Lettres du comte de Vaudreuil à Calonne

Archives nationales de Kew .

Ces lettres de Vaudreuil à Calonne nous sont communiquées par notre amie Eve .
Transcription très facile !  
Nous voici au début du mois de novembre 1793 .   àè-è\':




Je n'ai pas eu, mon cher ami, ni le moment ni la force d'écrire depuis quelques jours .   Douloureusement occupé des souffrances de mon amie, je n'ai pu la quitter que pour verser des larmes; et je revenais vers elle remplir mes yeux de nouveaux pleurs . Telle a été mon occupation de tous les moments . Hier, il y a eu un peu de relâche, mais ce matin les douleurs sont réveillées et le ventre est extrêmement tendu.   Les médecins ont beau m'assurer que les accidents sont nerveux, symptomatiques, les yeux de l'amitié sont toujours effrayés et de tristes pressentiments me tuent .
Je vous l'avouerais, à peine ai-je bien lu les dépêches de Hamm que nous a apportées Armand . Il a cependant fallu répondre et pour cela j'ai passé les nuits .
Notre cher prince m'a envoyé la lettre que vous lui avais écrite dans laquelle vous lui peignez si énergiquement votre indignation des petites intrigues subalternes instiguées par des intrigants plus relevés . Il me paraît partager votre juste sensibilité, et que justice vous sera rendue.  Il me mande de lui renvoyer votre lettre par le retour du courrier.
J'ai été étonné, cher ami, que vous missiez sur mon compte presque à moi seul le choix de Deville.  Je l'ai toujours cru honnête homme. Je l'ai éprouvé dans des temps critiques serviable et obligeant.  Comme agent de change, je lui savais de l'intelligence .  Je l'ai dit . J'ai dû le dire .  De plus, c'est le premier, le seul homme d'argent qui ait offert ses services .  Mais je n'étais pas du tout en état de juger s'il était capable de la place qui lui a été confiée .  Je suis de tous les hommes le plus ignorant en matières de finances et de comptabilité, et c'est le conseil tout entier qui a fait le choix de Deville pour la place de trésorier.  Je crois même que j'étais à Vienne quand cela a été décidé.   Au reste, dans cette funeste Révolution, combien on a découvert de scélérats et de fripons dont avant cette époque on aurait cru pouvoir répondre comme de soi-même.
Toutes les passions qui égarent et dégradent l'homme ont été réveillées. L'avidité, l'intrigue, la calomnie ont présidé à toutes les pensées, à toutes les actions.  Vous avez dans l'évêque d'Arras un ami chaud et un champion courageux, aussi l'a-t-on fait passer pour apoplexique, et, dans le fait, il n'a eu qu'un coup de sang qui n'a eu aucune mauvaise suite .    
Il y a peu de gens qui l'entourent qui soient menacés de coups de sang, car il faut pour cela en avoir dans les veines, et je ne vois d'ici que la pâleur des envieux.
L'évêque me mande de vous instruire de la position des choses.  Il y a pour cela deux impossibilités . La première est qu'on m'en rend un compte si embrouillé que je ne vois rien à travers ce nuage.    Je n'y aperçois que des illusions.   Secondement, comment causer par la poste ?  On espère, voilà tout ce que je peux vous dire .
Moi je meurs d'inquiétude et de chagrin, mais jusqu'au dernier moment je vous aimerai de toutes les facultés de mon âme.
Je vous quitte pour aller à mes soins douloureux.



Ce 8 novembre, 1793  ..............................  Mille tendresses à Mme de Calonne
............................................................... et à tous nos amis.

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Pour une meilleure compréhension de la partie politique de cette lettre, voici l'identification des personnes citées:
L'évêque d'Arras est Louis François Marc Hilaire de Conzié ( 1736-1804) qui est une figure marquante de la contre-révolution, proche du comte d'Artois et du prince de Condé; Gabriel Nicolas Deville-O'Keefe était le trésorier des Princes.

Amitiés Roi-cavalerie

Roi-cavalerie a écrit:
L'évêque d'Arras est Louis François Marc Hilaire de Conzié ( 1736-1804)

Merci, cher Roi-cavalerie !
Le voici :





En revanche, je n'ai pas trouvé de portrait de Deville .

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J'avoue être assez indifférente aux préoccupations politiques exprimées dans cette lettre, mais vibrer de tout mon coeur et compatir au désespoir de Vaudreuil qui voit insensiblement Yolande s'enfoncer dans un état comateux quand elle n'est pas la proie de très vives douleurs . Il ne lui reste plus que très peu de jours à vivre .
Vaudreuil en prend conscience et cela le tue aussi  .

Comte de Vaudreuil a écrit:

Au reste, dans cette funeste Révolution, combien on a découvert de scélérats et de fripons dont avant cette époque on aurait cru pouvoir répondre comme de soi-même.
Toutes les passions qui égarent et dégradent l'homme ont été réveillées. L'avidité, l'intrigue, la calomnie ont présidé à toutes les pensées, à toutes les actions.

Il m'est de plus en plus sympathique aussi ce Vaudreuil, même s'il avait des accès colériques et qu'il avait bien profité de l'ascension sociale de son amie sous l'Ancien Régime... c'est un homme de coeur

Comte d'Hézècques a écrit:
Il m'est de plus en plus sympathique aussi ce Vaudreuil, même s'il avait des accès colériques et qu'il avait bien profité de l'ascension sociale de son amie sous l'Ancien Régime... c'est un homme de coeur

Il détestait la violence et écrivait :

C'est l'opinion qui a commencé la Révolution, c'est l'opinion qui doit opérer la contre-révolution .



... la sagesse même .

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Archives nationales de Kew.

Vaudreuil à Calonne .

La date est la même que précédemment .
Est-ce un post-scriptum, ou bien Vaudreuil dans son désespoir confond-il les jours ?



Je vous envoie, mon cher ami, une lettre que mon laquais a trouvée à la poste, à votre adresse et qu'il a eu l'esprit de retirer.
Votre courrier est parti hier pour Hamm, et je crois qu'il régnait un grand désordre dans tout ce que j'ai écrit, parce que depuis les nouvelles atroces que nous n'avons pu cacher à notre chère malade, son état a fort empiré; les accidents se sont aggravés, et, hier surtout, elle a eu une convulsion de près d'une heure qui m'a absolument renversé .
Je suis moi-même dans un mauvais état de santé, et j'espère bien que j'y succomberai.
Par aucun côté je ne suis content et n'espère aucun amendement dans les mesures toujours mauvaises, toujours à contre temps, qu'on prend là-bas.
Celui qui conduit tout est un paperasseur, un minutieux entêté, et qui a encore la tête pleine de petits systèmes mal digérés.
Notre idole ( le comte d'Artois ) est toujours le même, plein de grâces, de loyauté et de faiblesse . Il éparpille sa confiance, et il en résulte de l'incertitude, et peu de secret, peu de sûreté .  Tout ce que je désire, c'est qu'il soit dans une véritable activité, parce qu'alors sa valeur, ses grâces et sa bonté produiront plus que dans un conseil tel que celui que vous connaissez.  J'y faisais de petits ordres et, hors ce que vous y apportiez, ce qui s'y faisait de mieux.
Bonjour, cher ami . Je retourne à mon poste aussi cher que douloureux .
Plaignez-moi, aimez-moi !

Mille tendresses à tous et à toutes .

Ce 8 novembre 1793




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Vaudreuil a écrit: les nouvelles atroces que nous n'avons pu lâcher à notre chère malade

En effet, la nouvelle de la mort de Marie-Antoinette avait été apportée à la petite colonie par Armand . Il dit à sa mère que la reine était morte de privations dans sa prison, n'osant pas lui avouer la vérité ignominieuse qu'elle avait été exécutée ...

Mme de Sabran a écrit:En effet, la nouvelle de la mort de Marie-Antoinette avait été apportée à la petite colonie par Armand . Il dit à sa mère que la reine était morte de privations dans sa prison, n'osant pas lui avouer la vérité ignominieuse qu'elle avait été exécutée ...

Mourir de faim cela revient à être morte comme Louis XVII ... je me demande si ce n'est pas pire... boudoi29
Je comprends les conséquences que la nouvelle a pu provoquer...

Bien à vous.

Certes, Majesté, mais les cheveux coupés, les mains liées derrière le dos, la charrette aux trente-six portières pour bien exhiber la suppliciée, tout au long du parcours de la Conciergerie à la place de la Révolution, trajet que l'on fait trainer interminablement à dessein, pour faire durer le plaisir, avec Grammont caracolant devant : " La voilà, l'infâme Antoinette, elle est foutue, mes amis ! " ... ce sont tous ces détails sordides et humiliants qu'Armand a tus à sa mère .

Certes, certes, certes...
Des humiliations qu'Elle a affrontées avec majesté, se montrant plus Reine que jamais dans ce dénuement insultant...
C'est par là qu'Elle est entrée dans Sa légende...

Bien à Elle boudoi30

Ces lettres sont bouleversantes. Combien Vaudreuil devait souffrir devant l'état désespéré de son aimée !

Majesté a écrit: humiliations qu'Elle a affrontées avec majesté, se montrant plus Reine que jamais  

Oui, à ce point que Hébert a fulminé : La garce, au surplus, a été audacieuse et insolente jusqu'au bout !  :::!!!ùùù^^^^:

Reinette a écrit:


Ces lettres sont bouleversantes. Combien Vaudreuil devait souffrir devant l'état désespéré de son aimée !

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C'est bouleversant !!!

Je me permettrais néanmoins une légère réserve vis-à-vis de la destinataire... Elle devait être trop égoïste pour sentir la douleur de Vaudreuil.

Comme toi, Reinette, j'ai du mal avec Lady Foster...

Bien à vous.

Il est difficile après avoir lu la biographie de Georgiana de penser autrement.

Franchement, pour ce que je sais du triangle avec Georgiana et lord Devonshire, que Bess épouse ensuite ...

Mme de Sabran a écrit:

Franchement, pour ce que je sais du triangle avec Georgiana et lord Devonshire, que Bess épouse ensuite ...

S'il n'y avait que ça !
Elle a mis dans ses filets le cardinal de Bernis, lord Hamilton (la belle Emma aurait pu ne jamais devenir célèbre si Georginana et son mari n'avaient pas réclamé le retour de leur amie), le duc de Richmond qu'elle a longtemps cru épouser, espérant être enfin "l'égale" de Georgiana, un vieux cardinal secrétaire d'Etat du pape après son veuvage avec le duc de Devonshire... Pour les plus célèbres ! En ayant l'honneur de se refuser à Fersen qui lui apparemment n'aurait pas dit non.
Elle était véritablement une courtisane de haut vol, sans scrupules. Tout le monde le voyait, sauf Georgiana. Il faut voir ce qu'écrivent les enfants de cette dernière de leur (future) belle-mère ! Il semble également que madame de Polignac la recevait poliment pour plaire à Georgiana mais que cela finissait par la peser.

Qu'elle couche avec la Terre entière, à la limite ce n'est pas grave. Non, c'est sa personnalité entière qui vraiment devait être effroyable. Une femme douce, complaisante, très agréable... Mais a priori la reine des hypocrites et des ambitieuses.

Lettre très émouvante de Vaudreuil.

Comte d'Hézècques a écrit:
Il m'est de plus en plus sympathique aussi ce Vaudreuil, même s'il avait des accès colériques et qu'il avait bien profité de l'ascension sociale de son amie sous l'Ancien Régime... c'est un homme de coeur

Bien à vous.
Roi cavalerie

Vos messages fourmillent toujours de détails . :\\\\\\\\: C'est vrai que Vaudreuil avait une fâcheuse propension à se croire tout permis. C'est ce qui avait le don d'irriter Marie-Antoinette contre lui, et même peut-être à la longue contre Mme de Polignac si docile sous sa coupe.
Je fais souvent référence comme vous à l'excellente analyse de Léonce Pingaud dont on sent parfaitement évoluer la perception qu'il a du caractère péremptoire et pourtant raisonnable de Vaudreuil aux différentes périodes de la vie .

Dans l'affaire que vous rappelez, Vaudreuil se mesure au maréchal de Castries et le tanne au point de s'entendre dire :
" Mais vous oubliez, Monsieur, que vous parlez à un maréchal de France et à un ministre du Roi ! "

Vaudreuil :
" Je ne puis l'oublier, puisque c'est moi qui les ai faits : ce serait à vous à vous en souvenir !!! "

... ambiance, ambiance ...

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Pour illustrer nos propos, voici deux portraits de l"Enchanteur", le plus brillant des courtisans, comme on appelait parfois le comte de Vaudreuil. L'un est une terre cuite de Jean Baptiste Nini ( 1717-1786) datant de 1770 et l'autre une silhouette de Carmontel conservée à Chantilly.





Serviteur Roi-cavalerie

J'avais lu je ne sais où dans une bio de Marie-Antoinette que Vaudreuil était réputé pour sa laideur. Or il s'avère que ses portraits nous montrent au contraire un homme très beau et je ne crois pas avoir trouvé un témoignage de contemporains confirmant cette laideur. Au contraire, surtout si l'on se fie à madame Vigée-Lebrun.

Dans une bio, dis-tu? C'est ce que j'ai toujours lu (partout) à son propos...
Il semble qu'il ait attrapé la vérole qui lui a laissé des traces...
Tout ce qu'on découvre à propos de Vaudreuil ne prouve donc que davantage sa beauté d'âme

Bien à vous.