Le goût de Marie-Antoinette pour les sièges peints en chipolain à la détrempe en blanc de céruse

Quelques précisions essentielles au sujet des goûts de Marie-Antoinette, qui pour ses résidences de "campagne" (Trianon, Saint-Cloud, Marly) préférait le bois peint en blanc richement sculpté et les étoffes à fond blanc dès lors que l'étiquette n'imposait ni dorure ni brocart (comme dans les résidences royales de Versailles et Fontainebleau). Ces informations se trouvent dans l'ouvrage de Castelluccio ("Le garde meuble de la couronne et ses intendants du XVIème au XVIIIème siècle"), qui m'a été signalé par un ami:



J'en profite pour signaler que l'expression consacrée pour décrire les sièges peints en blanc, que l'on trouve dans les mémoires des fournisseurs est "peint en chipolain à la détrempe [...] en blanc de céruse pur" :



La peinture en chipolain est à base de colle de peau de lapin. Il ne s'agit pas d'un apprêt mais sa composition s'en rapproche (l'apprêt est également à base de colle de peau de lapin mélangée à du blanc de Meudon). La peinture en chipolain était mélangée quant à elle avec du blanc de céruse.

La peinture devait être à la fois légère pour ne pas empâter la sculpture et suffisamment dense pour que l’on ne voit pas les veinures du bois.

La peinture coûtait moins cher que la dorure... mais pas la sculpture.

Si Marie-Antoinette n'était pas bling bling, elle n'en avait donc pas moins des goûts dispendieux.  

Merci, mon cher duc, pour l'ouverture de cet intéressant sujet .     En effet, lorsqu'il s'agissait de la décoration intérieure de ses appartements privés, Marie-Antoinette avait des goûts très frais où la légèreté agreste et bucolique le disputait à la pompe royale habituelle.  Rien n'égale le " gris Trianon "  (  si suave blanc-gris perle !  ) pour mettre en valeur tableaux, bibelots,  et ce mobilier que tu nous décris si bien .
... colle de peau de lapin ?!

Mme de Sabran a écrit: ... lorsqu'il s'agissait de la décoration intérieure de ses appartements privés, Marie-Antoinette avait des goûts très frais où la légèreté agreste et bucolique le disputait à la pompe royale habituelle.

On ne saurait mieux l’exprimer. Je pense qu’elle avait deux goûts importants que l’on retrouve dans son mobilier : un goût champêtre et un goût pour l’antique.

Mme de Sabran a écrit:
... colle de peau de lapin ?!

Oui . Ou en peau d’Alstom si tu préfères.
Au XVIIIÈME tout est à base de produits naturels , animaux minéraux ou végétaux . Et on ne perd rien. Les vieux habits sont récupérés par les chiffonniers pour faire du papier, le lapin une fois mangé et dépecé sert à produire de la colle utilisée pour réaliser des apprêts ou de la peinture etc...

Avant d’appliquer l’apprêt, le doreur y ajoute sa salive pour que l’apprêt colle bien au bois. Une technique ancienne qui perdure encore aujourd’hui.

chipolain

Tu me donnes faim

Le gris Trianon est lié au vieillissement de cette peinture initialement blanche du fait de la forte (très forte pour un très beau blanc) teneur en plomb.

Ce que nous appelons " gris Trianon " était donc à l'origine un vrai blanc, franc, éclatant, au lieu de la douceur du gris que nous connaissons aujourd'hui ... pour moi, un vrai scoop .
Merci, cher Capin, pour toutes ces précisions .