Pavel Ovchinnikov, le serf devenu orfèvre des Tzars

Né en 1830, Pavel Ovchinnikov est un simple fils de serf.
Mais il a deux chances : il se montre vite doué pour le dessin et il est au service d'une longue lignée de maîtres amateurs d'art éclairés. A tel point que son maître, ayant découvert son talent, l'envoie à Moscou pour étudier et perfectionner ce dernier auprès d'un maître joaillier. Très vite, l'élève dépasse le maître et Ovchinnikov va bientôt voler de ses propres ailes : son maître lui donne sa liberté et l'aide à s'établir. En 1850, notre homme se marie et s'établit à son compte. Il devient joaillier, orfèvre, emploie une centaine d'ouvriers et réalise le chiffre d'affaires non négligeable de 1,5 million de roubles par an. Bientôt, les Tzars eux-mêmes lui passent commande et il reçoit l'autorisation de faire figurer l'aigle impérial sur ses œuvres et au fronton de sa boutique....Notre homme ne cessera plus de connaître le succès, jusqu'à sa mort, en 1888.

Pavel Ovchinnikov s'est spécialisé dans la confection de menus et délicats objets, très raffinés. Son œuvre est centré sur le travail des émaux cloisonnés où il est passé maître et sur le style "Vieux russe" qui fait alors fureur, empli de légendes, de mythes et de folklore, avec un goût prononcé pour la Russie traditionnelle, celle d'autrefois. Motifs floraux et animaliers, couleurs vives, éclatantes, à dominante de bleu, arabesques et volutes, figures de l'histoire, du folklore ou de la mythologie... Il réalise notamment une impressionnante série de vaisselle fastueuse, inspirée d'autrefois, avec de nombreux services à thé, tasses, gobelets...

Revue de détails :


























D'autres à venir si le cœur vous en dit...

Voui, m'sieur, le coeur nous en dit !!!
Ces petits objets sont si gais, si chatoyants !
Je les adore.

Un peu plus sur notre artiste avant de poursuivre...
La chance de sa vie fût donc son maître, le prince Volkonski, qui lui permît d'aller étudier avant de l'affranchir. En 1865, Ovchinnikov participe à une exposition à Moscou, exposition au cours de laquelle il est récompensé. Il attire l'attention du futur Alexandre III qui lui passe commande de gobelets destinés à son père, Alexandre II.
A la mort de Pavel, ses fils prennent la succession. Il est généralement occulté, éclipsé par Fabergé mais sa maison d'orfèvrerie n'en fût pas moins l'une des plus importantes de Russie, son succès débordant même à l'étranger.





















Le succès de la maison Ovchinnikov perdure après la mort de son fondateur, comme en témoigne ce :

J'ignorais tout de cet homme, je suis désormais bouche beé devant son ascension et son talent.
Je suis également très friand de ces objets si délicats.
Mille mercis pour cette découverte Calonne !

une découverte

Ravi de vous faire plaisir.
Côté ascension, notre ancien serf se débrouilla plutôt bien en effet puisque sa petite-fille, Irène Ovchinnikova, fût l'épouse du prince Pierre de Grèce (après en avoir été la maîtresse). Ovchinnikov eût jusqu'à 300 ouvriers dont il fixait lui-même le salaire et les horaires de travail. Dans son usine, il ouvrît une école pour les enfants de ses ouvriers afin de leur enseigner l'art et la technique de l'orfèvrerie. Les enfants y étudiaient le dessin, la peinture, l'orfèvrerie et y recevaient également une éducation générale de base.

Ovchinnikov travailla toutes sortes de matériaux, dont l'argent principalement, mais il reste le maître des émaux, sa matière préférée.
L'émail est un mélange de différents minéraux, formant une sorte de pâte, recevant bien la couleur avant d'être travaillée au feu pour être fixée sur un support, souvent de l'or, de l'argent ou du cuivre mais aussi de la céramique. Parfois, le métal du support est creusé au burin de petites alvéoles dans lesquelles on injecte alors l'émail. Esthétiquement, sous l'effet de la cuisson, ce dernier prend un aspect vitrifié, glacé, qui fait ressortir ses couleurs de façon vive, éclatante.






Quant au style "Vieux Russe", c'est un mouvement dans l'architecture, la décoration, les arts décoratifs, qui se tourne vers la Russie d'avant l'ouverture de Pierre le Grand, la Russie "byzantine", traditionnelle, avec un vif intérêt pour les mythes, le folklore, les traditions, une sorte de retour aux sources. Motifs floraux et animaliers, couleurs éclatantes, décors chargés et élaborés, icônes, vaisselle en métal précieux...
Un bon exemple, en architecture et décoration, est la maison Igoumnov dont nous avons déjà parlé ici :

https://marie-antoinette.forumactif.org/t4899-la-maison-igoumnov-moscou?highlight=igoumnov

Quelle excellente innovation que cette école, dans son usine !!! Il créait des émules et les formait lui-même. Y avait-il des filles ? Certains de ces élèves ont-ils pris sa suite et assuré la relève ?

Pour les filles, je ne sais pas.
Pour la relève, ce sont ses quatre fils, Mikhail, Alexander, Pavel et Nikolai qui poursuivront jusqu'à la fin de la maison, lors de la Révolution de 1917. Entretemps, la maison était devenue fournisseur officiel d'Alexandre III mais aussi de Victor Emmanuel II d'Italie et du roi du Danemark Christian IX (probablement pour ce dernier par l'entremise de sa fille, devenue Tzarine en épousant Alexandre III).
Destin assez incroyable pour le fils d'un simple serf, Akim Ovchinnikov, né dans un village des environs de Moscou...