Lettres de la duchesse de Polignac à M. de Calonne

A Londres aux archives nationales britanniques on trouve les papiers de l'ancien ministre des finances de Louis XVI, Charles Alexandre de Calonne, qui se réfugia en Angleterre après sa disgrâce et les poursuites de l'archevêque de Toulouse et de la coterie autrichienne de l'abbé de Vermond et du comte de Mercy.

Calonne était un grand ami du comte de Vaudreuil, et c'est par son entremise qu'il est également devenu ami du duc et de la duchesse de Polignac. Cette amitié – malgré la révolution, la distance, les efforts des proches de la reine de discréditer Calonne - dura toutes leurs vies.

Les archives de Calonne sont d'un intérêt énorme pour l'histoire de la contre-révolution, mais on y trouve aussi des lettres plus personnelles qui nous donnent beaucoup d'informations sur les membres de la famille de Polignac et de Vaudreuil, et leur rôle dans la contre-révolution. Le duc de Polignac était l'émissaire des princes à la cour de Vienne et Vaudreuil l'aidait dans ce travail. Ils étaient très bons amis, et Vaudreuil loua la diplomatie et le tact du duc, qui souffrait bien plus courtoisement les lenteurs et la sournoiserie du gouvernement autrichien qu'il ne le pouvait lui-même. Les messagers faisaient régulièrement le voyage pour Coblence avec dépêches, mémoires, opinions sur l'empereur et la politique autrichienne, et, bien sûr, des lettres amicales.

Il est bien intéressant de voir tous les partis contre-révolutionnaires parlant de la même voix quand il s'agissait du frère de Marie-Antoinette, l'empereur Léopold II – bien que ces partis soient brouillés entres eux, et que la méfiance règne entre les Tuileries et Coblence, et de Bruxelles à Vienne. Les Polignac, et Vaudreuil en particulier, enrageaient contre le baron de Breteuil, et on le blâmait hautement pour la mésentente entre Louis XVI, Marie-Antoinette et les princes. Mais je parlerai de la politique dans mon édition de la correspondance de Fersen et Marie-Antoinette. Ici je veux poster les lettres plus intimes.

Il y a deux lettres conservées à Kew de Mme de Polignac à Calonne, l'une du '1er mars', l'autre du 14 mars 1792. Les voici (dans les messages suivants), avec la transcription de chaque lettre.

Mme de Polignac à Calonne



Transcription

de Vienne le 1er mars [1792?]

Vous êtes véritablement trop bon de vous occuper de nous au milieu de vos grandes occupations. Je vous demande en grâce, aimable ami, de ne point vous tourmenter de ce qui nous regarde et d'être bien sûr que ma confiance en vous est entière, mais je vous remercie de votre tendre intérêt; croyez qu'il m'est bien doux à éprouver, et que mon cœur en est digne.

Ce vilain baron est cause que j'ai été une nuit sans dormir. Depuis trois ans, malgré tout ce qui m'est arrivé, je n'avais pas éprouvée encore d'insomnie; mais dieu merci, nous serons tous vengés, et toutes ses intrigues tourneront contre lui. Le duc vous fait tous les détails, ainsi je n'ai rien à ajouter, qu'à vous répéter mille et mille fois combien je vous aime.

Ma sœur vous aime tous les jours de plus en plus, ma fille aussi, enfin qui ne vous aime pas? Je ne connais que le baron.


Le baron est sans doute le baron de Breteuil.

Mme de Polignac à Calonne 17 mars 1792



Transcription


de Vienne le 14 mars 1792

Je suis, il est vrai, bien malheureuse d'avoir perdue la plus tendre et la plus aimée des mères. Sa bonne santé me faisait espérer de lui rendre encore longtemps les soins et la tendresse que je lui devais à tant de titres. Mon seul vœu après la révolution était de ne plus la quitter, toutes mes espérances sont détruites. Le bonheur n'est pas fait pour moi. J'éprouve une grande consolation dans l'intérêt de mes amis; croyez que celui que vous me marqué m'est bien sensible et recevez en parfait ami tous mes remerciements. Le duc de Polignac vous dit mille choses.

outremanche a écrit:
Le baron est sans doute le baron de Breteuil.

Oui, c'est bien le baron de Breteuil, et " ma soeur " est la belle-soeur de Yolande, la comtesse Diane .

Merci, ma chère Eve !!! :n,,;::::!!! :n,,;::::!!!:

De quelle mère parle-t-elle ? La sienne et celle du duc sont mortes depuis longtemps !

Lucius a écrit:De quelle mère parle-t-elle ? La sienne et celle du duc sont mortes depuis longtemps !

La comtesse d'Andlau, née de Polastron, vient de mourir au Portugal où elle avait suivi sa fille en exil, la comtesse Hardouin de Châlons .
Mme d'Andlau avait élevé Yolande, la fille de son frère, et Yolande la considérait et l'aimait comme sa propre mère ( morte quand l'enfant avait quatre ans ) .

Merci, ma chère Eve, pour ces lettres inédites.
C'est la première fois que je vois l'écriture de la duchesse de Polignac. Elle écrit en pattes de mouche, presque "à la Louis XVI".

Mme de Sabran a écrit:

Lucius a écrit:De quelle mère parle-t-elle ? La sienne et celle du duc sont mortes depuis longtemps !

La comtesse d'Andlau, née de Polastron, vient de mourir au Portugal où elle avait suivi sa fille en exil, la comtesse Hardouin de Châlons .
Mme d'Andlau avait élevé Yolande, la fille de son frère, et Yolande la considérait et l'aimait comme sa propre mère ( morte quand l'enfant avait quatre ans ) .

Merci de vos lumières.

Cosmo a écrit:
C'est la première fois que je vois l'écriture de la duchesse de Polignac.

N'est-ce pas que c'est émouvant ...

Merci , chère Eve
Quelle émotion de découvrir ces lignes...
Mais on n'a pas ici sa signature... On l'a dans un livre du Docteur Cabanès , Education de Princes :

Bien à vous.

Majesté a écrit:Merci , chère Eve
Quelle émotion de découvrir ces lignes...
Mais on n'a pas ici sa signature... On l'a dans un livre du Docteur Cabanès , Education de Princes :
[center]

Merci pour cette signature, Majesté.

C'est très rare de trouver une signature sur les lettres familiales, amicales et intimes au dix-huitième siècle. Un monogramme quelquefois, mais même les monogrammes sont rares. Il semble qu'on ne signait que les lettres officielles et les documents juridiques. L'amitié n'avait pas besoin de tant de formalité!

Je ne peux chère Eve que te remercier à mon tour...
On y lit la douceur d'une femme qui sait si bien parler des autres, qu'elle nous parle d'elle même.  boudoi30 boudoi30 boudoi30

Voici la signature de la duchesse sur l'acte de baptême de sa petite fille Aglaé de Gramont (le 17 janvier 1787 paroisse Notre Dame à Versailles):

Je n'arrive cependant pas à discerner si elle signe "duchesse de" en abrégé ou bien "Jule"

outremanche a écrit:

Majesté a écrit:Merci , chère Eve
Quelle émotion de découvrir ces lignes...
Mais on n'a pas ici sa signature... On l'a dans un livre du Docteur Cabanès , Education de Princes :
[center]

Merci pour cette signature, Majesté.

C'est très rare de trouver une signature sur les lettres familiales, amicales et intimes au dix-huitième siècle. Un monogramme quelquefois, mais même les monogrammes sont rares. Il semble qu'on ne signait que les lettres officielles et les documents juridiques. L'amitié n'avait pas besoin de tant de formalité!

Par contre il y en a plein les états civils !! (je le sais car j'en parcours beaucoup, c'est amusant de les trouver, ces petites lignes d'encre qui sont pour nous bien souvent les seuls contacts directs avec ce que nous laissent tel personnage historique, ou bien tel ancêtre bien plus modeste ....)

Lucius a écrit:Je n'arrive cependant pas à discerner si elle signe "duchesse de" en abrégé ou bien "Jule"

Je crois que c'est probablement 'Polastron dsse de Polignac'??

C'est normal de trouver les titres abrégés ainsi.

Je le pense aussi. Mais la proximité avec Jule m'a fait douter.

Lucius a écrit:Voici la signature de la duchesse sur l'acte de baptême de sa petite fille Aglaé de Gramont (le 17 janvier 1787 paroisse Notre Dame à Versailles):

Yolande Gabrielle Martine : tu vois comme je te le disais, ma chère Eve, le pourquoi de Martin .
En effet, dans les archives de Chatsworth que me communique Eve, les amis, Mme de Polignac est appelée tour à tour Po, Little Po, ou Martin .

Et, pour répondre à Lucius, je penche pour Polastron duchesse de Polignac.
Duchesse en abrégé.

.

Mme de Sabran a écrit:Yolande Gabrielle Martine : tu vois comme je te le disais, ma chère Eve, le pourquoi de Martin .
En effet, dans les archives de Chatsworth que me communique Eve, les amis, Mme de Polignac est appelée tour à tour Po, Little Po, ou Martin .

Et, pour répondre à Lucius, je penche pour Polastron duchesse de Polignac.
Duchesse en abrégé.

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Oui, j'ai bien compris le pourquoi de 'martin'. Tu as oublié qu'on l'appelait quelquefois aussi 'notre idole'!

outremanche a écrit:Tu as oublié qu'on l'appelait quelquefois aussi 'notre idole'!

Qui l'appelait donc ainsi?
Je n'en ai pas souvenir...

Bien à vous.

Majesté a écrit:

outremanche a écrit:Tu as oublié qu'on l'appelait quelquefois aussi 'notre idole'!

Qui l'appelait donc ainsi?
Je n'en ai pas souvenir...

Bien à vous.

C'est dans une ou deux des lettres que j'ai communiquées à Eléonore... inédites jusqu'à présent.

Bon ! ça me rassure quant à ma mémoire alors :
Et donc? qui appelle Yolande de Polignac de la sorte?

Bien à vous.

Majesté a écrit:Bon ! ça me rassure quant à ma mémoire alors :
Et donc? qui appelle Yolande de Polignac de la sorte?

C'est un mystère!!  

Il y a plusieurs lettres adressées à Georgiana par un correspondant du cercle de Polignac, très proche à toute la famille. C'est un homme qui se dit 'vieux' et 'taciturne' et qui ne danse pas, mais c'est un écrivain merveilleux. Dans le catalogue à Chatsworth ces lettres sont attribuées au duc de Polignac, mais elles ne sont pas de sa main, et le correspondant parle de lui dans ses lettres. Ce n'est pas non plus Vaudreuil, car lui aussi est mentionné dans une de ces lettres. Je laisse Eléonore mener l'enquête         pour identifier ce journaliste manqué, qui était un intime de Mme de Polignac et qui l'adorait.

Je suis certaine que tu aimerais beaucoup ses lettres; en les lisant, c'est comme si on était là avec tous les amis de la reine.

Ce n'est pas Jules non plus, puisqu'à un moment il parle du comte Jules .

outremanche a écrit:Je suis certaine que tu aimerais beaucoup ses lettres; en les lisant, c'est comme si on était là avec tous les amis de la reine.

J'en suis tout aussi certain... j'en goûte déjà toutes les informations boudoi30

Bien à vous.