Pierre le Grand (1682-1725)

"l'Europe entière, éduquée et distinguée, se targuait de parler français."
Celle  des cours et des salons, certes.... mais il y en avait une autre : celle du commerce, des armateurs, des banques, des assurances pour les bateaux et leurs cargaisons, le recrutement et le ravitaillement des équipages et toute une foule de domaines et d'activités auxquels nous ne pensons même pas. Nous ne savons plus que la "lingua franca" propre à l'ensemble des mers du Nord (mer du Nord, Baltique,  Norvège, golfe de Bothnie  et jusqu'au fin fond du golfe de Finlande (Saint-Pétersbourg),c'était le néerlandais.... et que par exemple, tant au 17e qu'au 18e siècles, on y représentait entre autres des pièces de Molière, de Racine et d'autres auteurs français.... en néerlandais! A peine croyable.

Incroyable ! Merci pour ces informations Le Cré !!!

Lecréateur a écrit:
tant au 17e qu'au 18e siècles, on y représentait entre autres des pièces de Molière, de Racine et d'autres auteurs français.... en néerlandais! A peine croyable.

Molière et Racine en néerlandais ?!! C'est dingue !!! J'en tombe sur les fesses de saisissement !!!

Incroyable…. et même merveilleux ?! Encore à propos du néerlandais, langue commune des mers du Nord. Il y avait donc des troupes théâtrales faisant ce que nous pourrions dire, du «cabotage culturel» le long des côtes de ce qu’il serait possible d’appeler le grand espace maritime batave du Nord. Ces troupes étaient probablement internationales (mais je n’en sais rien! je ne suis ni ne veux être un romancier d’occasion, mais le  sujet est passionnant, j’aimerais m’y plonger….) et ce qui permettait à tous ces publics des différents ports de comprendre — ou au moins d’ «entendre» au théâtre ce qu’ils y entendaient — était justement l’accès à cette langue devenue peu à peu, avec le temps(des siècles !), commune (ou presque commune), du fait des relations commerciales (et non politiques, invasions etc) :le néerlandais. Certes il y eut aussi des guerres dans l’Europe du Nord, mais les Provinces unies (= bref : la Hollande) n’y firent jamais figure d’envahisseurs ni de conquérants...et leur langue le fit encore moins: voilà le point important. Quoi de commun au départ entre le finnois, l’allemand, le danois, le letton, le lithuanien, le frison, le polonais, l’esthe, le livonien etc etc…. etc et même le néerlandais, sans parler du russe  qui petit à petit pointait presque partout  sur les rives orientales de la Baltique ?! Pratiquement rien, et même rien du tout …. sinon l’habitude, s’étant établie lentement depuis quelques siècles, de voir des navires néerlandais toucher terre dans leurs ports respectifs avec des marchandises toujours bienvenues… et des troupes théatrales ?!!!!!!! Comme on aimerait avoir accès, ne serait-ce que pendant quelques minutes, à des enregistrements d’échanges humains d’alors dans ces ports, ces tavernes, ces théâtres ! Avec de temps à autre des éclairs… en français ? ! A parler franchement, il semble que nous («nous» signifiant : la recherche historique, et rien d’autre) n’en savons rien.
Ce cabotage n’était tout simplement qu’un reste, ou une reviviscence de la Hanse  (ou plutôt) des diverses hanses reliant Bruges à Novgorod (encore plus loin que Saint-Pétersbourg vers l’est) ! Ces liens unissait «depuis toujours» (ceci dit quand on n’arrive plus à trouver des pistes historiques… tant elles sont anciennes !) tous ces rivages Les historiens nous assurent que ce sont les traités de Westphalie (1648) qui ont signifié le début de la fin de la Hanse et consacré l’émergence des Etats-nations…. La belle affaire…. en somme :l’horreur… mais chuuuttt : ceci n’était qu’un avis personnel ! Il reste que même après les victoires successives de ces Etats-nations (les uns contre les autres !), il restait encore, en plein XIX e siècle, un reliquat de cette époque (bénie !) où on échangeait davantage de marchandises que de coups de canons (je sais, je sombre carrément dans l’hagiographie pure !) : vers 1840 il y avait encore des caravanes (oui, de vrais convois de lourds chars de transport hippomobiles…. pacifiques et non militaires, oui oui !) qui, les uns partant de Belgique, les autres de Hollande (= Provinces Unies etc!), s’étant rassemblés sur les confins de ces deux pays, prenaient tout à l’aise la route du Nord… le but étant : Saint-Petersbourg….ou même plus loin ! Et cela en longeant les côtes néerlandaises, allemandes etc etc etc, doublant ainsi les anciennes routes maritimes d’autrefois et échappant le plus possible aux contrôles des Etats riverains, toujours de plus en plus tatillons….et ils y arrivaient ! Cela est tout autant dingue et incroyable, n’est-il pas ?!

Je me souviens que l'on entend parler de la Hanse à tout bout de champ quand on voyage en Norvège.   Les souvenirs et vestiges de son organisation, ancienne mais encore  très prégnante,  sont partout à travers le pays.  Le hareng est roi ( ou du moins son commerce ).   La Hanse fait en quelque sorte oeuvre pacificatrice car hors la paix point de commerce.  Elle s'avère un acteur politique à part entière en Europe du Nord, souligne WIKI :

Elle signe des traités avec des États et des organisations importantes comme celle des Chevaliers Teutoniques.

L'association emporte diverses victoires militaires significatives qui lui permettent de commercer grâce aux cogues avec l'Angleterre, productrice de laine, la Russie, productrice de fourrure, la Pologne et la Prusse, exportateurs de céréales, la Scandinavie, exportatrice de hareng en caque, la Gascogne, productrice de vin, et les producteurs de textiles de Flandre.

En plus d'imposer une présence sur le territoire du Danemark et de donner à la Ligue un quasi-monopole sur le commerce entre la Baltique et la mer du Nord, négociant entre autres le libre passage du détroit de l'Øresund (entre Copenhague et Malmö)11, le traité de Stralsund accordé en 1370 par le roi du Danemark accorde également à la Hanse un droit de veto sur la succession au trône du Danemark.
( N'est-ce pas dingue aussi ?!!     )

Lecréateur a écrit: Ces liens unissaient «depuis toujours» (ceci dit quand on n’arrive plus à trouver des pistes historiques… tant elles sont anciennes !) tous ces rivages Les historiens nous assurent que ce sont les traités de Westphalie (1648) qui ont signifié le début de la fin de la Hanse et consacré l’émergence des Etats-nations….

Les traités de Westphalie, oui, mais pas que.      Dans son ouvrage Les Étapes du capitalisme, Marcel Laffon-Montels parle d'un « déclin qui fut lié en partie à l'étrange disparition des bancs de harengs - La Hanse avait le monopole de ce commerce - qui émigrèrent de la Baltique vers la mer du Nord ».

https://fr.wikipedia.org/wiki/Hanse

La Hanse était avant la lettre une manière d'organisation internationale qui pouvait intervenir plus pacifiquement qu'on ne l'aurait fait d'habitude dans les conflits et les différents entre ses membres, c'était déjà assez positif.
Quant à cette étrange disparition de bancs de harengs, c'est l'occasion ou jamais de rappeler que vue de haut une vieille loi de la nature nous enseigne que le malheur des uns fait le bonheur des autres... et inversement !  Vers le début de  la fin de la deuxième guerre, la question du ravitaillement des populations devenait angoissante...Providentiellement et subitement des bancs entiers de harengs envahirent la mer du Nord au large du Nord et de la Belgique.... ce qui permit aux foules de se gaver entre autres d'oméga 3... Ouf !

...  

Pour revenir à Pierre le Grand, voyez-le s'escrimant à apprendre le métier de charpentier !




Voici ses outils ...



...   pieusement conservés dans la maison, que dis-je !   le modeste cabanon qu'il habite à Zaandam, la Tsaar Peterhuisje,  dans le quartier russe de la commune néerlandaise,  petite maison d'ouvrier construite en 1632 avec du vieux bois de bateau et l'une des plus anciennes maisons en bois des Pays-Bas.

la Tsaar Peterhuisje ne ressemble plus vraiment à cela ...



...   protégée qu'elle est maintenant, grâce à M. Bulsing, un aubergiste local, qui l'a bel et bien sauvée de la destruction vers la fin du XVIIIe siècle.



Les photos sont du rijksmonument  .  

Merci mille fois pour cette.... deuxième visite ! La première fois, c'était il y a sept ans je pense.... mais je n'avais pas emporté mon appareil photo ; maintenant, grâce à votre reportage, je retrouve et reconnaîs tout, sauf la grosse boîte à outils ! J'avais adoré la maison, les environs, ces paysages de faubourgs marins : magnifique... Quand j'ai vu New York, je me croyais à Zaandam....: magnifique.... et quand je pense à Zaandam, je me crois dans les mêmes paysages de faubourgs marins à New York: toujours aussi magnifique....!

Lecréateur a écrit:
Merci mille fois pour cette.... deuxième visite ! La première fois, c'était il y a sept ans je pense.... mais je n'avais pas emporté mon appareil photo

Entrons, voulez-vous ?


















https://commons.wikimedia.org/wiki/Category:Tsaar_Peterhuisje?uselang=fr#/media/File:Zaandam_-_Krimp_-_Czar_Peter_House_-_%D0%94%D0%BE%D0%BC%D0%B8%D0%BA_%D0%9F%D0%B5%D1%82%D1%80%D0%B0_I_-_View_Up_on_the_North-West_Corner_of_the_Wooden_House_1632_-_The_Support-Frame_dates_from_1890.jpg

https://fr.wikipedia.org/wiki/Maison_du_tsar_Pierre_le_Grand

C'est bien rudimentaire. Il y avait un peu du Joseph II dans Pierre le Grand.

Ce n'est pas faux ...

Le voici, à Zaandam avec sa deuxième épouse, Catherine :

Merci encore davantage pour cette version vraiment complète du pèlerinage ! Au passage je constate qu'un petit écriteau en russe dit en  moins de mots ce que son pendant néerlandais n'arrive pas à dire plus brièvement ! 
Spassibo...tchki....(le russe aime abuser des diminutifs... pour faire plus russe!)  Hartelijk dank ! Joseph méditait dans cabinet son énième projet de réforme administrative .... mais Pierre vivait au grand air du large tout proche, et tout en passant d'un chantier à l'autre, ses plans démesurés et presque effrayants pour le développement de la Russie prenaient de plus en plus forme. Cela peut nous sembler être  une simple tocade de jeune pilier de taverne, mais ce jeune était russe.... et le maître: les nuances introduites ainsi sont énormes ! Mais quand on commença à parler pour de bon de la "hollandisation" de la population russe, Pierre, malgré son naturel de fonceur et son audace invraisemblable, a dû commencer à y réfléchir de très très très près. Dès le départ, la preuve évidente est qu'il reste très peu d'archives de l'affaire en question car ses successeurs ont à coup sûr fait disparaître les documents trop compromettants à ce sujet : intervention directe et massive de l'"étranger" non seulement dans la société russe, mais  avant tout dans l'"âme" russe, dans son essence même, et même dans son existence - les  temps n'ont pas changé !- Depuis toujours ce sont des thèmes plus que centraux en Russie, sans oublier ce à quoi nous, ici, ne pensons jamais et qui est capital: "russitude" et "Eglise orthodoxe russe" sont des "concepts" rigoureusement équivalents. L'Eglise orthodoxe russe garantit la pleine "russitude" de la Russie.... et la Russie garantit l'orthodoxie entière de l'Eglise orthodoxe russe. Nous pourrions les interroger: "mais comment et que font-elles toutes deux pour offrir ces garanties ?!" Les réponses peuvent aller des larmes aux accès de... tout était et est toujours possible. L'histoire russe regorge de cas semblables : apparition soudaine d'imposteurs (de "vrais tsars" contre le vrai qui subitement devient lui-même un imposteur), tsars qui subitement disparaissent dans la nature et pour toujours (ainsi, parmi d'autres, Alexandre Ier ?!)... mais pas dans l'âme de leurs admirateurs. Un cas relativement récent : le grand-duc Michel, frère cadet de Nicolas II, est mort lui aussi assassiné par les bolchéviques.... mais en réalité,disent ceux qui croient toujours en sa survie plus tard, il est mort dans l'Oural dans les années 1970.
En deux mots : Pierre risquait très très très gros car il connaissait les suites presque inévitables du franchissement des "lignes rouges": exécution capitale, emprisonnement pour toujours,flétrissure éternelle etc. Heureusement pour lui il échappa à tout cela. 
Que voyait-il en levant les yeux de son établi zaandamois ? Sans doute non loin de là, Brooklyn (heu pardon: honneur aux ancêtres : Breukelen !) Un peu plus loin le merveilleux archipel frison? Un poil encore plus loin :entre deux ruades de sa scie admire-t-il vers l'ouest les couchants langoureux des pensives Zélandes d'Appolinaire ?! Ou décidément vers le grand est Iékaterinbourg et son "Eglise sur le sang versé en l'honneur de tous les Saints resplendissants dans la Sainte-Russie"  bâtie sur le terrain de  la maison où Nicolas II fut exécuté avec sa femme, ses enfants et plusieurs de ses serviteurs en 1918 ? Rien que ce lieu mérite à lui seul le voyage. Les pèlerinages s'y succèdent jour après jour. De loin on ne peut même imaginer cela. Il n'y a pas de mots.

Mme de Sabran a écrit:Pierre le Grand, Joseph Staline, Vladimir Poutine.

Ce 27 août 2024 je remarque dans un journal de la ville de Krasnoïarsk (Sibérie orientale) : Une statue de Lenine y a été remise à l'endroit d'où elle avait été ôtée il y a quelques années

Gouverneur Morris a écrit:Fervente francophile

Fervente francophone... si ! 
Fervente francophile...! no !

Bien vu merci LeCré

L'enthousiasme se glace, pour un mec qui n'assassine pas son fils de ses propres mains mais c'est tout comme.