurs, la comédie n'a plus lieu d'être, Suzanne peut redevenir Paul et ce dernier se fait radier des contrôles de désertion. Son histoire, alors révélée, déchaîne les passions, les journaux s'en emparent, en font leurs gros titres. Mais le retour à sa véritable identité est difficile, son couple et sa complicité avec sa femme n'y survivront pas. Déstabilisé, soudain mis en pleine lumière, Paul devient violent, sombre dans l'alcool. Un soir de juillet 1928, au cours d'une violente dispute, sa femme Louise le tue d'un coup de révolver. Elle plaide la légitime défense mais la police la soupçonne d'avoir prémédité son geste. Elle est pourtant acquittée l'année suivante, après un procès retentissant qui tient tout le pays en haleine. Elle se remarie et meurt en 1981.

Personnage des plus atypiques que cet homme marié devenu déserteur et qui va découvrir une part de lui-même qu'il ignorait avec l'aide et la complicité de sa femme. Au-delà de l'aspect sexuel et ambigu de Paul/Suzanne, il reste l'histoire étonnante et vraie du déserteur recherché qui trompa son monde, déguisé et vivant en femme à la vue de tous, pendant 10 ans…
L'auteur de BD Chloé Gruchaudet a adapté son histoire en BD (album titré Le mauvais genre) et a décroché le grand prix du festival de la BD d'Angoulême. Une histoire racontée également dans le livre La garçonne et l'assassin.

Calonne a écrit: l'histoire étonnante et vraie du déserteur recherché qui trompa son monde, déguisé et vivant en femme à la vue de tous.

Drôle d'histoire ...
Voilà qui n'est pas sans nous rappeler Gerda Wegener et Lili Elbe, née Einar Wegener.
Notre sujet :
https://marie-antoinette.forumactif.org/t4213-einar-et-gerda-wegener-a-versailles?highlight=wegener

... ou bien-sûr la chevalière Lya de Beaumont .
Notre sujet :
https://marie-antoinette.forumactif.org/t391-charles-d-eon-de-beaumont-dit-le-chevalier-d-eon?highlight=chevalier

Le parallèle avec le chevalier d'Eon est inévitable, même si les deux personnages et leur histoire sont bien différentes.

Ce que je trouve fou, c'est que Paul a réussi à tromper son monde pendant 10 ans. Il ne sortait majoritairement que la nuit, pour éviter d'être reconnu car, ne l'oublions pas, si on le reconnaissait et on l'arrêtait, c'était le peloton d'exécution…
Après, sans être psychologue, je pense que se cacher comme ça, être toujours sur le qui-vive, toujours redouter d'être reconnu ou de se trahir, pendant 10 ans, toujours faire attention, doit quand-même vous chambouler un homme… A moins qu'à la fin, cela ne devienne un jeu, dangereux mais peut-être excitant aussi.
Quant à tout le reste, ses expériences, le travestissement et sa vie sexuelle sous son identité de Suzanne, je me refuse à juger, chacun verra midi à sa porte comme on dit...

Le parallèle avec Einar Wegener est peut-être encore plus étroit qu'avec le chevalier d'Eon, en ce que Einar bénéficie lui aussi de la complicité de sa femme .