Claude Martin, l'aventurier des Indes
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Claude Martin, l'aventurier des Indes
Dupleix et Lally-Tollendal occupent une place incontournable dans l'histoire de l'Inde française. Au point d'éclipser certains autres français qui furent pourtant des acteurs majeurs de l'époque. Claude Martin, surnommé "Martin Lion", est de ceux-là.
Né à Lyon le 4 janvier 1735, celui qui n'est qu'un simple fils de tisserand va devenir aventurier, voyageur, explorateur, homme d'affaires, pour finir en seigneur indien.
Avide d'aventures, notre apprenti tisserand s'engage en 1751 dans la Compagnie française des Indes Orientales et embarque pour Pondichéry où il débarque l'année suivante. Il sert la compagnie et découvre l'Inde, qui le fascine et dont il tombe progressivement amoureux. Lucide, pragmatique, il réalise vite que l'Inde française va s'effondrer et il se rapproche de l'Angleterre avant d'offrir ses services à la Compagnie anglaise des Indes Orientales. Il s'engage donc résolument du côté des anglais mais refuse la nationalité britannique, tenant à rester français. Ce qui lui vaut de toucher moins que ses camarades officiers anglais. Ce qui ne l'empêche pas de gravir rapidement tous les échelons, capitaine, colonel, major général…
En cette période confuse, il va, il vient, fréquente Rajahs et Nababs, commerce, explore, découvre… Nommé percepteur, il se fait aussi géomètre et effectue des relevés cartographiques au service de la Compagnie. Il découvre Lucknow, ville qu'il aime tant qu'il s'y installe définitivement. C'est là qu'il créé un système d'assurance sur les transports de marchandises qui connaît le succès et lui permet d'accumuler rapidement une fortune colossale. Il se fait bâtir un palais immense et fastueux, qui existe toujours, Constantia, s'entoure d'un harem fourni, adopte une petite fille indienne, devient directeur des arsenaux de la ville…
C'est à cette époque qu'apparaissent également des pierres dans sa vessie, problème de santé qui ne le quittera plus désormais. Devenu le véritable seigneur de Lucknow, homme passionné de sciences et de modernité, il y fait évoluer une montgolfière en 1785, provoquant la stupeur des indiens. Encore plus fort : notre homme s'opère lui-même de ses calculs à la vessie, parvenant à les extraire par voies naturelles ! Il envoie même au Collège Royal de chirurgie de Londres un compte-rendu sur la façon dont il a procédé mais là-bas, on refuse de croire qu'il ait réussi à s'opérer tout seul.
En 1791, il participe à la troisième guerre du Mysore où il combat avec bravoure avant de rentrer à Lucknow. C'est là qu'il apprend les évènements survenus en France. Il décide alors de rester en Inde, devenu son pays et où il veut finir sa vie. Miné par le retour de ses calculs, il n'en combat pas moins à nouveau en 1794 contre les Rohillas.
Mais sa santé se dégrade, la fin approche et Claude Martin meurt en 1800, à 65 ans. Dans son testament, il lègue à ses nombreuses femmes des sommes fabuleuses, de même qu'à la ville de Lucknow et à Lyon, sa ville natale. Il prévoit également la création de cinq écoles qui porteront son nom (la Martinière), deux à Lucknow, deux à Calcutta et une à Lyon. Ces écoles, pour filles et pour garçons, existent toujours. Mais l'Inde n'en a pas terminé avec notre aventurier… Son palais devient en 1857 le siège des mutinés de la Révolte des Cipayes. Ces derniers, sachant que l'ancien maître des lieux était fabuleusement riche, profanent son tombeau et sa dépouille, persuadés que l'aventurier s'était fait enterrer avec un trésor immense. Dépités de ne rien trouver, ils jettent ses restes à la rivière. Les anglais, après avoir repris la ville et respectueux de celui qui avait tant fait pour eux, récupèrent la dépouille et la réinstallent dans son tombeau.
Personnage ambigu, aventurier parti de rien pour devenir seigneur dans un pays lointain, ayant délaissé la France pour l'Angleterre mais ayant toujours refusé la nationalité britannique, homme de progrès et audacieux, Claude Martin Lion fût probablement l'européen le plus riche de l'époque en Inde. Son souvenir y reste très présent, comme à Lyon, sa ville natale, où rues et place portent son nom sans oublier son école.
Le palais de Constantia, qui abrite son école devenu collège. Pour l'anecdote, c'est ici que Kipling situa l'enfance de son héros Kim.
(source : lamartinierelucknow.org)
Calonne- Messages : 1098
Date d'inscription : 01/01/2014
Age : 52
Localisation : Un manoir à la campagne
Re: Claude Martin, l'aventurier des Indes
Quelle histoire extraordinaire !!! ... et quel palais incroyable, que dis-je, tentaculaire !!!
Elles existent toujours en tant qu'écoles ?!
Si oui, bravo ! L'oeuvre de Martin lui a survécu.
La Révolte des Cipayes ( 1954 ) est l'un des films qui ont marqué mon enfance. La vraie révolte a donc débuté dans ce palais dont tu nous postes la photo ! C'est formidable : tous tes posts nous font vivre des aventures dingues . Avec toi, pas de confinement ! des horizons, exotiques toujours, et des destins humains hors norme.
Tu nous gâtes, mon cher Calonne !!! Merci !!!
Calonne a écrit: Il prévoit également la création de cinq écoles qui porteront son nom (la Martinière), deux à Lucknow, deux à Calcutta et une à Lyon. Ces écoles, pour filles et pour garçons, existent toujours.
Elles existent toujours en tant qu'écoles ?!
Si oui, bravo ! L'oeuvre de Martin lui a survécu.
La Révolte des Cipayes ( 1954 ) est l'un des films qui ont marqué mon enfance. La vraie révolte a donc débuté dans ce palais dont tu nous postes la photo ! C'est formidable : tous tes posts nous font vivre des aventures dingues . Avec toi, pas de confinement ! des horizons, exotiques toujours, et des destins humains hors norme.
Tu nous gâtes, mon cher Calonne !!! Merci !!!
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... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55309
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Claude Martin, l'aventurier des Indes
Ces écoles existent toujours effectivement.
Celle de Calcutta, avec école pour filles et pour garçons a été créée en 1836, selon les dernières volontés de Claude Martin. Ecole privée gérée par l'Eglise protestante d'Inde du Nord, elle est encore aujourd'hui un des établissements les plus réputés du pays.
Celle de Lucknow ouvre en 1845 pour les garçons, en 1869 pour les filles.
Celle de Lyon enfin ouvre en 1826 pour les garçons et en 1879 pour les filles.
Elles ont toutes pour devise Labore et constantia, "Par le travail et la persévérance".
Parmi les élèves prestigieux qui en sont issus, on notera Gul Hassan Khan, chef d'Armée pakistanaise, Rajendra Kumar Pachauri, prix Nobel de la Paix 2007, Roland Vardanega, ancien président du directoire de PSA Peugeot Citroën, les deux frères Lumière (inventeurs du cinéma), Tony Garnier, architecte et urbaniste lyonnais…
Notons également que Claude Martin n'était pas le seul aventurier français envoûté par les mirages de l'Inde.
On trouvait également à ses côtés deux amis, Antoine-Louis Polier, ingénieur et orientaliste franco-suisse et Benoît de Boigne, aventurier savoyard.
Quand la Révolution éclate, contrairement à Martin, les deux hommes décident de rentrer en Europe et y connaîtront des fortunes diverses : Polier sera assassiné par des brigands (attirés par les richesses qu'il avait ramené des Indes) en 1795 et Boigne, réfugié en Angleterre, servira l'Empire avant de mourir en 1830, après avoir embelli et enrichi Chambéry, sa ville natale.
Je ferai prochainement un petit topo sur ces deux-là.
Celle de Calcutta, avec école pour filles et pour garçons a été créée en 1836, selon les dernières volontés de Claude Martin. Ecole privée gérée par l'Eglise protestante d'Inde du Nord, elle est encore aujourd'hui un des établissements les plus réputés du pays.
Celle de Lucknow ouvre en 1845 pour les garçons, en 1869 pour les filles.
Celle de Lyon enfin ouvre en 1826 pour les garçons et en 1879 pour les filles.
Elles ont toutes pour devise Labore et constantia, "Par le travail et la persévérance".
Parmi les élèves prestigieux qui en sont issus, on notera Gul Hassan Khan, chef d'Armée pakistanaise, Rajendra Kumar Pachauri, prix Nobel de la Paix 2007, Roland Vardanega, ancien président du directoire de PSA Peugeot Citroën, les deux frères Lumière (inventeurs du cinéma), Tony Garnier, architecte et urbaniste lyonnais…
Notons également que Claude Martin n'était pas le seul aventurier français envoûté par les mirages de l'Inde.
On trouvait également à ses côtés deux amis, Antoine-Louis Polier, ingénieur et orientaliste franco-suisse et Benoît de Boigne, aventurier savoyard.
Quand la Révolution éclate, contrairement à Martin, les deux hommes décident de rentrer en Europe et y connaîtront des fortunes diverses : Polier sera assassiné par des brigands (attirés par les richesses qu'il avait ramené des Indes) en 1795 et Boigne, réfugié en Angleterre, servira l'Empire avant de mourir en 1830, après avoir embelli et enrichi Chambéry, sa ville natale.
Je ferai prochainement un petit topo sur ces deux-là.
Dernière édition par Calonne le Dim 29 Mar 2020, 12:38, édité 1 fois
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J'ai oublié hier, je ne sais pas ce que sera demain, mais aujourd'hui je t'aime
Calonne- Messages : 1098
Date d'inscription : 01/01/2014
Age : 52
Localisation : Un manoir à la campagne
Re: Claude Martin, l'aventurier des Indes
Merci beaucoup, c'est passionnant. j'attends la suite avec impatience.
Marie-Jeanne- Messages : 1497
Date d'inscription : 16/09/2018
Re: Claude Martin, l'aventurier des Indes
Merci Calonne pour ce récit biographique !
Dommage que ce personnage n'ait pas écrit ses Souvenirs : au moins avait-il beaucoup à raconter !
Dommage que ce personnage n'ait pas écrit ses Souvenirs : au moins avait-il beaucoup à raconter !
La nuit, la neige- Messages : 18060
Date d'inscription : 21/12/2013
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