Crimes sexuels et société à la fin de l'Ancien Régime. De Enora Peronneau Saint-Jalmes
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Crimes sexuels et société à la fin de l'Ancien Régime. De Enora Peronneau Saint-Jalmes
Vient de paraître...
Crimes sexuels et société à la fin de l'Ancien Régime
De Enora Peronneau Saint-Jalmes
Editions Perrin (Oct. 21)
500 pages
Présentation :
Dans l'ombre des Lumières.
Évoquer la question du viol au XVIIIe siècle, à travers une trentaine d’affaires à caractère sexuel (viols, séductions suivies de grossesses, harcèlement, sodomie), relève d’un pari osé.
Pour y parvenir et se familiariser avec le déroulement des procédures criminelles, le présent ouvrage commence par redessiner les contours d’un système judiciaire complexe. Les procès étudiés croisent et interrogent ensuite des aspects plus ou moins tabous de la vie quotidienne à la fin de l’époque moderne : sexualité, violence, condition féminine, relations sociales, lien familial, règlement des conflits ou même la notion de genre.
L’attention se porte enfin sur le destin des victimes et des accusés à la sortie du tribunal, entreprise jamais réalisée dans le cadre d’une recherche consacrée au viol.
Le choix d’un angle monographique, qui vise un territoire allant de Sens à Auxerre, au cœur de l’actuel département de l’Yonne, contribue à une lecture moins désincarnée des affaires sexuelles à l’échelle du royaume au cours des dernières heures de l’Ancien Régime. Les sources variées a priori arides – archives criminelles et notariales anciennes, arrêts du parlement de Paris, registres paroissiaux et état civil – portent en filigrane un thème sensible qui véhicule de nombreuses idées reçues.
Cette enquête, inédite et puissante, fait parler l'Histoire et dépoussière les préjugés qui pèsent sur les violences sexuelles au siècle des Lumières.
Si le sujet vous intéresse, je vous propose la lecture d'une interview de l'autrice publiée en ligne pour le journal Causette :
Enora Peronneau Saint-Jalmes : « Contrairement à ce qu'on pourrait penser, sous l’Ancien Régime, le viol n'est pas impuni »
...dont voici un court extrait :
Est ce que le viol a le même sens au XVIIIe siècle qu’aujourd’hui ?
E.P.S.-J. : Oui et non. La question du vocabulaire est importante dans mes recherches car la difficulté est de ne pas calquer notre vision actuelle du viol sur des affaires qui ont 200 ou 300 ans. Il est en fait assez difficile de le qualifier car avant la révolution, le viol n’appartient pas à l’univers de la violence, mais à celui du désordre moral et de la déviance. C’est très étrange avec notre vision d’aujourd’hui mais c’est logique dans l’univers religieux de l’Ancien Régime. Il n’y a d’ailleurs pas de loi fixe sur les crimes sexuels. Quand j’ai commencé à éplucher les archives judiciaires, je ne m’attendais donc pas à y trouver le terme « viol ». Mais si, il est bien attesté dans plusieurs documents même si on lui préfère le terme « rapt de violence ».
Il y a cependant un tabou autour de la qualification et de la description du crime qui est peut-être lié à une forme de traumatisme ou à la volonté de vouloir protéger l’honneur de la famille mais on ne peut qu’émettre des hypothèses là-dessus. Les enfants décrivent avec davantage de précisions les violences qu’ils ont subis. Pour les jeunes filles et les femmes plus âgées, c’est assez flou. On dira que l’auteur de violences « s’est mis sur elle » ou « il a pris les dispositions d’un homme sur sa femme ».
Crimes sexuels et société à la fin de l'Ancien Régime
De Enora Peronneau Saint-Jalmes
Editions Perrin (Oct. 21)
500 pages
Présentation :
Dans l'ombre des Lumières.
Évoquer la question du viol au XVIIIe siècle, à travers une trentaine d’affaires à caractère sexuel (viols, séductions suivies de grossesses, harcèlement, sodomie), relève d’un pari osé.
Pour y parvenir et se familiariser avec le déroulement des procédures criminelles, le présent ouvrage commence par redessiner les contours d’un système judiciaire complexe. Les procès étudiés croisent et interrogent ensuite des aspects plus ou moins tabous de la vie quotidienne à la fin de l’époque moderne : sexualité, violence, condition féminine, relations sociales, lien familial, règlement des conflits ou même la notion de genre.
L’attention se porte enfin sur le destin des victimes et des accusés à la sortie du tribunal, entreprise jamais réalisée dans le cadre d’une recherche consacrée au viol.
Le choix d’un angle monographique, qui vise un territoire allant de Sens à Auxerre, au cœur de l’actuel département de l’Yonne, contribue à une lecture moins désincarnée des affaires sexuelles à l’échelle du royaume au cours des dernières heures de l’Ancien Régime. Les sources variées a priori arides – archives criminelles et notariales anciennes, arrêts du parlement de Paris, registres paroissiaux et état civil – portent en filigrane un thème sensible qui véhicule de nombreuses idées reçues.
Cette enquête, inédite et puissante, fait parler l'Histoire et dépoussière les préjugés qui pèsent sur les violences sexuelles au siècle des Lumières.
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Si le sujet vous intéresse, je vous propose la lecture d'une interview de l'autrice publiée en ligne pour le journal Causette :
Enora Peronneau Saint-Jalmes : « Contrairement à ce qu'on pourrait penser, sous l’Ancien Régime, le viol n'est pas impuni »
...dont voici un court extrait :
Est ce que le viol a le même sens au XVIIIe siècle qu’aujourd’hui ?
E.P.S.-J. : Oui et non. La question du vocabulaire est importante dans mes recherches car la difficulté est de ne pas calquer notre vision actuelle du viol sur des affaires qui ont 200 ou 300 ans. Il est en fait assez difficile de le qualifier car avant la révolution, le viol n’appartient pas à l’univers de la violence, mais à celui du désordre moral et de la déviance. C’est très étrange avec notre vision d’aujourd’hui mais c’est logique dans l’univers religieux de l’Ancien Régime. Il n’y a d’ailleurs pas de loi fixe sur les crimes sexuels. Quand j’ai commencé à éplucher les archives judiciaires, je ne m’attendais donc pas à y trouver le terme « viol ». Mais si, il est bien attesté dans plusieurs documents même si on lui préfère le terme « rapt de violence ».
Il y a cependant un tabou autour de la qualification et de la description du crime qui est peut-être lié à une forme de traumatisme ou à la volonté de vouloir protéger l’honneur de la famille mais on ne peut qu’émettre des hypothèses là-dessus. Les enfants décrivent avec davantage de précisions les violences qu’ils ont subis. Pour les jeunes filles et les femmes plus âgées, c’est assez flou. On dira que l’auteur de violences « s’est mis sur elle » ou « il a pris les dispositions d’un homme sur sa femme ».
La nuit, la neige- Messages : 18132
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Crimes sexuels et société à la fin de l'Ancien Régime. De Enora Peronneau Saint-Jalmes
Merci, ça a l'air intéressant. Enfin un sujet nouveau.
Duc d'Ostrogothie- Messages : 3227
Date d'inscription : 04/11/2017
Re: Crimes sexuels et société à la fin de l'Ancien Régime. De Enora Peronneau Saint-Jalmes
Duc d'Ostrogothie a écrit:Merci, ça a l'air intéressant. Enfin un sujet nouveau.
Tout à fait d'accord, la présentation annonce un sujet aussi ambitieux que complexe à traiter, j'imagine.
Merci à LNLN d'avoir attiré l'attention sur cette publication.
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" Ai-je vu dans sa société quelque chose qui ne fût pas marqué au coin de la grâce, de la bonté et du goût? "
(Prince de Ligne, au sujet de "la charmante reine")
Bonnefoy du Plan- Messages : 390
Date d'inscription : 06/08/2018
Localisation : Le Maine
Re: Crimes sexuels et société à la fin de l'Ancien Régime. De Enora Peronneau Saint-Jalmes
Autre passage de l'interview qui m'a surpris, car j'avoue que je pensais tout à fait l'inverse ! A tort, donc...
Qu’est-ce que nous apprennent les crimes sexuels et la façon dont ils sont jugés sur la société de l’Ancien Régime ?
E.P.S‑J. : L’histoire du viol est un pan de l’histoire du droit et de la justice, mais c’est aussi un pan de l’histoire sociale et culturelle. L’analyse de ces affaires judiciaires m’a notamment permis de lever certains préjugés sur l’époque.
On a l’impression d’une société de violence très débridée alors que non. J’ai découvert une société de l’Ancien Régime beaucoup moins crue qu’elle n’y paraît. La violence est certes au centre des rapports humains de l’époque, elle apparaît comme une composante essentielle de l’existence admise par le corps social à condition de ne pas dépasser certaines limites. Le viol, considéré comme un crime grave est l’une de ses limites. J’ai le sentiment qu’une fois que la machine judiciaire est engagée, il y a un suivi, une écoute et une prise en compte de la parole de la victime.
Il ne faut pas perdre de vue toute fois que la société partriarcale de l’époque est foncièrement misogyne et sexiste mais je n’ai pas trouvé d'éléments pouvant attester d’une banalisation institutionnelle des crimes sexuels et d’une culture du viol. Le crime sexuel n’est pas ignoré par la société, qui n’est pas indifférente à la souffrance physique ou émotionnelle qu’il suscite.
* Source texte, extrait de : Causette
Qu’est-ce que nous apprennent les crimes sexuels et la façon dont ils sont jugés sur la société de l’Ancien Régime ?
E.P.S‑J. : L’histoire du viol est un pan de l’histoire du droit et de la justice, mais c’est aussi un pan de l’histoire sociale et culturelle. L’analyse de ces affaires judiciaires m’a notamment permis de lever certains préjugés sur l’époque.
On a l’impression d’une société de violence très débridée alors que non. J’ai découvert une société de l’Ancien Régime beaucoup moins crue qu’elle n’y paraît. La violence est certes au centre des rapports humains de l’époque, elle apparaît comme une composante essentielle de l’existence admise par le corps social à condition de ne pas dépasser certaines limites. Le viol, considéré comme un crime grave est l’une de ses limites. J’ai le sentiment qu’une fois que la machine judiciaire est engagée, il y a un suivi, une écoute et une prise en compte de la parole de la victime.
Il ne faut pas perdre de vue toute fois que la société partriarcale de l’époque est foncièrement misogyne et sexiste mais je n’ai pas trouvé d'éléments pouvant attester d’une banalisation institutionnelle des crimes sexuels et d’une culture du viol. Le crime sexuel n’est pas ignoré par la société, qui n’est pas indifférente à la souffrance physique ou émotionnelle qu’il suscite.
* Source texte, extrait de : Causette
La nuit, la neige- Messages : 18132
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Crimes sexuels et société à la fin de l'Ancien Régime. De Enora Peronneau Saint-Jalmes
... sujet brûlant s'il en est et même surprise pour moi, les amis: je m'imaginais les malheureuses servantes et filles de fermes "troussables" (et pire) à merci, dans un contexte social relativement indifférent à leur sort .
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Crimes sexuels et société à la fin de l'Ancien Régime. De Enora Peronneau Saint-Jalmes
Il vaudrait mieux dire que la société partriarcale de l’époque n'était pas misogyne. Quant à être "sexiste", qu'est-ce que cela veut dire ?
Lecréateur- Messages : 1712
Date d'inscription : 01/06/2021
Localisation : Comté d'Enghien et Livonie
Re: Crimes sexuels et société à la fin de l'Ancien Régime. De Enora Peronneau Saint-Jalmes
Eh bien, si je ne m'abuse, le sexisme est la discrimination fondée sur le sexe ( féminin), par exemple dans le travail ( à même travail et diplômes égaux, salaires inégaux )
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
La nuit, la neige- Messages : 18132
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Crimes sexuels et société à la fin de l'Ancien Régime. De Enora Peronneau Saint-Jalmes
N'oublions pas la célèbre phrase de Mme Vigée-Lebrun au sujet de la condition des femmes sous le règne de Louis XVI : "Les femmes régnaient alors, la Révolution les a détrônées".
L'Ancien Régime fût certainement moins sexiste que le XIXème siècle, voire même que la première moitié du XXème siècle.
L'Ancien Régime fût certainement moins sexiste que le XIXème siècle, voire même que la première moitié du XXème siècle.
Duc d'Ostrogothie- Messages : 3227
Date d'inscription : 04/11/2017
Re: Crimes sexuels et société à la fin de l'Ancien Régime. De Enora Peronneau Saint-Jalmes
Ne crois-tu pas qu'il y a dans le sexisme une bonne part de peur des hommes de l'émancipation de la femme ? ... contraception, avortement, postes professionnels de responsabilités et de prestige, accession à la sphère politique ...
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Crimes sexuels et société à la fin de l'Ancien Régime. De Enora Peronneau Saint-Jalmes
Je ne saurais dire, tant le sexisme m'est étranger. Je suis plutôt partisan du matriarcat pour ma part.
Duc d'Ostrogothie- Messages : 3227
Date d'inscription : 04/11/2017
Re: Crimes sexuels et société à la fin de l'Ancien Régime. De Enora Peronneau Saint-Jalmes
... ça me va !
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Crimes sexuels et société à la fin de l'Ancien Régime. De Enora Peronneau Saint-Jalmes
Vous vous égarez...
La nuit, la neige- Messages : 18132
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Crimes sexuels et société à la fin de l'Ancien Régime. De Enora Peronneau Saint-Jalmes
Oui, pardon ...La nuit, la neige a écrit:Vous vous égarez...
Cette peur du " pouvoir au féminin " ( Elisabeth Badinter ) existait au XVIIIème. Peut-être était-ce les prémices du sexisme ?
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Crimes sexuels et société à la fin de l'Ancien Régime. De Enora Peronneau Saint-Jalmes
La peur du pouvoir au féminin était très présente du côté des adversaires de la monarchie. Marie-Antoinette a été assassinée par des misogynes, on le sait bien. Les pamphlets à son sujet étaient souvent de nature obscène, ils portaient sur son sexe, sa condition de femme donc.
Duc d'Ostrogothie- Messages : 3227
Date d'inscription : 04/11/2017
Re: Crimes sexuels et société à la fin de l'Ancien Régime. De Enora Peronneau Saint-Jalmes
Bien-sûr . Et la pire des accusations, celle d'Hébert, incrimine la mère.
retour au crime sexuel .
retour au crime sexuel .
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Crimes sexuels et société à la fin de l'Ancien Régime. De Enora Peronneau Saint-Jalmes
Exactement ! Ils étaient en rage contre cette femme, Marie-Antoinette, qui osait afficher son indépendance.
Duc d'Ostrogothie- Messages : 3227
Date d'inscription : 04/11/2017
Re: Crimes sexuels et société à la fin de l'Ancien Régime. De Enora Peronneau Saint-Jalmes
Si la femme peut monter à l'échafaud.........
Charlotte Corday
Charlotte Corday
Mr ventier- Messages : 1133
Date d'inscription : 18/11/2020
Age : 58
Localisation : Rouen normandie
Re: Crimes sexuels et société à la fin de l'Ancien Régime. De Enora Peronneau Saint-Jalmes
Ce n'était pas une déclaration de la petite Charlotte, cher M. Ventier, mais d'Olympe de Gouges:
La femme a le droit de monter sur l'échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la Tribune.
Mais nous nous égarons toujours.
Je vais tâcher de mieux coller au sujet des violences sexuelles dans mon prochain post.
La femme a le droit de monter sur l'échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la Tribune.
Mais nous nous égarons toujours.
Je vais tâcher de mieux coller au sujet des violences sexuelles dans mon prochain post.
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Crimes sexuels et société à la fin de l'Ancien Régime. De Enora Peronneau Saint-Jalmes
J'ai lu avec attention l'article auquel renvoie La nuit, la neige avec le lancement du sujet.
J'entends bien les conclusions mesurées et somme toutes rassurantes par rapport à ce qu'on nous a enseigné de la sauvagerie et de la cruauté qui prévalaient à tous les niveaux avant 1789 , mais je me pose tout de même la question d'une généralisation trop hâtive des conclusions à partir d'une étude très localisée, où seulement 31 cas sont considérés sur une période qui va de 1695 à 1780. Elargir à d'autres régions et juridictions serait une suite intéressante à donner à ces travaux pour établir en quoi ils recoupent ou infirment les conclusions de cette étude dans l'Yonne.
Quoi qu'i en soit, étude pionnière à lire certainement pour un autre éclairage sur la société du temps.
J'entends bien les conclusions mesurées et somme toutes rassurantes par rapport à ce qu'on nous a enseigné de la sauvagerie et de la cruauté qui prévalaient à tous les niveaux avant 1789 , mais je me pose tout de même la question d'une généralisation trop hâtive des conclusions à partir d'une étude très localisée, où seulement 31 cas sont considérés sur une période qui va de 1695 à 1780. Elargir à d'autres régions et juridictions serait une suite intéressante à donner à ces travaux pour établir en quoi ils recoupent ou infirment les conclusions de cette étude dans l'Yonne.
Quoi qu'i en soit, étude pionnière à lire certainement pour un autre éclairage sur la société du temps.
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Bonnefoy du Plan- Messages : 390
Date d'inscription : 06/08/2018
Localisation : Le Maine
Re: Crimes sexuels et société à la fin de l'Ancien Régime. De Enora Peronneau Saint-Jalmes
Je suis tout à fait d'accord avec vous, mon cher Bonnefoy.Bonnefoy du Plan a écrit:je me pose tout de même la question d'une généralisation trop hâtive des conclusions à partir d'une étude très localisée, où seulement 31 cas sont considérés sur une période qui va de 1695 à 1780. .
Cet article m'étonne aussi parce que je lui trouve un ton " léger " , rassurant, ronronnant, je ne dirais pas " optimiste " mais presque.
Loin de l’image de droit de cuissage impuni, existerait une réelle prise au sérieux de ces crimes sexuels et de la nécessité de punir celui qui les commet.
Voici déjà pour moi une première surprise, et de taille, car je pensais vraiment que la justice étant cadrée et administrée par des hommes, les violences sexuelles étaient minimisées, voire même " dans les moeurs ", si l'on peut dire...
Je cite, très en diagonale :
Avant la révolution, le viol n’appartient pas à l’univers de la violence, mais à celui du désordre moral et de la déviance, chose logique dans l’univers religieux de l’Ancien Régime.
La société patriarcale de l’époque est foncièrement misogyne et sexiste mais sans banalisation institutionnelle des crimes sexuels et sans culture du viol.
On a l’impression d’une société de violence très débridée alors que non.
Les femmes vont à l’attaque dans leur défense. Qu’elles soient riches ou pauvres, elles demandent avec force que leur violeur soit condamné. Justice est rendue avec expertise médicale, interrogatoire de témoins, comparution devant un juge
La partie gagnante n'est pas forcément la plus riche des deux. Des domestiques ont réussi à faire condamner leur employeur.
Les crimes sexuels sont vus comme anormaux par le reste de la société. On perçoit d’ailleurs une considération et même une forme d’empathie envers les victimes ainsi qu’une profonde colère pour celui qui vient déranger l’ordre.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les victimes ne deviennent pas des parias.
Sur la majorité des victimes qui ont porté plainte, elles sont beaucoup à s’être mariées et à avoir eu des enfants.
Certaines se marient même avec des hommes de leurs villages qui étaient forcément au courant. Ce qui n’a d’ailleurs rien à voir avec l’âge ou la classe sociale. Des domestiques agressées par leur employeur ont pu se marier quelques mois après leur viol. Le viol n’est pas donc pas considéré comme quelque chose qui vous stigmatise et vous exclut de la société.
La famille s’implique dans la demande de justice avec de véritables traces d’empathie. Des pères et des mères qui pleurent et qui sont en colère. Une belle-mère qui menace d’aller chercher son fusil si on ne retrouve pas le violeur de sa belle-fille. Il y a une forme d’amour envers ces victimes.
Aucune allusion à l'inceste ? ... le viol en famille et, donc, peut-être le plus abominable .
J'ai trouvé cocasse que les premiers violeurs soient les curés ! Mais on n'a pas attendu le fameux rapport Sauvé pour savoir que la prétention à chasteté et abstinence est parfaitement contre-nature.
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Crimes sexuels et société à la fin de l'Ancien Régime. De Enora Peronneau Saint-Jalmes
Sur la violence, sexiste, sexuelle, familiale, et plus généralement sur celle du Paris populaire au XVIIIe siècle, le travail d'Arlette Farge qui a dépouillé, entre autre, des centaines d'archives de police, est particulièrement intéressant.
Beaucoup de ses ouvrages sont parus en livre de poche.
Beaucoup de ses ouvrages sont parus en livre de poche.
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« La mode est à la France ce que les mines du Pérou sont à l'Espagne » Colbert.
Marie-Jeanne- Messages : 1497
Date d'inscription : 16/09/2018
Re: Crimes sexuels et société à la fin de l'Ancien Régime. De Enora Peronneau Saint-Jalmes
L'un des viols les plus connus ...
Après avoir calmé ses premières craintes, comme je n’étais pas venu là pour causer, j’ai risqué quelques libertés. Sans doute on ne lui a pas bien appris dans son couvent, à combien de périls divers est exposée la timide innocence, et tout ce qu’elle a à garder pour n’être pas surprise ; car, portant toute son attention, toutes ses forces, à se défendre d’un baiser, qui n’était qu’une fausse attaque, tout le reste était laissé sans défense : le moyen de n’en pas profiter ! J’ai donc changé ma marche, et sur-le-champ j’ai pris poste. Ici nous avons pensé être perdus tous deux : la petite fille, tout effarouchée, a voulu crier de bonne foi ; heureusement sa voix s’est éteinte dans les pleurs. Elle s’était jetée aussi au cordon de sa sonnette, mais mon adresse a retenu son bras à temps.
... celui de Cécile de Volanges, par Valmont.
Après avoir calmé ses premières craintes, comme je n’étais pas venu là pour causer, j’ai risqué quelques libertés. Sans doute on ne lui a pas bien appris dans son couvent, à combien de périls divers est exposée la timide innocence, et tout ce qu’elle a à garder pour n’être pas surprise ; car, portant toute son attention, toutes ses forces, à se défendre d’un baiser, qui n’était qu’une fausse attaque, tout le reste était laissé sans défense : le moyen de n’en pas profiter ! J’ai donc changé ma marche, et sur-le-champ j’ai pris poste. Ici nous avons pensé être perdus tous deux : la petite fille, tout effarouchée, a voulu crier de bonne foi ; heureusement sa voix s’est éteinte dans les pleurs. Elle s’était jetée aussi au cordon de sa sonnette, mais mon adresse a retenu son bras à temps.
... celui de Cécile de Volanges, par Valmont.
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Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Crimes sexuels et société à la fin de l'Ancien Régime. De Enora Peronneau Saint-Jalmes
Ah ! Cet extrait me rappelle du coup le sujet que nous avions ouvert il y a quelques mois :
Balance ton porc au XVIIIe siècle
Dans lequel je citais notamment un extrait de l'article : Le viol au XVIIIe siècle. Discours sur l’origine et les fondements de la femme sociale, de Shane Agin.
Voici à nouveau un court passage, très, très loin de l'idée du règne des femmes au 18e siècle, cher à Mme Le Brun... :
Juridiquement, l’existence du viol au XVIIIe siècle se limite à quelques exemples de jeunes femmes ou de filles, toujours vierges, portant les signes de leur agression. Dans ces cas, l’hymen, ou plus précisément son absence, devient la preuve irréfutable du crime. D’où la difficulté d’une femme de porter une accusation de viol. Sans cette preuve simpliste, sa plainte ne repose que sur sa parole.
Ce qui nous renvoie à une autre question liée à une autre question : la femme a-t-elle une parole dans la société de l’Ancien Régime ? La réponse est clairement non. Il va presque sans le dire, mais, à cette période, la femme continue à être considérée comme une possession de l’homme dans la totalité de son esprit et de son corps. Elle est un être sans statut autonome social ni judiciaire.
Si le viol entraîne des punitions sévères dans la France de l’Ancien Régime (punissable par la peine de mort), il n’est pas poursuivi comme offense contre la femme violée, mais comme offense contre la valeur économique attribuée au corps de la femme en tant que fournisseur de plaisir et de progéniture dont l’homme, sous la forme du père ou du mari, est le seul possesseur.
La femme elle-même n’est qu’un plaisir dérobé ou une matrice souillée. La partie lésée est soit un père qui aura du mal à marier sa fille déflorée soit un mari qui ne sera pas certain de la paternité de ses enfants.
Avec la mise en question du mariage et de l’hérédité, les deux piliers sur lesquels la société de cette époque se construit, le viol devient une affaire économique et le corps de la femme un produit d’échange.Voilà pourquoi la plupart des viols de cette époque finissent par un arrangement financier.
Balance ton porc au XVIIIe siècle
Dans lequel je citais notamment un extrait de l'article : Le viol au XVIIIe siècle. Discours sur l’origine et les fondements de la femme sociale, de Shane Agin.
Voici à nouveau un court passage, très, très loin de l'idée du règne des femmes au 18e siècle, cher à Mme Le Brun... :
Juridiquement, l’existence du viol au XVIIIe siècle se limite à quelques exemples de jeunes femmes ou de filles, toujours vierges, portant les signes de leur agression. Dans ces cas, l’hymen, ou plus précisément son absence, devient la preuve irréfutable du crime. D’où la difficulté d’une femme de porter une accusation de viol. Sans cette preuve simpliste, sa plainte ne repose que sur sa parole.
Ce qui nous renvoie à une autre question liée à une autre question : la femme a-t-elle une parole dans la société de l’Ancien Régime ? La réponse est clairement non. Il va presque sans le dire, mais, à cette période, la femme continue à être considérée comme une possession de l’homme dans la totalité de son esprit et de son corps. Elle est un être sans statut autonome social ni judiciaire.
Si le viol entraîne des punitions sévères dans la France de l’Ancien Régime (punissable par la peine de mort), il n’est pas poursuivi comme offense contre la femme violée, mais comme offense contre la valeur économique attribuée au corps de la femme en tant que fournisseur de plaisir et de progéniture dont l’homme, sous la forme du père ou du mari, est le seul possesseur.
La femme elle-même n’est qu’un plaisir dérobé ou une matrice souillée. La partie lésée est soit un père qui aura du mal à marier sa fille déflorée soit un mari qui ne sera pas certain de la paternité de ses enfants.
Avec la mise en question du mariage et de l’hérédité, les deux piliers sur lesquels la société de cette époque se construit, le viol devient une affaire économique et le corps de la femme un produit d’échange.Voilà pourquoi la plupart des viols de cette époque finissent par un arrangement financier.
La nuit, la neige- Messages : 18132
Date d'inscription : 21/12/2013
Re: Crimes sexuels et société à la fin de l'Ancien Régime. De Enora Peronneau Saint-Jalmes
La nuit, la neige a écrit: Ah ! Cet extrait me rappelle du coup le sujet que nous avions ouvert il y a quelques mois :
Balance ton porc au XVIIIe siècle
Dans lequel je citais notamment un extrait de l'article : Le viol au XVIIIe siècle. Discours sur l’origine et les fondements de la femme sociale, de Shane Agin.
Voici à nouveau un court passage, très, très loin de l'idée du règne des femmes au 18e siècle, cher à Mme Le Brun... :
En voici un autre qui va, au contraire, dans le sens de Mme Le Brun:
Une sorte de folie s'emparait de tous les esprits. La philosophie, après avoir plané longtemps dans le domaine de la métaphysique, était descendue dans le champ de la pratique. Dans les salons, les femmes se plaisaient à converser sur les questions philosophiques et sociales.
" En ce siècle
les femmes étaient reines, faisaient la mode, donnaient le ton, menaient la conversation, par suite les idées, l'opinion. Quand on les trouve en avant sur le terrain politique, on peut être sûr que les hommes suivent : chacune d'entre elles entraîne avec soi tout son salon."
Des salons ces doctrines se propagent dans le cabinet de l'avocat, le bureau de l'employé, l'arrière-boutique du marchand, pour descendre jusque dans les masses populaires qui n'y comprennent rien, que ce que des esprits faux et malveillants veulent leur faire croire ."
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... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
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