Honoré Jean Riouffe, et la religion nouvelle d'Ibrascha
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Honoré Jean Riouffe, et la religion nouvelle d'Ibrascha
Honoré Jean Riouffe, ( 1er avril 1764 - 30 novembre 1813 )
Né dans une famille originaire du Languedoc, Honoré Jean Riouffe perd son père, chirurgien, de bonne heure. Sa mère meurt en lui donnant la vie. Il devient avocat et, porté vers la littérature, compose quelques poèmes dont l'un a trait au centenaire de Corneille.
Riouffe adopte d'enthousiasme les idées nouvelles de la Révolution française et se lie d'amitié avec les Girondins. Il compose une pièce patriotique en collaboration avec le comédien Dugazon, L'opéra anatomica, représentée le 11 octobre 1792 sur les planches du Théâtre de la Nation, mais qui n'est pas imprimée.
La troupe de la Comédie-Française s'était installée dans ses nouveaux murs le 16 février 1782 et la salle avait été inaugurée par Marie-Antoinette le 9 avril. Par un décret de juillet 1789, l'Assemblée nationale rebaptise la salle « Théâtre de la Nation ».
On jouait au tribunal révolutionnaire, pour s’accoutumer à le voir sans trembler, se souvient une actrice. Chez Talma l’on distribuait les rôles pour la répétition. C’était Bonhomme (un grand chien de Terre-Neuve) qui faisait le président ; grande injustice que l’on commettait en donnant un tel rôle à ce pauvre animal, car c’était bien la meilleure bête que j’aie jamais connue : enfin il s’en acquittait convenablement. Quand il fallait juger en dernier ressort, on lui pinçait l’oreille ou la queue pour le faire aboyer, ce qui voulait dire : « À la mort. » Marchenna se chargeait de ce soin. Marchenna était un Espagnol passionné pour la liberté : il avait eu la singulière idée de venir la chercher en France, où il n’avait pas tardé à être proscrit comme ami des Girondins. Il était intimement lié avec Souque, et Riouffe dont la gaieté ne s’est jamais démentie, quoiqu’il fût certain du sort qui l’attendait, car il pouvait être envoyé à l’échafaud d’un moment à l’autre. Riouffe nous disait : « Je suis venu par les rues détournées, parce que la guillotine court après le monde. »
Ils avaient obtenu tous les deux de rester libres, sous la surveillance d’un gendarme qui ne les quittait jamais ; l’on accordait assez facilement cette faveur, car l’on savait toujours où vous prendre en cas de besoin, et d’ailleurs il était impossible de s’enfuir ni de se cacher.
Riouffe faisait la cour à toutes les femmes ; il prétendait qu’un homme à moitié condamné ne devait point trouver de cruelles, car ça le rendait intéressant, et qu’une conversation d’amour, un tête-à-tête accompagné d’un gendarme, avait quelque chose de pittoresque. Le fait est que, s’il trouvait des cruelles, comme il s’en plaignait, il trouvait aussi toutes les femmes disposées à s’intéresser à son sort, et moi la première. J’éprouvais pour ce pauvre garçon un intérêt bien pur ; sa gaieté me faisait mal, quoique je ne pusse m’empêcher de rire de toutes ses folies.
Un jour qu’il m’avait tourmentée pour venir à un théâtre qui se trouvait au Palais-Royal, et où l’on ne jouait que des pantomimes, nous entrâmes, toujours accompagnés de son garde. « Madame, dit-il, à l’ouvreuse de loges, nous sommes des jeunes gens qui échappons à nos parents pour venir au spectacle : ainsi, placez-nous bien, pas trop en vue. »
On prenait son parti sur le peu de temps qui restait à vivre : c’était une abnégation complète de soi-même. L’on ne se disait point en se séparant : "À bientôt, au revoir" ; mais : "A peut-être jamais", ou "dans un meilleur monde".
( Louise Fusil, Souvenirs d’une actrice )
Pour la plupart arrêtés durant la Terreur, les comédiens restés au Théâtre de la Nation sont finalement libérés à la chute de Maximilien de Robespierre, et retrouvent en août 1794 leur théâtre devenu entre-temps « Théâtre de l'Égalité », pour des représentations données « par et pour le peuple » (décret du 10 mars 17947), dans une salle transformée par la destruction des loges en amphithéâtre égalitaire tendu de draperies bleu-blanc-rouge.
Riouffe, quant à lui, avait suivi les Girondins à Caen, puis à Bordeaux, après leur proscription en 1793. Il est arrêté le 4 octobre 1793 sur ordre de Tallien et emprisonné. Ramené à Paris et enfermé à la Conciergerie, il est libéré après le 9 thermidor. Il fait paraître une relation de son incarcération, Mémoires d'un détenu, qui connaît un grand succès.
Riouffe, l’ami des girondins, venait de publier ses Mémoires d’un détenu, ils avaient produit dans le public une vive sensation. Aucun ouvrage de ce genre n’avait été écrit avec le même talent. Le succès des Prisons, de Silvio Pellico, il y a quarante ans, pourrait seul rappeler la vogue de l’ouvrage de Riouffe. L’intérêt que Joubert et Mme de Beaumont prirent à cette lecture est un signe des temps. ( ... ) Un bénédictin, un peu illuminé, s’était trouvé dans la cellule où était enfermé Riouffe. Pour se débarrasser de ses sermons, il avait imaginé, en fils du XVIIIe siècle, de créer un culte nouveau sous le nom d’Ibrascha, et d’en publier les rites et les maximes. Joubert et Mme de Beaumont avaient de l’aversion pour cet Ibrascha ; ils ont soin dans leur correspondance de le déclarer, tant ils avaient pris au sérieux l’auteur, et tant ils avaient été remués par les tableaux de l’intérieur des cachots avant le 9 thermidor.
( Agénor Bardoux, La comtesse Pauline de Beaumont )
Honoré Jean Riouffe, « plumitif relativement obscur », emprisonné jusqu’aux lendemains des 9-10 Thermidor, par miracle n'avait jamais été appelé à comparaître devant le Tribunal révolutionnaire ! Rédigés dans l’hiver 1794-1795, ses Mémoires d'un détenu semblent connaître en l’an III au moins deux éditions parisiennes et plusieurs autres en province et s’inscrivent dans le flot de textes violemment hostiles au nouveau « Catilina » mis à mort le 10 Thermidor, et plus encore aux partisans, réels ou supposés, de « la queue de Robespierre ».
Robespierre guillotinant le bourreau après avoir fait guillotiner tous les Français : cy gyt toute la France : [estampe] – Recueil.
Collection de Vinck. Un siècle d’histoire de France par l’estampe, 1770-1870.
Vol. 48 (pièces 6461-6583), Ancien Régime et Révolution
Riouffe habillé pour l'hiver :
Le texte de Riouffe laisse pour le moins rêveur. Certes, le prisonnier apporte des détails parfois dignes d’intérêt sur les conditions de détention à la Conciergerie, mais pour le reste son texte relève souvent de son imagination plutôt fertile et de sa capacité à réunir diverses pièces publiées après Thermidor (dans les pamphlets et certains journaux) pour donner à croire qu’il a presque tout vu et tout entendu. Ainsi de facto autoproclamé témoin clé de « la Terreur », il peut apporter des détails sur la fin des girondins, mais aussi des « Exagérés » et des « Indulgents », sans oublier tous ceux qu’il aurait croisés dans l’antichambre de la mort (Bailly, madame Roland, Barnave, Chénier, Lavoisier, etc.), pourtant mentionnés dans un désordre certain. Bon nombre de passages, par leurs précisions mêmes, prouvent que Riouffe utilise des « sources » de seconde main ou invente purement et simplement. Le seul examen des registres d’écrou des prisons parisiennes, et notamment de la Conciergerie (aux Archives de la Préfecture de Police de Paris), suffit pour relever de nombreuses incohérences dans son récit. Il prétend aussi que Ducos se serait « rendu en prison » volontairement pour partager le sort de Boyer-Fonfrède, ce qui là aussi peut être démenti par une simple attention portée aux décrets successifs votés contre les girondins. Il fait pleurer ses lecteurs sur le sort de « la jeune fille Renaud » (sic), exécutée alors qu’elle se serait présentée chez Robespierre sans « la moindre arme offensive »… et il contribue à diffuser l’idée reçue sur l’exécution de condamnés revêtus de chemises rouges comme des parricides. Il suffit pourtant de lire les articles du Code pénal de 1791 consacrés à l’assassinat et au parricide pour comprendre la symbolique de la chemise rouge utilisée pour un assassin (le parricide, lui, doit avoir « la tête et le visage voilés d’une étoffe noire »). Il rapporte que les actes d’accusation étaient rédigés par « la canaille des huissiers, des sous-greffiers, et de tous les subalternes » qui « savaient à peine lire » et possédaient une orthographe des plus douteuses, rendant les actes « illisibles »… ce que démentent une fois de plus les archives, sans même insister sur le fait qu’une partie des actes se composait d’imprimés pré-remplis. Il lui arrive enfin de se tromper d’un personnage à l’autre et on a par exemple un peu de mal à imaginer Fabre d’Églantine obsédé par l’idée qu’une de ses pièces encore inédite ne lui soit volée par Billaud-Varenne… et non par Collot d’Herbois, ce qui aurait pourtant été un brin plus crédible, à condition toutefois d’imaginer que Collot écrivait encore des œuvres pour le théâtre en 1794. Quant aux appréciations de Riouffe sur les montagnards, Hébert « mort comme la femmelette la plus faible », Robespierre « un fou sanguinaire », Danton « exagéré » (!) et « un homme au-dessous du médiocre », etc., elles se passent de commentaires tant il est clair qu’elles dérivent des fantasmes thermidoriens les plus usés.
Anne de Mathan (éd.), Histoires de Terreur. Les Mémoires de François Armand Cholet et Honoré Riouffe
Paris, Honoré Champion, 2014
Michel Biard
https://journals.openedition.org/ahrf/13471
Proche des milieux libéraux sous le Directoire, il s’en éloigne ensuite pour lier son destin à l’ascension de Napoléon Bonaparte, ce qui lui vaut de devenir préfet, baron d’Empire (1810) et chevalier de la Légion d’Honneur (1813). Le typhus l’emporte en 1813 et l’empêche sans doute de trahir lui aussi l’empereur l’année suivante en courbant l’échine devant Louis XVIII.
Source : La Passion de la liberté
de Madame de Staël
En effet, lors de sa détention, Riouffe s'était senti emporté par un grand souffle de spiritualité ( spiritualitite aigüe, docteur ?)
Vous êtes convaincus ?!
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