Le 13 juillet 1788, un orage de fin du monde
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Le 13 juillet 1788, un orage de fin du monde
... à ajouter certainement aux causes " naturelles " qui firent le terreau de la Révolution :
Traversant la France pour ainsi dire de bout en bout, cet orage fut le plus désastreux qu’on eût vu en France depuis plusieurs siècles et ravagea le pays sur une bande d’une vingtaine de kilomètres de largeur, pulvérisant les récoltes, ébranchant les arbres, brisant les tuiles des maisons, tuant les animaux et les hommes qui se trouvaient dans les champs
Si l’on ne peut imputer les désordres de la Révolution aux vicissitudes atmosphériques, les caprices climatiques furent cependant en partie responsables des hausses de prix constatées en 1788-1789.
Au printemps 1788, soit au début de la phase de croissance des plantes, le déficit pluviométrique atteint 40 % dans le nord de la France, 40 à 60 % dans l’Ouest et le Sud-Ouest, plus de 80 % dans le Sud et le Sud-Est (avril-mai). Il est aggravé par des températures élevées. Cette sécheresse a pour conséquences de mauvaises récoles. Les prix enflent dès août 1788. La hausse du froment atteindra 127 % en 1789, 136 % pour le seigle puis 150 à 165 % pour la première quinzaine de juillet 1789. Dans le budget populaire, la part du prix du pain atteint 88 % en 1789.
Et puis, aux vicissitudes de 1788 vient s’ajouter l’hiver rigoureux de 1788-1789 : 86 jours de gelée à Paris, -21,8°C le 31 décembre 1788 à Paris, -30°C en Alsace, -20°C à -25°C dans le Nord, le Nord Est et le Centre. Le prix du bois à brûler augmente de 91 % !
« Pendant la matinée du 13, le ciel se couvrit de plus en plus. Vers les huit heures, un vent violent s’éleva, les nuages s’accumulèrent, et amenèrent une grande obscurité. Vers les neuf heures, l’orage se déclara : le vent au sud-ouest ; un tonnerre roulant se fit entendre avec force ; et pendant huit minutes environ il ne mit presque pas d’intervalle entre les coups. La chaleur, avant l’orage, était très incommode, très étouffante sur tout dans les rues ; elle enveloppait, et semblait sortir d’un brasier. La nuée se déclara par une forte grêle qui ne fut pas générale dans Paris ; il n ’en tomba que des grains fort ordinaires, noyés dans une averse abondante de pluie qui dura depuis huit heures et demie jusqu’à neuf heures et demie, seulement au centre et au midi de Paris ; mais au faubourg Saint-Antoine la grêle fut forte, cassa des vitres et détruisit les légumes.
La peinture de Philippe-Jacques de Loutherbourg montre la violence des orages de 1788.
Bridgeman Images/RDA
« Cet orage fut terrible par ses effets dans différentes provinces de France, où, en moins d’un quart d’heure, il ôta tout espoir de récolte. Tous les pays affectés de cet orage n’offraient plus que le spectacle de pays totalement ruinés et détruits par la grêle. Tout fut enterré, haché, abîmé, déraciné ; les toits découverts, les vitres brisées, les vaches et les moutons tués ou blessés ; le gibier, la volaille périrent. Plusieurs habitants, hommes et femmes reçurent de dangereuses contusions. Le comte de Merci, ambassadeur de l’Empire, eut sept cents carreaux de vitres cassés à son château de sa terre de Chenevière, à quatre lieues de Versailles.
« Cet orage se passa sous les yeux du roi et de Monsieur qui étaient à Rambouillet. Sa Majesté connaissant toute la perte que faisaient les Français dans les différentes provinces par où l’orage destructeur avait passé, fit rendre un arrêt en son conseil d’État, daté du 26 juillet, pour une création d’une loterie de douze millions en faveur des provinces dévastées et ravagées par cette grêle. Cet orage, avant d’arriver à Paris, avait ruiné le Poitou, la Touraine, la Beauce, le pays Chartrain, avait continué sa route à travers l’Ile-de-France, la Picardie et la Flandre. » l'’astronome Charles Messier (1730-1817), de l’Académie des sciences, a résumé ainsi l’essentiel. Il ajoute que la mémoire de cette grêle se perpétuera longtemps « dans les provinces qu’elle a dévastées, ruinées et ravagées ».
Charles Messier, astronome français, à l'âge de 40 ans.
Un globe céleste montrant un cygne parmi les étoiles.
Dans la capitale, Charles-Joseph Messier, ramasse des grêlons pesant « plus de 5 quarterons » (environ 600 grammes). Ses observations rejoignent celles de Tessier qui les juge « gros comme le poing » : « ils étaient lancés avec une telle force qu'ils rebondissaient comme une balle de paume », explique le médecin dans le rapport qu'il rend à la société royale de Médecine le 28 juillet.
Selon le rapport, « les moments qui précédèrent l’orage furent remarquables par plusieurs phénomènes, surtout par un bruissement considérable et par une obscurité extraordinaire. Le bruissement, occasionné par la chute des grêlons qui se choquaient les uns les autres et frappaient fortement la terre à quelque distance du lieu où on les entendait, était véritablement effrayant et inspirait un sentiment de peine et de terreur involontaire. L’obscurité, due à la couleur noire de la nuée et à son peu d’élévation au-dessus de la terre, était telle qu’on ne pouvait ni lire ni écrire sans lumière dans les appartements, quoique le jour fût avancé. Elle a été sensible même dans les lieux éloignés de ceux où il a grêlé. Cette obscurité pouvait se comparer à celle d’une éclipse centrale de soleil. On assure que des bêtes à cornes et des bêtes à laines ont été victimes. Les lièvres, les lapins, les perdrix, les faisans, les pigeons et autres oiseaux, surpris par l’orage, ont été tués ou estropiés. Des églises, des maisons, des granges, des hangars ont été renversés ou découverts ; un moulin a été porté à 30 pieds de son assiette. La commission d’enquête a évalué la perte totale à la somme de 24 962 093 livres tournois, supportée par 1039 paroisses. »
Reste que le terrible orage aura des conséquences que personne n'imagine alors : les mauvaises récoltes (dues également à la sécheresse du printemps 1788) font s'envoler le prix du pain. La disette qui en suivi pourrait être l'un des déclencheurs de la Révolution Française en juillet 1789. Le terrible hiver qui suit fait grimper celui du bois, et achève d'exaspérer le peuple qui gronde… Un orage peut en cacher un autre.
https://www.france-pittoresque.com/spip.php?article5998
https://www.leparisien.fr/politique/le-13-juillet-1788-un-orage-de-fin-du-monde-03-06-2018-7750419.php
Le 13 juillet 1788, un orage de fin du monde
Traversant la France pour ainsi dire de bout en bout, cet orage fut le plus désastreux qu’on eût vu en France depuis plusieurs siècles et ravagea le pays sur une bande d’une vingtaine de kilomètres de largeur, pulvérisant les récoltes, ébranchant les arbres, brisant les tuiles des maisons, tuant les animaux et les hommes qui se trouvaient dans les champs
Si l’on ne peut imputer les désordres de la Révolution aux vicissitudes atmosphériques, les caprices climatiques furent cependant en partie responsables des hausses de prix constatées en 1788-1789.
Au printemps 1788, soit au début de la phase de croissance des plantes, le déficit pluviométrique atteint 40 % dans le nord de la France, 40 à 60 % dans l’Ouest et le Sud-Ouest, plus de 80 % dans le Sud et le Sud-Est (avril-mai). Il est aggravé par des températures élevées. Cette sécheresse a pour conséquences de mauvaises récoles. Les prix enflent dès août 1788. La hausse du froment atteindra 127 % en 1789, 136 % pour le seigle puis 150 à 165 % pour la première quinzaine de juillet 1789. Dans le budget populaire, la part du prix du pain atteint 88 % en 1789.
Et puis, aux vicissitudes de 1788 vient s’ajouter l’hiver rigoureux de 1788-1789 : 86 jours de gelée à Paris, -21,8°C le 31 décembre 1788 à Paris, -30°C en Alsace, -20°C à -25°C dans le Nord, le Nord Est et le Centre. Le prix du bois à brûler augmente de 91 % !
« Pendant la matinée du 13, le ciel se couvrit de plus en plus. Vers les huit heures, un vent violent s’éleva, les nuages s’accumulèrent, et amenèrent une grande obscurité. Vers les neuf heures, l’orage se déclara : le vent au sud-ouest ; un tonnerre roulant se fit entendre avec force ; et pendant huit minutes environ il ne mit presque pas d’intervalle entre les coups. La chaleur, avant l’orage, était très incommode, très étouffante sur tout dans les rues ; elle enveloppait, et semblait sortir d’un brasier. La nuée se déclara par une forte grêle qui ne fut pas générale dans Paris ; il n ’en tomba que des grains fort ordinaires, noyés dans une averse abondante de pluie qui dura depuis huit heures et demie jusqu’à neuf heures et demie, seulement au centre et au midi de Paris ; mais au faubourg Saint-Antoine la grêle fut forte, cassa des vitres et détruisit les légumes.
La peinture de Philippe-Jacques de Loutherbourg montre la violence des orages de 1788.
Bridgeman Images/RDA
« Cet orage fut terrible par ses effets dans différentes provinces de France, où, en moins d’un quart d’heure, il ôta tout espoir de récolte. Tous les pays affectés de cet orage n’offraient plus que le spectacle de pays totalement ruinés et détruits par la grêle. Tout fut enterré, haché, abîmé, déraciné ; les toits découverts, les vitres brisées, les vaches et les moutons tués ou blessés ; le gibier, la volaille périrent. Plusieurs habitants, hommes et femmes reçurent de dangereuses contusions. Le comte de Merci, ambassadeur de l’Empire, eut sept cents carreaux de vitres cassés à son château de sa terre de Chenevière, à quatre lieues de Versailles.
« Cet orage se passa sous les yeux du roi et de Monsieur qui étaient à Rambouillet. Sa Majesté connaissant toute la perte que faisaient les Français dans les différentes provinces par où l’orage destructeur avait passé, fit rendre un arrêt en son conseil d’État, daté du 26 juillet, pour une création d’une loterie de douze millions en faveur des provinces dévastées et ravagées par cette grêle. Cet orage, avant d’arriver à Paris, avait ruiné le Poitou, la Touraine, la Beauce, le pays Chartrain, avait continué sa route à travers l’Ile-de-France, la Picardie et la Flandre. » l'’astronome Charles Messier (1730-1817), de l’Académie des sciences, a résumé ainsi l’essentiel. Il ajoute que la mémoire de cette grêle se perpétuera longtemps « dans les provinces qu’elle a dévastées, ruinées et ravagées ».
Charles Messier, astronome français, à l'âge de 40 ans.
Un globe céleste montrant un cygne parmi les étoiles.
Dans la capitale, Charles-Joseph Messier, ramasse des grêlons pesant « plus de 5 quarterons » (environ 600 grammes). Ses observations rejoignent celles de Tessier qui les juge « gros comme le poing » : « ils étaient lancés avec une telle force qu'ils rebondissaient comme une balle de paume », explique le médecin dans le rapport qu'il rend à la société royale de Médecine le 28 juillet.
Selon le rapport, « les moments qui précédèrent l’orage furent remarquables par plusieurs phénomènes, surtout par un bruissement considérable et par une obscurité extraordinaire. Le bruissement, occasionné par la chute des grêlons qui se choquaient les uns les autres et frappaient fortement la terre à quelque distance du lieu où on les entendait, était véritablement effrayant et inspirait un sentiment de peine et de terreur involontaire. L’obscurité, due à la couleur noire de la nuée et à son peu d’élévation au-dessus de la terre, était telle qu’on ne pouvait ni lire ni écrire sans lumière dans les appartements, quoique le jour fût avancé. Elle a été sensible même dans les lieux éloignés de ceux où il a grêlé. Cette obscurité pouvait se comparer à celle d’une éclipse centrale de soleil. On assure que des bêtes à cornes et des bêtes à laines ont été victimes. Les lièvres, les lapins, les perdrix, les faisans, les pigeons et autres oiseaux, surpris par l’orage, ont été tués ou estropiés. Des églises, des maisons, des granges, des hangars ont été renversés ou découverts ; un moulin a été porté à 30 pieds de son assiette. La commission d’enquête a évalué la perte totale à la somme de 24 962 093 livres tournois, supportée par 1039 paroisses. »
Reste que le terrible orage aura des conséquences que personne n'imagine alors : les mauvaises récoltes (dues également à la sécheresse du printemps 1788) font s'envoler le prix du pain. La disette qui en suivi pourrait être l'un des déclencheurs de la Révolution Française en juillet 1789. Le terrible hiver qui suit fait grimper celui du bois, et achève d'exaspérer le peuple qui gronde… Un orage peut en cacher un autre.
https://www.france-pittoresque.com/spip.php?article5998
https://www.leparisien.fr/politique/le-13-juillet-1788-un-orage-de-fin-du-monde-03-06-2018-7750419.php
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... demain est un autre jour .
Mme de Sabran- Messages : 55497
Date d'inscription : 21/12/2013
Localisation : l'Ouest sauvage
Re: Le 13 juillet 1788, un orage de fin du monde
Ah oui, tout de même...Mme de Sabran a écrit: Les prix enflent dès août 1788. La hausse du froment atteindra 127 % en 1789, 136 % pour le seigle puis 150 à 165 % pour la première quinzaine de juillet 1789. Dans le budget populaire, la part du prix du pain atteint 88 % en 1789.
Mme de Sabran a écrit:
Et puis, aux vicissitudes de 1788 vient s’ajouter l’hiver rigoureux de 1788-1789 : 86 jours de gelée à Paris, -21,8°C le 31 décembre 1788 à Paris, -30°C en Alsace, -20°C à -25°C dans le Nord, le Nord Est et le Centre. Le prix du bois à brûler augmente de 91 % !
Je postais tout récemment cette version inédite du tableau commandé par Louis XVIII lors de la Restauration :
Louis XVI distribuant des secours aux pauvres pendant le rigoureux hiver de 1788
Louis Hersent (1777-1860)
Sur sa toile d'origine. 39 x 50 cm
Monogrammé en bas au centre L.H.
Image : Oger Blanchet
Provenance : Collection Jean Casimir-Perier, Président de la République [/quote]
Voir la version plus connue ici : Portraits de Louis XVI par Louis Hersent
La nuit, la neige- Messages : 18132
Date d'inscription : 21/12/2013
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