La fuite vers Montmédy et l'arrestation à Varennes, les 20 et 21 juin 1791

Plus Mme de Tourzel, tu imagines, il fallait bien que la berline soit spacieuse !

Il ne faut pas oublier que Marie-Antoinette et Louis XVI n'ont jamais de leur vie voyagé discrètement et sans étiquette. Ils étaient toujours suivi d'une escorte comptant au bas mot une centaine de personnes.
Pour eux ce devaient être le comble de la clandestinité alors que pour tout un chacun c'était très voyant.

Je reprends la citation de Mme de Tourzel:
« Nous voyagions dans une grande berline bien commode, mais qui n'avait rien d'extraordinaire, comme on s'est plu à le répéter depuis la triste issue de ce malheureux voyage. »

" ...   comme on s'est plu à le répéter "
Je crois entendre les ricanements des colporteurs de l'information visant à ridiculiser l'équipée royale .

J'ai vaguement entendu aux informations sur France-Inter que Mr Bern, très impliqué (ainsi que notre Président) dans la restauration du patrimoine français était appelé par le gouvernement pour mettre au point des projets de rénovation des vieilles pierres sur le territoire. Mais, peut-être que quelqu'un a mieux suivi l'information que moi et saura être plus précis.

La nuit, la neige a écrit:Je poursuis cet hors-sujet ici pour rappeler aussi que, initialement, Fersen avait conseillé de voyager de façon "rapide et discrète".
Il a insisté pour lever le pied sur la présence de troupes dans la région (ce qui, en effet, intrigua puis inquiéta la population locale), mais sous entendait aussi le nombre de "voyageurs" et leurs accompagnateurs.

Tu as tout à fait raison :

"  Il est difficile de dire si l'idée de poster des détachements revient à Bouillé ou au roi lui même. Bouillé assure dans ses mémoires que Louis lui a ordonné de les fournir. Comme il a lui même détruit les lettres qu'il a reçues du roi, nous ne connaîtrons jamais la vérité. Néanmoins Fersen fut soucieux des dangers présentés par ce plan et émit une mise en garde. " Tout devrait dépendre de la vitesse et de la discrétion", écrivit-il à Bouillé le 26 mai, " et si vous n'êtes pas sûr de vos détachements, il vaudrait mieux ne pas en avoir, ou seulement les placer après Varennes, afin qu'ils n'attirent pas l'attention dans le pays. "
La prémonition de Fersen est impressionnante, jusque dans son instinct de prévoir que la discipline des soldats ne survivrait pas à un contact rapproché avec la population.   "

( Munro Price  )

Fersen n'a pas été écouté, de même qu'à Bondy, lorsqu'il veut poursuivre avec eux.  

Et schpounk !  Je propulse cette nouvelle information .  
Merci, cher la nuit, la neige ...

La nuit, la neige a écrit:

Joachim Murat, alors sous-lieutenant du 12e régiment des Chasseurs à cheval (et futur roi de Naples et des Deux Siciles).


Joachim Murat, sous-lieutenant au 12e chasseurs en 1792
Jean-Baptiste Paulin Guérin, 1835.

Deux escadrons du 12e régiment des Chasseurs, dont le sien, étaient supposés être du dispositif qui protègerait Louis XVI et sa famille installés à Montmédy.

Le jeune Joachim racontera, dans une lettre à son frère, avoir visité les appartements prévus pour accueillir la famille royale.
Il défendra toutefois l'innocence de son escadron dont les hommes n'avaient pas été mis dans la confidence de la mission qui leur aurait été confiée, si tout ne s'était pas arrêté...à Varennes !

Comme quoi, c'est fou ce que ce tr.. de Varennes a changé le destin de l'Europe !
Du monde !!  

Dominique Poulin a écrit:Et bien moi aussi ! J'en suis renversé ! 
La source se trouve dans une biographie de Murat, LNLN ?

Il y avait des appartements prévus dans la place forte à Montmédy ? Je l'apprends, je l'apprends... 

Dominique Poulin a écrit:
La source se trouve dans une biographie de Murat, LNLN ?

Oui. J'ai lu cette anecdote dans ce livre, que nous avions présenté dans notre rubrique bibliographique :



Je cite quelques extraits :

François d'Urre de Molans a repris en main le 12e régiment de chasseurs après avoir succédé à Jacques de Menou (...).
C'est un corps de cavalerie relativement solide qu'il est amené à commander, formellement reconstitué en 1779 après quelques péripéties administratives, mais dont la rétrogradation au douzième rang a pu être mal vécue par l'ensemble de ses soldats.
Quoi qu'il en soit, la discipline y est maintenue, et dans l'ensemble, en dépit d'un mouvement de mutinerie en 1789, il est plutôt considéré comme loyaliste.

Deux de ses escadrons, dont celui de Murat, sont désignés par le marquis de Bouillé pour protéger Montmédy au moment où il met à exécution son plan d'évasion du roi, en 1791.
Le plan, contrarié par les évènements de Varennes, échoue.


La citadelle de Montmédy, aujourd'hui

Murat, qui a assisté aux évènements, les rapporte de manière assez simple et se montre préoccupé de la réputation du régiment.
Ses camarades le désignent aussitôt "député" pour plaider leur bonne foi et leur éviter d'être associés aux projets de Bouillé père et fils.

La fuite du marquis de Bouillé ne compromet cependant pas le régiment, qui se retrouve bientôt sur le front du Nord, une fois connue la déclaration de guerre (...)


La citadelle de Montmédy, aujourd'hui.

Dominique Poulin a écrit:Il y avait des appartements prévus dans la place forte à Montmédy ? Je l'apprends, je l'apprends... 

J'ai lu cette info sur le net cette fois-ci (en anglais) :

Murat gave an account of it in a letter to his elder brother Pierre, dated from Toul on 5 July, 1791.

He was very busy, he said, and living in the midst of general excitement, but he snatched a moment to write to "the best of brothers, whom he would always love".
He asked him to assure his father and mother that they need have no anxiety about him.
He was working hard for promotion, and would soon be made quartermaster.

"I have just come from Montmedy" [he continued] ,"three leagues from Varennes, where the King was arrested. I was deputed by my comrade to go to Montmedy to obtain information as to the position of other comrades of mine who were sent there on detachment.
Montmedy was to have received the King, and our regiment was to have guarded him. I saw the apartments prepared for him there.
I send you two speeches that we delivered. I made one, and our adjutant the other".

* Source, ici : https://archive.org/stream/joachimmuratmars00atteuoft/joachimmuratmars00atteuoft_djvu.txt


La citadelle de Montmédy, aujourd'hui.

Voici le reportage du voyage à Varennes, que nous avons fait cet été, Marie Antoinette, l'ami canadien et moi meme.
J'y ai joint quelques documents plus anciens, tels que: photos de 1991, clichés pris par Lenotre, gravures...
Voici l'aller. Successivement :
L’hotel d’Orfeuil, à Paris, où était remisée la berline.
Maisons à Vauchamps.
La berline.
Chaintrix: l’auberge et le relais, où s’est arrêtée la Famille Royale











Ensuite:
La Reine, avec la coiffe qu’elle portait.
Le pont où la berline a un accident, cause de retard.
Pont de Somme Vesles: les hussards ne sont pas au rendez-vous.
L’ancienne route aujourd’hui.
                       
                       








Ci-dessous :
Le relais d’Orbeval existe toujours. Le Roi est descendu, et a parlé aux paysans, en attendant les chevaux.
L’entrée dans la petite ville de Sainte Menehould.

Merci pour ces photos, mon cher Vicq.
L'auberge où Marie-Antoinette a été arrêtée existe-t-elle toujours ?

L'auberge du Bras d'Or, à proximité de laquelle la berline est arrêtée, n'existe plus. Tout comme la maison de Sauce, dans laquelle la famille royale est "priée" de se rendre.

Voir aussi, dans ce sujet sujet-ci, quelques images de Varennes et de ses ruines durant la première guerre mondiale : https://marie-antoinette.forumactif.org/t3870-l-enseigne-et-l-hotel-du-grand-monarque-a-varennes-en-argonne?highlight=Monarque

Oui, tu te souviens : chez Sauce nous avons vu un semblant de muret ...
Il fallait tout de même beaucoup d'imagination .
Décidément, ce soir nous brassons nos souvenirs !

Merci, cher Févicq, de nous emmener en voyage . Quelles furent les impressions de notre ami canadien ?
Etait-ce sa première fois ?

Mme de Sabran a écrit:
Oui, tu te souviens : chez Sauce nous avons vu un semblant de muret ...
Il fallait tout de même beaucoup d'imagination.

V'oui...


Source image : http://www.certiferme.com/blog/article-735-110163-perso-varennes-en-argonne55-la-maison-sauce.html


Source image : http://jacquotboileaualain.over-blog.com/2014/04/varennes-en-argonne-les-traces-de-la-famille-royale.html

Oui, c'était le premier "Varennes"pour notre ami. Il était époustouflé de voir autant de témoignages encore debouts, même si, à partir de l'Argonne, beaucoup de choses ont été détruites en 14-18.
Quant à Marie Antoinette, elle avait porté toute sa documentation, aussi n'avons nous manqué aucun relais...
Continuons par l'évocation de Varennes:

Ci-dessous : la voûte St Gengoult, sous laquelle s’arrêtera la berline, ce 21 juin 91, à 23 h.
Auparavant, elle avait fait une halte devant la maison Prefontaines, à l’entrée du village, ce qui avait permis à la Reine d’aller se rafraîchir (témoignage des descendants). La maison a été reconstruite (grosse maison de pierres).
Enfin, le café...Louis XVI, sur le pont fatidique, qu’ils ne franchiront jamais...

.
La ville basse de Varennes :
L’eglise.
L’auberge du Grand Monarque, où les troupes et les chevaux attendaient : état ancien, et état actuel
L’enseigne authentique est conservée au musée.

Puis la ville haute:
Le site de la maison Sauce, où la famille passera la nuit. Détruite aujourd’hui, voyez les photos anciennes.
On voit toujours la ruelle de la Vérade, par laquelle on propose au Roi de fuir.

J’ai retrouvé ceci : une carte d’époque des alentours de Varennes, semblable sans doute à celle dont disposaient les voyageurs de la berline.
Peu de chemins praticables dans cette contrée d’ Argonne, des défilés obscurs, des forêts profondes...

Je poste ici le commentaire de notre ami Vicq, en réponse à notre énigme du jeu de l'été :

Un mot sur Orbeval: le relais se situe sur le site de Valmy, un peu avant Ste Menehould.

Les chevaux ne sont pas prêts, aussi la berline doit attendre. On sait que le Roi descend, et va parler des récoltes avec les paysans...
Par miracle, le relais n’a pas été détruit lors de la 1e guerre mondiale. Il avait été question d’en faire un musée, puis une auberge. Il servit de brocante, avant d’être définitivement fermé.
La vieille enseigne est au musée de Chalons.
J’avais moi même réalisé la reproduction actuelle (à une lointaine époque...), qui se trouve toujours au dessus de la porte...

Ci-dessous, l’état actuel :

Vicq d Azir a écrit:
La vieille enseigne est au musée de Chalons.

Est-celle ci, qui illustrait votre énigme ?

Vicq d Azir a écrit:
Les chevaux ne sont pas prêts, aussi la berline doit attendre. On sait que le Roi descend, et va parler des récoltes avec les paysans...

Tout ! Il a tout fait pour se faire reconnaître et se faire prendre !!!
Même en s'illusionnant sur l'amour de son peuple, fallait-il être inconséquent !!!
Cela m'exaspère, que voulez-vous !

Oui, comme un comportement d’échec...
Rappelons tout de même qu’il a compris, depuis le relais de Pont de Sommes-Vesles (où les dragons attendus n’étaient pas au rendez-vous), que l’entreprise était vraisemblablement vouée à l’échec...
Oui, LNLN, il s’agit bien de l’enseigne de l’ancien relais. J’ai retrouvé une photo du XIXe où l’on voit cette enseigne in situ:

Pourquoi vouée à l'échec ?!!!
Calixte Deslon était à Varennes avec 80 hussards et suppliait le roi de partir, de force, sous sa protection.

Nous avons un sujet là-dessus : https://marie-antoinette.forumactif.org/t1981-les-freres-charles-et-calixte-deslon?highlight=deslon

Oui, bien sûr. ..
Je voulais dire que le Roi pouvait penser, à ce moment-là, et à cet endroit là, que tout était fichu.Il aurait dû en effet, selon les plans, être escorté par les dragons à partir de PdeSV, si mon souvenir est exact. Ne l’etant pas, il pouvait même supposer qu’il avait été trahi (vous savez que c’est une autre thèse possible...)
Ceci n’excuse bien sûr pas ni sa nonchalance ni le fait qu’il néglige de prendre des précautions jusqu’au bout...
Conduite d’échec, réticence depuis le début de mener à bien le projet, tout cela, je suis d’accord, est tout à fait agaçant chez lui...

Ah les atermoiements tellement agaçants du roi

Je reviens sur le lieu qui devait recevoir la Famille Royale, si le voyage ne s’était pas brutalement interrompu à Varennes...
Le sujet a été abordé sur le forum ( peut être le précédent...), et un doute subsistait sur le lieu exact.
Il semble pourtant évident que l’ancienne résidence de l’abbé de Courville à Thonnelle soit le bon endroit...
Thonnelle est une petite commune de la Meuse, et abrite dans son centre ce qu’on appelle aujourd’hui le « château », qui semble être aujourd’hui occupé par le bureau du tourisme.
J’etais sur les lieux en 1991 ( ainsi que Marie Antoinette ), et nous avons, avec l’Association Louis XVI et la Municipalité, dévoilé une plaque sur le mur de la propriété, qui n’était pas restaurée, mais toujours habitée.



L’état actuel de la demeure :

Qui était cet abbé de Courville, cher Févicq, qui aurait dû avoir l'honneur de recevoir la famille royale ?

Je n’en sait strictement rien, chère Eléonore, mais peut-être que nos amis pourront nous apporter des informations...
On trouve une famille de Courville dans la région de Reims, dont le château sera détruit pendant la Première Guerre. Leur domaine fut jadis l’apanage des Évêques de Reims. S’agit-il de la même famille ?
En 1791, l’abbé avait-il émigré, ce qui aurait expliqué que sa demeure soit vacante ?
Les historiens de la région décrivent des mouvements très précis de voitures et de charrois à Thonnelle, dans les jours qui précèdent la fuite royale, sans parler des transports de fonds et de bijoux vers Montmedy, ce qui a pu alimenter bien des légendes...
La demeure aujourd’hui, avec la grille d’entrée et la plaque commémorative sur le mur :

C'est un scoop pour moi cet abbé de Courville !
Quelles sont les sources existantes qui déterminent son implication dans l'accueil de la famille royale dans son château de Thonnelle près de Montmédy ?

Merci d'avance pour ces passionnantes révélations cher Vicq.