Pierre de Jélyotte (ou Jéliote, Jéliotte), chanteur et compositeur (1713-1797)
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Pierre de Jélyotte (ou Jéliote, Jéliotte), chanteur et compositeur (1713-1797)
C'est un portrait - à première vue, peu commun, présenté prochainement en vente aux enchères, qui me donne l'idée de l'ouverture de ce petit sujet biographique.
Un pastel, attribué au père de Mme Vigée-Le Brun :
Portrait de Pierre de JELYOTTE (1713-1797)
Attribué à Louis Vigée
Pastel sur deux feuilles assemblées.
58 x 47 cm.
Provenance : Vente Ader Tajan, Drouot le 31 mars 1993, n°68 comme Ecole française du XVIIIe siècle
Bibliographie : Dictionnary of Pastellists, N.Jeffares, n°J.758.254 comme attribué à Louis Vigée
Expert : Cabinet De Bayser
* Source et infos complémentaires : Arvor Enchères, Dorothée Galludec (Lorient) - Vente du 7 mars 2020
Qui est notre homme, à la tenue si particulière ?
BIOGRAPHIE N°1
Le Chanteur Pierre de Jelyotte dans le rôle de la Nymphe Platée
Charles-Antoine Coypel
Huile sur toile, 18e siècle
Le Chanteur Pierre de Jelyotte dans le rôle de la Nymphe Platée dans l'Opéra-bouffe de Rameau " Platée ou Junon jalouse"
Image : RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / René-Gabriel Ojéda
Pierre de Jélyotte (1713 - 1797)
Jéliote, Jéliot, Jéliotte.
Né à Lasseube le 13 avril 1713, mort le 12 octobre 1797 au château Labat à Estos, il est le second des six enfants de Joseph de Grichon, un négociant en laines et de Magdeleine de Mauco.
Le nom de Jéliote est emprunté à celui d'un domaine possédé par la famille.
Il est enfant de chœur à Lasseube, puis reçoit ses premières leçons de musique à Betharram, avant d'étudier le chant, le clavecin, la guitare, le violoncelle et la composition à la maîtrise de Saint-Étienne de Toulouse.
Il aurait été remarqué par Prince de Carignan, inspecteur général de l'Opéra. Il est à Paris en 1733, où il fait ses débuts à l'Opéra en octobre dans le rôle de l'Amour d'Hippolyte et Aricie de Jean-Philipe Rameau, puis il enchaîne les rôles secondaires.
En 1738, suite au départ du haute-contre Tribou, il assume le rôle principal dans une reprise d'Atys de Lullly. Il crée par la suite de nombreux rôles importants dans les opéras de Jean-Philippe Rameau, souvent avec la soprano Marie Fell, avec laquelle il chante dans Daphnie et Alvimare de Mondonville, sur un livret écrit en occitan.
Ils tiendront les rôles de Colin et de Colette dans le Devin du village de Jean-Jacques Rousseau.
En 1745, il est nommé professeur de guitare du roi, et se produit souvent à la cour. Sa comédie-ballet Zeliska est créée à Versailles en 1746.
Pierre de Jéliotte
Attribué à Pierre-henri Danloux (?)
Huile sur toile
Image : Etude Gestas Carrère
Il est nommé premier violoncelliste du Théâtre des Petits Appartements de Madame de Pompadour.
Il apparaît souvent au Concert spirituel où il interprète l'un de ses motets (perdu) ou ceux de Mondonville ; il crée encore Daphnis et Alcimadure, « pastorale languedocienne » de Mondonville, et le 15 mars 1755, il fait ses adieux à la scène de l'Opéra dans Castor et Pollux, mais continue à se produire dans des soirées, notamment chez le prince de Conti, à la cour de Versailles et de Fontainebleau.
Mr. Jeylliot dans le rôle de Dardanus
Boquet Louis-René (1717-1814), peintre de costumes
Dardanus : tragédie lyrique en 5 actes et un prologue / livret de Charles-Antoine Le Clerc de la Bruère et Nicolas-René Joliveau.
Oeuvre de Jean-Philippe Rameau (1683-1764).. Librettiste : Le Clerc de la Bruère, Charles-Antoine (1714-1754)
Image : BNF, Dist. RMN-Grand Palais
Il est une dernière fois sur scène le 9 novembre 1765 dans le rôle de Zamnis, d'Erosine de Berton. Il se retire dans son hôtel d'Oloron, puis au château Labat à Estos appartenenant à sa famille par alliance.
Il atteignait une très haute tessiture avec agilité.
Des rôles écrits pour Tribou ont été réécrits pour lui, l'air « Règne amour, lance tes traits » dans Zaïs de Rameau (Livret Cahusac) lui est destiné (créé le 29 février 1748). Il a contribué aux succès des opéras de Rameau.
* Source : Musicologie.org - Pierre de Jélyotte
BIOGRAPHIE N° 2 (Extraits) :
Pierre de Jélyotte in the Role of Apollo
By Louis Toqué
Oil on canvas, 1755
Image : The State Hermitage Museum
Pierre de Jélyotte (1713 - 1797)
(...)
Neveu d'un chanoine de Toulouse, enfant de choeur et attaché aux archives du chapitre, il fut emmené à Paris par un grand seigneur que sa voix avait charmé et qui voulut faire la fortune du jeune virtuose.
Jélyotte débuta vers l'âge de 17 ans à l'Opéra; et jusqu'en 1756, époque de sa retraite, son succès alla toujours en croissant. C'est du moins Dufort de Cheverny qui l'affirme.
Toutefois, un incident imprévu faillit interrompre la carrière de l'artiste. Au dire des Nouvelles de la Cour el de la Ville, l'intendant des finances Fagon, fils du premier médecin de Louis XIV, avait proposé en 1738 à Jélyotte un emploi de quatre mille livres en province : c'était une place de commis.
Le ténor de ce temps-là, car notre chanteur avait « le timbre d'une haute-contre parfaite », ne touchait pas des cachets quotidiens de dix mille francs ; Jélyotte avait débuté à 2.100 livres par an ; et ses appointements ne dépassèrent jamais cinq mille. Donc l'offre de Fagon était séduisante, d'autant qu'à cette époque l'Opéra, toujours fort obéré, ne payait pas très exactement ses artistes. Heureusement Jélyotte repoussa les présents d'Artaxerce.
Son éducation musicale se fit avec une certaine lenteur. Le journaliste de la Cour et de la Ville, qui ne paraît pas manquer de compétence en la matière, disait que depuis 1735 les « cadences » de Jélyotte s'étaient fort adoucies et que « sa voix ne venait plus du nez, mais de la gorge ».
Portrait of Pierre de Jélyotte, half-length, in a blue coat
Louis Vigée
Pastel, with inscription 'Pierre Jeliote Comédien' on the backing
18th century
Image : Christie's
Dufort de Cheverny le proclame « le premier chanteur de l'Europe » et « les délices de la Cour et de la Ville ».
Quand il paraissait, s'écrie cet ami enthousiaste, c'était un silence religieux dans toute la salle. Certaines notes chez lui avaient « le son d'une cloche d'argent». Sa diction était très nette et très distincte. Mais sa voix avait une telle puissance qu'elle couvrait les choeurs du Zoroastrede Rameau. Tout Paris courait l'entendre dans le Pygmalion du même auteur, alors que Jélyotte, au milieu des grondements du tonnerre, lançait son fameux : « Ciel ! Thémire expire dans mes bras ! »
Ce n'était pas qu'il eût toutes les séductions. On sait que les ténors ont parfois à se plaindre de dame Nature. Jélyotte, lui, était petit et mal fait, mais ses yeux jetaient des flammes.
Il avait un caractère aimable et doux ; et les succès de tout genre qu'il rencontrait dans les rangs de la haute société ne le rendaient ni aussi vain, ni aussi fat que le prétendent ses contemporains.
Il vivait dans l'intimité de la duchesse de Luxembourg et du prince de Conti : dans le fameux tableau du Thé à l'Anglaise, représentant une soirée au Temple, c'est lui que le peintre nous montre, assis devant le clavecin. (Non, c'est le tout jeune Mozart qui est au clavecin ; Jélyotte est le personage représenté avec une guitare).
Le Thé à l'anglaise, servi dans le salon des Quatre-Glaces au Palais du Temple, mai 1766
Michel-Barthélémy Olliver
Huile sur toile, 1766
Commandé en 1766 par le prince de Conti pour son palais du Temple à Paris, ou pour son château de l'Isle-Adam
Image : Château de Versailles, Dist. RMN / Christophe Fouin
A Chanteloup, le superbe château où le duc de Choiseul donna si longtemps à la France le spectacle de sa fastueuse disgrâce, Jélyotte fut toujours traité sur le pied de l'égalité.
Il était la joie des soupers mondains quand il y chantait ses plus remarquables duos avec Lagarde, une basse profonde.
Il songea donc à prendre sa retraite en 1753. Ce fut un deuil général à la Cour. Pour que Jélyotte restât encore deux ans à l'Opéra, ses abonnés convinrent de réunir entre eux un capital de cent mille livres qui assurerait un revenu annuel de dix mille à l'artiste.
Nous ignorons si cette combinaison réussit; ce qui est certain, c'est que Jélyotte se retira en 1755, disent ses biographes, en 1756, assure Dufort de Cheverny.
Portrait supposé de Pierre de Jélyotte
Charles-André van Loo, dit Carle van Loo
Huile sur toile
Image : BnF, Dist. RMN-Grand Palais / image BnF
Le chiffre exact de sa pension de retraite n'est guère mieux connu, 1.200 livres, prétendent les uns, 2,500 affirment les autres. En tout cas, ce n'était pas sa seule ressource, comme le déclare l'un d'entre eux. Dufort de Cheverny réduit à néant ces allégations par les renseignements qu'il tient de l'intéressé même.
Jélyotte, loin d'être dans la misère, avait une très respectable fortune, grâce à certaine part que le financier La Borde, son obligé, paraît-il, lui avait déléguée sur l'ensemble de ses opérations. Il avait une belle propriété à Oloron, où il devait passer le reste de ses jours et où ses goûts éclairés de bibliophile avaient su former une magnifique bibliothèque composée de partitions et d'ouvrages italiens.
En quittant l'Opéra, il y laissait non seulement le renom d'artiste hors pair, mais encore la réputation fort enviée, quoique moins glorieuse, d'homme à bonnes fortunes.
Par respect sans doute pour la mémoire de son ami, Dufort de Cheverny glisse légèrement sur des aventures galantes qui étaient connues de tous.
(...)
Cependant Jélyotte vivait dans la solitude et dans l'oublia Oloron. Il avait marié une de ses nièces à un Navailles et il consacrait ses derniers jours au culte d'un art qui avait fait l'occupation et le bonheur de sa vie. Il jouait de tous les instruments : il était même devenu bon compositeur, dit Dufort de Cheverny, communiquant ses chansons à Laborde, amateur et musicien comme lui.
(...)
* Source extrait de : Le Ménetrel, N°3651 (1901), par Paul d'Estrées / Musicologie.org
Chanteur favori de la Pompadour et de Louis XV, il décide de revenir en Béarn après sa carrière. Il s’installe d’abord à Oloron, en 1779, dans sa maison du Marcadet puis, à la fin de sa vie, chez sa nièce Thérèse de Fondeire, mariée à Jean-Pierre de Mauco, au château Labat où il meurt à l’âge de 84 ans. Il est enterré dans l’église d’Estos.
La maison Labat, à Estos
Ancienne abbaye laïque acquise en 1736 par l'oncle de Pierre Jéliote
Source : Mediathèque des Gaves / Bibliothèque numérique des Pyrénées béarnaises
Le monument érigé en l'honneur du chanteur, en 1901, dans le parc Beaumont, à Pau. Statue en bronze, de Paul Ducuing, saisie pour être fondue par les nazis en 1942.
Pierre de Jélyotte
D'après la statue de Paul Ducuing
Bronze doré
François Barbedienne (fondeur)
Image : LiveAuctioneers
Un pastel, attribué au père de Mme Vigée-Le Brun :
Portrait de Pierre de JELYOTTE (1713-1797)
Attribué à Louis Vigée
Pastel sur deux feuilles assemblées.
58 x 47 cm.
Provenance : Vente Ader Tajan, Drouot le 31 mars 1993, n°68 comme Ecole française du XVIIIe siècle
Bibliographie : Dictionnary of Pastellists, N.Jeffares, n°J.758.254 comme attribué à Louis Vigée
Expert : Cabinet De Bayser
* Source et infos complémentaires : Arvor Enchères, Dorothée Galludec (Lorient) - Vente du 7 mars 2020
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Qui est notre homme, à la tenue si particulière ?
BIOGRAPHIE N°1
Le Chanteur Pierre de Jelyotte dans le rôle de la Nymphe Platée
Charles-Antoine Coypel
Huile sur toile, 18e siècle
Le Chanteur Pierre de Jelyotte dans le rôle de la Nymphe Platée dans l'Opéra-bouffe de Rameau " Platée ou Junon jalouse"
Image : RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / René-Gabriel Ojéda
Pierre de Jélyotte (1713 - 1797)
Jéliote, Jéliot, Jéliotte.
Né à Lasseube le 13 avril 1713, mort le 12 octobre 1797 au château Labat à Estos, il est le second des six enfants de Joseph de Grichon, un négociant en laines et de Magdeleine de Mauco.
Le nom de Jéliote est emprunté à celui d'un domaine possédé par la famille.
Il est enfant de chœur à Lasseube, puis reçoit ses premières leçons de musique à Betharram, avant d'étudier le chant, le clavecin, la guitare, le violoncelle et la composition à la maîtrise de Saint-Étienne de Toulouse.
Il aurait été remarqué par Prince de Carignan, inspecteur général de l'Opéra. Il est à Paris en 1733, où il fait ses débuts à l'Opéra en octobre dans le rôle de l'Amour d'Hippolyte et Aricie de Jean-Philipe Rameau, puis il enchaîne les rôles secondaires.
En 1738, suite au départ du haute-contre Tribou, il assume le rôle principal dans une reprise d'Atys de Lullly. Il crée par la suite de nombreux rôles importants dans les opéras de Jean-Philippe Rameau, souvent avec la soprano Marie Fell, avec laquelle il chante dans Daphnie et Alvimare de Mondonville, sur un livret écrit en occitan.
Ils tiendront les rôles de Colin et de Colette dans le Devin du village de Jean-Jacques Rousseau.
En 1745, il est nommé professeur de guitare du roi, et se produit souvent à la cour. Sa comédie-ballet Zeliska est créée à Versailles en 1746.
Pierre de Jéliotte
Attribué à Pierre-henri Danloux (?)
Huile sur toile
Image : Etude Gestas Carrère
Il est nommé premier violoncelliste du Théâtre des Petits Appartements de Madame de Pompadour.
Il apparaît souvent au Concert spirituel où il interprète l'un de ses motets (perdu) ou ceux de Mondonville ; il crée encore Daphnis et Alcimadure, « pastorale languedocienne » de Mondonville, et le 15 mars 1755, il fait ses adieux à la scène de l'Opéra dans Castor et Pollux, mais continue à se produire dans des soirées, notamment chez le prince de Conti, à la cour de Versailles et de Fontainebleau.
Mr. Jeylliot dans le rôle de Dardanus
Boquet Louis-René (1717-1814), peintre de costumes
Dardanus : tragédie lyrique en 5 actes et un prologue / livret de Charles-Antoine Le Clerc de la Bruère et Nicolas-René Joliveau.
Oeuvre de Jean-Philippe Rameau (1683-1764).. Librettiste : Le Clerc de la Bruère, Charles-Antoine (1714-1754)
Image : BNF, Dist. RMN-Grand Palais
Il est une dernière fois sur scène le 9 novembre 1765 dans le rôle de Zamnis, d'Erosine de Berton. Il se retire dans son hôtel d'Oloron, puis au château Labat à Estos appartenenant à sa famille par alliance.
Il atteignait une très haute tessiture avec agilité.
Des rôles écrits pour Tribou ont été réécrits pour lui, l'air « Règne amour, lance tes traits » dans Zaïs de Rameau (Livret Cahusac) lui est destiné (créé le 29 février 1748). Il a contribué aux succès des opéras de Rameau.
* Source : Musicologie.org - Pierre de Jélyotte
BIOGRAPHIE N° 2 (Extraits) :
Pierre de Jélyotte in the Role of Apollo
By Louis Toqué
Oil on canvas, 1755
Image : The State Hermitage Museum
Pierre de Jélyotte (1713 - 1797)
(...)
Neveu d'un chanoine de Toulouse, enfant de choeur et attaché aux archives du chapitre, il fut emmené à Paris par un grand seigneur que sa voix avait charmé et qui voulut faire la fortune du jeune virtuose.
Jélyotte débuta vers l'âge de 17 ans à l'Opéra; et jusqu'en 1756, époque de sa retraite, son succès alla toujours en croissant. C'est du moins Dufort de Cheverny qui l'affirme.
Toutefois, un incident imprévu faillit interrompre la carrière de l'artiste. Au dire des Nouvelles de la Cour el de la Ville, l'intendant des finances Fagon, fils du premier médecin de Louis XIV, avait proposé en 1738 à Jélyotte un emploi de quatre mille livres en province : c'était une place de commis.
Le ténor de ce temps-là, car notre chanteur avait « le timbre d'une haute-contre parfaite », ne touchait pas des cachets quotidiens de dix mille francs ; Jélyotte avait débuté à 2.100 livres par an ; et ses appointements ne dépassèrent jamais cinq mille. Donc l'offre de Fagon était séduisante, d'autant qu'à cette époque l'Opéra, toujours fort obéré, ne payait pas très exactement ses artistes. Heureusement Jélyotte repoussa les présents d'Artaxerce.
Son éducation musicale se fit avec une certaine lenteur. Le journaliste de la Cour et de la Ville, qui ne paraît pas manquer de compétence en la matière, disait que depuis 1735 les « cadences » de Jélyotte s'étaient fort adoucies et que « sa voix ne venait plus du nez, mais de la gorge ».
Portrait of Pierre de Jélyotte, half-length, in a blue coat
Louis Vigée
Pastel, with inscription 'Pierre Jeliote Comédien' on the backing
18th century
Image : Christie's
Dufort de Cheverny le proclame « le premier chanteur de l'Europe » et « les délices de la Cour et de la Ville ».
Quand il paraissait, s'écrie cet ami enthousiaste, c'était un silence religieux dans toute la salle. Certaines notes chez lui avaient « le son d'une cloche d'argent». Sa diction était très nette et très distincte. Mais sa voix avait une telle puissance qu'elle couvrait les choeurs du Zoroastrede Rameau. Tout Paris courait l'entendre dans le Pygmalion du même auteur, alors que Jélyotte, au milieu des grondements du tonnerre, lançait son fameux : « Ciel ! Thémire expire dans mes bras ! »
Ce n'était pas qu'il eût toutes les séductions. On sait que les ténors ont parfois à se plaindre de dame Nature. Jélyotte, lui, était petit et mal fait, mais ses yeux jetaient des flammes.
Il avait un caractère aimable et doux ; et les succès de tout genre qu'il rencontrait dans les rangs de la haute société ne le rendaient ni aussi vain, ni aussi fat que le prétendent ses contemporains.
Il vivait dans l'intimité de la duchesse de Luxembourg et du prince de Conti : dans le fameux tableau du Thé à l'Anglaise, représentant une soirée au Temple, c'est lui que le peintre nous montre, assis devant le clavecin. (Non, c'est le tout jeune Mozart qui est au clavecin ; Jélyotte est le personage représenté avec une guitare).
Le Thé à l'anglaise, servi dans le salon des Quatre-Glaces au Palais du Temple, mai 1766
Michel-Barthélémy Olliver
Huile sur toile, 1766
Commandé en 1766 par le prince de Conti pour son palais du Temple à Paris, ou pour son château de l'Isle-Adam
Image : Château de Versailles, Dist. RMN / Christophe Fouin
A Chanteloup, le superbe château où le duc de Choiseul donna si longtemps à la France le spectacle de sa fastueuse disgrâce, Jélyotte fut toujours traité sur le pied de l'égalité.
Il était la joie des soupers mondains quand il y chantait ses plus remarquables duos avec Lagarde, une basse profonde.
Il songea donc à prendre sa retraite en 1753. Ce fut un deuil général à la Cour. Pour que Jélyotte restât encore deux ans à l'Opéra, ses abonnés convinrent de réunir entre eux un capital de cent mille livres qui assurerait un revenu annuel de dix mille à l'artiste.
Nous ignorons si cette combinaison réussit; ce qui est certain, c'est que Jélyotte se retira en 1755, disent ses biographes, en 1756, assure Dufort de Cheverny.
Portrait supposé de Pierre de Jélyotte
Charles-André van Loo, dit Carle van Loo
Huile sur toile
Image : BnF, Dist. RMN-Grand Palais / image BnF
Le chiffre exact de sa pension de retraite n'est guère mieux connu, 1.200 livres, prétendent les uns, 2,500 affirment les autres. En tout cas, ce n'était pas sa seule ressource, comme le déclare l'un d'entre eux. Dufort de Cheverny réduit à néant ces allégations par les renseignements qu'il tient de l'intéressé même.
Jélyotte, loin d'être dans la misère, avait une très respectable fortune, grâce à certaine part que le financier La Borde, son obligé, paraît-il, lui avait déléguée sur l'ensemble de ses opérations. Il avait une belle propriété à Oloron, où il devait passer le reste de ses jours et où ses goûts éclairés de bibliophile avaient su former une magnifique bibliothèque composée de partitions et d'ouvrages italiens.
En quittant l'Opéra, il y laissait non seulement le renom d'artiste hors pair, mais encore la réputation fort enviée, quoique moins glorieuse, d'homme à bonnes fortunes.
Par respect sans doute pour la mémoire de son ami, Dufort de Cheverny glisse légèrement sur des aventures galantes qui étaient connues de tous.
(...)
Cependant Jélyotte vivait dans la solitude et dans l'oublia Oloron. Il avait marié une de ses nièces à un Navailles et il consacrait ses derniers jours au culte d'un art qui avait fait l'occupation et le bonheur de sa vie. Il jouait de tous les instruments : il était même devenu bon compositeur, dit Dufort de Cheverny, communiquant ses chansons à Laborde, amateur et musicien comme lui.
(...)
* Source extrait de : Le Ménetrel, N°3651 (1901), par Paul d'Estrées / Musicologie.org
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Chanteur favori de la Pompadour et de Louis XV, il décide de revenir en Béarn après sa carrière. Il s’installe d’abord à Oloron, en 1779, dans sa maison du Marcadet puis, à la fin de sa vie, chez sa nièce Thérèse de Fondeire, mariée à Jean-Pierre de Mauco, au château Labat où il meurt à l’âge de 84 ans. Il est enterré dans l’église d’Estos.
La maison Labat, à Estos
Ancienne abbaye laïque acquise en 1736 par l'oncle de Pierre Jéliote
Source : Mediathèque des Gaves / Bibliothèque numérique des Pyrénées béarnaises
Le monument érigé en l'honneur du chanteur, en 1901, dans le parc Beaumont, à Pau. Statue en bronze, de Paul Ducuing, saisie pour être fondue par les nazis en 1942.
Pierre de Jélyotte
D'après la statue de Paul Ducuing
Bronze doré
François Barbedienne (fondeur)
Image : LiveAuctioneers
La nuit, la neige- Messages : 18132
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Pierre de Jélyotte (ou Jéliote, Jéliotte), chanteur et compositeur (1713-1797)
Merci, cher la nuit, la neige, pour cette intéressante biographie de Jélyotte .
... le pastel :
Acheté à l’hôtel Drouot en 1993 comme d’une école du XVIIIe siècle, ce pastel a été depuis attribué à Louis Vigée. Ce dernier est loin d’être un inconnu, son nom en évoquant un autre, aujourd’hui plus célèbre, celui de sa fille, Élisabeth Vigée-Le Brun, grande portraitiste du siècle des Lumières, notamment de la reine Marie-Antoinette. Louis Vigée l’encouragea vivement, lui disant alors qu’elle n’avait que 8 ans : «Tu es née peintre mon enfant ou il n’en sera jamais !». Lui-même membre et professeur de l’académie de Saint-Luc, il fréquente tous les artistes de son temps, qu’il portraiture dans sa technique de prédilection, le pastel. Comme il se doit, il va régulièrement assister à des spectacles. C’est peut-être lors de l’un d’entre eux qu’il rencontra le chanteur, musicien et compositeur Pierre de Jélyotte. Formé à la maîtrise de Saint-Étienne de Toulouse, ce dernier fait ses débuts à l’Opéra de Paris en 1733. Membre de l’Académie royale de musique, il devient premier violoncelliste du Théâtre des petits appartements de Madame de Pompadour et, en 1745, le professeur de guitare du roi. Il se produit souvent à la cour. Pour lui, Jean-Philippe Rameau a composé un grand nombre de ses airs pour haute-contre, cette voix masculine à la tessiture plus aiguë que celle de ténor. Juste retour, avec la soprano Marie Fell, Pierre de Jélyotte contribua au succès du compositeur. Charles Antoine Coypel a également réalisé un portrait du chanteur, cette fois en costume de Platée, une comédie lyrique, ou ballet bouffon, de Rameau (musée du Louvre).
https://www.gazette-drouot.com/vente/tableaux-anciens-modernes-et-contemporains-mobilier-et-objets-d-art-argenterie-art-d-asie-desig/104688?showAgenda=true
Est-ce que, curieusement, Jelyotte et le chevalier d'Aydie ne se ressemblent pas comme deux frères ?!
_________________
... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
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